Cass. crim., 28 mars 1996, n° 95-80.851
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Culié
Rapporteur :
M. de Larosière de Champfeu
Avocat général :
M. Dintilhac
Avocats :
SCP Bore et Xavier, Me Foussard
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Thierry, contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 15 décembre 1994, qui, pour fraudes fiscales, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, outre la publication et l'affichage de la décision, et qui a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 288 du Livre des procédures fiscales, 599 et suivants, 385, 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme;
"en ce que la cour d'appel a écarté les exceptions de nullité de la procédure et déclaré Thierry X... coupable des faits qui lui étaient reprochés;
"aux motifs qu'en application de l'article 385 du Code de procédure pénale "les exceptions tirées de la nullité, soit de la citation soit de la procédure antérieure, doivent à peine de forclusion être présentées avant toute défense au fond; que cette règle s'applique à toutes les nullités mêmes substantielles, touchant à l'ordre public, à la seule exception de celles affectant la compétence; qu'il est constant que les nullités soulevées ne touchent pas à la compétence, de même qu'il est constant que devant les premiers juges, à l'audience du 12 janvier 1994, la seule nullité soulevée in limine litis fût celle de la prescription; qu'enfin si le texte de l'article 385 du Code de procédure pénale ne prescrit pas que les exceptions soient soulevées simultanément, ni dans un ordre déterminé, il prescrit toutefois qu'elles soient toutes soulevées, avant toute défense au fond; qu'il est constant qu'il était loisible au prévenu, dès lors que le tribunal décidait de joindre l'examen de l'exception soulevée au fond; qu'au demeurant dans ses conclusions écrites devant les premiers juges, Thierry X..., après avoir argumenté sur l'exception de prescription, demandait qu'il soit jugé qu'il n'y a pas lieu à examiner les faits prétendument reprochés à Thierry X... et que ce dernier, à titre subsidiaire, contestait d'ailleurs formellement; que cette défense devant les premiers juges ne constituait pas une quelconque réserve de ses droits par Thierry X... qui au contraire par la "contestation" des faits reprochés ne réservait absolument aucun autre moyen; que les moyens tirés de la nullité de la procédure fiscale, présentés pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables;
"alors que en concluant devant les premiers juges à l'irrecevabilité de la poursuite en conséquence à n'y avoir lieu d'examiner les faits prétendument reprochés à Thierry X..., et que, ce dernier, à titre subsidiaire, contestait d'ailleurs formellement l'exposant n'a pas défendu au fond; que les premiers juges ont statué sur l'exception de procédure et sur l'action publique sans inviter le prévenu à conclure au fond; qu'en décidant cependant que les exceptions de nullités soulevées devant la cour d'appel étaient irrecevables, la Cour a violé les textes susvisés";
Attendu que, pour déclarer irrecevables les exceptions de nullité soulevées par le prévenu, la cour d'appel énonce que de telles exceptions doivent être présentées avant toute défense au fond;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 385 du Code de procédure pénale;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 230 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Thierry X... coupable des faits qui lui sont reprochés;
"aux motifs que Thierry X... relève qu'il n'a été cité que le 24 novembre 1993 après un seul interrogatoire qualifié de succinct du 26 août 1992 ; que la prescription était acquise le 31 décembre 1991, que la commission des infractions fiscales a été saisie le 23 décembre 1991, qu'alors la prescription n'a été suspendue que pour 8 jours, et a repris lorsque la commission des infractions fiscales a rendu son avis le 14 avril 1992 pour 8 jours et que la prescription se trouvait acquise le 22 avril 1992; qu'il relève que la plainte du directeur des services fiscaux est datée du 21 avril 1992, qu'elle n'interrompt pas la prescription, que la date de réception au Parquet ne serait pas mentionnée dès lors que seul le n° 92/112/003/7 serait indiqué et qu'il n' y aurait aucune trace du premier acte d'instruction du procureur de la République; que sur ce premier moyen, il y a lieu de relever que pour l'exercice 1987, la déclaration est à produire en 1988; que la prescription est acquise au 31 décembre 1991 compte non tenu de la durée de suspension de la prescription résultant de la somme de la commission des infractions fiscales, en l'espèce au 31 décembre 1991 ;
qu'à compter de l'avis de la commission des infractions fiscales, le 14 avril 1992, il convient d'ajouter les 8 jours restant à courir; que la prescription devait être acquise le 22 avril 1992 à 24 heures; que le "numéro de parquet" contient dans la suite de chiffrer, après "92" indiquant l'année"; les chiffres "112" qui signifient "112ème jour de l'année", soit le 21 avril 1992; que par cet acte la prescription s'est trouvée interrompue, que ces deux séries de dates sont certaines et rendent totalement inutiles une enquête sur les dates exactes; que le moyen tiré de la prescription n'est pas fondé;
"alors, que seules constituent un acte interruptif de la prescription de l'action publique, les instructions données par le procureur de la République aux officiers de police judiciaire en leur transmettant la plainte des services fiscaux; qu'en estimant que le "numéro de parquet" portant la date du 21 avril 1992, avait interrompu la prescription, la Cour a violé les textes susvisés";
Attendu que, pour déclarer non prescrites les infractions de fraude fiscale commises en 1988, la cour d'appel énonce que, la Commission des infractions fiscales ayant été saisie du 23 décembre 1991 au 14 avril 1992, la prescription a été valablement interrompue par la plainte de l'Administration, enregistrée au secrétariat du procureur de la République le 21 avril;
Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que l'arrêt attaqué se réfère au dépôt d'une plainte, un tel acte n'étant pas interruptif de prescription, la décision n'en est pas moins justifiée dès lors que les premiers juges ont relevé qu'il résulte du dossier que le 21 avril 1992, le procureur de la République a adressé des instructions au service départemental de la police judiciaire afin qu'il poursuive l'enquête;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1741 et 150 du Code général des Impôts, 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Thierry X... coupable des faits qui lui étaient reprochés;
"aux motifs qu'il a été constaté que les relevés de taxe sur la valeur ajoutée des mois de décembre 1987, février 1988, mai à décembre 1988 n'ont pas été déposés; seuls les doubles de ces déclarations ont été présentés au vérificateur au cours du contrôle ;
selon Thierry X..., lesdits relevés auraient fait l'objet d'envois simples; cette méthode, correcte en elle-même ne permet pas d'établir que les relevés ont effectivement été déposés au lieu d'être, a posteriori, par exemple lors de l'avis de contrôle à venir reconstitués ;
d'autant que des relevés déposés selon les mêmes méthodes sont parfaitement parvenus";
"alors qu'il appartient au ministère public de démontrer la culpabilité du prévenu ; qu'en l'espèce s'agissant de la TVA, Thierry X... a soutenu qu'il avait envoyé ses déclarations et il a spontanément fourni aux services fiscaux les doubles de ces déclarations; qu'en déduisant la culpabilité du demandeur de ce que l'envoi en lettre simple ne permettait pas d'établir que les relevés avaient effectivement été déposés au lieu d'être a posteriori reconstitués, faisant ainsi peser une présomption de culpabilité sur le demandeur, la Cour a violé les textes susvisés";
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 122-3 du Code pénal, 44 quater, 1741 alinéas et 3, 1750 du Code général des impôts et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Thierry X... coupable des faits qui lui étaient reprochés;
"aux motifs que "la société EGCA avait opté de façon indue pour le régime fiscal des entreprises nouvelles prévu et organisé par les dispositions de l'article 44 du Code général des Impôts, alors qu'elle ne remplissait pas les conditions d'application de cet article puisque l'activité réelle de la société (qui réside dans la tenue de la comptabilité et le conseil aux entreprises) n'entre pas dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux définie par les articles 34 et 35 du Code général des impôts qui seule peut bénéficier des dispositions de l'article 44 quater du Code général des impôts, étant observé au surplus que la société ne répondait pas non plus à la condition de composition du capital et que les immobilisations amortissables selon le mode dégressif ne représentaient pas les 2/3 du capital, compte tenu de la réintégration de recettes non déclarées, de l'amortissement excédentaire pratiqué sur une voiture particulière, des intérêts afférents à un prêt consenti au taux de 9,5% par la SARL EGVA mais non comptabilisés, ainsi que le profit réalisé par le non paiement de la TVA afférente aux minorations de recettes, les droits éludés furent, - pour l'exercice clos au 31 décembre 1987 de 553 616 francs, - pour l'exercice clos au 31 décembre 1988 de 309 527 francs, les pénalités correspondantes se montant respectivement à 304 494 francs et 142 382 francs; que s'agissant de l'intention coupable, que Thierry X... dont la compétence professionnelle même s'il n'en a pas le titre, s'étend, sur la comptabilité, le conseil aux entreprises, a abusivement prétendu au bénéfice des mesures conjoncturelles prévues en faveur des entreprises nouvelles, alors que l'activité réelle de la société ne relève pas de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sans qu'il puisse à raison même de sa compétence professionnelle faire valoir une erreur de droit; que pour la même raison de compétence Thierry X... ne pouvait ignorer ses obligations fiscales et comptables qui lui incombaient, en tant que gérant, et dans les délais de la loi;
"alors que n'est pénalement responsable celui qui a cru, par une erreur de droit, pouvoir agir légitimement; qu'en l'espèce Thierry X... a pu légitimement croire que la société commerciale, par la forme, pouvait bénéficier de l'exonération d'impôt; qu'en décidant que Thierry X... ne pouvait en raison de sa profession faire valoir une erreur de droit, la Cour a violé le texte susvisé";
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits de fraude fiscale dont elle a déclaré le prévenu coupable;
Que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.