AMF, 17 septembre 2009, n° SAN-2009-29
AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Membres :
M. Jalenques de Labeau, M. Hanus, M. Thouvenel
Président :
M. Labetoulle
La 1ère Section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») :
Vu le Code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14, L. 621-15, L. 621-18-2, R. 621-5 à R. 621-7, R. 621-38 à R. 621-40 ;
Vu l’ordonnance n° 2009-80 du 22 janvier 2009 relative à l’appel public à l’épargne et portant diverses dispositions en matière financière ;
Vu le Règlement général de l’AMF, notamment son article 223-22, devenu les articles 223-22 A et 223-22, par suite de l’arrêté du 2 avril 2009 portant homologation de modification du Règlement général de l’AMF ;
Vu la notification de griefs adressée à M. A le 22 janvier 2009 ;
Vu la décision du 25 février 2009 du Président de la Commission des sanctions désignant M. Pierre LASSERRE, Membre de la Commission des sanctions, en qualité de Rapporteur ;
Vu la lettre du 26 février par laquelle le Rapporteur informait M. A de sa désignation et de la possibilité pour lui d’être entendu à sa demande, dans les locaux de l’AMF ;
Vu la lettre du 2 mars 2009 informant M. A de ce qu’il disposait de la faculté de demander la récusation du Rapporteur dans un délai d’un mois ;
Vu les observations écrites en date du 30 avril 2009 déposées par Maîtres Arnaud GUERIN et Marc CHARPENTIER pour M. A ;
Vu le procès-verbal de l’audition de M. A du 23 juillet 2009 ;
Vu le rapport de M. Pierre LASSERRE en date du 27 juillet 2009 ;
Vu la lettre de convocation de M. A, en date du 27 juillet 2009, à la séance de la Commission des sanctions du 17 septembre 2009, à laquelle était annexé le rapport signé du Rapporteur ;
Vu la lettre du 21 août 2009 indiquant à M. A la composition de la Commission lors de la séance et l’informant de sa faculté de demander la récusation de l’un des Membres de cette Commission ;
Vu les autres pièces du dossier.
Après avoir entendu au cours de la séance du 17 septembre 2009 :
La Commission des sanctions
- M. le Rapporteur en son rapport ;
- M. Paul ESMEIN, Commissaire du Gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;
- M. Jean-Philippe PONS-HENRY, représentant le Collège de l’AMF ;
- M. A ;
- Maître Arnaud GUERIN, conseil de M. A ; la personne mise en cause ayant pris la parole en dernier.
I. FAITS ET PROCEDURE
La société X, créée en 2002 par MM. A et B, était initialement spécialisée dans […].
Le […] 2005, la société X fut introduite sur le marché ALTERNEXT. Après cette introduction, elle diversifia son activité […] par croissance externe, se spécialisant dans […].
M. A occupait les fonctions de Président Directeur Général à l’époque des faits.
Entre le 19 janvier et le 8 mars 2007, M. A a cédé 87 141 titres la société X pour un montant total d’environ 5 715 600 euros, représentant 3.55 % du capital social de la société X et 9.27 % des 940 000 titres qu’il détenait.
La déclaration de cession de ces titres a été effectuée le 5 mars 2008.
Le Secrétaire général de l’AMF a décidé d’ouvrir, le 14 février 2008, une enquête sur l’information financière et le marché du titre de la société X, à compter du 31 décembre 2006.
Conformément à l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier, la Commission spécialisée n° 3 du Collège de l’AMF a examiné, lors de sa séance du 23 décembre 2008, le rapport établi par la Direction des Enquêtes et de la Surveillance des Marchés (« DESM ») et a retenu que les cessions réalisées par M. A étaient susceptibles de constituer un manquement aux articles L. 621-18-2 du Code monétaire et financier et 223-22 du Règlement général de l’AMF.
Au vu du rapport d’enquête et sur décision de la Commission spécialisée n° 3, le Président de l’AMF a notifié à M. A des griefs par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 22 janvier 2009.
La notification de griefs reproche à M. A d’avoir « cédé 87 141 actions de la société X, entre le 19 janvier et le 8 mars 2007, sans pour autant déclarer ces opérations à l’AMF de manière complète et dans le délai réglementaire », alors que sa qualité de Président-directeur général de la société X l’y obligeait en application des articles L. 621-18-2 du Code monétaire et financier et 223-22 du Règlement général de l’AMF, et alors que son conseil, Maître TAUPIN, l’avait informé dès le 21 février 2007 de l’existence de cette obligation.
Par décision en date du 25 février 2009, le Président de la Commission des sanctions a désigné M. Pierre LASSERRE en qualité de Rapporteur dans la procédure à l’encontre de M. A.
Le Rapporteur a avisé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 26 février 2009, M. A de sa désignation en qualité de Rapporteur et de la possibilité pour le mis en cause d’être entendu à sa demande, dans les locaux de l’AMF.
Par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 2 mars 2009, M. A, a été informé de ce qu’il disposait de la faculté de demander la récusation du Rapporteur dans un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39 I du Code monétaire et financier.
Des observations écrites ont été déposées le 30 avril 2009 par Maîtres Arnaud GUERIN et Marc CHARPENTIER pour M. A.
Le Rapporteur a entendu M. A, le 23 juillet 2009, dans les locaux de l’AMF.
Par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 27 juillet 2009, M. A a été convoqué à la séance de la Commission des sanctions du 17 septembre 2009, lettre à laquelle était annexé le rapport signé du Rapporteur.
M. A a été informé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 21 août 2009 de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, lui précisant sa faculté de demander la récusation de l’un des Membres de ladite Commission, en application des articles R. 621-39-2, R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du Code monétaire et financier.
II. MOTIFS DE LA DECISION
A. Sur le manquement
Considérant qu’en vertu des dispositions combinées de l’article L. 621-18-2 du Code monétaire et financier et des articles 223-22 A et 223-22 du Règlement général de l’AMF, les membres du Conseil d’administration d’une société dont les actions et les instruments financiers liés à celles-ci sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé doivent communiquer à l’AMF leurs acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de titres de cette société ; que cette déclaration nominative doit être faite dans un délai de 5 jours de négociation et doit préciser notamment le prix unitaire et le montant de l’opération ; qu’elle donne lieu à une publication sur le site de l’AMF ;
Considérant que ces dispositions ont notamment pour objet de permettre au marché d’être informé rapidement des opérations auxquelles les dirigeants d’une société peuvent se livrer sur les titres de celle-ci et d’apprécier la signification qu’elles peuvent revêtir ;
Considérant qu’entre le 19 janvier et 8 mars 2007, M. A a cédé 87 141 titres de la société X, représentant 3,55 % du capital social de la société X pour un montant total d’environ 5 715 600 euros ; que ce n’est toutefois que le 5 mars 2008, soit très postérieurement à l’expiration du délai de 5 jours de négociation suivant les cessions, que M. A a déclaré celles-ci à l’AMF ; qu’en outre, cette déclaration omettait de mentionner le prix unitaire et le montant des cessions ; qu’ainsi, le manquement aux dispositions de l’article L. 621-18-2 du Code monétaire et financier et des articles 223-22 A et suivants du Règlement général de l’AMF est caractérisé sans qu’y fasse obstacle la circonstance invoquée par M. A et tenant à ce que les opérations de cession auxquelles il s’est livré ne constituaient pas des opérations d’initié ;
Considérant qu’eu égard au caractère purement objectif de ce manquement, les arguments mis en avant par M. A pour expliquer les conditions dans lesquelles il s’est abstenu de se conformer aux obligations de déclaration sont inopérants ;
Considérant, en conséquence, qu’il y a lieu de retenir à l’encontre de M. A le grief qui lui est reproché ;
B. Sur la sanction
Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits, que :
« La Commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : (…)
c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié (…) ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14 […] ».
« Les sanctions applicables sont : (…)
c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; (…) Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements » ;
Considérant que, pour déterminer le montant de la sanction pécuniaire qu’il y a lieu de prononcer en l’espèce, il convient d’abord de retenir qu’eu égard à l’objet, tel qu’il a été rappelé ci-dessus, des dispositions de l’article L. 621-18-2, le manquement correspondant est de nature à affecter le bon fonctionnement du marché ; qu’il doit être sanctionné en conséquence ; que toutefois, en l’espèce, il y a lieu de tenir compte également de ce que les faits reprochés sont intervenus peu de temps après que l’obligation de déclaration des opérations des dirigeants d’une société sur les titres de celle-ci, qui incombait précédemment à cette société, a été mise à la charge des dirigeants eux-mêmes, et alors que la portée de cette modification pouvait ne pas apparaître pleinement aux dirigeants d’une société introduite sur le marché Alternext en 2005 seulement ; qu’eu égard à cet élément il sera fait une exacte appréciation de l’ensemble des circonstances de l’espèce en prononçant à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire limitée à 30 000 € (trente mille euros) ;
C. Sur la publication de la décision
Considérant que le V de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier dispose que « la Commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause (…) » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la Commission de tenir compte des exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès à ses décisions, connaître son interprétation des règles qu’ils doivent observer ; qu’il ne résulte pas des circonstances de l’espèce que la publication de la décision, dans des conditions propres à assurer l’anonymat de la personne mise en cause, lui causerait un préjudice disproportionné ou risquerait de perturber les marchés ;
PAR CES MOTIFS,
Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Daniel LABETOULLE, par MM. Guillaume JALENQUES de LABEAU, Jean-Claude HANUS et Joseph THOUVENEL, Membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence du Secrétaire de séance,
DECIDE DE :
- prononcer une sanction pécuniaire de 30 000 € (trente mille euros) ;
- publier la présente décision au « Bulletin des Annonces Légales Obligatoires », sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions, dans des conditions propres à préserver l’anonymat de la personne mise en cause.