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Décisions

Cass. crim., 24 février 2010, n° 08-87.914

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Avocats :

Me Foussard, SCP Defrenois et Levis

Aix-en-Provence, du 29 oct. 2008

29 octobre 2008

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 1° et 1750 du code général des impôts et 593 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure soulevée par Philippe X..., prise de ce que l'infraction d'omission de passer ou de faire passer les écritures dans les documents tenant lieu de livres obligatoires, prévue par l'article 1743-1 du code général des impôts, serait couverte par la prescription ;

"aux motifs que pour le délit d'omission de passation d'écriture prévu par l'article 1743-1 du code général des impôts, la plainte peut être déposée et la poursuite engagée jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise, et ce au vu des dispositions de l'article L. 230 des procédures fiscales confirmées par une jurisprudence constante ; que l'exception de nullité doit être rejetée de ce chef ;

"alors que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier le dispositif ; que l'insuffisance ou la contradiction dans les motifs équivaut à leur absence ; que le prévenu, Philippe X..., faisait valoir dans ses conclusions qu'il résultait de la prévention que l'infraction d'omission de passer ou de faire passer les écritures dans les documents tenant lieu de livres obligatoires était reprochée au prévenu pour l'année 2000 et que, dès lors que les mouvements affectant ces documents doivent être enregistrés de façon journalière, la date de commission de l'infraction d'omission de passation d'écritures dans ces livres obligatoires se situait l'année où ces écritures auraient dû être passées, à savoir en l'espèce en 2000 et que, par conséquent, le délit d'omission de passer ou de faire passer les écritures dans les documents tenant lieu de livres obligatoires en 2000 se trouvait prescrit le 26 octobre 2004, date du dépôt de la plainte auprès du parquet ; que, pour écarter les conclusions du prévenu, et déclarer la procédure régulière, la cour d'appel s'est contentée d'énoncer que le délit se prescrit par trois ans ; qu'en prononçant ainsi, sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 26 octobre 2004, l'administration des impôts a porté plainte contre Philippe X..., notamment, pour avoir omis de passer des écritures en comptabilité en 2001 ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu qui soutenait que cette infraction était prescrite, plus de trois ans s'étant écoulés entre les écritures en cause qui auraient dû être passées au cours de l'année 2000 et la plainte, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que cette infraction n'est caractérisée qu'à la date à laquelle les comptes annuels doivent être transcrits sur le livre d'inventaire, après la clôture de l'exercice, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales ;

D'ou il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 1°, 1750 du code général des impôts, L. 228 et R. 228-2 du livre des procédures fiscales et 593 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure soulevée par Philippe X..., pris de ce que la procédure prévue par l'article L. 228 du livre des procédures fiscales concernant la saisine de la commission des infractions fiscales n'avait pas été respecté ;

"aux motifs que concernant l'envoi au contribuable par la commission des infractions fiscales, et non par l'administration des impôts, d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la dernière adresse connue, la réception de cette lettre ne dépendant pas de cette commission, que la lettre d'avis en question a bien été envoyée par la CIF et qu'en l'absence de preuve contraire, les mentions portées sur l'avis rendu par la CIF, signé de son président, suffisent à établir la régularité de la procédure suivie devant cet organisme, que tel est le cas pour la procédure suivie contre Philippe X... au regard de l'avis de la CIF qui comporte la mention de l'envoi de la lettre recommandée le 10 juin 2004 (côte C. 4) ; qu'en conséquence, il convient de rejeter également ce moyen de nullité ;

"alors que le juge répressif doit veiller en toute circonstance, au respect des droits de la défense et doit notamment s'assurer que ceux-ci n'ont pas été méconnu au cours de la procédure, fût-elle administrative, préalable à la mise en mouvement de l'action publique ; qu'en l'espèce, le prévenu faisait valoir qu'il n'avait pas été informé par lettre recommandée avec accusé de réception de la saisine de la commission des infractions fiscales et de l'essentiel des griefs qui avaient motivé sa saisine, ce qui constituait une violation des droits de la défense ; qu'en refusant d'exercer le contrôle qui lui appartient et en se bornant à viser les mentions portées sur l'avis de la commission des infractions fiscales pour en déduire la régularité de la procédure, la cour d'appel a méconnu son office et a violé les textes précités ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité soulevée par le prévenu, qui soutenait qu'il n'avait pas été informé régulièrement de la saisine de la commission des infractions fiscales, l'arrêt retient que l'avis de saisine de cette commission a été envoyé à la dernière adresse de ce contribuable, connue de l'administration ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte qu'ont été respectées les prescriptions de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 209, 1741, 1743, alinéa 1, 1750 du code général des impôts, 593 du code de procédure pénale, 2.3, 2.7 et 4 de la Convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970, défaut de motifs et manque de base légale, excès de pouvoirs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement qui a déclaré Philippe X... coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à un an d'emprisonnement pour l'infraction de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt par omission de déclaration et pour l'infraction d'omission d'écriture dans un document comptable, a décerné à l'encontre de Philippe X... un mandat d'arrêt et, sur l'action civile, a condamné Philippe X..., solidairement avec la société Smart DFN, au paiement des impôts fraudés et au paiement des pénalités fiscales afférentes en vertu de l'article 1749 du code général des impôts ;

"aux motifs propres que Philippe X... a créé le 13 octobre 1998 la société anonyme de droit luxembourgeois Smart Drinks Foods and Nutrients (Smart DFN), qui a démarré son activité le même jour, et que Philippe X... possède 95% des actifs de la société ; que la société a un établissement stable à Juan-les-Pins (France) ; que la société a une clientèle composée à 95% de clients français et que Philippe X..., au vu des éléments du dossier, a effectué d'une manière répétée des transactions pour le compte de Smart DFN à Juan-les-Pins, en particulier par fax, dont copies sont versées au dossier ; qu'à supposer que la société Smart DFN ait eu des activités au Luxembourg, il n'en demeure pas moins que le centre principal de son activité commerciale se situait à Juan-les-Pins grâce au soutien logistique de la SARL Smart City dont il avait été précédemment le gérant et dont le gérant, à l'époque des faits, était son père Gilbert X... ; qu'au surplus, la SA Smart DFN a acquis le 22 décembre 1999, la totalité des actions de la société de droits français SARL Smart City ; qu'ainsi, et au regard de l'article 209-1 du code général des impôts, les bénéfices imposables de la SARL Smart DFN devaient être déclarés en France, la société en question y exerçant une activité habituelle, en l'occurrence à Juan-les-Pins ; qu'en outre les revenus de la SARL Smart DFN, au regard de la Convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970, n'étaient imposable que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable ; qu'en l'occurrence, même si le siège social de la société était au Luxembourg, ses activités principales avaient lieu en France (95% de la clientèle était française) et que de nombreux actes de gestion étaient effectués à Juan-les-Pins (voir annexes 2 à 18 de la cote 9 comprenant des fax et correspondances Smart DFN envoyés de Juan-les-Pins) ; qu'il ressort de la vérification effectuée par l'administration des impôts que, selon les informations recueillies auprès des autorités compétentes du Luxembourg, non contredites par Philippe X..., et recueillies le 25 juillet 2001, ce dernier était inconnu des services fiscaux de ce pays ; que la société ne s'est pas acquittée d'aucun impôt en France où elle jouissait d'un établissement stable, que la volonté de Philippe X... de soustraire la société qu'il dirigeait au paiement de l'impôt sur les sociétés se déduit clairement des circonstances factuelles soumises à l'appréciation de la cour et énumérées ci-dessus ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité du prévenu ;

"aux motifs adoptés que le prévenu qui nie les faits, ne justifie pas avoir réglé des contributions fiscales auprès de l'Etat de Luxembourg ; que le prévenu indique que la société Smart City est une filiale de la société Smart DFM ; que la société Smart City apparaît contrairement à ses allégations, comme étant le principal établissement de la société Smart DFM ; qu'en l'espèce, il convient de relever que la société Smart DFM a été créée postérieurement à la société Smart City ; qu'il y a lieu de constater que la quasi-totalité des clients de la société incriminée sont français ; que l'ensemble des courriers, l'entête et les télécopies, sont adressés à la société Smart City ; qu'enfin, il y a lieu d'observer que le prévenu vivait plus de deux cent soixante jours par an sur le territoire français ; qu'en conséquence, la société Smart City, située à Juan-les-Pins (06), apparaît être le principal établissement de la société Smart DFM ; qu'en conséquence, les infractions reprochées sont établies ;

1°) "alors qu'aux termes de l'article 4 de la Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'État sur le territoire duquel se trouve un établissement stable ; que l'existence d'un établissement stable en France au sens de la Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 exige la constatation en France d'une installation fixe d'affaire où la société étrangère exerce tout ou partie de son activité, afin de rendre cette société étrangère passible de l'impôt sur les sociétés en France ; que sur ces points essentiels de la définition de l'établissement stable, la cour d'appel n'a procédé à aucune constatation, se bornant à adopter, sans vérification, les constatations du redressement fiscal ; que ce faisant elle n'a pas légalement justifié sa décision ;

2°) "alors qu'en raison du principe de l'indépendance des procédures pénales et fiscales et de la compétence exclusive du juge de l'impôt, le juge pénal ne peut sans excéder ses pouvoirs se prononcer sur la question de l'assujettissement à l'impôt d'une société ; que la cour d'appel, en se prononçant sur la question de la qualification juridique d'établissement stable au sens des conventions fiscales internationales relatives à la territorialité de l'impôt sur les sociétés dû en France, alors que le tribunal administratif était saisi par ailleurs, a excédé ses pouvoirs" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 1°, 1750 du code général des impôts, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement qui a déclaré Philippe X... coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à un an d'emprisonnement pour l'infraction de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt par omission de déclaration et pour l'infraction d'omission d'écriture dans un document comptable, a décerné à l'encontre de Philippe X... un mandat d'arrêt et sur l'action civile, a condamné Philippe X... solidairement avec la société Smart DFM au paiement des impôts fraudés et au paiement des pénalités fiscales afférentes en vertu de l'article 1749 du code général des impôts ;

"aux motifs que Philippe X... a créé le 13 octobre 1998 la société anonyme de droit luxembourgeois Smart Drinks Foods and Nutrients (Smart DFN), qui a démarré son activité le même jour, et que Philippe X... possède 95% des actifs de la société ; que la société a un établissement stable à Juan-les-Pins (France) ; que la société a une clientèle composée à 95% de clients français et que Philippe X..., au vu des éléments du dossier, a effectué d'une manière répétée des transactions pour le compte de Smart DFN à Juan-les-Pins, en particulier par fax, dont copies sont versées au dossier ; qu'à supposer que la société Smart DFN ait eu des activités au Luxembourg, il n'en demeure pas moins que le centre principal de son activité commerciale se situait à Juan-les-Pins grâce au soutien logistique de la SARL Smart City dont il avait été précédemment le gérant et dont le gérant, à l'époque des faits, était son père Gilbert X... ; qu'au surplus, la SA Smart DFN a acquis, le 22 décembre 1999, la totalité des actions de la société de droits français SARL Smart City ; qu'ainsi, et au regard de l'article 209-1 du code général des impôts, les bénéfices imposables de la SARL Smart DFN devaient être déclarés en France, la société en question y exerçant une activité habituelle, en l'occurrence à Juan-les-Pins ; qu'en outre, les revenus de la SARL Smart DFN, au regard de la Convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970, n'étaient imposable que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable ; qu'en l'occurrence, même si le siège social de la société était au Luxembourg, ses activités principales avaient lieu en France (95% de la clientèle était française) et que de nombreux actes de gestion étaient effectués à Juan-les-Pins (voir annexes 2 à 18 de la côte 9 comprenant des fax et correspondances Smart DFN envoyés de Juan-les-Pins) ; qu'il ressort de la vérification effectuée par l'administration des impôts que, selon les informations recueillies auprès des autorités compétentes du Luxembourg, non contredites par Philippe X..., et recueillies le 25 juillet 2001, ce dernier était inconnu des services fiscaux de ce pays ; que la société ne s'est acquittée d'aucun impôt en France où elle jouissait d'un établissement stable, que la volonté de Philippe X... de soustraire la société qu'il dirigeait au paiement de l'impôt sur les sociétés se déduit clairement des circonstances factuelles soumises à l'appréciation de la cour et énumérées ci-dessus ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité du prévenu ;

"alors que la soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt est un délit intentionnel ; que le juge doit caractériser l'intention du prévenu d'échapper à ses obligations fiscales ; qu'en l'espèce, il résultait des faits aux débats que la société Smart DFN était une société luxembourgeoise, que le prévenu avait reçu la mise en demeure d'avoir à souscrire les déclarations fiscales françaises pour cette société le même jour où il avait été informé de la vérification de comptabilité et qu'il ne pouvait donc être soutenu qu'il avait omis volontairement de déposer ces déclarations auprès avoir reçu plusieurs mises en demeure et que, de plus, Philippe X... avait fourni à l'administration fiscale les bilans et comptes de résultat arrêtés au Luxembourg pour les années 1999 et 2000, ce qui démontrait donc son absence de volonté de frauder ; qu'en se fondant sur les seules constatations du vérificateur, sans procéder à aucune constatation propre, pour affirmer que le prévenu avait la volonté de soustraire la société qu'il dirigeait au paiement de l'impôt sur les sociétés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'élément intentionnel de la fraude" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Philippe X..., dirigeant de la société de droit luxembourgeois Smart DFN est poursuivi pour s'être, à Juan-les-Pins, courant 2001, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice 2000, et pour avoir omis de passer des écritures en comptabilité au titre du même exercice ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui soutenait que cette société ne disposait pas d'un établissement stable en France, au sens de la Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, et pour dire celui-ci coupable de ces infractions, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui, sans excédé ses pouvoirs, a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

D'ou il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.