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Décisions

CA Paris, 4e ch., A, 12 septembre 2001

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tigest (Sté)

Défendeur :

Reed expositions France (Sté), Salons français et internationaux Safi (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

M. Lachacinski, M. Magueur

Avocats :

SCP Mireille Garnier, SCP Bommart Forster

CA Paris

11 septembre 2001

Faits et procédure

La société groupe Miller Freeman, aujourd’hui dénommée Reed Expositions France et sa filiale, la société Salons français et internationaux Safi, ont pour activité la création, l’animation de salons, d’expositions professionnelles ou grand public, l’édition et la vente de tout catalogue ou revue se rapportant à ces salons.

Pour chaque salon, ces sociétés éditent et diffusent, sous forme d’un catalogue, un annuaire des exposants comportant toutes les informations utiles afférentes aux exposants.

Dans le courant de l’année 1997, les sociétés du groupe Miller Freeman constataient que la société Tigest communication offrait en location, sous les marques qui lui appartiennent, les bases de données de leurs différents salons et proposait, à partir de celles-ci, des activités de marketing direct.

Par assignation du 17 juillet 1997, elles ont saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une action tant en contrefaçon de marque qu’en concurrence déloyale et parasitaire. Postérieurement à la loi du 1er juillet 1998 entrée rétroactivement en vigueur, le 1er janvier 1998, relative aux bases de données, elles ont sollicité en application des dispositions légales nouvelles, le bénéfice du droit spécifique qui venait d’être instauré et ont poursuivi la réparation du préjudice résultant pour elles du comportement de la société Tigest communication.

Par jugement du 22 juin 1999, le tribunal de grande instance de Paris a :

Dit qu’en commercialisant, avant le 1er janvier 1998, les données figurant dans les catalogues « exposants » des salons organisés par les sociétés Groupe Miller Freeman, Miller Freeman France, Safi et Stil, la société Tigest communication a failli, au préjudice de ces dernières, à l’obligation contractuelle lui incombant telle qu’elle résulte de la mention inscrite aux dits catalogues limitant leur utilisation à usage privé,

dit qu’en commercialisant, avant le 1er janvier 1998, les données figurants dans les catalogues « exposants » des salons Batimat et It/Forum, qui ne comportent pas une telle mention, la société Tigest communication a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société groupe Miller Freeman,

dit que les sociétés groupe Miller Freeman, Miller Freeman France, Safi et Stil ont la qualité de producteur de bases « exposants » de données au sens de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle pour chacun des catalogues,

dit qu’en extrayant et en commercialisant lesdites bases de données, la société Tigest communication a commis des actes de contrefaçon en application de l’article L432-1 du code de la propriété intellectuelle,

dit qu’en diffusant des dossiers de présentation reproduisant les marques dont ces sociétés sont respectivement titulaires, à savoir Batimat (n° 1.352.385), Pollutec (n° 1.449.239), Euip’baie (n° 1.601.941), It Européen Forum (n° 93.489.303), Intertronic (n° 94.530.016), Expoprotection (n° 1.450.392), Midest (n° 93.496.090), Mode enfantine (n° 93.460.961), Equip’hotel (n° 1.439.844), Reproexpo (n° 93.469.071), Plastexpo exposition des plastiques et du caoutchouc (n° 1.540.635), Maison & objet (n° 94.534.701), Sign (n° 97.682.442) et Stil (n° 97.666.111), la société Tigest communication a commis des actes de contrefaçon de marque au préjudice des sociétés susvisées,

interdit à compter de la signification de la décision à la société Tigest communication la poursuite de ces actes illicites, sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée, condamné la société Tigest communication à payer :

– à la société groupe Miller Freeman, la somme de 340 000 F en réparation du préjudice résultant des faits de commercialisation des bases de données litigieuses et la somme de 220 000 F en réparation de l’atteinte à ses marques,

– à la société Miller Freeman France, la somme de 100 000 F en réparation du préjudice résultant des faits de commercialisation des bases de données litigieuses et la somme de 20 000 F en réparation de l’atteinte à ses marques,

– à la société Safi, la somme de 20 000 F en réparation du préjudice résultant des faits de commercialisation des bases de données litigieuses et la somme de 20 000 F en réparation de l’atteinte à ses marques,

– à la société Stil, la somme de 20 000 F en réparation du préjudice résultant des faits de commercialisation des bases de données litigieuses et la somme de 20 000 F en réparation de l’atteinte à ses marques, outre, à chacune de ces sociétés, une somme de 50 000 F par application de l’article 700 du ncpc.

Vu l’appel interjeté de cette décision, le 24 août 1999, par la société Tigest communication ;

Vu les conclusions du 7 mai 2001 aux termes desquelles la société Tigest communication : invoque la nullité des clauses contractuelles inscrites aux catalogues des expositions tant au regard du droit des obligations contractuelles qu’au regard des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986 sur les pratiques anticoncurrentielles, prétend que l’interdiction de l’usage d’informations à caractère public est de surcroît contraire aux dispositions de l’article 10 de la Cedh consacrant la liberté d’expression,

conteste l’existence au profit des intimées du droit sui generis sur leurs bases de données à défaut pour celles-ci de remplir les conditions requises par l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle,

prétend que l’usage des marques appartenant aux sociétés, s’agissant d’une référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, est autorisé par application de l’article L 713-6 du code de la propriété intellectuelle ; que l’utilisation à titre d’information ne saurait au surplus être interdite sans violer l’article 10 de la Cedh précité,

conteste l’existence du préjudice allégué

et demande en conséquence à la cour d’infirmer la décision entreprise et de lui allouer la somme de 1 200 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a fait subir le litige auquel elle impute la chute de son chiffre d’affaires, ainsi qu’une somme de 120 000 F par application de l’article 700 du ncpc;

Vu les conclusions en date du 28 février 2001, aux termes desquelles réfutant point par point l’argumentation développée par l’appelante et dénonçant l’absence de pertinence des pièces produites par celle-ci, la société Reed expositions France et la société Safi poursuivent la confirmation de la décision entreprise et demandent, outre la publication de la décision à intervenir sur internet et dans la presse, paiement de la somme de 100 000 F de dommages-intérêts pour avoir imputé à la société groupe Miller Freeman la diffusion de rumeurs qualifiées de fausses et calomnieuses, ainsi qu’une somme de 70 000 F au titre de l’article 700 du ncpc.

La discussion

Considérant que la société Tigest communication, qui se présente comme étant une « agence conseil en développement commercial sur le marché des salons et expositions » a pour principale activité la commercialisation (notamment la location) de tout ou partie d’une base de données regroupant les coordonnées de plus de 100 000 exposants participant, tant en France qu’en Europe, à plus de 300 salons spécialisés, ainsi que l’organisation de « bus-mailing » appropriés concernant les différents professionnels qui gravitent autour de ces salons ;

Qu’il résulte de ces documents ainsi que de la déclaration qu’elle a faite à la Cnil, le 20 septembre 1994, que son fichier de prospection est réalisé pour l’essentiel par la compilation de « catalogues exposants », édités et vendus par les organisateurs de salons, 88 des 300 manifestations recensées étant organisées par les sociétés intimées ;

Sur l’utilisation des catalogues des sociétés intimées :

Considérant que les sociétés du groupe Miller Freeman font grief à la société Tigest communication d’utiliser leurs catalogues pour constituer sa propre base de données et procéder à sa mise à jour; qu’elles prétendent que cette utilisation est parfaitement illicite, soit que l’usage à des fins commerciales en ait été contractuellement interdit en vertu d’une clause insérée aux dits catalogues, soit, depuis le 1er janvier 1998, en vertu du droit privatif « sui generis » reconnu par la loi à tout producteur de bases de données répondant aux critères de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle, dont elles revendiquent le bénéfice ; qu’elles invoquent en tout état de cause le comportement parasitaire de la société Tigest à laquelle elles reprochent de s’approprier de façon illicite le résultat des efforts qu’elles ont déployés ;

Considérant que pour contester ces griefs, la société Tigest communication prétend que les catalogues des expositions, simple récolement d’informations à caractère public concernant les exposants, ne constituent pas comme tel une base de données, que l’usage ne peut en être, même contractuellement, interdit, que les clauses qui en limitent l’utilisation à usage personnel ne sont pas valables et que les intimées ne peuvent se prévaloir du droit sui generis que la loi ne reconnaît qu’exceptionnellement en présence d’investissements substantiels et de prise de risques qui, selon elle, font en l’espèce défaut ;

Considérant que constitue une base de données un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ;

Considérant, en l’espèce, que les catalogues édités par les sociétés du groupe Miller Freeman à l’occasion de chacune des expositions ou chacun des salons qu’elles organisent et qui regroupent l’ensemble des informations relatives à chaque exposant (à savoir sa dénomination, ses numéros de téléphone et de fax, le nom de ses dirigeants et de ses différents contacts commerciaux ainsi que le résumé de ses activités ou des produits promus), présentés non seulement selon un mode alphabétique mais également selon les différents secteurs d’activités concernés et les zones géographiques de leur entreprise, constitue bien une « base de données » conforme à la définition ci-dessus énoncée, consacrée par la loi du 1er juin 1998 à l’article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Qu’il importe peu que cet ensemble d’informations soit communiqué au public sous forme d’un catalogue papier, l’existence d’une base de données ne dépendant pas de la nature de son support, lequel est différent ;

Qu’il importe également peu que l’ensemble des informations ait été recueilli dans le cadre de l’activité d’organisateur de salons concomitantes à l’édition des catalogues, lequel ne perd pas pour autant sa qualité de base de données, et est vendue, non seulement au moment de la manifestation pour servir de guide aux visiteurs, mais également postérieurement à toutes personnes qui en fait la demande pour servir d’annuaire des professionnels concernés.

Sur les faits antérieurs au 1er janvier 1998 :

Considérant que pour la période antérieure au 1er janvier 1998 (date à compter de laquelle les producteurs de bases de données se sont vu reconnaître par le législateur un droit privatif « sui generis »), les sociétés intimées revendiquent le bénéfice de la clause insérée dans leurs catalogues, limitant contractuellement le droit d’utiliser les données qu’ils fournissent aux besoins personnels de l’acquéreur, et en interdisant toute forme de vente, de commercialisation ou de cession à des tiers ;

Que la société Tigest communication soutient que cette clause est nulle comme étant abusive et contraire à la liberté d’expression consacrée par l’article 10 de la Cedh ;

Mais, considérant que la société Tigest communication ne peut valablement méconnaître la valeur patrimoniale du fichier que les sociétés intimées ont constitué à l’occasion de l’organisation des différents salons dont elles ont la charge, résultat des efforts qu’elles ont entrepris pour le faire ; que si ces sociétés ne peuvent effectivement pas interdire l’utilisation de données afférentes aux entreprises dont l’accès est rendu public par leur inscription au registre du commerce, ou celles qui auraient été librement collectées auprès des entreprises, elles peuvent légitimement et librement disposer de leur fichier dans la communication qu’elles en font au public, en limitant contractuellement l’usage des catalogues qu’elles éditent à des fins personnelles et privées ; que la société Tigest communication est d’autant plus mal venue de contester ce droit, qu’elle limite elle-même contractuellement l’utilisation des informations qu’elle loue aux professionnels à un usage unique ; qu’en déclarant à la Cnil, le 20 septembre 1994, que les organisateurs stipulaient, en règle générale, que le fait de participer à un salon impliquait, sauf avis contraire, le droit de céder les coordonnées des exposants à des organismes extérieurs, la société Tigest communication a d’ailleurs elle-même reconnu l’existence d’un droit sur les informations en cause ;

Que la société Tigest communication peut d’autant moins, sans mauvaise foi, prétendre que la clause de réserve à usage personnel des données figurant dans les catalogues procurerait aux sociétés intimées un avantage excessif, alors qu’il est constant que ce catalogue est vendu au public à un prix limité variant de 150 à 200 F, qu’elle facture en même temps pour un usage unique, les mêmes données au prix de 3000 F, ce prix pratiqué ne résultant nullement de plus values qu’elle aurait apportées mais qui ne sont pas justifiées, soit que les pièces produites sont postérieures à la période considérée, soit qu’elles sont dépourvues de pertinence du fait de leur caractère limité comme les frais prétendument engagés pour la mise à jour des données ;

Qu’elle ne démontre pas en quoi cette clause restrictive de l’usage des catalogues constituerait de la part des sociétés intimées, qui se contentent d’exploiter personnellement leurs fichiers, une entente prohibée ou un abus de position dominante au sens de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que la société Tigest communication ne peut enfin valablement prétendre que la clause litigieuse contreviendrait aux dispositions de l’article 10 de la Cedh ; que l’exploitation commerciale d’un fichier appartenant à autrui ne constitue pas, en effet, une prérogative de la liberté d’expression, laquelle s’entend de la communication d’opinions, d’idées ou d’informations de quelque nature qu’elles soient, mais non, comme en l’espèce, de l’exploitation à des fins purement commerciales et non informatives d’éléments du fichier d’un tiers ;

Que le tribunal, qui a écarté à juste raison le grief de clause abusive, a exactement estimé que la société Tigest communication, professionnel averti, avait illicitement utilisé les catalogues des sociétés intimées pour se constituer son propre fichier ;

Considérant, s’agissant des catalogues concernant les expositions Batimat et It/Forum, lesquels ne contiennent aucune clause restrictive, que le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, a exactement estimé que la société Tigest communication, en utilisant ces catalogues à des fins commerciales pour se constituer un fichier qu’elle commercialise, avait commis une faute, profitant indûment des investissements réalisés par la société groupe Miller Freeman et retenu à juste titre l’existence d’acte de parasitisme caractérisé ;

Considérant que la société Tigest communication invoque enfin en vain les enrichissements qu’elle aurait apportés aux informations extraites des catalogues des sociétés du groupe Miller Freeman, lesquels sont indifférents quant aux faits dénoncés ;

Sur les faits postérieurs au 1er janvier 1998 :

Considérant que pour les faits postérieurs au 1er janvier 1998, les sociétés intimées revendiquent le bénéfice du droit sui generis instauré par la loi à compter de cette date au profit de tout producteur de bases de données répondant aux critères de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Cette protection est indépendante et s’exerce sans préjudice de celle du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs ;

Que contrairement à ce que soutient la société Tigest communication, ces dispositions ne sont nullement limitées aux bases de données électroniques mais s’appliquent à toutes les bases de données quel qu’en soit le support, y compris les supports papiers ; que les sociétés intimées font, au surplus, pertinemment remarquer que leurs bases de données, si elles sont exploitées sur support papier, sont bien établies et gérées à l’aide d’un outil informatique ;

Considérant qu’en décidant de constituer une base de données regroupant selon un mode particulier les informations afférentes aux exposants des différentes manifestations qu’elles organisent, mises à disposition du public au moyen de catalogues réalisés à l’occasion de chacune de ces manifestations, et en engageant les moyens nécessaires pour parvenir à une telle réalisation, les sociétés intimées ne peuvent se voir sérieusement contester la qualité de producteur de bases de données ;

Considérant toutefois que pour bénéficier d’un droit privatif sur cette base, il appartient au producteur ainsi défini de justifier d’investissements substantiels, financier, matériel ou humain dans la constitution, la vérification ou la présentation de celle-ci ;

Considérant que pour justifier de l’existence d’investissements substantiels, les sociétés du groupe Miller Freeman soutiennent, à juste raison, que la constitution de leurs bases sont le résultat des efforts commerciaux qu’elles ont déployés pour la promotion de leurs salons, de l’établissement des plans de communication, de la publicité qu’elles ont faite pour susciter la participation des exposants, lesquels efforts donnent leur contenu aux bases ; qu’elles justifient les investissements tant en personnel qu’en prestations informatiques exclusivement consacrés aux dites bases en produisant à l’appui de leurs dires les contrats de travail et la facturation des prestations attestant que plusieurs personnes travaillent à temps complet à la constitution et à la vérification de celles-ci ;

Qu’elles invoquent, également à bon escient, les vérifications et les mises à jour permanente de ces bases, qui constituent le quotidien de leurs commerciaux, évoquant les missions régulières de marketing téléphonique et précisant que le coût des interventions de la société Manpower, à cet effet, est de l’ordre de 332 000 F par an, ainsi qu’il en est justifié ;

Qu’elles se prévalent, également pertinemment, des efforts déployés pour la présentation et l’édition des catalogues, et le soin apporté à leur réalisation pour en faire des produits de qualité, indiquant, à titre d’exemple, que le coût du catalogue 97 Batimat a atteint 944 645 F et celui du salon Midest pour la même année 425 206 F et produisant, à l’appui de leurs dires, les facturations correspondantes ;

Considérant que si l’accès aux données des exposants se trouve nécessairement facilité pour les sociétés qui organisent les manifestations en raison de leurs activités parallèles, il n’en demeure pas moins que leur récolement et leur classification, même si elles sont utilisées pour la réussite de la manifestation, impliquent nécessairement un investissement tant en matériel qu’humain, affecté à la constitution et à la vérification de la base, investissement que le tribunal, au vu des pièces produites, a exactement qualifié de substantiel, justifiant ainsi la reconnaissance aux sociétés intimées du droit spécifique instauré au bénéfice du producteur de bases de données par la loi du 1er juillet 1998, à effet rétroactif au 1er janvier 1998 ;

Que la société Tigest communication oppose à tort les profits engendrés par l’exploitation des catalogues à titre de support publicitaire, la reconnaissance de la qualité de producteur d’une base de données et la protection par le droit sui generis instauré par l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle n’étant pas exclusives de la réalisation de profits, fussent-ils affectés à la réalisation de la base et/ou à sa mise à jour et permettraient d’en assurer le financement ;

Considérant qu’il est constant qu’en incorporant à son fichier les données informatives relatives à chaque exposant des manifestations des sociétés du groupe Miller Freeman telles qu’elles figurent dans leurs catalogues, la société Tigest communication procède à l’extraction par transfert permanent ou temporaire d’une partie quantitativement substantielle du contenu de la base de données sur un autre support au sens de l’article L 342-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu’elle réutilise, par la mise à disposition du public, cette même partie ;

Que cette extraction et sa réutilisation sans autorisation du producteur de la base de données est illicite ;

Que la société Tigest communication prétend en vain, que la protection par le droit sui generis reconnu aux intimées s’exercerait de manière à faciliter les abus de position dominante, notamment, en ce qui concerne la création et la diffusion de nouveaux produits et services présentant une valeur ajoutée d’ordre intellectuel, documentaire, technique, économique ou commercial, et serait contraire au préambule de la directive européenne du 11 juin 1996 sur les bases de données, alors que ladite société, qui n’a jamais sollicité l’autorisation de compiler à des fins commerciales les informations contenues dans les catalogues, ne démontre pas que le produit qu’elle a créé répondrait aux critères susvisés ;

Que le tribunal a, dans ces conditions, exactement retenu, que l’utilisation à des fins commerciales par la société Tigest communication des catalogues appartenant aux sociétés intimées était illicite et portait atteinte, pour les faits postérieurs au 1er janvier 1998, au droit sui generis reconnu aux sociétés du groupe Miller Freeman sur leurs bases de données ;

Sur les actes de contrefaçon de marques :

Considérant que pour échapper au grief de contrefaçon de marque, la société Tigest communication qui a utilisé les différentes marques des sociétés intimées, invoque le bénéfice de l’article L 713-6 du code de la propriété intellectuelle lequel dispose que l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire, comme … b) référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service ;

Mais considérant, ainsi qu’il résulte des pièces versées aux débats, que la société Tigest communication n’a pas utilisé les marques des intimées à titre de simple référence, mais en fait une véritable exploitation commerciale tant à raison de ses fichiers qu’à l’occasion des « bus mailing » réalisés pour ses clients où ces marques figurent à titre d’argument de vente, ainsi que le révèle l’utilisation de formules telles que « Vous avez déjà participé à … (tel salon) …, pourquoi ne pas être présent 365 jours par an sur le plus grand salon du monde : internet », ou d’accroches comme « Prolonger le salon … en communiquant directement chez vos futurs clients » ;

Qu’en prenant soin d’indiquer, dans l’édition 98 de son dossier de présentation à sa clientèle, que les noms des salons sont la propriété des organisateurs, nous vous recommandons de les contacter pour toute utilisation de ces noms dans le cadre de vos actions, la société Tigest communication a d’ailleurs elle-même reconnu, de façon implicite, que l’utilisation des marques doit être autorisée ;

Que le tribunal a retenu à bon droit la contrefaçon de marques ;

Sur le montant des réparations :

Considérant qu’en allouant à chacune des sociétés concernées les sommes susvisées, le tribunal a exactement évalué l’entier préjudice causé aux dites sociétés ; que la décision déférée doit donc être confirmée ;

Que la mesure de publication, fondée en son principe, doit être accueillie de façon limitée, selon les modalités qui seront énoncées au dispositif ci-après ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la demande de dommages-intérêts formulée par la société Tigest communication, à raison du préjudice qui lui causerait le litige entrepris, n’est pas fondée et doit être rejetée ;

Que les sociétés intimées ne démontrent pas que le fait, par la société Tigest communication, de leur imputer l’origine de « rumeurs préjudiciables », leur aurait causé un quelconque préjudice, une telle imputation n’excédant pas les limites du débat judiciaire ; que la demande de dommages-intérêts formulée à ce titre doit être également rejetée;

Considérant qu’il convient d’allouer aux intimées, une somme de 30 000 F par application de l’article 700 du ncpc en cause d’appel ; que la société Tigest communication qui succombe doit être déboutée de la demande formée par elle de ce chef ;

La décision

Donne acte à la société Reed Expositions France, anciennement dénommée société groupe Miller Freeman SAS qui a absorbé les sociétés Miller Freeman France et la semaine internationale du transport et de la logistique vient aux droits de ces sociétés ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Autorise la publication du présent arrêt dans deux journaux ou revues au choix des sociétés intimées et aux frais de la société Tigest communication dans la limite de 25 000 F par insertion ;

Condamne la société Tigest communication à payer aux sociétés intimées la somme de 30 000 F au titre de l’article 700 du ncpc,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Tigest communication aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du ncpc.