Cass. 1re civ., 23 novembre 2004, n° 03-15.090
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Rapporteur :
M. Jessel
Avocat général :
Mme Petit
Avocats :
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Gatineau, SCP Boré et Salve de Bruneton
Attendu que par un arrêt du 25 mars 1999, désormais irrévocable, la cour d'appel de Paris a, confirmant la décision qui lui était déférée, prononcé le divorce aux torts partagés de M. X... et de Mme Y... mais, la réformant sur l'appel incident du mari, a fixé la prestation compensatoire due à cette dernière sous la forme d'un capital, tout en en réduisant le montant et déterminé la date d'effet du divorce dans les rapports des époux ; que Mme Y... a, dans ces conditions, engagé une action en responsabilité et en garantie contre M. Z..., son avocat, l'assureur de responsabilité de ce dernier, les Mutuelles du Mans assurances (MMA), et la SCP d'avoués Roblin-Chaix de Lavarene-Roblin, reprochant à ses défenseurs, d'avoir manqué à leur obligation d'efficacité dans la défense de ses intérêts en cause d'appel et à leur devoir de conseil ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal de Mme Y..., pris en leurs diverses branches, tels qu'ils figurent au mémoire en demande et sont reproduits en annexe au présent arrêt :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens dont aucun ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la SCP d'avoués, pris en ses deux branches et sur le moyen unique du pourvoi incident de M. Z... et des MMA, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, réunis :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour retenir la responsabilité de l'avocat et de l'avoué et les condamner, in solidum, à indemniser Mme Y..., la cour d'appel, après avoir estimé que Mme Y... n'avait subi aucun préjudice au titre de la perte de chance d'obtenir la cassation de l'arrêt du 25 mars 1999, contre lequel un pourvoi eût été voué à l'échec, a retenu que l'avocat et l'avoué avaient manqué à leur obligation d'information, en n'appelant pas l'attention de leur cliente sur l'effet exceptionnellement suspensif du pourvoi en cassation en matière de divorce, occasionnant ainsi un dommage à Mme Y... qui, pleinement informée des effets d'un recours en cassation, aurait certainement formé un pourvoi, en dépit des conséquences pécuniaires encourues en cas de rejet d'un recours abusif, ne serait-ce que pour bénéficier, pendant la durée de l'instance devant la cour de cassation, de la pension alimentaire fixée par ordonnance de non-conciliation ; que le préjudice a ensuite été réparé en considération du montant de cette pension alimentaire et de la durée probable de la procédure de cassation, déduction faite du montant prévisible des indemnités auxquelles M. X... aurait pu prétendre devant la Cour de Cassation au titre des frais irrépétibles et en réparation du dommage causé par un pourvoi abusif ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que l'auxiliaire de justice, s'il doit s'acquitter de son obligation d'information de manière complète et objective, a, en déontologie, pour devoir de déconseiller l'exercice d'une voie de droit vouée à l'échec ou, à plus forte raison, abusive, de sorte qu'il ne peut être tenu de délivrer une information, qui, selon les constatations mêmes de l'arrêt attaqué, aurait eu pour seule justification de permettre au client d'engager un recours abusivement, à des fins purement dilatoires et alors, d'autre part, que la perte du bénéfice espéré d'une procédure abusive ne constitue pas un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu à renvoi lorsque la Cour de Cassation est en mesure d'appliquer la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du pourvoi incident de M. Z... et des MMA :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné à réparation M. Z... et la SCP Roblin-Chaix de Lavarene-Roblin, l'arrêt rendu le 21 octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.