CA Paris, 1re ch. H, 15 mai 2008, n° 2007/09505
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Beilin, Roy, Tordjman
Défendeur :
Président de l'Autorité des Marchés Financiers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pimoulle
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Mouillard
Avoués :
SCP Naboudet-Hatet, SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Me Gautier, Me Castrie, Me Derriennic
La société GFI INFORMATIQUE (ci-après GFI), société anonyme qui a pour activité le service en ingénierie informatique et dont les dirigeants sont, notamment, M. Tordjman, président-directeur général, M. Beilin, administrateur et directeur général délégué, et M. Roy, directeur général délégué et secrétaire général, a été admise au Second marché en 1998 puis au Premier marché en 1999.
Son capital est composé d'environ 46 millions d'actions cotées au compartiment B de l'Eurolist. Au 31 décembre 2004, 84 % des actions étaient détenues par le public, 9 % par M. Tordjman et environ 5% par les autres dirigeants et salariés du groupe. GFI a émis, par ailleurs, en août 2003 des obligations à bon de souscription d'action remboursable ( «OBSAR») et des bons de souscription d'action remboursable autonome («BSAR») .
Le 14 septembre 2004, GFI a publié dans un communiqué ses résultats du premier semestre 2004 en annonçant une marge opérationnelle de 5,4 % et en faisant part de ses perspectives en ces termes : «GFI maintient ses objectifs de croissance pour 2004 qui reste une année de transition. Le deuxième semestre 2004 devrait être dans la ligne du premier avec un troisième trimestre traditionnellement faible et un quatrième trimestre de meilleur niveau de rentabilité opérationnelle».
Le 23 septembre 2004, M. Tordjman a confirmé, dans un entretien à [...], que «sur le second semestre, la marge d'exploitation devrait demeurer autour de 5,4 ou 5,5 %» .
Le 9 novembre 2004, après la clôture de la séance de bourse, GFI a publié un communiqué accompagnant l'annonce du chiffre d'affaires pour le troisième trimestre d'un avertissement sur résultats précisant que «le résultat du quatrième trimestre devrait (...) permettre de dégager une marge opérationnelle supérieure à 4 % sur l'ensemble de l'année 2004», ce qui signifiait que les prévisions relatives à la marge opérationnelle du second semestre ne seraient pas atteintes. Le cours de l'action, établi à 5,04 € en clôture, a ouvert la séance du 10 novembre à 4,65 € et a baissé immédiatement jusqu'à 4,51 €, soit de plus de 10,5 %. Le cours du BSAR est passé de 1,21 € le 9 novembre en clôture à un plus bas de 1,07 € le 10 novembre, avant de terminer la séance à 1,11 €.
Le 15 mars 2005, après la clôture de la séance de bourse, GFI a publié un communiqué annonçant les résultats de l'exercice 2004. Pour la première fois depuis son introduction en bourse, cette société affichait un résultat net négatif, à hauteur de 27,2 millions d'euros. Le cours de l'action est passé de 5,66 € le 15 mars en clôture à 5,21 € le 16 mars immédiatement après l'ouverture, soit une baisse de près de 8 %, puis à 5,24 € à la clôture.
A la suite d'une enquête décidée le 31 janvier 2005 par le Secrétaire général de l'AMF sur le marché du titre GFI à compter du 1er septembre 2004, la commission spécialisée du collège de l'AMF a décidé de procéder à des notifications de griefs à M. Tordjman ainsi qu'à plusieurs autres dirigeants de GFI, dont M. Beilin et M. Roy .
Il leur était reproché d'avoir commis des manquements d'initiés :
- en vendant des titres GFI au cours des semaines précédant la publication de l'avertissement sur résultat le 9 novembre 2004, alors qu'ils détenaient une information privilégiée relative aux prévisions de marge opérationnelle du second semestre 2004 ;
- en vendant des titres GFI au cours des semaines précédant la publication du communiqué du 15 mars 2005, alors qu'ils détenaient une information privilégiée sur le résultat net de la société au titre de l'exercice 2004.
Il était également reproché à M. Tordjman d'avoir effectué de manière tardive et erronée une déclaration de franchissement à la baisse du seuil des 10 % du capital social de GFI.
Par décision du 1er mars 2007, la commission des sanctions de l'AMF a prononcé :
- à l'encontre de M. Tordjman , pour deux manquements d'initié et un manquement tenant au non-respect des dispositions relatives à la déclaration de franchissement de seuil, une sanction pécuniaire de 400 000 € ;
- à l'encontre de M. Beilin, pour deux manquements d'initié, une sanction de 300 000 € ;
- à l'encontre de M. Roy, pour un manquement d'initié, une sanction de 50 000 €.
La commission des sanctions de l'AMF a également ordonné la publication de sa décision au Bulletin des Annonces Légales Obligatoires ainsi que sur le site Internet et dans la revue mensuelle de l'AMF.
LA COUR
Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation formé par M. Tordjman le 4 juin 2007 à l'encontre de cette décision ;
Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation formé par M. Beilin et par M. Roy le 4 juin 2007 à l'encontre de cette décision ;
Vu le mémoire déposé le 18 juin 2007 par M. Tordjman, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 26 février 2008 ;
Vu le mémoire déposé le 19 juin 2007 par M. Beilin, soutenu par son mémoire en réplique, déposé le 25 février 2008 ;
Vu le mémoire déposé le 19 juin 2007 par M. Roy, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 25 février 2008 ;
Vu les observations déposées le 14 janvier 2008 par l'AMF tendant au rejet du recours ;
Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience ;
Ouï à l'audience publique du 18 mars 2008, en leurs observations orales, les conseils de M. Tordjman, de M. Beilin, et de M. Roy, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que les représentants de l'AMF et du ministère public ;
SUR CE,
Sur la recevabilité du recours de M. Beilin
Considérant que l'AMF soutient que le recours formé par M. Beilin le 4 juin 2007 , soit plus de 2 mois après la notification de la décision attaquée, intervenue le 3 avril 2007, est irrecevable comme tardif ;
Mais considérant que le délai de recours, qui expirait le dimanche 3 juin 2007 a, en application de l'article 642 du nouveau Code de procédure civile, été prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant, soit le lundi 4 juin 2007 ;
D'où il suit que le recours de M. Beilin est recevable ;
Sur les manquements d'initiés d'octobre et novembre 2004
Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 1er , 2 et 4 du règlement COB n° 90-08, applicable au moment des faits et de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF que:
1 une information privilégiée est une information précise, qui n'a pas été rendue publique, qui concerne un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés ;
2 les personnes disposant d'une information privilégiée à raison de leur qualité de membres des organes d'administration, de direction, de surveillance d'un émetteur, ou à raison des fonctions qu'elles exercent au sein d'un tel émetteur doivent s'abstenir d'exploiter cette information privilégiée, pour compte propre ou pour compte d'autrui ;
3 les personnes disposant d'une information privilégiée à raison des fonctions qu'elles exercent au sein d'un tel émetteur doivent s'abstenir de communiquer cette information privilégiée à des fins autres ou pour une activité autre que celles à raison desquelles elle est détenue ;
Considérant qu'il ressort du dossier :
- que, le 12 octobre 2004, le directeur financier de GFI a reçu un «reporting» de gestion du mois de septembre duquel il ressortait, selon ses propres déclarations, que GFI serait bien en dessous des objectifs de marge opérationnelle du 3ème trimestre, ce qui impliquait que les objectifs pour le second semestre ne seraient pas atteints, les résultats du 4ème trimestre - quels qu'ils soient - ne pouvant permettre de rattraper ceux du trimestre précédent ;
- que le directeur financier en a immédiatement informé oralement M. Tordjman ;
- que, le 14 octobre 2004, réagissant à ce «reporting», M. Tordjman a adressé au directeur financier et à M. Beilin un courriel ainsi libellé : «La plupart de nos collègues annoncent des résultats pour Q 3 et Q 4 en amélioration et particulièrement en France (...). Je vous demande de procéder à une analyse sans fard pour comprendre la raison de notre situation particulière (...). Je compte sur vous et je sais combien vous mesurez la situation» ;
- que, le 20 octobre 2004, s'est tenue une réunion du comité exécutif à laquelle participaient notamment M. Roy et M. Beilin ; qu'il ressort du compte rendu de cette réunion établi par le directeur financier et par M. Beilin qu'ont été arrêtées des données précises relatives à la marge opérationnelle du 3ème trimestre 2004, se situant à un peu moins de 2 % ainsi qu'à son impact chiffré défavorable sur la marge opérationnelle du 2ème semestre 2004 et sur celle de l'année 2004, comprise entre 4,4 % et 4,6 %, soit «nettement en dessous de l'attente des analystes» ;
- que, le 26 octobre 2004, le directeur financier a adressé un nouveau courriel à M. Tordjman l'informant que la marge opérationnelle du 3ème trimestre était fixée à 2,64 % et que les marges du quatrième trimestre et de l'année 2004 étaient respectivement évaluées à 5,1 % et 4,3 % ;
- que, le 27 octobre 2004, s'est tenu un séminaire du comité exécutif, auquel participaient M. Tordjman, M. Beilin et M. Roy, au cours duquel M. Tordjman a annoncé qu'il n'y avait pas d'autre choix que de faire un «profit warning» le 9 novembre 2004 ;
Considérant que, selon la notification de griefs, dès qu'il a été connu des mis en cause, le fait que la prévision de marge opérationnelle pour le second semestre 2004, telle qu'annoncée le 23 septembre 2004, ne pourrait pas être atteinte, a constitué une information privilégiée jusqu'à la publication par GFI, le 9 novembre 2004, de l'avertissement sur résultats ;
Qu'il est précisément reproché :
- à M. Tordjman, alors qu'il en avait connaissance de cette information privilégiée en qualité de président-directeur général de GFI depuis le 12 octobre 2004 au plus tôt et le 14 octobre 2004 au plus tard, d'avoir vendu entre le 20 octobre et le 2 novembre 2004 120 400 des 4 173 331 actions qu'il détenait au 1er septembre, soit 2,86 % de sa participation ;
- à M. Beilin alors qu'il avait connaissance de cette information privilégiée en sa qualité de directeur général délégué et d'administrateur de GFI dès le 14 octobre 2004 pour avoir été destinataire ce jour-là d'un courriel de M. Tordjman, et au plus tard, le 20 octobre 2004, date de la réunion du comité exécutif à laquelle il avait participé, d'avoir entre le 19 octobre et le 9 novembre 2004 cédé, d'une part, pour son compte, 92 329 actions et 23 640 BSAR, ce qui représente une cession de 6,37 % de sa participation en actions et de 10,11 % des BSAR détenus et, d'autre part, pour le compte de son épouse, 53 655 actions, représentant 18,14 % de ses titres, pour le compte de sa fille, la totalité de ses 1700 actions et, pour le compte de son fils, la totalité de ses 75 actions ;
- à M. Roy, alors qu'il détenait cette information depuis le 20 octobre 2004, date de la réunion du comité exécutif à laquelle il avait participé, d'avoir cédé entre le 19 octobre 2004 et le 5 novembre 2004 55 941 actions représentant 8,03 % de sa participation ;
Considérant que M. Tordjman fait valoir, au soutien de son recours que, certes détenteur d'une information privilégiée, il avait toutefois été contraint de mobiliser des fonds pour faire face à un redressement fiscal et qu'il n'était dès lors pas animé par une intention spéculative ; qu'il prétend également que la décision déférée, dont l'analyse de la baisse du cours se limite à un seul jour de bourse, ne caractérise pas l'incidence sensible de l'information sur le cours, dès lors que la dégradation du cours du titre GFI avait commencé depuis le début de l'année 2004, que l'évolution des coûts moyens sur la période d'août 2004 à décembre 2004 devait conduire à relativiser la chute constatée et, enfin, que le titre GFI souffrait d'une volatilité particulière en raison de son caractère spéculatif;
Que M. Beilin soutient, de son côté, que l'information en question était publique dans la mesure où les difficultés économiques de GFI étaient connues depuis le début de l'année 2004, et que les spécialistes de la place annonçaient des résultats dégradés comme l'attestent divers articles de presse ou communiqués ainsi que l'entretien de M. Tordjman sur le site [...] du 23 septembre 2004, dont il n'a d'ailleurs pas eu connaissance, n'étant pas chargé de la communication financière; qu'il précise, en outre, que le fait que la prévision de marge opérationnelle pour le second semestre 2004 ne pourrait pas être atteinte pouvait de toute façon être anticipé eu égard à la communication passée du groupe et aux analyses financières publiées, le public étant, à tout le moins, en mesure d'émettre des réserves sur les annonces les plus optimistes de la société ; qu'il fait également valoir qu'en raison de la volatilité du titre GFI et de la tendance du cours à la baisse depuis le début de l'année 2004, la décision attaquée ne caractérise pas une incidence sensible de cette information sur les cours, l'annonce du «profit warning» n'ayant de surcroît pas permis de constater une importante rupture avec la situation des précédentes journées ; qu'il soutient, enfin, que la commission n'établit pas non plus à sa charge l'exploitation de l'information en cause, compte tenu du faible nombre de titres cédés et aussi dans la mesure où, alors engagé dans des importants investissements immobiliers et n'étant pas certain d'obtenir des prêts bancaires, il a dû liquider partiellement sa position en titres GFI ;
Que M. Roy prétend, pour sa part, que n'ayant pas eu connaissance de la déclaration de M. Tordjman du 23 septembre 2004 qui contredisait la réalité économique de l'entreprise et dont le marché n'a d'ailleurs pas tenu compte, il ne pouvait avoir conscience de détenir une information privilégiée ; qu'il affirme qu'il n'a pas pris connaissance du non-respect par GFI de ses prévisions en termes de marge opérationnelle lors de la réunion du 20 octobre 2004, le «dérapage sur les objectifs annuels internes opérationnels» étant déjà connu depuis plusieurs mois et cette situation pouvant de toute façon être anticipée eu égard à la communication passée du groupe et aux analyses financières publiées depuis le début de l'année 2004 ; qu'il prétend également que l'information en question n'a pas eu d'incidence sensible sur le cours, contrairement à ce qu'a décidé la commission des sanctions, dont l'analyse sur un unique jour de bourse est insuffisante, le titre s'inscrivant de surcroît depuis le début de l'année 2004 dans une tendance baissière régulière et l'annonce du 9 novembre 2004 n'ayant pas permis de constater une importante rupture avec la situation des jours précédents ; qu'il soutient, enfin, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir exploité une information privilégiée puisqu'il avait déjà commencé à vendre des titres avant le 20 octobre 2004, et que c'est précisément la remontée du cours à partir du mois d'août 2004 qui l'avait conduit à donner des ordres à compter du 29 septembre 2004 pour procéder au remboursement de ses emprunts, dans des conditions constitutives d'une contrainte ;
Mais considérant que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que la commission des sanctions a jugé que le non respect par GFI de la prévision de résultats qui avait été annoncée au public, information dont la précision n'a pas, en soi, fait l'objet de contestation de la part des requérants, constituait une information privilégiée, dès lors qu'elle n'a pas été rendue publique avant le communiqué de GFI du 9 novembre 2004 et qu'elle était susceptible d'avoir une incidence sensible sur le cours des titres GFI ;
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que, quelle que soit la teneur des commentaires et des analyses financières, le public n'a su qu'après la publication du communiqué de GFI du 9 novembre 2004 que la prévision de marge opérationnelle pour le second semestre 2004 de 5,4 %, telle qu'elle avait été annoncée par la société le 14 septembre 2004 puis confirmée par M. Tordjman le 23 septembre 2004, ne serait pas atteinte, alors que l'impossibilité d'atteindre une telle marge, qui contredisait l'annonce faite au marché, était acquise dès la mi-octobre, étant observé que, compte tenu des fonctions de direction qu'ils exerçaient au sein de GFI, M.Beilin et M. Roy ne peuvent prétendre avoir été tenus dans l'ignorance des annonces faites par le président-directeur général ;
Considérant, en second lieu, sur l'incidence sensible que l'information en cause était susceptible d'avoir sur les cours, que c'est à juste titre que la commission retient que l'annonce par un émetteur de ce que ses prévisions de résultat ne seront pas atteintes est, par nature, susceptible d'avoir une incidence sensible sur le cours des titres émis ;
Qu'au surplus, la commission des sanctions, qui n'était pas tenue de démontrer la réalité de l'incidence sensible de l'information sur le cours des titres, a constaté, de toute façon, que la publication du communiqué du 9 novembre 2004 a aussitôt eu pour effet de provoquer, d'une part, la chute immédiate du cours de l'action, qui a enregistré une baisse de plus de 10,5 % le 10 novembre en passant de 4,65 € à l'ouverture à 4,51 € dans les minutes suivantes alors que la veille elle cotait encore à la clôture 5,04 €, et, d'autre part, de provoquer une chute immédiate du cours du BSAR, passé de 1,21 € le 9 novembre en clôture à un plus bas de 1,07 € le 10 novembre avant de terminer la séance à 1,11 € ;
Que s'agissant de l'évolution du titre au cours de l'année 2004 mise en exergue par M. Tordjman, il ressort de toute façon des cours moyens et mensuels de 2004, qu'il communique, que la baisse brutale de 10,5 % constatée le lendemain de la publication du communiqué, à l'ouverture du marché, se démarque nettement de l'évolution antérieure, à tendance baissière, du titre, et que cette chute ne peut trouver son explication dans la volatilité du titre ;
Considérant que c'est également par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que la commission des sanctions a décidé que l'exploitation de l'information privilégiée ainsi déterminée était caractérisée dans tous ses éléments à l'égard des trois dirigeants mis en cause ;
Considérant en effet, en premier lieu, que M. Tordjman, qui, informé le 12 octobre 2004 par le directeur financier de GFI que l'entreprise serait en dessous des objectifs de marge opérationnelle du 3ème trimestre, ce qui impliquait que les objectifs pour le second semestre ne seraient pas atteints, disposait, dès cette date, ce qu'il n'a d'ailleurs jamais sérieusement contesté, de cette information et qu'alors qu'il était astreint à un devoir d'abstention, il a pourtant cédé, plus de 120000 actions entre le 20 octobre et le 2 novembre 2004 ;
Que le président-directeur général de GFI invoque vainement un défaut d'intention spéculative, dés lors que le manquement d'initié est caractérisé par le seul fait d'avoir vendu des titres sans y avoir été contraint par une circonstance insurmontable de nature à justifier la transgression du devoir d'abstention qui résultait de la détention d'une information privilégiée;
Considérant, en deuxième lieu, que, de son côté, M. Beilin disposait de l'information privilégiée dès le 14 octobre 2004, date à laquelle il avait été destinataire d'un courriel alarmiste de M. Tordjman ; que le directeur financier de GFI a d'ailleurs confirmé que M. Beilin avait été informé de la dégradation de la rentabilité au troisième trimestre en même temps que M. Jacques Tordjman et lui, et qu'il est constant, en outre, que M. Beilin a participé à la réunion du comité exécutif du 20 octobre 2004 ;
Que, tenu à un devoir d'abstention, il a cependant cédé, entre le 19 octobre et le 9 novembre 2004, pour son propre compte, 92 329 actions au cours moyen de 5,22 € ainsi que 23 840 BSAR au cours moyen 1,33 €, pour le compte de son épouse 53 655 actions au cours moyen de 5,17 €, pour le compte de sa fille, la totalité de ses 1700 actions au cours moyen de 5,16 €, et enfin, pour le compte de son fils, la totalité de ses 75 actions au cours moyen de 5,20 € ;
Qu'au surplus, profitant de la baisse des cours, le requérant a ensuite racheté entre le 23 novembre et le 3 décembre 2004, 57 298 actions pour son compte, au cours moyen de 4,43 € et 83 790 actions pour le compte de son épouse, au cours de 4,45 € ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il est constant que M. Roy a disposé de l'information privilégiée le 20 octobre 2004, date de la réunion du comité exécutif de GFI , à l'occasion de laquelle il a lui même reconnu, lors de son audition par les enquêteurs avoir «été formellement informé des résultats prévisionnels du 3ème trimestre 2004 et notamment du dérapage de la marge opérationnelle qui ne permettrait pas d'atteindre les objectifs» ;
Qu'entre le 21 octobre 2004, soit le lendemain de cette réunion et le 5 novembre 2004, alors que, comme les deux autres dirigeants mis en cause, il devait s'abstenir de céder ses titres, peu important qu'il ait vendu antérieurement des titres le 29 septembre , le 5 octobre 2004 et le 19 octobre 2004, il a pourtant vendu 55 941 actions représentant 8,03 % de sa participation au cours moyen de 5,29 € ;
Considérant, enfin, que les trois requérants tentent vainement de se justifier en invoquant des besoins de trésorerie et des contraintes patrimoniales dès lors qu'ils ne démontrent pas s'être trouvés dans l'impossibilité absolue de reporter leurs opérations à la fin de la courte période qui a précédé le communiqué du 9 novembre 2004 ;
Et considérant que la commission des sanctions a justement décidé que les manquements d'exploitation d'une information privilégiée, ainsi caractérisés, ont eu pour effet, au regard des dispositions de l'article L.621-14 du Code monétaire et financier :
- de procurer à M. Tordjman , à M. Beilin et à M. Roy un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, avantage constitué par l'écart entre le cours auquel ils ont pu vendre leurs titres et le cours auquel ils les auraient vendus après que le public a eu connaissance des informations diffusées le 9 novembre 2004 ;
- de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts au sens des dispositions susvisées, les ventes des actions GFI ayant été effectuées alors qu'ils étaient en possession d'informations précises et sensibles sur l'incapacité de GFI de réaliser ses prévisions de marge opérationnelle, informations ignorées des autres opérateurs sur le marché, qui, eux, n'étaient pas en mesure d'anticiper la baisse des cours ;
Sur les manquements d'initiés de février et mars 2005
Considérant que les faits reprochés à M. Tordjman, à M. Beilin et à M. Roy, s'étant déroulés entre le 17 février et le 15 mars 2005, doivent cette fois-ci être appréciés au regard des dispositions des articles 621-1,622-1, 622-2 du règlement général de l'AMF, selon lesquelles :
article 621-1 : «Une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés. Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers qui leur sont liés. Une information, qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement» ;
article 622-1 : «Toute personne mentionnée à l'article 622-2 doit s'abstenir d'utiliser l'information privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement ou indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés (...)» ;
article 622-2 : «Les obligations d'abstention prévues à l'article 622-1 s'appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : 1° Sa qualité de membre des organes d'administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l'émetteur ; (...)» ;
Considérant qu'il ressort du dossier que :
- le 18 février 2005, le directeur financier de GFI a adressé à M. Tordjman un rapport hebdomadaire sur l'état d'avancement des travaux de finalisation des comptes annuels, détaillant les composantes et le montant du résultat net, en particulier le résultat exceptionnel avant dépréciation exceptionnelle des «goodwill» ;
- le 25 février 2005 à 9 heures, le directeur financier de GFI et M. Tordjman ont eu un entretien;
- le 28 février 2005, le montant de la «dépréciation exceptionnelle» a été intégré dans le projet d'arrêté de comptes ;
- le 14 mars 2005, le comité d'audit a étudié les comptes consolidés de l'exercice 2004, d'où il ressort que «le résultat net après amortissement des écarts d'acquisition est fortement négatif à 27,064 M € compte tenu des dépréciations exceptionnelles d'écarts d'acquisition» ;
- le 15 mars 2005, les comptes consolidés de l'exercice 2004 ont été examinés par le comité exécutif puis par le conseil d'administration ;
Considérant que, selon la notification de griefs, l'ampleur du résultat net négatif de l'exercice 2004, en particulier les montants du résultat exceptionnel et de la dépréciation exceptionnelle des «goodwill», constituaient une information privilégiée avant la publication par GFI du communiqué du 15 mars 2005 annonçant les résultats de cet exercice ;
Qu'il est précisément reproché :
- à M. Tordjman d'avoir utilisé cette information privilégiée, en cédant 150 000 actions GFI entre le 25 février et le 9 mars 2005, alors qu'en sa qualité de président- directeur général de GFI, il en avait eu connaissance le 18 février 2005, jour où il a reçu par courriel du directeur financier un rapport hebdomadaire sur l'état d'avancement des travaux de finalisation des comptes annuels, comportant une estimation du montant du résultat net ;
- à M. Beilin d'avoir utilisé l'information privilégiée en cédant le 15 mars 2005, entre 11 heures 57 et 14 heures 50, 45 210 actions GFI pour son compte et 30 000 actions GFI pour le compte de son épouse, alors qu'en sa qualité de directeur général délégué et administrateur de GFI il avait participé le matin même à la réunion du comité exécutif au cours duquel les comptes consolidés de l'exercice 2004 ont été examinés ;
Considérant que, au soutien de son recours, M. Tordjman prétend, tout d'abord, qu'à la date de la passation de l'ordre de vente, le 17 février 2005 ou même, le 9 mars 2005, il n'était pas alors détenteur d'une information suffisamment précise pour revêtir la nature d'une information privilégiée, car ce n'était qu'à la date de la réunion du comité d'audit du 14 mars 2005 que les commissaires aux comptes avaient recommandé au conseil d'administration de retenir le montant des «goodwill» exceptionnels proposés par la direction financière ; qu'il soutient, ensuite, que l'instruction d'abaisser la limite de cours des titres GFI s'explique seulement par l'achat d'un appartement et qu'il n'était pas animé par une intention spéculative ; qu'il observe, enfin, s'agissant de l'incidence sensible de l'information sur le cours des titres, que l'analyse de la commission sur un unique jour de bourse est insuffisante, alors que le titre GFI s'inscrivait dans une tendance baissière depuis le début de l'année 2004, qu'au lendemain de l'annonce des résultats 2004 son cours restait très au-dessus des cours moyens du deuxième semestre 2004 et, enfin, que ce titre était un titre notoirement spéculatif , ce qui confirme, en tant que de besoin, que les résultats 2004 avaient manifestement été anticipés par le marché dès le second semestre 2004 ;
Que, de son côté, M. Beilin fait valoir :
- que le résultat d'exploitation et le résultat exceptionnel étaient annoncés par GFI et relayés par les journalistes, ce qui permet de considérer que les résultats de l'exercice 2004 ont été anticipés et qu'ils étaient connus des investisseurs dès le second semestre de l'année 2004 ;
- en ce qui concerne l'incidence de l'information sur le cours :
* que le titre GFI est spéculatif et volatil, conduisant à des évolutions boursières souvent à contre-courant de la réalité économique de l'entreprise, le titre étant déjà descendu dans le mois qui précède la publication des résultats en dessous du cours au lendemain de cette publication;
* que c'est à tort que la décision attaquée retient que l'information en cause était «par nature» susceptible d'avoir une incidence sensible sur le cours du titre GFI alors, d'une part, que le résultat net négatif est dû pour une grande part à des charges non décaissées provenant de la comptabilisation de la dépréciation de filiales et, d'autre part, qu'il est également dû à un résultat exceptionnel négatif et notamment du fait de l'amortissement des écarts d'acquisition de filiales étrangères, explications qui étaient de nature à rassurer les investisseurs sur la réalité financière de la société ;
- qu'au surplus, il convient de mettre en valeur la très faible quantité de titres cédés, ce qui place les cessions critiquées dans la mesure acceptable des «besoins de trésorerie et des contraintes patrimoniales» ;
Mais considérant que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte expressément, que la commission des sanctions a retenu que l'ampleur du résultat net négatif de l'exercice 2004, compte tenu en particulier des montants du résultat exceptionnel et de la dépréciation exceptionnelle des «goodwill» était, jusqu'à la publication par GFI du communiqué du 15 mars 2005, une information privilégiée ;
Considérant, en effet, que l'information dont s'agit, en ce qu'elle portait non sur la confirmation d'un résultat net négatif mais sur l'ampleur, chiffrée, de ce résultat, de surcroît supérieure à celle attendue du marché et assortie d'explications chiffrées et inattendues du marché quant à son origine, constituait une information précise ;
Qu'il est constant également que ces éléments ont été rendus publics le 15 mars 2005, après la clôture de la séance, par un communiqué de GFI ; que si le marché savait depuis décembre 2004 que le résultat net de l'exercice 2004 serait négatif, les prévisions de perte n'excédaient pas alors 10 M € ; que l'ampleur de cette dernière, arrêtée finalement à 27,2 M €, de même que le niveau de la dépréciation exceptionnelle des «goodwill», étaient largement inattendues du marché, comme le confirment les analyses financières publiées le lendemain de l'annonce ;
Que ces informations étaient, par nature, susceptibles d'avoir une influence sensible, au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, sur le cours des titres et que leur annonce a, au demeurant, entraîné une baisse de près de 8 % du cours de l'action GFI , passé de 5,66 € le 15 mars en clôture à 5,21 € le 16 mars immédiatement après l'ouverture, puis à 5,24 € à la clôture ;
Considérant que c'est également par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que la commission des sanctions a conclu que le manquement d'utilisation d'une information privilégiée par M. Tordjman ainsi que par M. Beilin était caractérisé par des cessions de titres GFI intervenues à une période où ces deux dirigeants étaient tenus par un devoir d'abstention ;
Considérant qu'il convient d'observer, à titre liminaire, pour apprécier une telle utilisation, que, comme le relève à juste titre la commission des sanctions, il est incontestable que la connaissance du montant de l'amortissement exceptionnel des écarts d'acquisition permettait d'évaluer l'ampleur du résultat net négatif de l'exercice 2004 ;
Considérant que, concernant tout d'abord M. Tordjman, s'il est vrai que les montants définitifs de l'amortissement exceptionnel des écarts d'acquisition et du net de l'exercice 2004 n'ont été formellement arrêtés que le 14 mars 2005 avec le comité d'audit, il n'en demeure pas moins que, selon le directeur financier de GFI, c'est autour du 20 février 2005 que M. Tordjman a su que cette dépréciation exceptionnelle serait de l'ordre de 17 M€ et a admis qu'elle entraînerait la comptabilisation d'un résultat net négatif de l'ordre de 29 M€ puisqu'il a alors donné son accord pour que le projet d'arrêté de comptes du 28 février 2005 intègre ce montant de dépréciation ;
Que l'agenda de M. Tordjman confirme qu'il s'est entretenu avec le directeur financier le 25 février 2005 à 9 heures et que c'est donc bien à ce moment là, au plus tard, qu'il a appris le montant de la dépréciation exceptionnelle et du résultat net négatif et qu'il a donné son accord pour qu'ils soient repris dans les comptes ;
Qu'après avoir, le 24 février 2005, donné l'ordre de continuer d'exécuter une précédente consigne de vente de ses actions, il a, le lendemain à 9 heures 41, soit dans les minutes qui ont suivi son entretien avec le directeur financier, en dépit de son devoir d'abstention qui découlait de la détention de cette information privilégiée, décidé d'abaisser sa limite de cours de 5,55 € à 5,50 € ;
Que cette concomitance entre, d'un côté, la réception des indications fournies par le directeur financier quant à l'ampleur du résultat négatif à comptabiliser, de l'autre côté, l'ordre de diminuer le cours de vente de ses titres, conforte, s'il en était besoin, l'utilisation de l'information privilégiée qui a été faite à partir du 25 février 2005 par M. Tordjman ;
Qu'après avoir, le 4 mars 2005, confirmé son ordre de vente, M. Tordjman n'a finalement interrompu les opérations de cession de ses actions, sur les recommandations de sa conseillère en gestion de fortune, que le 9 mars 2005, moins d'une semaine avant la publication du communiqué et qu'il a ainsi vendu, entre le 25 février et le 9 mars 2005, 150 000 actions au cours moyen de 5,57 € ;
Considérant, concernant ensuite M. Beilin, que celui-ci n'a pas contesté avoir eu connaissance de l'ampleur de la dépréciation exceptionnelle et du résultat net négatif dans la matinée du 15 mars 2005, au cours de la réunion du comité exécutif ;
Que, le même jour, entre 11 heures 57 et 14 heures 50, alors qu'il disposait de l'information privilégiée depuis le matin, il a passé cinq ordres de vente par Internet, cédant au cours moyen de 5,72 €, d'une part, 45 210 actions pour son compte et d'autre part, 30 000 actions pour le compte de son épouse ;
Que, de surcroît, il a acquis dès les 16 et 17 mars 2005, 73 382 actions GFI au cours moyen de 5,24 € pour son compte et 40200 actions au cours moyen de 5,30 € pour le compte de son épouse et que, tout comme les cessions et acquisitions effectuées sur le dernier trimestre 2004, de telles opérations non seulement écartent toute justification fondée sur la gestion de son patrimoine, mais, à l'opposé, révèlent le caractère spéculatif de ses agissements;
Considérant, enfin, que les contraintes patrimoniales et les besoins de trésorerie invoquées par les deux requérants ou encore en ce qui concerne M. Beilin, la faible quantité de titres cédés, ne sont pas de nature à justifier les ventes intervenues, dès lors qu'ils ne démontrent pas en quoi ils se seraient trouvés dans l'impossibilité absolue d'attendre la fin de la période d'abstention, soit quelques jours, voire quelques heures, pour opérer ;
Et considérant que les manquements d'utilisation d'une information privilégiée ainsi caractérisés ont eu pour effet de procurer à M. Tordjman et à M. Beilin un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, avantage constitué par l'écart entre le cours auquel ils ont pu vendre leurs titres et le cours auquel ils auraient vendu après que le public a eu connaissance des informations diffusées le 15 mars 2005 ;
Que ces manquements ont eu également pour effet de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts au sens de l'article L.621-14 du Code monétaire et financier, les ventes des actions ayant été effectuées par M.Tordjman et par M. Beilin alors qu'ils étaient en possession d'informations précises et sensibles sur l'ampleur de la perte de l'exercice 2004, arrêtée finalement à 27,2 M€, et sur le niveau de la dépréciation exceptionnelle des «goodwill», informations ignorées des autres opérateurs sur le marché, qui n'étaient pas en mesure d'anticiper la baisse des cours ;
Sur les autres manquements reprochés à M.Tordjman
Considérant qu'il est également reproché à M.Tordjman, en infraction avec les dispositions des articles 222-12 du règlement général de l'AMF, L.233-7 du code de commerce et 247-1 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, de ne pas avoir rempli ses obligations déclaratives en effectuant, le 15 avril 2005, une déclaration de franchissement à la baisse du seuil de 10 % du capital social de GFI , à la fois tardive et erronée en ce qu'elle comportait des erreurs quant à sa part du capital et des droits de vote de GFI et quant à la date du franchissement de seuil, de tels manquements ayant pour effet de fausser le fonctionnement du marché ;
Considérant qu'il est établi que, contrairement aux déclarations faites auprès de l'AMF les 15, 21 et 22 avril 2005, M. Tordjman, d'une part, a franchi à la baisse le seuil de détention de 10 % du capital et des droits de vote de GFI non pas le 30 décembre 2004 ou le 9 novembre 2004 mais au cours de l'année 2003, d'autre part, détenait le 9 novembre 2004, non pas 4025641, mais 4 052 931 titres, les 27 290 actions au porteur et les 22 000 actions dont il était usufruitier n'ayant pas été déclarées ;
Considérant que M. Tordjman, qui n'a pas contesté le caractère inexact et tardif de ses déclarations, se borne, devant la cour, à déclarer qu'il avait chargé le secrétariat général de GFI d'émettre cette déclaration, sans toutefois dénier sa responsabilité quant au non respect de la réglementation dont s'agit ;
Que, dès lors, le grief est caractérisé ;
Et considérant que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que la commission des sanctions a jugé que le défaut de déclaration de franchissement de seuil dans les 5 jours de bourse et le caractère erroné de la déclaration effectuée le 15 avril 2005 par le dirigeant de l'émetteur ont eu pour effet de porter atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ainsi qu'au bon fonctionnement du marché au sens de l'article L.621-14 du Code monétaire et financier, ces faits ayant en effet faussé la perception par les investisseurs de la répartition du capital de GFI ;
Sur les sanctions
Considérant que M. Tordjman prie la cour de réduire la sanction qui lui a été infligée en faisant valoir que la décision, qui est particulièrement sévère, ne permet pas d'apprécier le montant du gain en fonction duquel elle a fixé la sanction à 400 000 € ni de vérifier si le principe de proportionnalité a été respecté ;
Que M. Beilin expose ,pour sa part, au soutien de sa demande de réduction de la sanction, que la méthode de calcul utilisée par la commission ne permet pas d'identifier la moins-value qu'il aurait évitée s'il avait cédé ses titres après les publications de novembre 2004 et mars 2005 et invoque aussi les efforts entrepris pour mettre en place, dans la société, «un dispositif préventif pour sensibiliser, pour l'avenir, les potentiels initiés sur la réglementation boursière» ;
Qu'enfin M. Roy , qui met aussi l'accent sur ce dispositif, soutient que «les sommes directement utilisées pour le remboursement de la dette doivent être exclues » en raison de la contrainte extérieure ainsi subie ;
Considérant que l'article L.621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 applicable aux faits de l'espèce, dispose que peut être prononcée à l'encontre de tout auteur de l'une des pratiques visées à l'article L.621-14 dudit code une sanction pécuniaire qui ne peut excéder 1 500 000 € ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés et que le montant de la sanction doit être fixée en fonction de la gravité des manquements et en relation avec les avantages ou les profits qui en ont éventuellement été retirés ;
Considérant que la décision critiquée, qui a déterminé la sanction au regard de ce plafond forfaitaire de 1500 000 €, a justement relevé, tout d'abord, s'agissant de la gravité des manquements, qui n'est pas atténuée par la mise en place, postérieurement aux faits poursuivis, d'un «dispositif préventif» :
- concernant M. Tordjman que la gravité des manquements commis par celui-ci, alors qu'il exerçait les fonctions de président-directeur général de la société GFI , tenait à leur cumul et à leur répétition et que, non seulement il a cédé en toute connaissance de cause des titres dans des conditions illicites alors qu'il était tenu à une obligation d'abstention et qu'aucune circonstance ne justifiait de telles cessions, mais encore qu'il n'a pas non plus informé régulièrement le marché au moyen d'une déclaration de franchissement de seuil de l'importance de ses cessions et de leur impact sur sa propre participation au capital de la société qu'il dirigeait;
- concernant M. Beilin, que la gravité des deux manquements d'initiés qui lui sont imputés et qui concernaient aussi une part significative des titres détenus par des membres de sa famille tenait également à leur cumul et à leur répétition, étant de surcroît observé que les cessions avaient aussitôt été suivies par des acquisitions de titres, alors que le cours de l'action de GFI avait baissé, ce qui lui avait procuré un avantage supplémentaire ;
- concernant M. Roy, que la gravité du manquement d'initié résultait à la fois de sa qualité de directeur général délégué et de secrétaire général de GFI et de la part significative de sa participation au capital de cette société qui a été cédée dans des conditions irrégulières ;
Considérant que, s'agissant ensuite de l'appréciation des avantages financiers tirés des moins-values évitées, c'est à juste titre que la commission des sanctions a choisi de procéder à une comparaison entre, d'une part, le montant des opérations réalisées par les mis en cause et, d'autre part :
* pour le premier manquement, le cours moyen pondéré de l'action GFI entre la publication du chiffre d'affaires du troisième trimestre et du «profit warning» (avant la séance du 10 novembre 2004) et la publication des résultats du troisième trimestre (après la séance du 8 décembre 2004);
* pour le second manquement, le cours moyen pondéré de l'action GFI entre la publication des résultats de l'exercice 2004 (avant la séance du 16 mars 2005) et la publication du chiffre d'affaires du premier trimestre (après la séance du 11 mai 2005) ;
Que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les cours retenus sont en effet les plus pertinents pour apprécier globalement la situation dans laquelle se seraient trouvés les requérants s'ils n'avaient pas bénéficié d'un avantage injustifié ;
Que, dès lors, c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que la commission des sanctions a évalué à 164 075,28 € pour M. Tordjman, à 124 633,20 € en ce qui concerne M. Beilin et, enfin, à 42 515,16 € pour M. Roy, l'avantage financier tiré des moins-values évitées ;
Considérant que la commission des sanctions a ainsi fait une juste application du principe de proportionnalité en statuant comme elle l'a fait ;
Considérant qu'il s'ensuit que les recours ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS
Rejette les recours,
Condamne M. Tordjman , M. Beilin et M. Roy aux dépens.