Cass. com., 28 avril 1987, n° 85-17.093
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Bézard
Avocat général :
M. Cochard
Avocats :
Me Choucroy, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 mai 1985) que, par une convention passée le 20 juin 1977, M. X... a vendu treize parts et Mme A... dix-huit parts du capital d'une société à responsabilité limitée Nardi à Mme Z..., qui est devenue, par le même acte, gérante de la société après démission de M. X... ; que, le 6 avril 1979, M. X... a vendu aux époux Z..., en indivision, ses vingt-neuf parts restantes ; qu'il s'est reconnu débiteur d'un passif fiscal né avant mais révélé depuis le premier acte et qu'il s'est engagé à le payer ; qu'il a été mis en liquidation des biens et que Mme Z..., sur le fondement de la convention du 20 juin 1977, a demandé le paiement de ce passif à Mme A... ;
Attendu que Mme A... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir étendu la garantie du passif fiscal à l'intégralité de celui-ci, dans la limite de 142 254 francs, aux motifs que la convention du 20 juin 1977 avait eu pour effet une modification importante de la société en changeant la majorité et avait un caractère commercial, alors, selon le pourvoi, que la cession de parts sociales est un acte de nature civile, à moins qu'elle ne prenne la forme d'une cession de contrôle de la société pour le cédant et le cessionnaire ; qu'il résultait des motifs mêmes de l'arrêt que Mme A... n'était pas gérante de la société, qu'elle n'en avait pas le contrôle et était seulement associée minoritaire ; qu'en attribuant le caractère commercial à la cession bien que celle-ci ait présenté le caractère d'une simple transaction de nature civile, la cour d'appel a faussement appliqué l'article 631 du Code de commerce ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la convention du 20 juin 1977 n'a pas consisté en une simple cession de parts d'un propriétaire à un autre mais qu'elle a eu pour objet et pour effet le changement de majorité et de gérant de la société au profit de Mme Z... ; qu'elle a pu en déduire que l'opération avait un caractère commercial et qu'il en résultait que l'engagement commun de passif pris par les consorts Y... n'était pas régi par les dispositions de l'article 1202 du Code civil, mais qu'il était affecté d'une présomption simple de solidarité ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que Mme A... n'a pas rapporté la preuve que l'engagement des cédants excluait la solidarité, alors, selon le pourvoi, que les premiers juges ont relevé que l'engagement au passif prévoyait expressément que la charge de celui-ci serait directement imputée sur la valeur de chaque part sociale, ce qui impliquait que les parties avaient voulu limiter le poids du passif en fonction de la possession du nombre de parts ; qu'en se bornant à exposer que Mme A... n'a allégué aucun fait de nature à prouver l'absence de solidarité, sans opposer aucune réfutation aux motifs du jugement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions et violé ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel n'avait pas à répondre aux motifs d'un jugement que les conclusions d'appel de Mme A... lui demandaient d'infirmer ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen pris en ses deux branches :
Attendu que Mme A... reproche enfin à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement du prix de cession des parts sociales, aux seuls motifs, tirés de ceux du jugement, que les modalités décrites dans la convention du 20 juin 1977 organisaient une délégation de paiement acceptée par Mme A... du seul fait de sa signature à l'acte, alors, selon le pourvoi, que, d'une part, la délégation parfaite suppose une déclaration expresse du délégataire de son intention de nover et de décharger le délégant ; que la cour d'appel a retenu l'existence d'une délégation pour priver Mme A... de son droit de réclamer paiement du prix d'achat des parts sociales aux acheteurs, après non-paiement des effets de commerce destinés à payer ce prix, sans caractériser l'existence d'une déclaration expresse de la venderesse mentionnant son intention de nover et de décharger les acheteurs à son égard, qu'elle a privé ainsi sa décision de fondement légal au regard de l'article 1275 du Code civil, et alors, d'autre part, que, même dans l'hypothèse où la convention aurait un caractère commercial, la délégation parfaite suppose établie la volonté certaine et sans équivoque du délégataire de nover et de décharger le délégant ; qu'en retenant l'existence d'une délégation sans relever l'intention de Mme B... de nover et de décharger les acheteurs à son égard en cas de non-paiement des effets, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1275 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, énonce qu'il résulte de l'" aveu " de Mme A..., dans ses conclusions, que les effets de commerce destinés à payer le prix d'achat des parts qu'elle possédait ont été tirés au profit de M. X... ; que les modalités décrites dans la convention du 20 juin 1977 organisaient ainsi une délégation de paiement acceptée par Mme A... du seul fait de sa signature à l'acte ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.