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Décisions

CA Versailles, 1ere ch. sect. 1, 31 mai 2012, n° 12/00006

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Y.D

Défendeur :

L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, Le PRESIDENT de la CHAMBRE DEPARTEMENTALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE LA DORDOGNE, MINISTERE PUBLIC

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie-Gabrielle MAGUEUR

Conseillers :

Mme Dominique LONNE, Madame Evelyne LOUYS

Avocats :

SCP Melina PEDROLETTI, Me Pierre GUTTIN, Me Cécile FLECHEUX, Me Emmanuel JULLIEN, Me Jean Pierre FABRE, Monsieur CHOLET

CA Versailles n° 12/00006

30 mai 2012

Vu l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et suivants ;

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Vu le jugement rendu le 11 février 2009 par le tribunal de grande instance de Paris qui a mis hors de cause la Chambre départementale des huissiers de Dordogne, a débouté Yves DOMINAULT de toutes ses demandes, condamné ce dernier à une amende civile de 1.000 € ainsi qu'aux dépens et à verser la somme de 4.000 € à l'Agent judiciaire du Trésor et celle de 2.000 € à la Chambre départementale des huissiers de Dordogne au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 avril 2010 qui a confirmé le jugement du 11 février 2009;

Vu l'arrêt rendu le 12 mai 2011 par la Cour de cassation qui a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 6 avril 2010 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles;

Vu la déclaration de saisine de la cour par Yves DOMINAULT le 22 novembre 2011 ;

Vu le mémoire soulevant la question prioritaire de constitutionnalité déposé le 17 février 2012 par lequel Yves DOMINAULT demande à la cour de transmettre cette question à la Cour de cassation pour transmission au Conseil constitutionnel pour que ce dernier statue sur les articles L.723-1 et L.723-2 du Code rural ainsi que sur l'ensemble des articles du titre II du Code rural et de la pêche relatif à l'organisation générale des régimes de protection sociale des professions agricoles vu qu'ils portent atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution et pour que le Conseil constitutionnel se prononce sur leur contrariété ou incompatibilité avec la constitution et de surseoir à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil constitutionnel ;

Vu les conclusions signifiées le 30 avril 2012 par lesquelles l'Agent judiciaire du Trésor prie la cour de dire Yves DOMINAULT irrecevable, à tout le moins mal fondé en sa demande de transmission de questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation, de l'en débouter et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les écritures signifiées le 3 mai 2012 aux termes desquelles la Chambre départementale des huissiers de la Dordogne s'en rapporte à justice sur les questions prioritaires de constitutionnalité et sur le fond, conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Yves DOMINAULT au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, de celle de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les conclusions en réplique signifiées le 3 mai 2012 par Yves DOMINAULT ;

Le ministère public entendu en ses observations requiert l'irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité ;

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la constitution du 4 octobre 1958, révisée le 23 juillet 2008, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ;

3

Qu'il ressort de l'article 23-1 de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de la disposition sus-visée, que le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé ;

Que selon l'article 23-2, il est procédé à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, si les conditions suivantes sont remplies :

1° la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites,

2° elle n'a pas été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances,

3° la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

Considérant, en l'espèce, que Yves DOMINAULT, a présenté, par écrit distinct et motivé du 17 février 2012, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

Considérant que les dispositions contestées par Yves DOMINAULT, sont les articles L.723-1 et L.723-2 du Code rural ainsi que l'ensemble du titre II dudit code, motifs pris de ce que ces textes qui imposent à toute personne exerçant une activité agricole de cotiser à la Mutualité Sociale Agricole-MSA- sont contraires aux dispositions communautaires et portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au principe de l'égalité devant la loi et au principe de liberté d'adhésion et d'association ;

Mais considérant que la cour est saisie, sur renvoi de la Cour de cassation, de l'action engagée par Yves DOMINAULT à l'encontre de l'Etat, pris en la personne de l'Agent Judiciaire du Trésor, et de la Chambre Départementale des huissiers de Dordogne, en réparation du préjudice résultant d'un dysfonctionnement du service public de la justice, sur le fondement de l'article L.141-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

Que par jugement devenu définitif du 6 septembre 2007, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Périgueux a débouté Yves DOMINAULT de ses demandes de nullité et de mainlevée du procès-verbal de saisie-attribution du 2 janvier 2007, pratiqué par la MSA en vertu de deux arrêts de la cour d'appel de Bordeaux des 30 septembre 1998 et 2 septembre 2005, de six jugements du TASS de Périgueux et de dix contraintes non frappées d'opposition, entre les mains d'un notaire, en recouvrement de la somme de 233.901,55 € en principal ;

Que si Yves DOMINAULT réclame à titre de dommages-intérêts dans le cadre de l'action en responsabilité de l'Etat un montant équivalent aux cotisations sociales dont le recouvrement était poursuivi par la MSA, il ne peut remettre en cause devant la cour la créance de la MSA qui détient à son encontre un titre définitif ; que la décision précitée a emporté condamnation de Yves DOMINAULT, par l'effet attributif immédiat de la saisie attribution ;

Que les dispositions du Code rural contestées par Yves DOMINAULT ne sont donc pas applicables au litige dont la cour est saisie ;

Que dès lors, Yves DOMINAULT est irrecevable à soulever dans la présente instance la question de la conformité à la constitution des articles L.723-1 et L.723-2 du Code rural ainsi que l'ensemble du titre II de ce même code ;

Qu'il n'y a donc lieu de transmettre à la Cour de cassation la question posée dans la présente instance;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile doivent bénéficier à l'Agent judiciaire du Trésor ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 1.000 € ;

4

Que la Chambre Départementale des huissiers de Dordogne ne forme aucune demande dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Yves DOMINAULT,

Dit n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité,

Condamne Yves DOMINAULT à payer à l'Agent Judiciaire du Trésor la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit que les parties et le Ministère public seront avisés de la présente décision,

Condamne Yves DOMINAULT aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile .

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2 ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, président et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.