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Décisions

AMF, 17 juin 2004, n° SAN-2004-08

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

M. Ferri, M. Morin, M. Surzur

Président :

Mme Nocquet

AMF n° SAN-2004-08

16 juin 2004

La 2ème Section de la Commission des sanctions,

VU le Code monétaire et financier et notamment des articles L. 621-14 et L.621-15 ;

VU la loi n°2003-76 du 1er août 2003 de sécurité financière, notamment ses articles 47 et 49 III et IV ;

VU le décret n°2003-1109 du 21 novembre 2003 relatif à l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;

VU les règlements de la Commission des opérations de bourse (COB) n° 95-01 relatif à l’information à diffuser à l’occasion d’opérations réalisées sur le nouveau marché et n°98-07 relatif à l’obligation d’information du public ;

VU la notification des griefs à la société X du 15 janvier 2004 ;

VU la décision du Président de la Commission des sanctions du 5 février 2004 désignant M. Jacques

Bonnot, membre de la Commission des sanctions, en qualité de Rapporteur ;

VU les observations de la société X en date du 29 mars 2004 ;

VU la lettre de convocation du 29 avril 2004 à laquelle a été annexé le rapport signé du Rapporteur ;

VU les observations complémentaires de la société X en date du 25 mai 2004 ;

VU les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 17 juin 2004 :

- M. Jacques Bonnot en son rapport,

- M. Alexis Zajdenweber, Commissaire du Gouvernement,

- Me Muriel Goldberg-Darmon, conseil de la société X, en ses observations, représentant la société X selon mandat donné par M. A Président et « Chief Executive Officer » de la société en date du 12 juin 2004,

Me Muriel Goldberg-Darmon ayant pris la parole en dernier.

I – FAITS ET PROCEDURE

1) La société X est une société américaine, ayant son siège social dans l’Etat du Delaware et dont l’activité est axée sur la recherche et le développement de nouvelles molécules thérapeutiques ainsi que de produits de diagnostics. Depuis le mois de mai 1997, neuf millions d’actions composant son capital ont été admises à la négociation sur le Nouveau Marché de la bourse de Paris, pour un montant total de 41,4 millions de francs, soit 6,31 millions d’euros.

2) A l’occasion de la vérification des publications devant être réalisées en pareille hypothèse, les services de la COB ont constaté que la société X n’avait procédé ni à l’établissement, ni à l’enregistrement de documents de référence concernant les comptes et les activités de la société lors des exercices 2000 et 2001. Aussi a-t-il été décidé d’ouvrir une enquête sur l’information financière délivrée par cette société à compter du 31 décembre 1999.

3) Le 8 janvier 2004, la Commission spécialisée n°2 du collège de l’AMF a, en application de l’article 18 du décret n°2003-1109, décidé de notifier des griefs à la société X, sur le fondement du rapport établi par le service de l’Inspection de l’AMF.

Le 15 janvier 2004, la lettre de notification de griefs a été adressée à la société X qui l’a reçue le 2 février 2004. Le 29 janvier 2004, le président de l’AMF a informé le président de la Commission des sanctions de la notification des griefs intervenue et lui en a adressé copie.

Commission des sanctions

4) Le 5 février 2004, le président de la Commission des sanctions a désigné, en qualité de Rapporteur,

M. Jacques Bonnot qui, le 10 mars 2004, en a informé la société X, représentée par son président et

« chief executive officer » M. A, avisée de la faculté offerte à la personne mise en cause d’être entendue à sa demande.

5) Le 29 mars 2004, la société X a adressé des observations écrites rédigées par ses conseils, maîtres

Muriel Goldberg-Darmon et John Flanigan, du cabinet d’avocats Salans.

II – SUR LE FOND DES GRIEFS ALLEGUES

A – SUR LES ABSENCES DE DEPOT DE DOCUMENTS DE REFERENCE

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 3 du règlement n° 95-01 de la COB « relatif à l’information à diffuser à l’occasion d’opérations réalisées sur le Nouveau marché », dont l’AMF assure le respect en application de l’article 47 de la loi de Sécurité financière, que l’émetteur «doit établir chaque année dans les conditions prévues par l’instruction de la Commission un document de référence qui contient toutes les informations prévues pour l’établissement d’un prospectus (…). Le document de référence est déposé auprès de la Commission (…) » ;

Considérant que la société X, qui n’a déposé aucun document de référence au titre de ses exercices 2000 et 2001 ne conteste pas cette carence, se bornant à indiquer que, en raison des difficultés financières rencontrées, elle avait proposé, lors de la réunion organisée à la COB le 19 septembre 2002, d’établir un document de référence en anglais, accompagné d’un simple résumé en français, et sans tableau de réconciliation par rapport aux normes françaises ; qu’elle fait également valoir qu’au titre de son exercice 2002, elle s’est efforcée de déposer un projet de document de référence, conformément à la décision rendue le 12 novembre 2003 par le président du tribunal de grande instance de Paris ;

Considérant que le manquement est donc caractérisé pour les exercices 2000 et 2001 ;

B – SUR L’INEGALITE DE TRAITEMENT ENTRE ACTIONNAIRES LIEE A LA CONVOCATION A

L’ASSEMBLEE GENERALE DU 14 JUIN 2002

Considérant que l’article 9 du règlement n°95-01 de la COB impose notamment à un « émetteur étranger dont les valeurs mobilières sont admises à la cote du Nouveau Marché [de] prend[re] les dispositions nécessaires pour permettre aux porteurs d’exercer leurs droits. Les informations doivent être équivalentes à celles données sur les autres marchés où les titres sont négociés » ;

Considérant que si les actionnaires américains de la société X ont été informés de la réunion de l’assemblée générale des actionnaires fixée au 14 juin 2002 par la publication d’un document, le 29 avril 2002, dans la base Edgar de la SEC, tel n’a pas été le cas des actionnaires français, qui n’ont pas reçu la moindre information à ce propos ;

Considérant que la société X admet qu’aucun « communiqué en français n’a été publié », et indique qu’elle « a toujours, depuis son introduction sur le Nouveau marché, chargé une agence de communication […] de la traduction et de la diffusion en France de ses communiqués ; mais que la convocation de cette assemblée n’avait pas fait l’objet d’un communiqué aux Etats-Unis » ;

Considérant que ce manquement, qui n’est pas non plus contesté, est établi ;

C – SUR LE NON RESPECT PAR LA SOCIETE DE SES ENGAGEMENTS, PRIS DANS LE

PROSPECTUS D’INTRODUCTION, DE PUBLIER CERTAINES INFORMATIONS AU BALO

Considérant que si la société X, en tant que société américaine, n’était pas soumise aux dispositions du décret du 23 mars 1967 imposant certaines publications au Bulletin d’annonces légales obligatoires

(BALO), elle se devait, de manière plus générale, d’assurer le respect du règlement COB n° 98-07 imposant une information précise, exacte et sincère ; que, dans cette perspective, elle s’était engagée, dans l’article 1-8 du prospectus préliminaire visé au moment de son introduction en bourse, à :

- « publier dans les médias appropriés, y compris le BALO, dans les 4 mois de la clôture de l’exercice, les comptes et les rapports de la société (…),

- communiquer, par les voies appropriées, y compris le BALO, les informations relatives aux comptes semestriels dans les quatre mois suivant leur établissement (…),

- publier dans les médias appropriés, y compris le BALO, dans les 45 jours de la clôture de chaque trimestre, un rapport sur le chiffre d’affaires brut dudit trimestre » ;

Considérant que la société X n’a plus communiqué d’informations comptables et financières au BALO depuis le 28 mai 1999 ; qu’ainsi, sur la période considérée par l’enquête, n’a été publié au BALO :

- ni compte annuel pour les exercices 1999, 2000, 2001 et 2002 ;

- ni tableau d’activités et de résultats semestriels pour les exercices 2000, 2001 et 2002 ;

- ni chiffre d’affaires trimestriel pour les exercices 1999 (4ème trimestre), 2000, 2001, 2002 et 2003

(1er et 2ème trimestres) ;

Considérant que la société X admet n’avoir pas respecté ses engagements, « compte tenu des difficultés financières et économiques rencontrées » ;

Considérant qu’est donc caractérisé à l’égard de cette société le manquement à ses engagements de délivrer l’information précise, exacte et sincère prescrite par l’article 2 du règlement COB n° 98-07 ;

D – SUR L’ABSENCE DE PUBLICATION EN FRANCE ET EN FRANÇAIS DE CINQ COMMUNIQUES

PUBLIES EN LANGUE ANGLAISE

Considérant que l’article 7 du règlement n°98-07 de la COB « relatif à l’obligation d’information du public » pose un principe d’équivalence en énonçant que « tout émetteur doit assurer en France de manière simultanée une information identique à celle qu’il donne à l’étranger dans le respect des dispositions de l’article 2 » ;

Considérant que cinq communiqués de presse publiés en langue anglaise respectivement les 27 octobre 2000, 16 novembre 2000, 20 novembre 2000, 24 avril 2001 et 3 mars 2003 ont annoncé au public des nominations à des postes de direction, le lancement de nouveaux produits et les résultats financiers du

3ème trimestre 2000 ;

Considérant que si, pour la société X, « les informations susceptibles d’avoir un impact sur le cours de bourse de son action, diffusées aux Etats-Unis par voie de communiqués de presse, étaient rendues publiques auprès des investisseurs français par diffusion en France de communiqués de presse en français par son agence de communication », il demeure qu’aucun de ces communiqués n’a été publié sur le territoire national en langue française ;

Considérant que le manquement est donc caractérisé à l’égard de la société, qui se devait de veiller à ce que l’information diffusée le fût de manière équivalente en France ;

E – SUR L’ABSENCE DE TRANSMISSION DES COMMUNIQUES DE PRESSE A LA COB

Considérant que l’article 8 du règlement n°98-07 de la COB dispose que « toute information visée aux articles 4 à 7 doit être portée à la connaissance du public sous la forme d’un communiqué dont l’auteur s’assure de la diffusion effective et intégrale et que la Commission des opérations de bourse doit recevoir au plus tard au moment de sa publication » ;

Considérant que la société X n’a jamais transmis à la COB les communiqués de presse en français qu’elle a publiés concernant notamment son chiffre d’affaires trimestriel et ses résultats ;

Considérant que la société X fait valoir que : « comme indiqué précédemment, [elle] a toujours, depuis son introduction en bourse, chargé une société de communication de la traduction et de la diffusion des communiqués en France. La société X ne s’était pas rendu compte que les communiqués n’étaient pas transmis à la COB » ;

Considérant que ce manquement est établi à l’encontre de la société, qui n’a pas veillé comme elle le devait au respect du règlement susvisé ;

III – SUR LA SANCTION

Sur l’imputabilité

Considérant que les manquements commis sont imputables à la société X, les dispositions ci-dessus rappelées des règlements de la COB n°95-01 et n°98-07 visant expressément l’émetteur des titres et l’« auteur » des communiqués ;

Sur la gravité des manquements

Considérant que compte tenu de la dégradation sensible de la situation financière de la société à partir de l’exercice 1999, ces manquements ont porté une atteinte grave à l’information du marché et du public français, même si, comme le souligne la société X, le volume de transactions sur son titre a toujours été relativement limité puisqu’en 2000, 5 082 titres étaient négociés en moyenne par séance de bourse, soit un volume d’échange journalier de l’ordre de 16 000 euros ;

Sur le montant de la sanction

Considérant que, dans sa lettre du 12 juin 2004 et lors de la séance, la société a confirmé que l’état de sa trésorerie s’était amélioré à la suite d’une récente prise de participation assortie d’un prêt qui lui a été accordé à hauteur de 1,2 million de dollars ; qu’elle a par ailleurs justifié avoir pris les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec la réglementation française ;

Considérant que, pour tenir compte, tout à la fois, de la gravité des manquements, des efforts déployés pour y mettre fin et des perspectives de redressement de la société qu’il convient de préserver, sera infligée à la société X une sanction de 50 000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

et après en avoir délibéré, sous la présidence de Mme Claude Nocquet par MM. Alain Ferri, Jean- Pierre Morin et Jean-Jacques Surzur, membres de la 2ème Section de la Commission des sanctions, et en présence du secrétaire de séance ;

DECIDE DE :

- prononcer à l’égard de la société X une sanction pécuniaire de 50 000 euros à verser au Trésor

Public ;

- publier la présente décision au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site

Internet et dans la Revue mensuelle de l’Autorité des marchés financiers.