AMF, 25 juillet 2013, n° SAN-2013-18
AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Membres :
Mme Drummond, M. Gizard, M. Surzur
Président :
Mme Nocquet
La 1re section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») ;
Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 451-1-2, L. 621-14 et L. 621-15 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;
Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 233-3, L. 233-7 et L. 233-10, dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits ;
Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 221-1 à 221-6, 223-14, 234-2, 622-1 et 622-2 ;
Vu les notifications de griefs en date du 13 avril 2012 adressées à MM. A, B, C, D, ainsi qu’aux sociétés Verneuil et Associés, Verneuil Participations, Foch Investissements, FD Conseils et Participations, et Duc SA par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception ;
Vu la décision du 3 mai 2012 de la présidente de la Commission des sanctions désignant M. Michel Pinault, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 11 mai 2012 informant les mis en cause de la désignation de M. Michel Pinault en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté d’être entendu à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 15 mai 2012, informant les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans le délai d’un mois ;
Vu les observations présentées le 18 juin 2012 par Maîtres Antoine Camus et Luc Castagnet pour le compte de M. C, celles présentées le 10 juillet 2012 par Maître Augustin Nicolle pour le compte de M. A et de Foch Investissements, et celles présentées le 11 juillet 2012, par Maître Pierre Cornut-Gentille pour le compte de M. B et de FD Conseils et Participations ;
Vu le courrier rectificatif du président de l’AMF adressé à Duc SA le 4 mars 2013 ;
Vu les observations complémentaires présentées le 18 mars 2013 par Maître Augustin Nicolle pour le compte de M. A et Foch Investissements ;
Vu les procès-verbaux d’auditions de M. A et des sociétés Foch Investissements et Verneuil et Associés représentées par M. A du 19 mars 2013, de M. B et de FD Conseils et Participations, représentée par M. B, du 21 mars 2013, et de M. C en date du 26 mars 2013 ;
Vu les observations complémentaires déposées le 11 avril 2013 par Maître Antoine A. Camus pour le compte de M. C et les observations en réponse à la notification de griefs de Maître Claudia Chemarin pour le compte de la société Duc SA, déposées par courrier du 17 avril 2013 ;
Vu la pièce versée par Maître Pierre Cornut-Gentille, conseil de M. B, par courrier du 19 avril 2013 ;
Vu la lettre du conseil de M. C sollicitant le 30 avril 2013 que la séance soit avancée et la réponse de la présidente de la Commission des sanctions par lettre du 2 mai 2013 ;
Vu le rapport de M. Michel Pinault en date du 7 mai 2013 ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception adressées aux mis en cause le 7 mai 2013 portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 14 juin 2013, auxquelles était annexé le rapport du rapporteur ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 21 mai 2013, informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de leur faculté de demander la récusation de l’un des membres de ladite commission ;
Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur présentées par Maître Claudia Chemarin pour le compte de la société Duc SA le 23 mai 2013 et par Maître Antoine Camus pour le compte de M. C le 28 mai 2013 ;
Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur présentées le 13 juin 2013 par Maître Nicolas Viguié pour le compte des sociétés Verneuil Participations et Verneuil et Associés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu au cours de la séance publique du 14 juin 2013 :
- M. Michel Pinault en son rapport ;
- M. Benoît Catzaras, représentant du directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;
- Mme Audrey Micouleau-Kerting et M. Benjamin Mauduit, représentants le Collège de l’AMF ;
- M. C, à titre personnel ;
- Mes Antoine A. Camus et Luc Castagnet pour le compte de M. C ;
- M. A, à titre personnel et représentant les sociétés Foch Investissements et Verneuil et Associés en tant que gérant ;
- Me Augustin Nicolle pour le compte de M. A et de la société Foch Investissements ;
- Mme […], représentant la société Verneuil Participations en tant que président-directeur général ;
- Mes Nicolas Viguié et Maxime Sallé pour le compte des sociétés Verneuil Participations et Verneuil et Associés ;
- M. B à titre personnel et représentant la société FD Conseils et Participations en tant que gérant ;
- Me Pierre Cornut-Gentille pour le compte de M. B et de la société FD Conseils et Participations ;
- M. […], représentant la société Duc SA en tant que directeur général ;
- Me Claudia Chemarin pour le compte de la société Duc SA ;
- Me Thibaut de Montbrial pour le compte de M. D ;
Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.
I. FAITS ET PROCÉDURE
Electricité et Eaux de Madagascar (ci-après : « EEM ») est une société anonyme, dont les titres sont admis sur le compartiment C d’Euronext Paris, et qui a pour objet de prendre et détenir des participations dans d’autres sociétés intervenant dans divers secteurs d’activité comme l’immobilier, l’hôtellerie, l’industrie du bois, la viticulture ou les casinos. M. A en est le président-directeur général, tandis que M. B, administrateur jusqu’au 24 juin 2011, en était le directeur général délégué jusqu’au mois de novembre 2011.
Par l’intermédiaire de leurs holdings personnelles respectives, les sociétés Foch Investissements et FD Conseils et Participations, M. A et M. B sont associés à parts égales de la SNC Verneuil et Associés qui détient plus de 90% de Verneuil Participations, une société anonyme dont M. B était, à l’époque des faits, le président-directeur général.
Verneuil Participations est une société d’investissement ayant des participations dans diverses sociétés, dont EEM et plusieurs de ses filiales ; c’est ainsi qu’elle a 100% du capital de la société luxembourgeoise Financière Duc dont MM. A et B sont administrateurs, et par l’intermédiaire de laquelle Verneuil Participations est actionnaire majoritaire de la société Duc SA, spécialisée dans l’élevage de poulets, dont le président du conseil d’administration est M. A.
MM. A et B, ainsi que les sociétés Foch Investissements, FD Conseils et Participations, Verneuil et Associés, Verneuil Participations et Duc SA sont tous actionnaires d’EEM.
Le 29 juin 2010, une enquête portant sur « l’information financière des sociétés Verneuil Participations et Electricité et Eaux de Madagascar à compter du 1er juillet 2007 » a été ouverte par le secrétaire général de l’AMF qui, par décision du 8 octobre 2010, l'a étendue au marché du titre EEM à partir du 15 octobre 2007.
Les éléments recueillis au cours de l’enquête ont mis en évidence les faits suivants.
La cession par EEM de ses actifs hôteliers vietnamiens
Au cours de l’été 2009, EEM a décidé de mettre en vente les hôtels Victoria situés au Vietnam et au Cambodge. Le 12 octobre 2009, le groupe vietnamien Thien Minh a proposé d'acquérir les hôtels vietnamiens pour un prix global de 40 millions de dollars. Après des travaux de due diligences conduits fin 2009 et début 2010, puis une interruption des négociations, celles-ci ont repris en mai 2010 entre l’acquéreur, qui a demandé leur réouverture et le vendeur, qui a accepté moyennant un accroissement du prix ; le 4 juin 2010, un représentant du groupe Thien Minh s’est rendu dans les bureaux parisiens d’EEM, se disant prêt à porter son offre à 45 millions de dollars.
Au lendemain de la conclusion des contrats, le 24 août 2010, EEM a publié un communiqué de presse annonçant qu’elle avait signé avec la société vietnamienne Thien Minh Travel Joint Stock Company un accord aux termes duquel elle s’était engagée à lui céder ses hôtels vietnamiens, via la cession de 100% du capital de la société holding hongkongaise EEM Victoria (HK) Limited, au prix de 45 millions de dollars américains.
En raison de difficultés relatives au déblocage des fonds, l’opération ne s’est réalisée que le 14 février 2011.
L’entrée de M. C au capital d’EEM
M. C est un investisseur franco-américain résidant aux Etats-Unis, qui contrôle et gère une société de bourse, C & Co. Inc. et une société de gestion, C Management Co Inc.
Entre le 28 mai et le 24 août 2010, M. C a, pour le compte de ses sociétés et pour celui de la société cliente de C & Co Inc., dénommée Bedford Property Inc, dont il assure la gestion, acquis 122 553 actions EEM, dont :
o 3 964 actions entre le 28 mai et le 4 juin ;
o 26 463 actions entre le 7 et le 30 juin ;
o 52 553 actions au mois de juillet ;
o 39 573 actions supplémentaires entre le 2 et le 24 août 2010.
Il a poursuivi ses achats après le 24 août 2010 et acquis 203 169 actions supplémentaires entre le 25 et le 30 août 2010, dont 22 200 titres pour son compte personnel.
Les 30 et 31 août 2010, les déclarations de franchissements de seuils suivantes ont été effectuées :
o les sociétés C Management Co. Inc., C & Co Inc., Bedford Property Inc. et M. C, à titre personnel, (ci-après : « le groupe C ») ont déclaré avoir franchi de concert à la hausse, le 25 août 2010, les seuils de 5% du capital et des droits de vote d’EEM et détenir ensemble 174 072 actions EEM représentant 5,36% du capital et 5,11% des droits de vote ;
o la société C Management Co. Inc. a déclaré avoir franchi, seule, en hausse, le 30 août 2010, les seuils de 5% du capital et des droits de vote et détenir 184 136 actions EEM acquises sur le marché, soit 5,67% du capital et 5,40% des droits de votes ;
o le groupe C a également déclaré avoir, le 30 août 2010, franchi, toujours de concert et à la hausse, le seuil de 10% du capital d’EEM et détenir 325 722 actions EEM, soit 10,02% du capital et 9,56% des droits de vote.
Dans ces déclarations, les sociétés C Management Co. Inc. et C & Co Inc. ont précisé avoir agi pour le compte de fonds dont elles assuraient la gestion et être contrôlées et gérées par M. C. Par courrier du 13 septembre 2010, le groupe C a indiqué avoir franchi à la hausse le seuil de 10% des droits de vote d’EEM.
Au cours de l’assemblée générale d’EEM du 24 juin 2011, M. C a été nommé membre du conseil d’administration, alors que le mandat de M. B n’a pas été renouvelé, et le projet d’utiliser le produit de la cession des hôtels vietnamiens pour lancer une offre publique de rachat d’actions (ci-après : « l’OPRA ») a été rejeté.
Par courrier du 12 août 2011, un concert rassemblant le groupe C et quelques autres actionnaires d’EEM a déclaré avoir franchi en hausse, le 11 août 2011, les seuils de 15% et 20% du capital et des droits de vote de cette société et a fait part de son intention d’agir de concert, d’être représenté par M. C, de poursuivre les achats, de ne pas prendre le contrôle de la société, de demander la nomination de nouveaux administrateurs au conseil d’administration et de solliciter la remise en cause du mandat du président de la société.
M. C a été révoqué de son mandat d’administrateur au cours de l’assemblée générale du 19 décembre 2011.
A l’issue de l’enquête, neuf lettres circonstanciées ont été adressées, le 23 novembre 2011, à MM. A, B, C et D, ainsi qu’aux sociétés Verneuil Participations, Verneuil et Associés, Foch Investissements, FD Conseils et Participations et Duc SA.
M. A a fait parvenir, le 24 novembre 2011, de nouvelles pièces, avant d’adresser ses observations, par l’intermédiaire de son conseil, par lettre du 23 décembre 2011. M. C a également répondu à la lettre circonstanciée par lettre de son conseil du 22 décembre 2011. M. B, FD Conseils et Participations et Verneuil et Associés ont, quant à eux, répondu par lettre de leur conseil du 23 décembre 2011.
Le rapport d’enquête, signé le 5 mars 2012, a été soumis à l’examen de la Commission spécialisée n° 3 du Collège de l’AMF lors de sa séance du 20 mars 2012 au cours de laquelle il a été décidé de notifier des griefs à l’ensemble des destinataires des lettres circonstanciées, ce qui a été fait, sous la signature du président de l’AMF, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 13 avril 2012.
En substance, il est reproché, sur le fondement des articles L. 621-15 II c) et L. 621-14 du code monétaire et financier :
• à MM. A et B, ainsi qu’aux sociétés Verneuil Participations, Verneuil et Associés, Foch Investissements, FD Conseils et Participations et Duc SA agissant de concert d’avoir, d'une part, en violation des articles L. 233-7 du code de commerce et 223-14 du règlement général de l’AMF, franchi et dépassé « sans le déclarer, le seuil du tiers des droits de vote attachés aux actions EEM, de façon constante, à tout le moins au cours de la période du 30 juin 2007 au 30 juin 2009 ainsi qu’au 30 juin 2010 », d'autre part, en violation de l’article 234-2 du règlement général de l’AMF, « omis de procéder au dépôt d’une offre publique entre le 30 juin 2007 et le 30 juin 2009 ainsi qu’au 30 juin 2010 » ;
• à la société Verneuil Participations d’avoir, en violation des articles L. 451-1-2 I et III du code monétaire et financier et 221-1 à 221-6 du règlement général de l’AMF, publié ses comptes annuels et semestriels tardivement, sans en assurer une diffusion effective et intégrale, et de n’avoir pas, s’agissant des comptes semestriels, communiqué par voie de presse écrite ;
• à M. C, d’avoir, en violation de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, entre le 4 juin 2010 et le 24 août 2010, utilisé une information privilégiée relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession, par EEM, de cinq hôtels situés au Vietnam, au groupe Thien Minh, en acquérant directement ou indirectement, par l’intermédiaire des sociétés qu’il contrôle, et pour son compte personnel, via Instinet France, 118 604 actions EEM ;
• à MM. D et B, d’avoir, en violation du même texte, transmis à M. C l’information privilégiée relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession, par EEM, de cinq hôtels situés au Vietnam au groupe Thien Minh.
Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le président de l’AMF a transmis, le 13 avril 2012, copie des notifications de griefs à la présidente de la Commission des sanctions, qui, par décision du 3 mai 2012, a désigné M. Michel Pinault en qualité de rapporteur, ce dont les mis en cause ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 11 mai 2012 leur rappelant la faculté d’être entendu à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.
Les mis en cause ont également été informés, par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 15 mai 2012, de la faculté dont ils disposaient de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier et dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.
Maîtres Antoine Camus et Luc Castagnet ont, pour le compte de M. C, déposé, le 18 juin 2012, leurs observations en réponse à la notification de griefs. Maître Augustin Nicolle a, pour le compte de M. A, adressé, par courrier du 10 juillet 2012, ses observations en réponse aux notifications de griefs, complétées le 18 mars 2013. Maître Pierre Cornut-Gentille a, pour le compte de M. B et de FD Conseils et Participations, adressé les siennes par courrier du 11 juillet 2012.
Le rapporteur a procédé à l’audition de M. A à titre personnel et en qualité de représentant de Foch Investissements et de Verneuil et Associés, le 19 mars 2013, puis de M. B, à titre personnel et en qualité de représentant de FD Conseils et Participations, le 21 mars 2013. Le 26 mars 2013, il a également entendu M. C, pour le compte duquel Maître Antoine Camus a, par courrier du 11 avril 2013, déposé des observations complémentaires.
Maître Claudia Chemarin a, pour le compte de Duc SA, adressé ses observations en réponse à la notification de griefs par courrier du 17 avril 2013 et Maître Pierre Cornut-Gentille, conseil de M. B, a versé une nouvelle pièce au dossier par courrier du 19 avril 2013.
Les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 14 juin 2013 par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 7 mai 2013, auxquelles était joint le rapport du rapporteur.
Par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 21 mai 2013, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation de l’un ou l’autre de ses membres.
Par courrier du 23 mai 2013, Maître Claudia Chemarin a, pour le compte de la société Duc SA, présenté ses observations en réponse au rapport du rapporteur. Maître Antoine Camus a, pour le compte de M. C, présenté les siennes par courriel et télécopie du 28 mai 2013.
Maître Nicolas Viguié a déposé le 13 juin 2013 des observations en réponse au rapport du rapporteur pour le compte des sociétés Verneuil Participations et Verneuil et Associés.
II. MOTIFS
1. SUR LES GRIEFS RELATIFS AU CONCERT VERNEUIL
Considérant qu’il est fait grief à MM. A et B, ainsi qu’aux sociétés Verneuil Participations, Verneuil et Associés, Foch Investissements, FD Conseils et Participations, Duc SA, agissant de concert, d’avoir, en violation des articles L. 233-7 du code de commerce et 223-14 du règlement général de l’AMF, franchi et dépassé « sans le déclarer, le seuil du tiers des droits de vote attachés aux actions EEM, de façon constante, à tout le moins au cours de la période du 30 juin 2007 au 30 juin 2009 ainsi qu’au 30 juin 2010 » et d’avoir, en violation de l’article 234-2 du règlement général de l’AMF, « omis de procéder au dépôt d’une offre publique entre le 30 juin 2007 et le 30 juin 2009 ainsi qu’au 30 juin 2010 » ;
1.1 Sur l’existence d’une action de concert
Considérant que l’article L. 233-10 du code de commerce énonce : « I. - Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d'exercer les droits de vote, pour mettre en oeuvre une politique vis-à-vis de la société. / II. - Un tel accord est présumé exister : 1° Entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants ; 2° Entre une société et les sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 ; 3° Entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes ; 4° Entre les associés d'une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci contrôle ; 5° Entre le fiduciaire et le bénéficiaire d'un contrat de fiducie, si ce bénéficiaire est le constituant. / III. - Les personnes agissant de concert sont tenues solidairement aux obligations qui leur sont faites par les lois et règlements. » ;
Considérant que l’article L. 233-3 du code de commerce prévoit quant à lui : « I. - Une société est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : 1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; 2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; 4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. / II. - Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40% et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne. / III. - Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. » ;
Considérant qu’il convient de rechercher si, jusqu’au 30 juin 2010, les mis en cause ont agi de concert, au sens des articles précités ;
Considérant que, du fait de la présomption - applicable notamment entre une société et ses gérants - résultant du 1° du II de l’article L. 233-10 précité, sont présumés avoir agi de concert à l’égard d’EEM, d’une part, la SNC Foch Investissements et son gérant, M. A, d’autre part, FD Conseils et Participations et son gérant, M. B, enfin, la société SNC Verneuil et Associés et ses gérants, la SNC Foch Investissements et la SARL FD Conseils et Participations ;
Considérant, en outre, que la société Verneuil et Associés détenait plus de 90% de la société Verneuil Participations, elle-même détentrice, par l’intermédiaire de la société Financière Duc, de 64,99% à 69,46% du capital de la société Duc SA ; que la société Verneuil et Associés contrôlait donc la société Verneuil Participations qui, elle-même, contrôlait indirectement, au sens de l’article L. 233-3 précité, la société Duc SA ; qu’il en résulte que les sociétés Verneuil et Associés, Verneuil Participations et Duc SA sont également présumées avoir agi de concert, en application du 2° du II de l’article L. 233-10 précité ;
Considérant, au demeurant, que la société Duc SA était contrôlée indirectement par Verneuil Participations, elle-même contrôlée par Verneuil et Associés; que cette dernière était contrôlée par MM. A et B, par l’intermédiaire de leurs sociétés respectives, Foch Investissements et FD Conseils et Participations ; que, dès lors, MM. A et B contrôlaient, directement ou indirectement, Duc SA, Verneuil Participations et Verneuil et Associés, sociétés avec lesquelles ils étaient présumés avoir agi de concert en application des dispositions combinées des 1° et 3°du II de l’article L. 233-10 précité ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en application des présomptions prévues au II de l’article L. 233-10 susvisé, les sociétés FD Conseils et Participations, Foch Investissements, Verneuil et Associés, Verneuil Participations et Duc SA, ainsi que MM. A et B, sont présumés avoir agi de concert à l’égard d’EEM ;
Considérant, à titre surabondant, qu’à ces liens de capital, s’ajoutent ceux liés à la structure du groupe et à sa « gouvernance », M. A et M. B occupant des fonctions ou exerçant des mandats dans chacune des sociétés ;
Considérant qu’ainsi, entre 2007 et 2010, M. B a été :
- gérant de FD Conseils et Participations,
- représentant permanent de FD Conseils et Participations, cogérante associée de Verneuil et Associés,
- au sein de Verneuil Participations, président-directeur général jusqu’au 28 octobre 2010 et président du conseil d’administration jusqu’au 29 septembre 2011,
- administrateur de Financière Duc,
- administrateur de Duc SA jusqu’au 8 juin 2010,
- directeur général délégué et administrateur d’EEM,
- membre du conseil d’administration des autres sociétés du groupe ;
Considérant que durant la même période, M. A a exercé les fonctions et mandats suivants :
- gérant de Foch Investissements,
- représentant permanent de Foch Investissements, cogérante associée de Verneuil et Associés,
- administrateur de Financière Duc,
- président du conseil d’administration de Duc SA,
- président–directeur général d’EEM,
- membre du conseil d’administration des autres sociétés du groupe ;
Considérant que lors des assemblées générales et des conseils d’administration d’EEM, MM. A et B, actionnaires au travers des sociétés Foch Investissements et FD Conseils et Participations, ont, en toutes occasions, voté dans le même sens et se sont toujours prononcés pour le renouvellement des mandats et fonctions de chacun d’eux ;
Considérant, enfin, que l’examen des procès-verbaux des assemblées générales d’EEM qui se sont tenues entre le 1er juillet 2007 et le 24 juin 2011 montre que l’action de concert a été parfaitement identifiée ; qu’ainsi, M. A a indiqué lors l’assemblée générale du 30 novembre 2007 que « les personnes et sociétés relevant du groupe Verneuil se trouvant disposer de droits de vote excédant le seuil du tiers des droits de vote, le bureau de l’assemblée a décidé de cantonner à 33,329% les droits de vote de ce groupe d’actionnaires en stérilisant 223 000 voix, dans l’attente de la mise au porteur d’autant d’actions par Verneuil Participations » ; qu’interrogé, lors de l’assemblée générale du 25 juin 2010, sur le point de savoir si le Groupe Verneuil constituait un concert au sens de l’article L. 233-10 précité, M. A a répondu : « Concernant le concert Groupe Verneuil, il est essentiellement représenté par les deux sociétés Verneuil Participations et Verneuil et Associés, avec leurs deux principaux actionnaires B et A, directement ou indirectement (FD Conseils et Participations et Foch Investissements). Suivant les mouvements de l’autocontrôle et l’obtention de droits de vote double pour les actions inscrites au nominatif par d’éventuels actionnaires et qui peut varier, la situation au 31 mai 2010 présentait le Groupe Verneuil à 33,29% des droits de vote pour 28,97% du capital. (…) Le seuil de 33,33% du capital n’a pas été franchi et, pour ne pas le dépasser en termes de droits de vote, à différentes reprises, il a été procédé à des ajustements préalablement » ;
Considérant que, pour combattre les présomptions d’action de concert, MM. A et B font état de désaccords persistants, tandis que Duc SA souligne également les divergences de vue entre ces deux dirigeants, notamment en ce qui concernait la politique menée à son égard ; qu’elle ajoute, d’une part, que l’existence de ces désaccords apparaît dans le procès-verbal de l’assemblée générale de Verneuil et Associés du 16 février 2010 et les attestations de deux administrateurs d’EEM, d’autre part, qu’elle n’a pas été représentée à deux des assemblées générales d’EEM de 2008 et 2010 ;
Considérant, toutefois, qu’aucun de ces arguments ne saurait suffire à renverser les présomptions d’une action de concert entre les sept mis en cause (ci-après : « le concert Verneuil ») dont l’existence, confortée par les liens de structure et de gouvernance qui viennent d’être rappelés, s’est traduite, notamment, par le souci constant, exprimé lors des assemblées générales, d’éviter de franchir le seuil de détention du tiers du capital d’EEM ;
1.2. Sur la caractérisation des griefs tenant au défaut de déclaration de franchissement de seuil et au défaut de dépôt d’un projet d’offre publique
Considérant que l’article L. 233-7 du code de commerce dispose : « I. Lorsque les actions d'une société ayant son siège sur le territoire de la République sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (…), toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, [des trois dixièmes depuis le 1er février 2011] du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède. (…) / II. La personne tenue à l'information mentionnée au I informe également l'Autorité des marchés financiers, dans un délai et selon des modalités fixés par son règlement général, à compter du franchissement du seuil de participation, lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé (…). » ;
Considérant que l’article 223-14 du règlement général de l’AMF énonce : « I. Les personnes tenues à l'information mentionnée au I de l'article L. 233-7 du code de commerce déposent leur déclaration auprès de l'AMF, avant la clôture des négociations, au plus tard le quatrième [cinquième – jusqu’au 1er août 2009] jour de négociation suivant le franchissement du seuil de participation. (…) / II. L’information mentionnée au I comprend notamment : 1°) l’identité du déclarant ; 2°) le cas échéant, l’identité de la personne physique ou morale habilitée à exercer les droits de vote pour le compte du déclarant ; 3°) la date du franchissement de seuil de participations ;
4°) l’origine du franchissement de seuil ; 5°) la situation qui résulte de l’opération en termes d’actions et de droits de vote ; (…).» ;
Considérant qu’aux termes de l’article 234-2, alinéa 1er, du règlement général de l’AMF dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, « lorsqu'une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce, vient à détenir plus du tiers des titres de capital ou plus du tiers des droits de vote d'une société, elle est tenue à son initiative d'en informer immédiatement l'AMF et de déposer un projet d'offre visant la totalité du capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de vote, et libellé à des conditions telles qu'il puisse être déclaré conforme par l'AMF. » ;
Considérant qu’en application de ces dispositions, l’obligation de déclarer le franchissement d’un seuil et, le cas échéant, de déposer une offre publique s’impose à toute personne, agissant seule ou de concert, quelles que soient l’origine et les circonstances dans lesquelles elle « vient à détenir » un nombre de titres impliquant un franchissement, lequel peut notamment résulter de l’attribution ou de la perte de droits de vote double ;
Considérant que, selon le rapport d’enquête, les mis en cause, agissant de concert, auraient détenu plus du tiers des droits de vote de la société EEM aux 30 juin 2007 (34,98%), 31 décembre 2007 (34,02%), 30 juin 2008 (36,39%), 31 décembre 2008 (37,88%), 30 juin 2009 (37,85%) et 30 juin 2010 (33,74%), la seule exception à ce dépassement se situant au 30 décembre 2009, avec 28,01% ;
Considérant que, si le rapporteur a pu mettre en évidence quelques erreurs matérielles en sens contraire dans la détermination des pourcentages rappelés ci-dessus, celles-ci, très marginales, ont en commun de ne pas remettre en cause, du 30 juin 2007 au 30 juin 2009, les résultats retenus pour évaluer le nombre de titres détenus et, partant, le franchissement à la hausse, par les personnes physiques et morales agissant de concert, du seuil du tiers des droits de vote d’EEM ;
Considérant qu’en ce qui concerne, en revanche, la détermination du pourcentage des droits de vote détenus au 30 juin 2010 au sein d’EEM par le « concert Verneuil », les enquêteurs ont pris en compte les déclarations de M. A, au cours l’assemblée générale d’EEM du 25 juin 2010, sur une détention de 33,29% des droits de vote et de 28,97% du capital d’EEM (cote R249) et y ont ajouté la participation de 0,45% de Duc SA ; que, toutefois, il apparaît que les mis en cause ne détenaient alors, de concert, que 31,63% des droits de vote d’EEM au 30 juin 2010 ; que le grief ne sera donc pas retenu à cette date ;
Considérant que, malgré la détention, par le « concert Verneuil », entre le 30 juin 2007 et le 30 juin 2009, de plus du tiers des droits de vote au sein de la société EEM, aucune déclaration de franchissement de seuil n’a été faite ; qu’il n’importe pas, du point de vue de la caractérisation du manquement, qu’il ait éventuellement pu s’agir de franchissements passifs ou subis ;
Considérant, en définitive, qu’à défaut d’avoir déclaré, dans les délais et formes prescrits par les articles L. 233-7 du code de commerce et 223-14 du règlement général de l’AMF, le franchissement du seuil du tiers entre le 30 juin 2007 et le 30 juin 2009 inclus, la méconnaissance de ces articles est caractérisée à l’égard des sept mis en cause qui, en application du III de l’article L. 233-10 du code de commerce précité « sont tenu[e]s solidairement aux obligations qui leur sont faites par les lois et règlements » ; que ce manquement, qui est, par nature, susceptible de porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché au sens de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier, sera donc retenu ;
Considérant que les mis en cause étaient également tenus, jusqu’au 30 juin 2009, non seulement d'informer l'AMF de la détention de plus du tiers des titres de capital ou des droits de vote d’EEM, mais encore, par voie de conséquence, de déposer un projet d'offre visant la totalité du capital et des titres, libellé de manière à être en conformité avec les dispositions de l’article 234-2 du règlement général de l’AMF ; qu’à défaut de dépôt d’un tel projet d’offre publique, le manquement à cette disposition est objectivement caractérisé à l’encontre des sept mis en cause, sans qu’il y ait lieu de rechercher si les conditions d’une éventuelle dérogation, soumise en toute hypothèse au pouvoir d’appréciation du Collège, étaient réunies ; que, comme le précédent, ce manquement est de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché au sens de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier ; qu’il sera également retenu ;
2. SUR LES GRIEFS RELATIFS À L’INFORMATION FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ VERNEUIL PARTICIPATIONS
Considérant qu’il est reproché à la société Verneuil Participations d’avoir, depuis 2007, manqué aux dispositions des articles L.451-1-2 du code monétaire et financier et 221-1 à 221-6 du règlement général de l’AMF en publiant ses comptes annuels tardivement et sans en assurer une diffusion effective et intégrale; qu’il lui est également fait grief de ne pas avoir publié ses comptes semestriels dans les délais requis et de ne pas les avoir communiqués par voie de presse écrite, en violation des dispositions du III de l’article L. 451-1-2 III du code monétaire et financier et de l’article 221-4 du règlement général de l’AMF ;
2.1 S’agissant des comptes annuels pour les exercices clos au 31 décembre 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010
Considérant que le I de l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier, créé par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, en vigueur à compter du 20 janvier 2007, énonce : « I. - Les émetteurs français dont des titres de capital, ou des titres de créance dont la valeur nominale est inférieure à 1 000 euros et qui ne sont pas des instruments du marché monétaire, au sens de la directive 2004/39/CE du Parlement et du Conseil, du 21 avril 2004, précitée, dont l'échéance est inférieure à douze mois, sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, publient et déposent auprès de l'Autorité des marchés financiers un rapport financier annuel dans les quatre mois qui suivent la clôture de leur exercice. / Ce rapport financier annuel est tenu à la disposition du public pendant cinq ans, selon des modalités prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. Il comprend les comptes annuels, les comptes consolidés le cas échéant, un rapport de gestion, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents et le rapport des commissaires aux comptes et des contrôleurs légaux ou statutaires sur les comptes précités. » ;
Considérant qu’aux termes des articles 221-1 à 221-6 du règlement général de l’AMF, issus de l’arrêté du 4 janvier 2007, les émetteurs sont tenus d’établir, dans les quatre mois qui suivent la clôture de leur exercice, un rapport financier annuel comprenant les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés, un rapport de gestion, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité du rapport financier annuel, un rapport des contrôleurs légaux des comptes et, à titre facultatif, le communiqué relatif aux honoraires des contrôleurs légaux des comptes mentionnés à l'article 222-8 et des rapports mentionnés à l'article 222-9 ;
Considérant que, dans le même délai, l’émetteur est tenu, selon l’article 221-3 du règlement général de l’AMF, d’une part, d’assurer une diffusion effective et intégrale du rapport financier annuel, telle que définie à l’article 221-4 du même règlement, le cas échéant par un communiqué en précisant les modalités de mise à disposition, d’autre part, simultanément, de le déposer auprès de l’AMF sous format électronique, selon les termes de l’article 221-5 du règlement précité ;
Considérant que, par communiqué du 16 octobre 2006, l’AMF a précisé la date d’application des obligations d’information imposées par la directive Transparence et ses mesures de transposition, entrées en vigueur à partir du 20 janvier 2007, et indiqué, à ce titre, que les exercices annuels et les périodes intermédiaires se terminant avant le 20 janvier 2007 ne seraient pas soumis aux nouvelles obligations ; que le grief sera donc écarté en ce qu’il concerne les comptes annuels clos le 31 décembre 2006, auxquels ces dispositions ne sont pas applicables;
Considérant que les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2007 ont été publiés dans un communiqué du 3 décembre 2008 annonçant la mise à disposition du rapport financier annuel 2007 ; que le rapport financier annuel de 2008 a été mis à disposition par communiqué du 11 septembre 2009, après relances de l’AMF ; que celui sur les comptes 2009 a été déposé auprès de l’AMF le 29 juin 2010, sans faire l’objet d’un communiqué de presse de Verneuil Participations ; que celui sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2010 a été mis en ligne sur le site internet de la société à la suite de l’assemblée générale du 29 septembre 2011, sans être accompagné d’un communiqué de presse ;
Considérant, ainsi, que, pour les comptes des exercices 2007 à 2010, Verneuil Participations n’a ni mis à la disposition du public ni déposé à l’AMF le rapport financier annuel dans les délais et selon les dispositions requises ;
Considérant que les manquements aux dispositions des articles L. 451-1-2 du code monétaire et financier et 221-1 à 221-6 du règlement général de l’AMF sont objectivement caractérisés pour ces exercices, sans que les circonstances tenant à la faiblesse des moyens humains de la société – qui dit n’avoir disposé que d’un seul salarié – et à la situation de dépendance dans laquelle celle-ci indique s’être trouvée par rapport aux diligences effectuées par ses filiales cotées ne puissent être valablement invoquées, ces difficultés étant imputables à l’impéritie de la direction de la société en cause ; que ces manquements sont, par nature, susceptibles, au sens de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier, de porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ; qu’ils seront retenus ;
2.2 S’agissant des comptes semestriels
Considérant qu’il est encore fait grief à Verneuil Participations de ne pas avoir publié systématiquement ses comptes semestriels relatifs aux exercices 2007, 2008, 2009 et 2010 dans les délais requis et de ne pas les avoir portés à la connaissance du public par voie de communiqué, en violation des dispositions des articles L. 451-1-2 III du code monétaire et financier et 221-4 du règlement général de l'AMF ;
Considérant que le III de l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier, issu de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, en vigueur à compter du 20 janvier 2007, dispose que : « Les émetteurs mentionnés aux I et II et soumis aux obligations définies au I, dont des titres de capital ou des titres de créance sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, publient également et déposent auprès de l'Autorité des marchés financiers un rapport financier semestriel dans les deux mois qui suivent la fin du premier semestre de leur exercice. (…) .» ;
Considérant que le V de l’article 221-4 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 4 janvier 2007, en vigueur à compter du 20 janvier 2007, précise que : « L’émetteur procède également à une communication financière par voie de presse écrite, selon le rythme et les modalités de présentation qu’il estime adaptés à son actionnariat et à sa taille. Cette communication doit être non trompeuse et cohérente avec les informations mentionnées au I de l’article 221-3 » ; que depuis l’arrêté du 7 décembre 2007, il dispose : « l’émetteur procède également à une communication financière par voie de presse écrite, selon le rythme et les modalités de présentation qu’il estime adaptés au type d’instruments financiers émis, à son actionnariat et à sa taille, ainsi qu’à la circonstance que ses instruments financiers sont admis aux négociations sur le compartiment mentionné à l’article 516-18. Cette communication doit être non trompeuse et cohérente avec les informations mentionnées au I de l’article 221-3 » ;
Considérant que le rapport financier du premier semestre 2007 a été mis en ligne sans indication de date et sans communiqué de presse ; que celui du premier semestre 2008 a été mis à la disposition du public le 27 février 2009, soit avec six mois de retard ; que celui du premier semestre 2009 a été déposé à l’AMF et mis à la disposition du public les 9 et 10 décembre 2009, soit avec trois mois de retard ; qu’enfin, celui du premier semestre 2010 a été déposé à l‘AMF le 18 novembre 2010, soit avec deux mois et demi de retard, et sans être assorti d’un communiqué indiquant sa mise à disposition sur le site de la société ;
Considérant qu’il résulte de ces seules constatations que les griefs sont objectivement caractérisés sans que le manque de moyens de la société ou la situation de dépendance vis-à-vis des diligences effectuées par ses filiales cotées puissent être valablement invoqués ; que ces manquements sont, par nature, susceptibles, au sens de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier, de porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ; qu’ils seront donc également retenus ;
3. SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX MANQUEMENTS D’INITIÉS
Considérant qu’il est reproché à MM. D et B d’avoir transmis l’information privilégiée relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession au groupe Thien Minh, par EEM, des cinq hôtels situés au Vietnam à M. C, et à ce dernier d’avoir utilisé cette information entre les 4 juin et 24 août 2010 ;
Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant (…) pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés. Elle doit également s’abstenir de : 1°) communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession, ou de ses fonctions, ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquées (…) » ; que, selon l’article 622-2 du même règlement : « Les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information en raison de : 1°) Sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ; (…) Ces obligations d’abstention s’appliquent également à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait ou aurait dû savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée » ;
Considérant que, selon l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, « une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés » ;
Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers qui leur sont liés » ;
Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissements » ;
3.1 Sur le caractère privilégié de l’information et sur sa date
Considérant que, selon les notifications de griefs, l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession, par EEM, de cinq hôtels situés au Vietnam à un prix supérieur à leur valeur nette comptable, aurait revêtu les caractères d’une information privilégiée « au plus tard le 4 juin 2010 », puisqu’elle aurait été :
- « précise, car après une période d’interruption des négociations d’un mois, le groupe Thien Minh a, mi-mai 2010, proposé à EEM la reprise des négociations sur la base d’une nouvelle offre réévaluée et donc susceptible d’être acceptée par EEM. En effet, le 4 juin 2010, le représentant de Thien Minh a rencontré à Paris les dirigeants d’EEM pour leur faire une nouvelle offre d’achat de cinq hôtels vietnamiens pour un montant de 45 millions de dollars (soit près de 35 millions d’euros) et il était possible de tirer de ces informations une conclusion sur l’évolution à la hausse du cours du titre EEM ;
- non publique car c’est le 24 août 2010 à 16h56 qu’a été diffusé le communiqué de presse d’EEM annonçant au public la cession des cinq hôtels vietnamiens. Aucun article paru dans la presse écrite ou sur un quelconque site internet n’a fait mention avant cette date et de façon suffisamment précise de la reprise de cette négociation et de son évolution favorable. Le caractère confidentiel de cette information n’a pas été altéré par une quelconque diffusion dans la presse écrite ni par la parution, sur le site internet d’International Finance Corporation, de deux articles insuffisamment précis et, en tout état de cause, peu aisément accessibles ;
- susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours de l’action EEM puisque les hôtels représentaient, au 31 décembre 2009, 20% des immobilisations nettes d’EEM avec une valeur nette comptable de 16,13 M€ à l’actif dans les comptes sociaux d’EEM et 13,7% des capitaux investis du groupe et a contribué à hauteur de 1,8 million d’euros au résultat net du groupe. A cet égard, le 25 août 2010 le cours du titre a réagi très positivement à l’annonce de la cession des hôtels vietnamiens en progressant en séance de 15% (16 euros) par rapport au dernier cours de la veille (13,89 euros) » ;
Considérant qu’il convient, tout à la fois, de rechercher si la conclusion prochaine d’un accord de cession, par EEM, de cinq hôtels situés au Vietnam à un prix supérieur à leur valeur nette comptable revêt les caractères d’une information privilégiée et, le cas échéant, de déterminer le moment à partir duquel cette information est devenue privilégiée ; que, la date du 4 juin 2010 étant visée par la notification des griefs, non comme la seule, mais comme la plus tardive, il revient à la présente Commission d’examiner si, au vu des éléments du dossier, elle doit retenir cette date ou une date antérieure ;
Considérant qu’est précise, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l'AMF, une information qui fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou est susceptible de se produire et dont il est possible de tirer une conclusion quant à l’effet qui peut en résulter sur le cours de l’instrument financier concerné ; que tel peut être le cas de l’information sur un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir, même s’il existe des aléas quant à la réalisation effective de ce projet ;
Considérant qu’il résulte des éléments fournis le 18 janvier 2011 par EEM (cotes D1319 à D1323), qui a précisé tenir à la disposition des enquêteurs la « volumineuse correspondance entre les parties » à laquelle ont donné lieu les négociations, que le projet de procéder à la cession de la sous-holding EEM Victoria (HK) Ltd possédant les actifs hôteliers vietnamiens d’EEM a été arrêté au cours de l’été 2009 ; que le groupe Thien Minh s’est déclaré intéressé en septembre 2009 et a signé, le 12 octobre 2009, une lettre d’intention aux termes de laquelle il se proposait d’acquérir les cinq hôtels vietnamiens pour un prix global de 40 millions de dollars ; que des travaux de due diligences, comprenant l’organisation d’une data room au Vietnam, ont été conduits entre novembre 2009 et janvier 2010 ; qu’à la fin du mois de février 2010, le vendeur a indiqué à l’acheteur que l’exclusivité qui lui avait été consentie depuis le 12 octobre 2009 avait pris fin ; qu’après un mois et demi de silence, le groupe Thien Minh a demandé à EEM, le 14 avril 2010, de procéder à la clôture de la transaction ; que, le vendeur ayant indiqué que les négociations étaient rompues, un échange de correspondances a eu lieu pendant un peu moins d’un mois, chacun restant sur sa position ; qu’entre mi-mai et la fin du mois, le groupe Thien Minh a demandé à rouvrir les négociations sans qu’il y ait lieu de procéder à d’autres diligences, ce qu’EEM a accepté, à la condition de revoir à la hausse les bases financières, la valorisation des hôtels s’étant accrue du fait de l’amélioration de leur rentabilité ; que les deux parties sont alors convenues de se rencontrer, ce qui a été le cas le 4 juin 2010, date à laquelle un représentant du groupe Thien Minh s’est rendu à Paris et y a rencontré les dirigeants d’EEM, auxquels il a indiqué être prêt à porter à 45 millions de dollars son offre initiale d’acquisition de 100% des titres d’EEM Victoria (HK) Ltd ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’au cours de la deuxième quinzaine de mai 2010 :
- le groupe Thien Minh a pris l’initiative, sans manifester aucune exigence complémentaire, de reprendre les négociations,
- EEM a subordonné son acceptation à la fixation d’un prix supérieur aux 40 millions de dollars initialement proposés par l’acquéreur,
- l’acheteur et le vendeur sont convenus de se rencontrer afin de reprendre la négociation sur ces bases ;
Considérant que, comme on le verra ci-après (3.2), M. B avait prévu de se déplacer à New-York du 26 mai au 3 juin 2010 ; que son retour à Paris était donc initialement fixé la veille de la rencontre qui a eu lieu, le 4 juin 2010, avec le représentant du groupe Thien Minh ; qu’il se déduit de cette constatation que la date de la venue, dans les bureaux d’EEM, de ce représentant a été fixée, au plus tard, le 26 mai 2010 ;
Considérant que l’on ajoutera, surabondamment, que le 12 mai 2010, l’une des cinq institutions de la Banque Mondiale, la Société Financière Internationale (Internationale Finance Corporation, ci-après : « IFC »), spécialisée dans le financement de prêts et services de conseil destinés à stimuler l’investissement privé dans les pays en développement, a fait état, dans deux articles publiés sur son site Internet, de son projet d’apporter un soutien au groupe Thien Minh pour le développement de ses activités au Vietnam au travers de la potentielle acquisition des actifs d’un groupe hôtelier étranger ; qu’ainsi, IFC avait été saisie d’une demande de financement par le groupe Thien Minh ;
Considérant qu’il résulte de la réunion de ces éléments objectifs et concordants qu’à partir du 26 mai 2010 au plus tard, soit avant même l’arrivée effective à Paris, le 4 juin 2010, du représentant du groupe Thien Minh, la volonté d’acquisition manifestée par ce dernier paraissait suffisamment déterminée pour que la probabilité d’une conclusion prochaine, par EEM, de la vente de ses cinq hôtels vietnamiens pour un prix supérieur à 40 millions de dollars soit devenue très forte, malgré les aléas qui subsistaient encore ; que la cession de ces hôtels était donc un événement susceptible de se produire, le projet, suffisamment défini, ayant des chances raisonnables d’aboutir ; que l’accord probable entre les deux parties sur la vente d’hôtels qui représentaient 20% des immobilisations nettes d’EEM et contribuaient, à hauteur de 1,8 million d’euros, au résultat net du groupe permettait d’anticiper une cession dont il était possible de tirer une conclusion sur le cours des instruments financiers d’EEM ; que l’information était donc, dès le 26 mai 2010, « précise », au sens du deuxième alinéa de l'article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
Considérant que la vente projetée mettait en outre EEM à l’abri des risques liés au pays concerné et au fait qu’elle n’était pas propriétaire du terrain où avaient été construits les hôtels ; qu’elle devait être faite pour un prix supérieur d’au moins 80% par rapport à leur valorisation, telle qu’elle apparaissait dans les comptes sociaux - 16,13 millions d’euros - et allait offrir à la société une trésorerie importante ; qu’elle était donc susceptible, au sens de l’article précité, d’avoir une « influence sensible » sur le cours du titre EEM ; qu’au demeurant, à la suite du communiqué de presse du 24 août 2010 annonçant la signature, la veille, de cet accord, la cotation de l’action est passée de 13,89 euros à 16 euros le 25 août 2010, marquant ainsi une progression de 15% ;
Considérant, enfin, que, comme il a été dit plus haut, sont, certes, parus sur le site Internet de IFC, le 12 mai 2010, deux articles sur le projet d’un soutien au groupe Thien Minh, dont il est précisé qu’il est susceptible d’acquérir des actifs d’un groupe hôtelier étranger possédant, dans ce pays, quatre hôtels quatre étoiles construits entre 1997 et 2003 ; que, toutefois, le premier article avait essentiellement pour objet, après avoir présenté l’opération de manière allusive, d’en examiner le coût et l’impact sur la région, tandis que le second était plus particulièrement consacré à ses conséquences sur l’emploi et l’environnement ; que n’y étaient indiqués ni l’identité de la société cédante, ni le prix et les modalités de la cession envisagée (parts d’une société), ni l’état d’avancement des négociations, ni leurs chances d’aboutir ; qu’il était d’ailleurs ajouté que rien ne permettait de présumer de ce que serait la décision du Conseil de l’IFC appelé à se prononcer sur le financement envisagé ; qu’enfin, cette communication était essentiellement destinée au public du lieu où se trouvait le groupe Thien Minh ; que, s’il n’est pas impossible que certains investisseurs professionnels particulièrement avisés aient pu faire leurs propres déductions à partir des éléments parcellaires fournis, il demeure que ces articles ne donnaient aucune indication sur les conditions de la vente et sur l’identité, la nationalité ou le siège de la société cédante, de sorte qu’ils ne peuvent avoir eu pour effet de rendre publique, au sens du deuxième alinéa de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, l’information sur le projet de vente d’EEM ;
Considérant, en conséquence, que l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession, par EEM, de cinq hôtels situés au Vietnam au groupe Thien Minh revêtait, au moins à partir du 26 mai 2010, et jusqu’à la date du 24 août 2010 où elle a été rendue publique, les caractéristiques d’une information privilégiée ;
3.2 Sur les griefs d’utilisation et de transmission de l’information privilégiée reprochés, respectivement à M. C, ainsi qu’à MM. B et D
Considérant qu’il est reproché, sur le fondement de l'article 622-1 du règlement général de l’AMF :
- à MM. B et D d’avoir transmis l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord concernant la cession des hôtels vietnamiens d’EEM au groupe Thien Minh à M. C,
- à M. C d’avoir, entre le 4 juin 2010 et le 24 août 2010, utilisé l’information privilégiée en acquérant, directement ou indirectement, 118 604 actions EEM ;
Considérant que les notifications de griefs relèvent :
• à l’encontre de M. C :
- la chronologie de ses interventions, commencées de façon soudaine et dans des proportions significatives le 28 mai 2010, à la suite de contacts professionnels et personnels avec MM. D et B, à l’occasion desquels ceux-ci lui auraient transmis l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord concernant la cession des hôtels vietnamiens d’EEM au groupe Thien Minh,
- le volume de ses interventions, qui auraient représenté 32,5% du volume des transactions négociées sur le titre EEM à Euronext Paris entre le 4 juin et le 24 août 2010,
- l’absence de pertinence des raisons invoquées pour expliquer ces interventions,
- l’impossibilité que le professionnel averti, habitué à intervenir sur des titres de sociétés présentant un fort potentiel de valorisation, qu’est M. C ait pu ignorer que la conclusion prochaine d’un accord de cession de la branche hôtelière d’EEM, non encore publique, constituait une information privilégiée ;
• à l’encontre de MM. B et D :
- le mandat donné par le premier au second de trouver un investisseur lui permettant de financer le rachat des parts dans EEM de son associé, M. A,
- leur déplacement à New-York entre le 26 et le 30 mai 2010, alors que M. C s’y trouvait,
- leur réunion du 27 mai 2010 avec M. C, au cours de laquelle ils auraient donné à ce dernier l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord concernant la cession des hôtels vietnamiens d’EEM au groupe Thien Minh ;
Considérant qu’avant d’examiner ces griefs, il convient de rappeler que, comme il a été dit plus haut (I -), à la suite des acquisitions effectuées du 28 mai au 30 août 2010, M. C et le groupe C détenaient ensemble 325 722 actions EEM, représentant 10,02% du capital et 9,56% des droits de vote ; qu’au cours de l’assemblée générale du 24 juin 2011, M. C, qui a été nommé membre du conseil d’administration, s’est abstenu de voter en faveur de M. B, dont le mandat n’a, de ce fait, pas été renouvelé ; qu’à partir de cette date, M. B ainsi que son ami, M. D, ayant le sentiment d’avoir été « trahis », ont manifesté, à l’égard de M. C, une hostilité que les propos tenus lors de la séance par le premier et par le conseil du second ont largement confirmée ;
3.2.1 Le manquement d’utilisation de l’information privilégiée reproché à M. C
Considérant que ces circonstances particulières conduisent à ne retenir, au titre des indices susceptibles de caractériser le manquement reproché à M. C, les déclarations faites par MM. B et D après le 24 juin 2011 qu’autant que celles-ci sont corroborées par d’autres éléments du dossier ;
Considérant qu’il n’est pas contesté qu’au début de l’année 2010, M. B a donné mandat à son ami, M. D, de rechercher un investisseur qui puisse lui permettre de financer le rachat des parts de son associé, M. A ; que M. B a fourni à M. D toute information qu’il jugeait utile, et notamment celle relative au projet de cession des hôtels vietnamiens d’EEM au groupe Thien Minh ; que ce dernier, après avoir vainement pris contact avec les sociétés Trianon Corporate Finance et Leonardo, s’est rendu, le 26 mai 2010, à New-York et a rencontré M. C, qu’il connaissait depuis très longtemps, le lendemain à son bureau, puis le 28 mai 2010 au soir dans sa propriété de Bedford où il a passé la nuit ;
Considérant que M. C, après avoir réservé sa réponse, a, après vérification, admis la réalité de cette rencontre avec M. D ; que celui-ci a d’ailleurs produit, notamment, ses billets d’avion et des factures de l’hôpital proche de Bedford où il a été admis dans la soirée du 28 mai 2010 à la suite d’un malaise ainsi que de l’hôtel où il s’est acquitté du prix d’une chambre, pour lui-même et son épouse, du 26 au 30 mai 2010 ; que, dans leur principe, le voyage de M. D à New-York et le fait qu’il ait rencontré M. C ne sont donc ni contestés, ni contestables ;
Considérant que, lors de leurs auditions par les enquêteurs, les 17 juillet et 8 septembre 2011, MM. B et D ont, de manière concordante, indiqué que c’était ensemble qu’ils s’étaient rendus à New-York le 26 mai 2010 ; que M. B a confirmé ces déclarations devant le rapporteur ; que l’un et l’autre ont précisé qu’ils avaient rencontré ensemble, tant le 27 mai 2010, dans son bureau et lors d’un dîner au restaurant, que le lendemain soir, dans sa résidence de Bedford, M. C qu’ils auraient renseigné, notamment, sur l’état d’avancement et la probabilité d’une « issue favorable » du projet de cession des hôtels vietnamiens d’EEM au groupe Thien Minh ; qu’ils ont ajouté que M. C, qui s’était engagé à trouver des investisseurs, les aurait, à leur retour à Paris, « véritablement inondés (…) d’appels téléphoniques, prétextant qu’il devait être mis au courant quasiment au jour le jour de toutes les négociations » ;
Considérant qu’aussi bien devant les enquêteurs et le rapporteur que lors de la séance, M. C a contesté avoir rencontré M. B, avec lequel il avait depuis plusieurs années un différend, et avoir reçu les informations que celui-ci et M. D indiquent lui avoir transmises ; que M. B a toutefois produit la facture faisant état de son voyage aller-retour à New-York, initialement prévu du 26 mai au 3 juin 2010 (cote R 328), du trajet en taxi de l’aéroport à Manhattan le 26 mai, d’un dîner de plusieurs personnes au restaurant Pastis le 27 mai et de son séjour, jusqu’au 30 mai, à l’hôtel Le Plaza ; qu’il paraît donc établi qu’il a bien accompagné M. D à New-York où il a résidé, au minimum, du 26 au 30 mai 2010 ;
Considérant que le déplacement concomitant de M. B et de M. D aux Etats-Unis ne peut s’expliquer autrement que par leur volonté de persuader M. C de l’intérêt de financer un investissement dans EEM ; qu’il est vraisemblable qu’à cette fin, MM. B et D aient, comme ils l’affirment, transmis à ce dernier l’information privilégiée sur l’état d’avancement du projet de vente des hôtels vietnamiens au groupe Thien Minh ; que M. D a adressé à M. C, le 28 juin 2011, le message suivant : « Merci, C, de m’avoir tenu au courant de ton attitude lors de l’assemblée générale d’EEM. Je te présente un dossier avec B on ne peut plus clair. Je te tiens au courant de l’évolution des transactions, vente des hôtels, projet d’OPRA, et, comme remerciement, tu t’associes avec l’opposition et tu fais virer B comme administrateur… » (cote R 153) ; que la teneur de ce message et de la réponse de M. C, qui ne conteste aucunement avoir reçu ces informations, permettent de conclure qu’il en a bien été ainsi ;
Considérant que M. C a, du 28 mai 2010 au 24 août 2010, acquis 122 553 actions EEM ; qu’entre le 25 et le 30 août 2010, il a acheté 203 169 actions supplémentaires ; que, pour la période du 4 au 24 juin 2010, les opérations de M. C ont représenté plus de 50% de celles constatées sur le titre EEM ;
Considérant que, pour expliquer ses achats, M. C fait valoir que la société EEM lui avait été indiquée par M. D comme cible potentielle début 2010, qu’elle répondait à ses critères habituels d’investissement dans des sociétés sous-cotées et qu’ayant pris connaissance, sur le site de l’IFC, du projet d’investissement de Thien Minh, il avait obtenu rapidement confirmation de ce que la société cédante était bien EEM ; qu’il justifie le fait de n’être intervenu que deux semaines après la publication de ces articles par l’analyse à laquelle il aurait demandé à ses collaborateurs de procéder ; que, cependant, il ne fournit aucun document attestant des recherches et analyses censées avoir été effectuées par ses équipes ni au début de l’année 2010 ni, plus précisément, entre le 12 et le 28 mai 2010 ;
Considérant qu’il est remarquable que le mis en cause ait commencé d’acquérir des titres pour le compte du groupe C le 28 mai 2010, soit le lendemain de la rencontre au cours de laquelle l’information privilégiée a pu lui être transmise ;
Considérant que, si l’importance du volume de ses interventions peut s’expliquer par le caractère peu liquide du marché du titre et par la volonté de M. C de monter rapidement au capital d’EEM, les raisons avancées pour justifier ce choix d’investissement sont peu convaincantes, aucune d’entre elles n’étant, au demeurant, corroborée par un quelconque élément matériel ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces indices que les interventions sur le titre EEM faites du 28 mai au 24 août 2010 par M. C ne peuvent s’expliquer autrement que par la détention de l’information, reçue le 27 mai 2010, sur le projet de cession au groupe Thien Minh, par EEM et pour un montant supérieur à 40 millions de dollars, de ses cinq hôtels situés au Vietnam ; que celui-ci n’a pu ignorer, en sa qualité de professionnel de la finance, le caractère privilégié d’une telle information ;
Considérant que sera donc retenu à l’encontre de M. C, mais pour la période du 4 juin au 24 août 2010 qui est seule visée par la notification de griefs, le manquement à l’obligation de s’abstenir d’opérer sur le titre que celui-ci a commis en acquérant, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de sociétés contrôlées, 118 604 actions EEM ; que sa volonté de monter au capital de la société, confirmée par l’acquisition de titres supplémentaires du 25 et le 31 août 2010, ne saurait suffire à justifier les opérations qu’il a faites, en connaissance de cause, au mépris de son devoir d’abstention et qui lui ont permis, durant la période incriminée, de réaliser, directement ou au travers des sociétés qu’il contrôle, une économie de l’ordre de 430 000 euros ; que le manquement est caractérisé en tous ses éléments ;
3.2.2 Les manquements de transmission de l’information privilégiée reprochés à MM. B et D
Considérant que M. B, personnellement en charge, au sein de EEM, de la cession des hôtels vietnamiens, était détenteur de l’information privilégiée, dont il est établi qu’il l’a transmise à M. C ;
Considérant qu’il fait valoir qu’il aurait agi ainsi dans le cadre normal de ses fonctions ; qu’il résulte toutefois des éléments du dossier, et notamment de ses propres déclarations, tant lors de l’enquête que devant le rapporteur (cotes R129 et D5899), que sa démarche, à partir du début de l’année 2010, a été de rechercher les financements qui lui étaient nécessaires pour acquérir les parts de M. A ; que la poursuite de cet objectif personnel de rachat de titres ne l’autorisait évidemment pas à livrer à un tiers, sans lui avoir fait signer le moindre engagement de confidentialité, les indications ci-dessus rappelées sur EEM, lesquelles sont constitutives d’une information privilégiée ; qu’il ne saurait donc prétendre avoir agi dans l’exercice « normal » de ses fonctions ;
Considérant qu’il en résulte que M. B, en transmettant à M. C l’information privilégiée relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession, par EEM, de cinq hôtels situés au Vietnam au groupe Thien Minh, a manqué à l’obligation d‘abstention prévue au deuxième alinéa de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF ; que le manquement est donc pleinement caractérisé ;
Considérant que, dans le cadre du mandat qu’il a reçu de M. B de rechercher pour son compte un financement destiné au rachat des parts de M. A, il était prévu que M. D soit gratifié d’un « success fee » de 300 000 euros ; qu’en transmettant à M. C l’information dont il était le détenteur et dont il savait qu’elle était privilégiée, M. D a manqué à l’obligation d’abstention qui était la sienne en application du deuxième alinéa de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF ; qu’en ce qui le concerne, le manquement est également constitué en tous ses éléments ;
III. SANCTIONS ET PUBLICATION
Considérant que les franchissements de seuil constatés à partir du 30 juin 2007, sans avoir été déclarés ni avoir donné lieu au dépôt d’un projet d’OPA, sont punissables en application des dispositions combinées du II de l’articles L. 621-15 et du I de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier ; que le montant maximal de la sanction encourue en raison des omissions constatées, qui sont de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés, est passé de 1,5 million d’euros à 10 millions d’euros après l’entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 ; que seront distingués, de ce point de vue, d’une part, les manquements constatés les 30 juin 2007, 31 décembre 2007 et 30 juin 2008, d’autre part, ceux constatés les 31 décembre 2008 et 30 juin 2009 ;
Considérant que, pour apprécier le montant de la sanction, il sera tenu compte du caractère involontaire de franchissements de seuil qui ont été, pour l’essentiel, le résultat de l’attribution automatique des droits de vote double aux actions détenues de manière nominative depuis plus de deux ans ;
Considérant que seront prononcées, pour ces manquements, des sanctions pécuniaires de 50 000 euros à l’encontre de MM. A et B, 100 000 euros à l’encontre de la société Verneuil Participations et 10 000 euros à l’encontre des sociétés Foch Investissements, FD Conseils et Participations, Verneuil et Associés et Duc SA ;
Considérant que les manquements aux obligations d’information financière, également de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés, doivent être distingués selon qu’ils ont été commis au titre du premier semestre 2007 et de l’exercice clos au 31 décembre 2007, au titre du premier semestre 2008 et jusqu’au premier semestre 2010, enfin, au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2010, le montant maximal de la sanction encourue étant de 1,5 million d’euros pour les premiers, de 10 millions d’euros pour les suivants et de 100 millions d’euros pour le dernier ; que sera prononcée, à l’encontre de la société Verneuil Participations, qui justifie d’efforts entrepris pour améliorer la gestion de son information financière, une sanction pécuniaire de 50 000 euros ;
Considérant que, pour les manquements d’initié, qui ont été commis avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 octobre 2010, le montant maximal de la sanction encourue est de dix millions d’euros ou du décuple des profits réalisés ;
Considérant que seront infligées à M. B, initié primaire, et à M. D, qui devait percevoir une rémunération de 300 000 euros en contrepartie de ses agissements, une sanction pécuniaire de 200 000 euros pour avoir transmis à M. C l’information privilégiée dont ils étaient les détenteurs ;
Considérant que le manquement d’utilisation de l’information privilégiée commis en toute connaissance de cause par M. C qui, en acquérant 118 604 actions EEM du 4 juin au 24 août 2010, a réalisé une économie de l’ordre de 430 000 euros, revêt une particulière gravité ; que sera prononcée à son encontre une sanction pécuniaire de 1 300 000 euros ;
Considérant que la publication de la présente décision, qui participe de l’information du marché et ne risque pas de causer un préjudice disproportionné aux mis en cause, sera ordonnée ;
PAR CES MOTIFS,
Et ainsi qu’il en a été délibéré, sous la présidence de Mme Claude Nocquet par Mme France Drummond et MM. Bruno Gizard et Jean-Jacques Surzur, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,
DECIDE DE
- prononcer à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 1 300 000 € (un million trois cent mille euros) ;
- prononcer à l’encontre M. B, une sanction pécuniaire de 250 000 € (deux cent cinquante mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de M. D une sanction pécuniaire de 200 000 € (deux cent mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de la société Verneuil Participations une sanction pécuniaire de 150 000 € (cent cinquante mille euros) ;
- prononcer à l’encontre M. A, une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de Foch Investissements une sanction pécuniaire de 10 000 € (dix mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de FD Conseils et Participations une sanction pécuniaire de 10 000 € (dix mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de Verneuil et Associés une sanction pécuniaire de 10 000 € (dix mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de Duc SA une sanction pécuniaire de 10 000 € (dix mille euros) ;
- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.