Cass. com., 29 mai 2019, n° 17-31.501
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 octobre 2017), rendu en matière de référé, que, souhaitant acquérir une parcelle afin d'y implanter divers ouvrages accessibles aux membres d'un club privé qu'il devait créer, M. M... a, le 27 avril 2010, conclu avec la société Golf Resort Terre Blanche (la société GRTB), propriétaire d'un domaine immobilier, une lettre d'accord portant sur l'acquisition d'une parcelle et sur la souscription auprès des sociétés Terre blanche management (TBM) et Terre blanche golf (TBG) de deux « cartes-société » ouvrant droit, au profit des membres du club, à des avantages sur les diverses infrastructures du domaine exploitées par ces deux sociétés, moyennant une cotisation annuelle de 100 000 euros pour chacune desdites sociétés ; que cet accord a été réitéré entre M. M... et la société GRTB par une promesse de vente du 28 septembre 2010 et un acte authentique du 17 août 2011 ; qu'après avoir vainement demandé le paiement des cotisations afférentes à l'année 2010, les sociétés TBM et TBG ont assigné M. M... en paiement ; qu'au cours de la procédure, le 21 mai 2015, M. M... a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ; qu'un arrêt du 17 décembre 2015 a fixé la créance des sociétés TBM et TBG au passif de cette procédure au titre des cotisations relatives aux années 2012 à 2015 ; que, le 3 février 2016, la société DetO management (la société DetO), venant aux droits des sociétés TBM et TBG, a assigné en référé M. M..., ainsi que ses administrateur et mandataire judiciaires, afin de voir condamner le premier au paiement d'une provision de 200 000 euros au titre des cotisations de l'année 2016 ; qu'une ordonnance de référé du 6 avril 2016 a accueilli cette demande ; que pendant l'instance d'appel, le 26 avril 2017, M. M... a été mis en liquidation judiciaire, M. D... étant nommé liquidateur ; que ce dernier a repris l'instance ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de condamner M. M... à payer à la société DetO une provision de 200 000 euros à valoir sur le montant des cotisations échues pour l'année 2016, et de le condamner, ès qualités, à payer à la société DetO une provision du même montant au titre des cotisations échues pour l'année 2017 alors, selon le moyen :
1°/ que seules sont payées à leur échéance les créances nées après le jugement d'ouverture pour les besoins de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur ; qu'en décidant que devaient être payées à leur échéance les cotisations échues au titre des années 2016 et 2017 au seul motif que les cartes souscrites donnaient accès à un ensemble de prestations dont il n'était pas allégué qu'elles auraient été refusées et sans constater que M. M... avait effectivement bénéficié, après le jugement d'ouverture, des prestations auxquelles il aurait pu prétendre en droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-17 du code de commerce ;
2°/ que le jugement prononçant la liquidation judiciaire met fin à l'activité du débiteur de sorte que les créances nées après ce jugement en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur n'échappent à la règle de l'interdiction des poursuites qu'en cas de maintien provisoire de l'activité ordonnée en application de l'article L. 641-10 du code de commerce ; que pour condamner M. M... et Maître D... es qualité de liquidateur à payer à la société DetO Management une provision complémentaire de 200 000 euros au titre l'année 2017, l'arrêt se borne à relever qu'aucun élément ne permet de considérer que M. M... ou son liquidateur aurait résilié le protocole d'accord ou l'engagement de souscription des cartes, et qu'il n'est pas établi que les prestations auraient été refusées à M. M... en 2016 et 2017 ; qu'en statuant ainsi sans constater que le jugement du 26 avril 2017 ayant converti la procédure de sauvegarde en liquidation judiciaire avait autorisé le maintien provisoire de l'activité de M. M..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 641-13 du code de commerce ;
3°/ que les créances nées après le jugement prononçant la liquidation judiciaire ne sauraient être réglées à leur échéance si elles ne sont nées ni pour les besoins de la procédure ni en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur ; qu'en condamnant Maître D... ès qualités de liquidateur à payer l'intégralité des cotisations dues au titre de l'année 2017 quand, à la date de son arrêt, l'année 2017 n'était pas écoulée, de sorte que les prestations relatives à l'année en cours n'avaient en tout état de cause pas pu être fournies, la cour d'appel a violé l'article L. 641-13 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 622-17 du code de commerce, comme de l'article L. 641-13 dudit code, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 applicable en la cause, que sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde ou, après la conversion de celle-ci en liquidation judiciaire, en exécution d'un contrat en cours ; qu'ayant constaté que M. M... a fait l'objet, le 21 mai 2015, d'une procédure de sauvegarde convertie en liquidation judiciaire le 26 avril 2017, l'arrêt relève qu'il résulte du protocole d'accord du 27 avril 2010 que M. M... s'est engagé à souscrire les « cartes-société » et que l'arrêt du 17 décembre 2015 a irrévocablement jugé qu'il devait payer les cotisations y afférentes à compter du 1er janvier 2012 ; qu'il retient, ensuite, que ces cartes donnent droit à des services et avantages divers au sein des installations de la société DetO, tels que l'accès privilégié à des restaurants, à une salle de réunion et à un golf, la possibilité d'organiser des événements privés, des réductions sur des boutiques et hôtels, de sorte que ces cartes donnent accès à un ensemble de prestations dont il n'est pas allégué qu'elles aient été refusées à M. M... pour les années 2016 et 2017 ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de constater que le débiteur avait effectivement bénéficié des prestations attachées aux cartes-société après le jugement d'ouverture, ni que le jugement de conversion en liquidation judiciaire avait autorisé le maintien de l'activité du débiteur, en a exactement déduit que cette créance avait une contrepartie et que la demande de provision formée par la société DetO, non soumise à l'interdiction des poursuites individuelles, était recevable ;
Et attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions du liquidateur que celui-ci ait allégué qu'il convenait de distinguer entre les cotisations de l'année 2017 antérieures au jugement convertissant la procédure de sauvegarde de M. M... en liquidation judiciaire, et les cotisations postérieures audit jugement ; que le grief de la troisième branche est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.