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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 3 janvier 2023, n° 22/02304

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

LG Electronics France (SAS)

Défendeur :

Assurances du Crédit Mutuel Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potee

Conseillers :

Mme Vallée, M. Breard

Avocats :

Me Fonrouge, Me Ormen, Me Etcheberrigaray, Me Froidefond

TGI Poitiers, du 15 mai 2018, n° 17/0048…

15 mai 2018

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le logement donné en location par l'Office Public de l'Habitat de [Localité 4] à M. [P] [U] a été détruit par un incendie survenu le 9 septembre 2013. Le logement contigu a également été endommagé.

La société Assurances Crédit Mutuel Iard (ACM), assureur de M. [U], a indemnisé le propriétaire de l'immeuble en application de la présomption de responsabilité du locataire.

Afin de déterminer les causes du sinistre, une expertise judiciaire a été ordonnée en référé à la demande de la société ACM et de M. [U], au contradictoire du bailleur Habitat 86 et de son assureur la société Gan, de la société Lumelec qui avait réalisé des travaux d'électricité dans le logement, de la société Relex, fournisseur d'un convecteur électrique équipant le logement, de la société Applimo, fabricant du convecteur, de la société LG Electronics France, fabricant du réfrigérateur vendu à M. [U] par les époux [D] et de la société Conforama auprès de laquelle ces derniers l'avaient acquis.

Affirmant qu'il résultait du rapport d'expertise que l'incendie avait pour origine un dysfonctionnement du réfrigérateur et que le fabricant de celui-ci était responsable du dommage causé par le défaut de son produit, la société ACM a, par acte du 22 février 2017, fait assigner la société LC Electronics France devant le tribunal de grande instance de Poitiers en paiement des indemnités qu'elle a versées.

Par jugement du 15 mai 2018, le tribunal de grande instance de Poitiers a :

- condamné la SAS LG Electronics France à payer à la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD la somme de 341 378,62 €,

- dit que les intérêts dus sur cette somme seront capitalisés chaque année, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière,

- rejeté les autres demandes,

- condamné la SAS LG Electronics aux dépens comprenant les frais d'expertise. Avant-dire droit sur la demande en paiement de 21 023 € :

- renvoyé l'affaire à la mise en état,

- invité les parties à présenter leurs observations sur l'irrecevabilité de la demande formulée par la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD pour le compte de son assuré M. [U] en vertu de l'adage « nul ne peut plaider par procureur ».

Pour statuer ainsi, le tribunal a fondé sa décision sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, relatifs à la responsabilité du fait des produits défectueux et le rapport d'expertise judiciaire, duquel il a déduit « qu'ont été mises en évidence des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'estimer que l'incendie est imputable au réfrigérateur en cause et que le matériel présentait un caractère défectueux ».

La société LG Electronics a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 15 septembre 2020, la cour d'appel de Poitiers a :

- infirmé le jugement du 15 mai 2018 du tribunal de grande instance de Poitiers,

Et statuant à nouveau,

- débouté la société Assurance du Crédit Mutuel Iard (ACM) de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société LG Electronics France,

 - rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Assurance du Crédit Mutuel Iard (ACM) aux dépens de première instance et d'appel, incluant ceux des procédures de référés mises en œuvre et notamment le coût de l'expertise ordonnée par décisions des 11 décembre 2013, 6 août 2014 et 3 décembre 2014 du juge des référés du tribunal de grande instance de Poitiers.

Elle a estimé qu'il existait des incertitudes quant à l'origine de l'incendie qui demeurait indéterminée et qu'en application de l'article 1733 du code civil, qui pose une présomption de responsabilité à la charge du preneur en cas d'incendie du bien donné à bail, la société ACM, assureur du locataire, n'est pas fondée à recouvrer paiement sur la société LG Electronics, fabricant du réfrigérateur, de l'indemnité versée à raison du sinistre.

La société Assurances du Crédit Mutuel IARD a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 6 avril 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Bordeaux,

- condamné la société LG Electronics aux dépens,

- rejeté les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme elle l'a fait, la Cour de cassation a considéré que, pour rejeter les demandes de l'assureur, en retenant que par application de l'article 1733 du code civil, celui-ci n'est pas fondé à recouvrer paiement sur la société LG Electronics, de l'indemnité versée en raison du sinistre, la cour d'appel, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile.

La SAS LG Electronics France a saisi la cour d'appel de ce siège par déclaration du 11 mai 2022 et par conclusions déposées le 4 octobre 2022, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien-fondé son appel et, y faisant droit :

A titre principal :

- infirmer le jugement du 15 mai 2018 du tribunal de grande instance Poitiers en ce qu'il a :

* condamné la société LG Electronics à payer à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD la somme de 341.378,62 € ;

* dit que les intérêts dus sur cette somme seront capitalisés chaque année, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière ;

* condamné la société LG Electronics aux dépens comprenant les frais d'expertise.

- confirmer le jugement du 15 mai 2018 du tribunal de grande instance Poitiers en ce qu'il a rejeté la demande de la société Assurances du Crédit Mutuel IARD d'obtenir une indemnisation au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- juger que l'intérieur du compresseur du réfrigérateur ne présentait pas de dégradation significative,

- juger que la rupture du fil de cuivre et le grippage du piston ne pouvaient être à l'origine de l'incendie,

- juger que l'expert judiciaire n'a pas été en mesure de déterminer la cause de l'incendie,

- juger que des dysfonctionnements électriques ont été constatés au niveau du convecteur situé dans la cuisine dans les heures qui ont précédé le sinistre,

- juger qu'il n'existe aucun élément probant permettant d'écarter l'implication du convecteur,

- juger qu'il existe de très nombreuses zones d'ombre sur l'origine et la cause de l'incendie. En conséquence,

- juger que le réfrigérateur de marque LG Electronics n'est pas défectueux au sens des articles 1245 et suivants du code civil et que la responsabilité de la société LG Electronics n'est pas engagée.

- débouter la société Assurances du Crédit Mutuel IARD de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la société LG Electronics et notamment de son appel incident tenant à ce que la société LG Electronics soit condamnée à lui payer la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire l'existence d'un défaut était retenue :

- juger que le réfrigérateur était dans un état d'usure avancé ;

- juger que l'expert n'a pas été en mesure de situer précisément et de déterminer l'origine du défaut allégué ;

- juger que des travaux ont été réalisés le jour de l'incendie par la société Lumelec et que le réfrigérateur a été déplacé à cette occasion.

En conséquence,

- juger qu'il y a lieu d'estimer que ce défaut est né postérieurement à la mise en circulation du réfrigérateur ;

- juger que la société LG Electronics est exonérée de toute responsabilité conformément à l'article 1245-10 du code civil.

- débouter la société Assurances du Crédit Mutuel IARD de l'intégralité de ses demandes et appel incident formées à l'encontre de la société LG Electronics,

En toutes hypothèses :

- débouter la société Assurances du Crédit Mutuel de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif et de son appel incident ;

- condamner la société Assurances du Crédit Mutuel à payer à la société LG Electronics une indemnité de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Assurances du Crédit Mutuel aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel, ainsi que de la première instance comprenant les frais d'expertise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 31 août 2022, la société Assurances du Crédit Mutuel IARD demande à la cour de :

Confirmation

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la SA LG ELECTRONICS à payer à la SAS du CREDIT MUTUEL IARD, la somme de 341 378.62 €.

- dire que les intérêts dus sur cette somme seront capitalisés chaque année, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière.

- condamner la SA LG ELECTRONICS aux dépens, comprenant les frais d'expertise. Infirmation

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la SA ASSURANCES CREDIT MUTUEL s'agissant des frais irrépétibles, et ne précisant pas le point de départ des intérêts.

Statuant à nouveau,

- condamner la SA LG ELECTRONICS à payer à la SA ASSURANCES CREDIT MUTUEL la somme de 8 000 € représentant les frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que les intérêts au taux légal sont dus sur la somme principale, à compter du 22 février 2017, date de l'assignation au fond valant mise en demeure,

- débouter la SAS LG ELECTRONICS, de toute autre demande, fins et conclusions.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience collégiale du 8 novembre 2022, avec clôture de la procédure à la date du 25 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle à titre liminaire que les demandes de "juger que" ou de "constater" ne la saisissent pas de prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, lequel dispose par ailleurs en son alinéa 3 que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Sur l'action en responsabilité du fait des produits défectueux.

La société ACM fonde ses demandes sur les dispositions des articles 1245 à 1245-17 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, relatifs à la responsabilité du fait des produits défectueux.

Ces articles instaurent un régime d'indemnisation spécifique, résultant de la directive 85/374 CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. Cette directive a été transposée en droit interne par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, qui a institué une responsabilité de plein droit des producteurs pour les dommages causés par un défaut de leurs produits, dite responsabilité du fait des produits défectueux.

En application de l'article 1245 du code civil (anciennement 1386-1), le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit, ou non, lié par un contrat avec la victime.

Le demandeur à l'indemnisation doit démontrer non seulement le dommage, mais également le défaut du produit et le lien de causalité entre dommage et défaut, la preuve pouvant se faire par tous moyens et notamment par présomptions ou indices précis, graves et concordants.

Selon l'article 1245-10 2° du code civil (anciennement 1386-11), le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement.

En l'espèce, la société LG Electronics soutient que l'analyse de l'expert ne permet nullement de se convaincre que l'incendie a pris naissance à l'intérieur du réfrigérateur. Outre le fait que la date de mise en circulation du réfrigérateur n'a pu être établie, elle affirme, d'une part, que la localisation du départ de l'incendie est indéterminée, le feu ayant pu provenir du convecteur lequel avait fait l'objet d'une intervention le jour-même et présentait suite à celle-ci des dysfonctionnements électriques causant des disjonctions et, d'autre part, que l'expertise n'a nullement mis en évidence une quelconque défectuosité du réfrigérateur.

Subsidiairement, elle invoque une cause exonératoire de sa responsabilité au motif que le défaut du produit n'a pu apparaître que postérieurement à sa mise en circulation.

De son côté, la société ACM se réfère aux conclusions expertales qui énoncent que l'incendie trouve son origine dans un dysfonctionnement du réfrigérateur et plus précisément une défaillance du compartiment de son compresseur, ce qui engage la responsabilité du fabricant lequel ne prouve pas que cette défectuosité serait apparue postérieurement à la mise en circulation de l'appareil.

Sur ce,

Il est acquis aux débats que le réfrigérateur litigieux a été fabriqué par la société LG Electronics.

A l'issue de quatre réunions d'expertise sur les lieux du sinistre puis d'une cinquième réunion dans les locaux du sapiteur, le laboratoire IC2000, l'expert judiciaire a, le 28 mai 2015, déposé un pré-rapport aux termes duquel il concluait de la manière suivante :

« Le départ de feu a pu être formellement localisé dans la pièce cuisine, dans une zone comportant deux appareillages électriques à suspecter : un convecteur et un réfrigérateur, la marque de ce dernier, LG Electronics, ayant pu être identifiée sans équivoque.

Les constatations sur site et les investigations de laboratoire ont été convergentes pour désigner le compartiment compresseur du réfrigérateur comme point d'origine de l'ignition.

Toutefois, en dépit d'analyses techniques très poussées, il n'a pas été possible de proposer un scénario de cause bien argumenté et probant.

La concomitance troublante entre le départ de feu et des travaux d'électricité effectués dans le pavillon par la société Lumelec (quelques heures d'intervalle) n'a pas trouvé non plus d'explication convaincante.

Quoi qu'il en soit, il est possible d'affirmer que le feu a pris naissance à ce niveau et est donc imputable à cet équipement électroménager. »

Comme justement souligné par la société ACM, ces conclusions provisoires s'appuyaient sur le rapport du laboratoire IC 2000 qui, dans sa synthèse, notait que le bloc compresseur du réfrigérateur présentait des traces d'échauffement significatif, un ternissement de la surface interne du haut de la cloche et de l'émail des fils conducteurs des enroulements du moteur électrique, une rupture avec forte striction du fil en cuivre émaillé d'un des enroulements du moteur électrique.

Le sapiteur concluait que « la rupture du fil en cuivre émaillé, détectée lors des mesures des résistances des enroulements avant ouverture de la cloche, n'apparaît pas pouvoir être consécutive au départ de feu. Ainsi, cette rupture associée à la présence de marques de dégradations thermiques au sein de cette cloche pourtant située dans une zone assez confinée, permet d'envisager un scénario de départ de feu au sein de ce compartiment et ce malgré l'absence d'érosion électrique significative des pastilles des contacts séparables du coupe-circuit thermique du compresseur. »

Après avoir répondu point par point aux dires des parties, l'expert a, dans son rapport définitif déposé le 9 août 2015, confirmé que le feu avait pris naissance au niveau du compartiment « motorisation » du réfrigérateur, en partie arrière basse de celui-ci.

Selon l'expert, la présence de marques de dégradation thermique très prononcées dans une enveloppe métallique close située dans une zone assez confinée, la rupture d'un fil de cuivre d'un des enroulements du moteur et le grippage du piston du compresseur, sont significatifs d'un échauffement interne du bloc compresseur, celui-ci ne pouvant avoir été causé par une agression thermique extérieure.

Ces éléments lui permettent de développer le scénario suivant :

* un échauffement anormal du bloc compresseur (source initiale de chaleur) a entraîné l'inflammation du boitier de raccordement en matière plastique, fixé à l'enveloppe métallique.

* les flammes se sont propagées au ventilateur situé à proximité et à l'arrière de l'appareil vers la cloison et la structure en bois, en y occasionnant des traces de calcination caractéristiques dont les dimensions correspondent précisément à celles du compartiment "motorisation".

* le feu s'est ensuite rapidement propagé à tout le volume de la cuisine.

La société LG Electronics conteste l'analyse expertale. Elle fait état de griefs, d'ores et déjà émis dans ses dires, qu'il convient d'examiner successivement.

Elle relève tout d'abord l'absence de dégradation thermique significative au niveau du compresseur et de ses composants (bobine, huile, cloche).

L'expert répond néanmoins justement que les compresseurs des réfrigérateurs sont enfermés dans une enveloppe métallique parfaitement étanche et qu'une combustion vive ne peut donc pas s'y développer, l'oxygène étant rapidement consommé. La conséquence en est, comme rappelé par le laboratoire IC 2000, que les compresseurs des réfrigérateurs prélevés au sein d'habitations détruites par le feu se révèlent intérieurement pratiquement intacts. Or, dans le cas présent, il a été observé des changements d'aspect des surfaces métalliques et de l'huile ainsi que la fusion des matériaux plastiques, ce qui ne peut s'expliquer que par un échauffement interne conséquent.

Si la société LG Electronics relève ensuite que le boîtier CTP (coefficient de température positif) ne présentait aucune trace de déformation, l'expert note que sa protection plastique a fondu ou disparu et que l'état dans lequel a été découvert le boîtier ne signifie absolument pas que le feu n'a pas pu prendre naissance au sein du compartiment contenant la motorisation et la ventilation.

A l'appelante qui conteste l'hypothèse selon laquelle la rupture du fil de cuivre de la bobine du compresseur serait à l'origine du départ de feu au sein de celui-ci, l'expert répond que la rupture du fil constatée est de type mécanique et qu'elle est antérieure à l'ouverture du compresseur par le laboratoire IC 2000.

S'agissant de la sécurité thermique de type klixon qui aurait dû prévenir tout échauffement excessif au sein du compresseur, si le laboratoire IC 2000 admet que le fait de ne pas avoir constaté d'usure électrique des pastilles des contacts séparables du coupe-circuit peut surprendre, il indique qu'il est difficile de conclure sur ce point faute de connaître les caractéristiques du klixon en cause. Il ne peut donc être déduit de cet élément que l'incendie ne serait pas imputable au réfrigérateur.

Contrairement à ce que prétend l'appelante, l'expert n'a pas affirmé que le grippage du piston était à l'origine du départ de feu puisqu'il a simplement évoqué un possible problème de surchauffe.

Si la société LG Electronics soutient que l'origine de l'incendie se situe au niveau du convecteur électrique, cette hypothèse a été écartée par l'expert au motif qu'un foyer d'aussi faible puissance (100 à 150 kw maximum) n'aurait pu entraîner l'inflammation à distance du ventilateur du condenseur qui était de plus protégé du rayonnement direct par la paroi latérale gauche du réfrigérateur, que l'arrière de celui-ci aurait été moins impacté et que les traces d'incendie auraient présenté des aspects différents.

L'expert a également éliminé l'hypothèse d'une origine due aux travaux électriques réalisés quelques heures avant l'incendie sur le convecteur par une entreprise tierce, la société Lumelec, le délai entre le départ des intervenants et l'éclosion de l'incendie, d'environ 5h30, lui paraissant trop long et le laboratoire IC 2000 n'ayant mis en évidence aucune singularité sur les vestiges du convecteur et de son raccordement.

Au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, il est suffisamment démontré par des présomptions graves, précises et concordantes que l'incendie a pris naissance à l'intérieur du réfrigérateur suite à un échauffement anormal de son bloc compresseur.

La preuve d'un dommage, d'un défaut du réfrigérateur fabriqué par la société LG Electronics et d'un lien de causalité entre le défaut et le dommage est donc établie.

Si la société LG Electronics fait valoir que la date de mise en circulation du produit est inconnue, elle ne soulève pas le moyen tiré de la prescription décennale prévue à l'article 1245-15 du code civil, étant au surplus observé qu'en sa qualité de fabricante du modèle litigieux, elle est seule capable d'en définir la période de fabrication.

Elle ne rapporte pas non plus la preuve que le défaut n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation ou qu'il serait né postérieurement, le fait que le réfrigérateur ait été utilisé pendant de nombreuses années sans dysfonctionnement et qu'il ait été acquis d'occasion étant insuffisamment probant à cet égard.

Par conséquent, la responsabilité de la société LG Electronics en qualité de fabricant du réfrigérateur, producteur au sens de l'article 1245 du code civil, est engagée.

Le jugement mérite donc pleinement confirmation en ce qu'il a fait droit à l'action subrogatoire de la société ACM.

Sur le montant de la condamnation.

La société LG Electronics ne discute pas le montant de 341.378,62 euros sollicité par la société ACM et justifié par les quittances subrogatives versées aux débats.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société LG Electronics à payer à la société ACM la somme de 341.378,62 euros en remboursement des indemnités versées et ordonné la capitalisation des intérêts.

Conformément à la demande en ce sens, il convient de préciser que cette somme portera intérêts légaux à compter de l'assignation introductive d'instance du 22 février 2017.

Sur les dépens et les frais irrépétibles.

 Il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société ACM au titre de ses frais irrépétibles de première instance.

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. La société LG Electronics supportera la charge des dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société LG Electronics sera condamnée au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2022,

Confirme le jugement rendu le 15 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Poitiers sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Assurances du Crédit Mutuel Iard au titre de ses frais irrépétibles de première instance,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la somme de 341.378,62 euros au paiement de laquelle la société LG Electronics a été condamnée portera intérêts légaux à compter du 22 février 2017,

Condamne la société LG Electronics à payer à la société Assurances du Crédit Mutuel Iard la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la société LG Electronics aux dépens d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, Président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier,

Auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,