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Décisions

AMF, 13 janvier 2011, n° SAN-2011-03

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

M. Hanus, M. Jalenques de Labeau, M. Lasserre, M. Thouvenel

Président :

M. Labetoulle

AMF n° SAN-2011-03

12 janvier 2011

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») :

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14, L. 621-15, L. 621-18-2 et R. 621-5 à R. 621-7, R. 621-38 à R. 621-40 et R. 621-43-1 dans leur rédaction applicable à l’époque des faits ;

Vu la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière ;

Vu le règlement général de l’AMF et, notamment, ses articles 223-22, 234-2, 234-5 et 241-4 ;

Vu les notifications de griefs adressées le 12 avril 2010 à M. A, à la société X et au Groupe Y ;

Vu la décision du président de la Commission des sanctions du 3 mai 2010, désignant Mme Marielle Cohen- Branche, membre de la Commission des sanctions en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres en date du 17 mai 2010 informant les personnes mises en cause de la possibilité leur appartenant de demander la récusation du rapporteur ;

Vu les observations écrites en date du 14 juin 2010, présentées par Me Frank Martin Laprade pour le compte des trois personnes mises en cause ;

Vu le rapport de Mme Marielle Cohen-Branche en date du 25 novembre 2010 ;

Vu les lettres de convocation, en date du 26 novembre 2010, à la séance de la Commission des sanctions du 13 janvier 2011 auxquelles était annexé le rapport signé du rapporteur, adressées aux personnes mises en cause ;

Vu les lettres en date du 7 décembre 2010 informant les personnes mises en cause de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de leur faculté de demander la récusation de l’un ou l’autre des membres de cette Commission ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur en date du 13 décembre 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 13 janvier 2011 :

- Mme le rapporteur en son rapport ;

- M. François Gautier, représentant du directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Ambroise Liard, représentant du Collège ;

- M. A, pour son compte et celui des sociétés X et Groupe Y qu’il représente en tant que président directeur général, accompagné de M. […], directeur administratif et financier des sociétés X et Groupe Y et de M. […], directeur général de la société X ;

- Me Frank Martin Laprade, conseil de M. A et des sociétés X et Groupe Y ; les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.

La Commission des sanctions

FAITS ET PROCEDURE

A. Les faits

Créée en 1990 par M. A, la société X est spécialisée dans la rénovation de l’habitat individuel. Elle commercialise ses produits à travers un réseau de magasins et par démarchage direct. La société a réalisé en 2008 un chiffre d’affaires de 182 millions d’euros. M. A en est le président-directeur général.

Les actions de la société X ont été inscrites sur le Marché libre de la Bourse de Paris en […], puis admises en

[…], à la cote du Second marché. Les actions de la société se négocient désormais en continu, sur Euronext Paris (compartiment C).

Postérieurement à l’admission au Second marché en […], son capital, composé d’un million d’actions, était détenu à hauteur de 54,2% par la famille A, de 17,1% par […] et de 28,7% par le public.

La société a procédé, en août 2005, à une augmentation de capital afin de pouvoir lui donner les moyens de poursuivre son développement. Á cette occasion, M. A a vu sa participation diluée en deçà de 50% du capital de la société.

Le 18 mai 2009, la société Z, holding détenue majoritairement par la société Groupe Y, a déposé une offre publique d’achat réalisée selon la procédure simplifiée sur la société X au prix de 36 € par action sur les titres qu’elle ne détenait pas, soit 625 656 actions représentant 39,30% du capital de la société X .

Le 5 juin 2009, l’offre a été déclarée conforme par l’AMF et ouverte du 9 au 29 juin inclus.

Á la clôture de l’OPAS, la société Z détenait 1 304 773 actions de la société X représentant 83,21% du capital, le solde étant détenu à hauteur de 9,15% par la société elle-même, 2,85% par M. […], directeur général de la société X, 1,42% par […], directeur général délégué de la société, 1% d’actions gratuites attribuées à des salariés, environ 2,4% restant effectivement détenus par le public.

B. La procédure

Au vu des volumes inhabituels négociés sur le titre, le secrétaire général de l’AMF a ouvert, le 14 septembre 2009, une enquête sur le marché du titre de la société X, à compter du 1er juin 2008. Le 17 novembre 2009, l’enquête a été étendue à l’information financière et au marché du titre à compter du 1er décembre 2007.

Á l’issue de l’enquête, un rapport d’enquête a été établi par la Direction des enquêtes et de la surveillance des marchés de l’AMF.

Au vu des conclusions de ce rapport et sur décision prise par la commission spécialisée n° 2 du Collège du 25 mars 2010, le président de l’AMF a, par lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 12 avril 2010, notifié les griefs suivants :

(1) à la société X, il est reproché de n’avoir pas respecté l’obligation déclarative relative aux rachats d’actions auxquels elle a procédé entre les mois de novembre 2008 et janvier 2009 ;

(2) au Groupe Y, il est reproché de n’avoir pas respecté l’obligation déclarative prévue par l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier à l’occasion des acquisitions de titres de la société X auxquelles cette société a procédé directement ou indirectement ;

(3) à M. A et au Groupe Y, il est reproché :

a) de n’avoir pas respecté l’obligation prévue au 1er alinéa de l’article 234-5 du règlement général de l’AMF en matière de préparation et de dépôt d’une offre publique obligatoire ;

b) de n’avoir pas respecté l’obligation prévue par le second alinéa de l’article 234-5 du règlement général de l’AMF en ne déclarant pas les variations du nombre des titres de capital ou des droits de vote qu’ils détenaient de concert dans la société X.

Conformément à l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, une copie de ces notifications de griefs a été transmise au président de la Commission des sanctions le 12 avril 2010.

Par décision du 3 mai 2010, le président de la Commission des sanctions de l’AMF a désigné Mme Marielle Cohen-Branche en qualité de rapporteur dans ce dossier.

Par lettres du 10 mai 2010, le rapporteur a informé les personnes mises en cause de sa nomination en tant que rapporteur ainsi que de la possibilité, conformément à l’article R. 621-39 I. du code monétaire et financier, d’être entendues à leur demande.

Par lettres du 17 mai 2010, les personnes mises en cause ont été informées de la possibilité de demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le 14 juin 2010, des observations en réponse aux notifications de griefs ont été déposées par Me Frank Martin Laprade pour le compte des trois personnes mises en cause.

Aucune demande d’audition n’a été sollicitée par les personnes mises en cause.

Les personnes mises en cause ont été convoquées par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, en date du 26 novembre 2010, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, à la séance de la 1ère section de la Commission des sanctions du 13 janvier 2011.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 7 décembre 2010, les personnes mises en cause ont été informées de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, en application des articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le 13 décembre 2010, des observations écrites en réponse au rapport du rapporteur ont été présentées par Me Frank Martin Laprade pour le compte des trois personnes mises en cause.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur le grief notifié à la société X relatif à l’absence de déclaration des opérations auxquelles cette société a procédé dans le cadre de son programme de rachat d’actions

Considérant que selon l’article 241-4 du règlement général de l’AMF : « tout émetteur pour lequel un programme de rachat de ses titres est en cours de réalisation informe le marché de toutes les opérations effectuées dans le cadre du programme de rachat au plus tard le septième jour de négociation suivant leur date d’exécution. (…) » ;

Considérant qu’il est constant qu’alors que la part d’actions auto-détenues par la société X a sensiblement augmenté puisque, jusque là limitée aux alentours de 4%, elle est passée à 5,61% en novembre 2008, 7,4% en décembre 2008 et 9,34% en janvier 2009 ces opérations n’ont donné lieu à aucune des déclarations qu’appelait l’application des dispositions précitées ; qu’ainsi le manquement, qui a un caractère objectif, est caractérisé ; qu’il y aura toutefois lieu, pour l’appréciation de sa gravité, de tenir compte de ce que, sur son site, la société X a procédé à une déclaration mensuelle de ses rachats d’actions ;

II. Sur le grief notifié au Groupe Y et tiré de ce de ce que les acquisitions de titres de la société X auxquelles elle a procédé n’ont pas donné lieu aux déclarations à l’AMF prévues par l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier

Considérant que l’article L. 621-18-2 du code monétaire financier dispose que :

« Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l'Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans le délai déterminé par son règlement général, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d'actions d'une société ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, lorsque ces opérations sont réalisées par :

a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;

b) Toute autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, au sein de l'émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d'autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;

c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b. (…) » ;

Considérant que l’article R. 621-43-1 du code monétaire et financier, pris pour l’application du c) de l’article L. 621-18-2 précité, dispose que :

« Les personnes mentionnées au c de l'article L. 621-18-2, qui ont des liens personnels étroits avec l'une des personnes mentionnées aux a ou b du même article, sont :

(…) 4° Toute personne morale ou entité, autre que la personne mentionnée au premier alinéa de l'article L. 621-18-2, constituée sur le fondement du droit français ou d'un droit étranger, et (…) b) (…) qui est contrôlée, directement ou indirectement, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, par l'une des personnes mentionnées aux a et b de l'article L. 621-18-2 (…) » ;

1. Sur l’absence de déclaration de 25 000 actions acquises en son nom par le Groupe Y le 22 janvier 2008

Considérant qu’en vertu des dispositions précitées du 4°b) de l’article R. 621-43-1, le Groupe Y, dont 99,9% du capital est détenu par M. A, président-directeur général de la société X, est, pour des opérations sur le titre de cette société, tenu aux mêmes obligations de déclaration que celles incombant à M. A en application du a) de l’article L. 621-18-2 ;

Considérant qu’il est constant que le 22 janvier 2008 le Groupe Y, a acquis pour son compte 25 000 actions de la société X pour un montant total de 875 000 euros ; que toutefois cette acquisition n’a pas donné lieu à la déclaration prévue à l’article L. 621-18-2 ; qu’ainsi, pour cette acquisition, le manquement est caractérisé ;

2. Sur l’absence de déclaration de 26 709 actions acquises sur le compte-titres de Mme X

Considérant qu’il est reproché au Groupe Y d’avoir manqué à des obligations déclaratives en raison de « l’acquisition indirecte par l’intermédiaire du compte-titres d’une tierce personne, Mme X…, de 26 709 actions de la société X du mois d’août au mois de novembre 2008 » ;

Considérant que les 26 709 actions en cause ont été achetées sur le compte-titres de Mme X, qui s’est trouvée en être l’unique propriétaire ; que si le montant de l’acquisition correspondante a été versé par l’intermédiaire du Groupe Y, il avait été préalablement prélevé sur le compte courant de M. A, dont il est par ailleurs constant qu’il avait donné les ordres d’acquisition ; que dans ces conditions il ne peut, en tout état de cause, être fait grief au Groupe Y de n’avoir pas déclaré cette acquisition ;

III. Sur les griefs notifiés à M. A et au Groupe Y et fondés sur l’article 234-5 du règlement général de l’AMF

1. Sur le grief fondé sur le 2ème alinéa de l’article 234-5 et relatif à l’absence d’information des variations du nombre de titres détenus par le Groupe Y et M. A

Considérant que selon l’alinéa 2 de l’article 234-5 du règlement général de l’AMF « les personnes physiques qui agissant seules ou de concert détiennent directement ou indirectement un nombre compris entre le tiers et la moitié du capital ou des droits de vote d’une société tiennent l’Autorité des marchés financiers informée des variations du nombre de titres de capital ou des droits de vote qu’elles détiennent. L’Autorité des marchés financiers rend publiques ces informations » ;

Considérant qu’il est constant que M. A et le Groupe Y détenaient ensemble plus du tiers du capital de la société X et entraient ainsi dans le champ d’application de ces dispositions, qui leur faisaient par suite obligation de déclarer les variations du nombre de titres qu’ils détenaient ;

Considérant que la variation du nombre de titres détenus résultant de l’acquisition par le Groupe Y le 22 janvier 2008 de 25 000 actions n’a donné lieu à aucune déclaration ; que dans cette mesure le manquement est caractérisé à l’encontre du Groupe Y et de M. A ;

Considérant en revanche que le grief ne saurait être retenu en tant qu’il se réfère également aux 26 709 actions mentionnées au II. 2 ci-dessus et acquises sur le compte-titres de Mme X, qui ne sauraient être regardées comme ayant été détenues par le Groupe Y et M. A ;

2. Sur le grief fondé sur le 1er alinéa de l’article 234-5 et relatif à l’absence de dépôt d’un projet d’offre

Considérant que selon le 1er alinéa de l’article 234-5 du règlement général de l’AMF doivent déposer un projet d’offre visant la totalité du capital les « personnes physiques ou morales, agissant seules ou de concert, qui détiennent directement ou indirectement un nombre compris entre le tiers et la moitié du nombre total des titres de capital ou des droits de vote d’une société et qui, en moins de douze mois consécutifs, augmentent le nombre des titres de capital ou des droits de vote qu’elles détiennent d’au moins 2% du nombre total des titres de capital ou des droits de vote de la société » ;

Considérant que l’incertitude qui s’attachait, avant l’intervention des dispositions introduites à l’article L. 433-3 du code monétaire et financier par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, au calcul du pourcentage déclenchant l’obligation de dépôt d’un projet d’offre ne permettait pas de retenir un grief invoquant une méconnaissance du 1er alinéa de l’article 234-5 ;

Considérant au surplus qu’ainsi qu’il a été dit précédemment les 26 709 actions acquises sur le compte-titres de Mme X ne peuvent être prises en compte pour la détermination de l’augmentation du nombre de titres détenus par le Groupe Y et M. A ; qu’à elles seules les 25 000 actions acquises par le Groupe Y le 22 janvier 2008, correspondent, quel que soit le mode de calcul, à une augmentation nettement inférieure à 2% ;

Considérant dès lors que ce grief ne saurait être retenu ;

IV. Considérant que les manquements retenus ci-dessus sont, au sens de l’article L. 621-15 II. c) du code monétaire et financier « de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché », et peuvent donner lieu à une sanction pécuniaire dont le montant doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements, sans pouvoir excéder un plafond qui, à la date des faits reprochés, était de 1,5 million d'euros ;

Considérant que les dispositions dont la méconnaissance a été retenue à l’encontre des personnes mises en cause ont été édictées pour contribuer à la bonne information du marché ; que leur inobservation justifie en principe une sanction à proportion de cette importance ;

Considérant toutefois qu’en l’espèce les omissions retenues, exclusives d’une intention de dissimulation, n’ont eu qu’une portée concrète limitée ;

Considérant dès lors que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de fixer :

- à 10 000 euros la sanction encourue par la société X au titre de la méconnaissance de l’article 241-4 du règlement général de l’AMF ;

- à 15 000 euros la sanction encourue par le Groupe Y au titre, d’une part, de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, d’autre part du 2ème alinéa de l’article 234-5 du règlement général de l’AMF ;

- à 5 000 euros la sanction encourue par M. A au titre du 2ème alinéa de l’article 234-5 du règlement général de l’AMF ;

V. Considérant que la publication de la présente décision, ne risque ni de perturber les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné aux personnes en cause ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Daniel Labetoulle, par MM. Jean-Claude Hanus, Guillaume Jalenques de Labeau, Pierre Lasserre et Joseph Thouvenel, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE :

- prononcer à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire de 5 000 € (cinq mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de la société X une sanction pécuniaire de 10 000 € (dix mille euros) ;

- prononcer à l’encontre du Groupe Y une sanction pécuniaire de 15 000 € (quinze mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions.