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Décisions

Cass. crim., 28 novembre 2007, n° 07-82.532

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Rapporteur :

M. Rognon

Avocats :

Me Foussard, SCP Boullez

Basse-Terre, du 13 mars 2007

13 mars 2007

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pascal,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 13 mars 2007, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 4, 170 et 1741 du code général des impôts, ensemble de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et des articles 5 et 1351 du code civil ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement de déclaration de culpabilité du chef de fraude fiscale prononcé à l'encontre de Pascal X..., après avoir considéré que les poursuites ne revêtaient pas un caractère discriminatoire ;

"au motifs que Pascal X... fait valoir que la mise en mouvement de l'exercice par le ministère public de l'action publique, en vertu du principe d'opportunité prévu par l'article 40 du code de procédure pénale, révèle l'existence d'une application discriminatoire et arbitraire de la loi pénale fiscale, en violation de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, en ce que la loi fiscale relative à l'impôt sur le revenu n'est pas appliquée à la population des résidents de Saint-Barthélémy, nonobstant les arrêts du Conseil d'Etat qui fondent les poursuites diligentées à son encontre ; qu'il ajoute que ses opinons et engagements syndicaux, de même nature que ceux d'autres personnes également poursuivies dans les mêmes termes et pour les mêmes causes, sont de toute évidence en rapport avec les motifs ayant présidé à la mise en mouvement de l'action publique ; qu'il s'agit là encore d'un traitement discriminatoire s'apparentant à la violation d'une liberté publique garantie par l'article 6 de la constitution de 1946 et l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il s'estime dès lors fondé à solliciter le prononcé de la nullité des poursuites ; mais que, en premier lieu, ainsi que l'a justement dit le tribunal, Pascal X... procède par affirmation et ne démontre nullement que ses opérations et engagements syndicaux seraient en rapport avec les motifs ayant présidé à la mise en mouvement et à l'exercice de l'action publique ; en second lieu, que dans un arrêt de principe en date du 22 mars 1985, le Conseil d'Etat, après avoir énuméré les dispositions légales et réglementaires relatives au régime applicable à Saint-Barthélémy, et notamment le décret du 30 mars 1948, a affirmé le principe selon lequel le régime fiscal propre à la commune de Saint-Barthélémy, ne comporte en droit, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, aucun régime particulier d'exonération de nature à placer cette commune, en vertu de l'article 20 dudit décret, en dehors du champ d'application de l'article 1er de celui-ci, dont l'objet est de déclarer exécutoires dans le département de la Guadeloupe, les dispositions du Code général des impôts en vigueur dans la France métropolitaine ; qu'il en résulte qu'il n'existe aucune exemption au profit des contribuables de Saint-Barthélémy ; que, dès lors, Pascal X... est mal fondé à invoquer le caractère prétendument discriminatoire des poursuites engagées à son encontre au même titre que certaines autres contribuables de la commune ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté le moyen de nullité des poursuites soulevé par le prévenu ;

"1°) alors qu'il est défendu au juge de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui lui sont soumises ; qu'il en résulte que le juge ne peut fonder sa décision sur une décision rendue dans un litige différent ; que le juge répressif ne peut, en particulier, fonder sa décision de condamnation pour fraude fiscale sur une décision rendue par le juge administratif dans un litige opposant l'administration à un autre contribuable que le prévenu ; qu'en relevant, pour rejeter l'argument tiré du caractère discriminatoire des poursuites, que le Conseil d'Etat avait jugé dans un arrêt de principe que la commune de Saint-Barthélémy n'était pas exclue du champ d'application de l'impôt sur le revenu, cependant qu'il lui appartenait de rechercher, sur la seule base des textes en vigueur, si la commune rentrait effectivement dans le champ d'application de cet impôt, la cour d'appel a violé les articles 5 et 1351 du code civil ;

"2°) alors qu'il est défendu au juge de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui lui sont soumises ; qu'il en résulte que le juge ne peut fonder sa décision sur une décision rendue dans un litige différent ; que le juge répressif ne peut, en particulier, fonder sa décision de condamnation pour fraude fiscale sur une décision rendue par le juge administratif dans un litige opposant l'administration à un autre contribuable que le prévenu ; qu'en relevant, pour rejeter l'argument tiré du caractère discriminatoire des poursuites, que le Conseil d'Etat avait jugé dans un arrêt de principe que la commune de Saint-Barthélémy n'était pas exclue du champ d'application de l'impôt sur le revenu, cependant qu'il lui appartenait de rechercher, sur la seule base des textes en vigueur, si la commune rentrait effectivement dans le champ d'application de cet impôt, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de base légale au regard des articles 1741 du code général des impôts et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 4, 170 et 1741 du code général des impôts, ensemble de l'article 122-3 du code pénal, et des articles 5 et 1351 du code civil ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement de déclaration de culpabilité du chef de fraude fiscale, après avoir considéré que la volonté frauduleuse de Pascal X... était caractérisée ;

"au motifs que le prévenu soutient ensuite que l'erreur invincible de droit, provoquée par la confusion de la loi, des règlements, des décisions et pratiques administratives, comme celles présidant à l'engagement et à l'exercice de l'action publique, l'exonèrent en application de l'article 122-3 du code pénal de toute responsabilité pénale au titre de la violation alléguée des articles 1, 4, 170, et 1741 du code général des impôts ; qu'il demande, dès lors, à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau le relaxer des fins de la poursuite, à défaut d'intention particulière de sa part de se soustraire à une norme uniformément admise et appliquée ; qu'en droit, l'élément intentionnel de la fraude fiscale résultant du défaut de dépôt d'une déclaration dans le délai légal est suffisamment constitué par la conscience qu'avait le contribuable, au moment où le délai est venu à expiration, qu'il n'avait pas déposé de déclaration ; qu'en l'espèce les déclarations du pouvoir exécutif et de certains parlementaires, et encore de hauts fonctionnaires dont fait état le prévenu au soutien de son argumentation, pas plus qu'une situation de fait tolérée par l'administration, ne peuvent faire disparaître l'élément intentionnel de l'infraction dès lors qu'au moment des faits, il n'existait aucune incertitude de la loi, des règlements, des décisions et des pratiques, l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 2 mars 1985 précité, qui se fonde sur les dispositions des articles 1er et 20 du décret du 30 mars 1948, non abrogé, ayant rappelé le principe selon lequel le régime fiscal de la Guadeloupe était applicable de plein droit à la commune de Saint-Barthélémy ; qu'en outre, Pascal X... qui, malgré deux mises en demeure de l'administration fiscale, a manifesté son opposition à toute imposition adoptant ainsi une attitude qui loin d'être le fruit d'une erreur commune, est celui d'un parti délibérément adopté à l'instar de la quasi-totalité des habitants de Saint-Barthélémy et conformément à la position d'élus locaux, s'est volontairement soustrait à ses obligations déclaratives en ne déposant pas de déclaration d'ensemble de ses revenus des années 1999, 2000, et 2001 ; que sa volonté frauduleuse étant ainsi caractérisée, c'est à bon droit que le tribunal a refusé au prévenu le bénéfice des dispositions de l'article 122-3 du code pénal et l'a retenu dans les liens de la prévention ;

"1°) alors que les décisions rendues par le juge administratif dans un litige opposant l'administration fiscale à un contribuable ne sont revêtues que de l'autorité relative de la chose jugée ; que les arrêts du Conseil d'Etat ayant décidé que des résidents de Saint-Barthélémy sont soumis à l'impôt sur le revenu n'ont dès lors qu'une autorité relative, et ne permettent pas de considérer, de manière générale, que tous les résidents de Saint-Barthélémy doivent être soumis à cet impôt ; qu'en considérant cependant, pour caractériser l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale, qu'aucune incertitude n'existait au moment des faits sur l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des résidents de Saint-Barthélémy dès lors que le Conseil d'Etat s'était prononcé en ce sens dans un arrêt du 22 mars 1985, la cour d'appel a conféré à l'arrêt du conseil d'Etat une portée réglementaire, en violation des articles 5 et 1351 du code civil ;

"2°) alors que les décisions rendues par le juge administratif dans un litige opposant l'administration fiscale à un contribuable ne sont revêtues que de l'autorité relative de la chose jugée ; que les arrêts du Conseil d'Etat ayant décidé que des résidents de Saint-Barthélémy sont soumis à l'impôt sur le revenu n'ont dès lors qu'une autorité relative, et ne permettent pas de considérer, de manière générale, que tous les résidents de Saint-Barthélémy doivent être soumis à cet impôt ; que, compte tenu de l'ambiguïté des textes applicables, Pascal X... pouvait en conséquence légitimement et de bonne foi considérer qu'il n'était pas assujetti à l'impôt sur le revenu ; qu'en se fondant, pour caractériser l'élément intentionnel du délit, sur le fait que l'arrêt du Conseil d'Etat du 22 mars 1985 levait toutes les incertitudes quant à l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des résidents de Saint-Barthélémy, cependant qu'il lui appartenait de rechercher si Pascal X... avait l'intention de se soustraire à des obligations fiscales qu'il aurait su certaines, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 277 du livre des procédures fiscales et 1741 du code général des impôts ;

"3°) alors que la caractérisation du délit de fraude fiscale suppose notamment que le prévenu a été animé d'une volonté de fraude ; qu'en raison des incertitudes pesant sur l'assujettissement des résidents de l'île de Saint-Barthélémy à l'impôt sur le revenu, l'absence de déclaration de Pascal X..., malgré deux mises en demeure, pouvait s'interpréter non comme une opposition à toute imposition, mais comme le refus de souscrire une déclaration qu'il n'était pas tenu de souscrire ; qu'en déduisant de cette absence de déclaration la volonté de Pascal X... de se soustraire à l'impôt, sans rechercher si elle manifestait réellement un refus de payer des impôts qu'il savait dus, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de base légale au regard des articles 1741 du code général des impôts et L. 277 du livre des procédures fiscales" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué et des pièces de procédure que Pascal X..., gérant de société, domicilié à Saint-Barthélémy, est poursuivi pour s'être volontairement soustrait à l'établissement de l'impôt sur le revenu en s'abstenant de déposer la déclaration annuelle d'ensemble de ses revenus au titre des années 2000, 2001 et 2002, malgré des mises en demeure recommandées des 21 mai et 5 septembre 2002 ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui invoquait le caractère discriminatoire des poursuites, et le déclarer coupable de fraude fiscale, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, qui établissent que le juge répressif ne s'est pas déterminé sur le seul fondement des décisions du juge administratif, juge de l'impôt, auxquelles il était en droit de se référer, et dès lors que la constatation de l'omission délibérée de souscrire les déclarations fiscales suffit à caractériser le délit en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence de droits éludés, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.