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Décisions

Cass. com., 4 janvier 2023, n° 21-10.035

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Ducloz

Avocats :

SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Papeete, du 8 oct. 2020

8 octobre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 8 octobre 2020), la société par actions simplifiée Te Puna, qui a pour président M. [M], est détenue par la société Vaihapu 2, laquelle a pour associés M. [M] et Mme [P], et par la société Tarita.

2. Le 9 décembre 2004, souhaitant vendre les actions qu'elle détenait dans le capital social de la société Te Puna à la société Star, au prix nominal minimum de 500 francs des collectivités françaises du Pacifique, la société Tarita a, conformément aux statuts de la société Te Puna, sollicité l'agrément de cette dernière.

3. Le 15 février 2005, l'assemblée générale extraordinaire de la société Te Puna a refusé d'agréer cette cession et demandé à ce que soit mise en oeuvre la procédure prévue à l'article 1843-4 du code civil pour déterminer la valeur des droits sociaux. Le 16 février 2005, la société Te Puna a notifié à la société Tarita son refus d'agrément.

4. Le 13 mai 2005, la société Te Puna et M. [M] ont saisi, en référé, le président d'un tribunal de commerce d'une demande de mise sous séquestre des actions de cette société détenues par la société Tarita. La société Te Puna et M. [M] ont, en cours d'instance, demandé, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, l'évaluation par un expert de la valeur des titres de la société Te Puna détenus par la société Tarita. Une ordonnance du 28 novembre 2005 a accueilli ces demandes. L'expert a déposé son rapport le 10 juillet 2007.

5. A l'occasion d'une nouvelle instance l'opposant à la société Te Puna et à M. [M], la société Tarita a demandé la levée du séquestre et la condamnation de la société Te Puna à lui payer le prix de cession des actions qu'elle détenait dans le capital social de cette dernière, tel que fixé par l'expert désigné sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil. La société Vaihapu 2 et Mme [P] sont intervenues volontairement à la procédure.

6. La société Tarita ayant, au cours de cette même instance, demandé la désignation d'un administrateur judiciaire provisoire de la société Te Puna, M. [D] a été nommé à ces fonctions par ordonnance du 11 février 2008.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Tarita fait grief à l'arrêt de dire que l'agrément au projet de cession des actions de la société Te Puna détenues par la société Tarita devait être considéré comme donné, et que la société Tarita pourrait céder ses actions dans les conditions du projet de cession notifié le 9 décembre 2004 à la société Te Puna, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il était constant en l'espèce que la société Te Puna, après avoir refusé d'agréer la cession par la société Tarita de ses actions à la société Star, avait sollicité le séquestre des actions de la société Tarita afin d'en empêcher la cession, lequel séquestre avait été ordonné par une ordonnance du 28 novembre 2005 ; que la société Te Puna avait parallèlement fait part de sa volonté de racheter les actions, par courrier du 4 avril 2005, et avait demandé la nomination d'un expert aux fins d'évaluer les actions détenues par la société Tarita ; qu'en disant cependant qu'à défaut de rachat des actions détenues par la société Tarita dans le délai de deux mois prévu par les statuts et l'article L. 228-24 du code de commerce, et faute de demande de prorogation de ce délai, la société Te Puna était réputée avoir agréé la cession, quand le fait d'avoir fait séquestrer les actions en cause, interdisant de fait à la société Tarita de procéder à leur cession, et le fait d'avoir sollicité leur évaluation à dire d'expert, valait engagement de la société Te Puna de les racheter au prix fixé par l'expert désigné, peu important l'expiration des délais prévus par les textes et ses statuts pour ce faire, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et violé par fausse application l'article L. 228-24 du code de commerce, ensemble, par refus d'application, l'article 1134, devenu 1103 et 1104, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 :

9. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

10. Pour rejeter la demande de la société Tarita aux fins de voir condamner la société Te Puna à lui payer le prix de cession des actions qu'elle détient dans le capital de cette société, tel que fixé par l'expert désigné sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, l'arrêt relève que les statuts de la société Te Puna stipulent qu'en cas de refus d'agrément, la société doit, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus, soit faire racheter les actions dont la cession était envisagée par un ou plusieurs associés, soit procéder elle-même à ce rachat, que le prix de rachat des actions du cédant est fixé d'un commun accord et, à défaut, dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil, et que, si à l'expiration de ce délai de deux mois, le rachat n'est pas réalisé, l'agrément est considéré comme donné, ce délai pouvant toutefois être prolongé par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant en la forme des référés, le cédant et le cessionnaire dûment appelé. L'arrêt relève, ensuite, que, le 9 décembre 2004, la société Tarita a notifié à la société Te Puna son projet de céder les actions qu'elle détient dans le capital de cette dernière à la société Star, que, le 15 février 2005, la société Te Puna a refusé d'agréer cette cession, ce refus étant notifié le 16 février suivant à la société Tarita et que, le 13 mai 2005, M. [M] a demandé en référé la mise sous séquestre des actions de la société Te Puna détenues par la société Tarita puis, ultérieurement, l'évaluation par un expert de leur valeur. L'arrêt retient qu'en application de la clause statutaire, les parties devaient se mettre d'accord sur le prix de rachat au plus tard le 15 mai 2005, ou, à tout le moins, sur le principe d'une expertise dans ce délai, l'application stricte de la clause prévue dans les statuts leur imposant même, dans ce dernier cas, d'obtenir une prolongation du délai par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant sur requête et que, s'il résulte de l'ordonnance de référé du 28 novembre 2005 qu'une action a été introduite le 13 mai 2005 par M. [M] et la société Te Puna, celle-ci ne portait pas sur une expertise, laquelle sera demandée par la suite, soit nécessairement après le 15 mai 2005, et qu'ainsi, ni la société Te Puna ni la société Tarita n'ont sollicité judiciairement et conformément aux statuts la prolongation du délai pour prévoir le rachat par la société Te Puna des actions que la société Tarita souhaitait céder. L'arrêt en déduit que l'agrément doit être considéré comme donné, faute pour la société Te Puna d'avoir sollicité la prolongation du délai prévu par les statuts et d'avoir réalisé le rachat prévu en cas de refus d'agrément, aucun accord sur le principe du rachat, sur le prix ou sur la mise en oeuvre de la procédure de l'article 1843-4 du code civil n'étant intervenu.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'après avoir refusé d'agréer la cession, par la société Tarita, de ses actions à la société Star, la société Te Puna avait demandé en référé la mise sous séquestre de ces actions et la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil pour déterminer leur valeur, ce dont il se déduisait que la société Te Puna avait manifesté son intention d'acquérir les titres détenus par la société Tarita à un prix fixé par l'expert désigné, ce que la société Tarita avait accepté, de sorte que l'accord s'était fait sur la chose et sur les modalités de détermination du prix, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que, conformément aux statuts de la société Te Puna, l'agrément au projet de cession des actions de la société Te Puna détenues par la société Tarita à l'EURL Star doit être considéré comme donné et que la société Tarita pourra céder ses actions dans les conditions du projet de cession notifié le 9 décembre 2004 à M. [M], et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa.