AMF, 17 décembre 2009, n° SAN-2010-07
AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Membres :
Mme Cohen-Branche, M. Jalenques de Labeau, M. Thouvenel
Président :
M. Labetoulle
La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) :
Vu le code monétaire et financier, notamment les articles L.621-14, L.621-15, L.621-18-2, R.621-5 à R.621-7, R.621-38 à R.621-40 ;
Vu les articles 223-1, 223-22, 621-1, 622-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF ;
Vu les notifications de griefs adressées le 16 janvier 2009 aux sociétés X et Y ainsi qu’à M. A ;
Vu la décision du 18 février 2009 du président de la Commission des sanctions désignant M. Pierre Lasserre, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;
Vu les observations écrites en date du 13 mars 2009 déposées par Me Jean-Pierre Mattout pour les sociétés X et Y ainsi que pour M. A ;
Vu les lettres en date du 8 juillet 2009 par lesquelles les mis en cause ont été avisés de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur ;
Vu le procès-verbal de l’audition de M. A effectuée par le rapporteur le 1er octobre 2009 ;
Vu le rapport de M. Pierre Lasserre en date du 4 novembre 2009 ;
Vu les lettres de convocation, en date du 9 novembre 2009, à la séance de la Commission des sanctions du 17 décembre 2009 auxquelles était joint le rapport du rapporteur, adressées aux sociétés X et Y ainsi qu’à M. A ;
Vu les lettres en date du 23 novembre 2009 par lesquelles les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ces lettres les avisant de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation d’un des membres de cette formation ;
Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur en date du 25 novembre 2009 déposées par Me Jean-Pierre Mattout pour les sociétés X et Y ainsi que pour M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu au cours de la séance du 17 décembre 2009 :
- M. le rapporteur en son rapport ;
La Commission des sanctions
- Mme Marianne Thiery, commissaire au gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;
- M. Jean-Philippe Pons-Henry, représentant le Collège de l’AMF ;
- M. A, à titre personnel en sa double qualité de président du conseil de surveillance de la société X et de président directeur général de la société Y ;
- la société Y représentée par M. A, président directeur général ;
- la société X représentée par M. B, président du directoire ;
- Me Jean-Pierre Mattout, conseil des sociétés X et Y et de M. A ; les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.
I. FAITS ET PROCEDURE
A. FAITS
La société X est le leader européen […]. Introduite sur le […] marché de la bourse de Paris en […], la société X avait, à l’époque des faits, pour président du directoire, Mme C et pour président du conseil de surveillance, M. A, tous deux fondateurs de la société.
La société Y SA, principal actionnaire de la société X est une holding familiale détenue par M. A et les membres de sa famille ([…]).
A partir de 2006, M. A a essayé de vendre la société X.
Faute de repreneur sérieux, M. A envisageait alors de mettre en oeuvre une offre publique d’achat simplifiée (OPAS) sur les titres de la société X afin de procéder, dans un premier temps, au retrait de la cote.
Le 13 mars 2007, la société Y représentée par M. A donnait mandat à la banque Z pour le dépôt et la réalisation d’une OPAS sur la société X.
A cette fin, un pacte d’actionnaires était conclu le 25 mai 2007 entre la société Y, les membres de la famille A et Mme C, avant le dépôt par la société Y de l’offre publique.
Ce pacte mentionnait les titres détenus par les membres du concert :
- Famille A (composée de M. et Mme A et de leurs enfants) : 2 482 105 actions de la société X,
- M. A : 5 actions de la société X,
- Mme C : 1 487 047 actions de la société X,
- la société Y : 12 067 136 actions de la société X.
Soit un total de 16 036 293 actions pour le concert.
Le 4 juin 2007, la société Y, de concert avec le groupe familial A et Mme C, a informé le marché de son intention de lancer une OPAS selon la procédure simplifiée prévue aux articles 233-1 1° et suivants du règlement général de l’AMF sur les titres de la société X au prix de 18 € par action, soit une prime de 34% par rapport au cours du jour.
La note d’information émise le 26 juin 2007 par l’initiateur précisait que le concert détenait 16 036 293 actions de la société X dont 2 482 110 pour la famille A.
La note en réponse de la société X faisait état des mêmes données chiffrées.
L’OPAS a eu lieu du 29 juin au 12 juillet 2007 et a été suivie d’une procédure de retrait obligatoire et de la radiation des actions de la société X de […] d’Euronext (compartiment […]) le […] juillet 2007.
L’analyse du dépouillement du marché du titre de la société X, avant l’annonce de l’OPAS, a permis aux enquêteurs de déceler certaines opérations inhabituelles (interventions exclusivement à l’achat, intermédiaires intervenant rarement sur la valeur) qui les ont conduits à s’interroger sur l’identité des donneurs d’ordres.
C’est dans ces conditions que le secrétaire général de l’AMF a décidé l’ouverture d’une enquête sur le marché du titre de la société X à compter du 1er juin 2006.
Par décision du 18 septembre 2008, le secrétaire général a étendu le champ de l’enquête à l’information financière sur le titre de la société X.
B. PROCEDURE
Conformément aux prescriptions de l’article L.621-15 du code monétaire et financier, le rapport d’enquête de la Direction des enquêtes et de la surveillance des marchés (DESM) a été examiné par la Commission spécialisée n°3 du Collège de l’AMF, lors de sa séance du 23 décembre 2008.
Au vu du rapport d’enquête et sur décision de la Commission spécialisée n°3, le président de l’AMF a, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 16 janvier 2009 notifié des griefs à :
- la société A, pris en la personne de son président du directoire, M. B,
- la société Y, prise en la personne de son président directeur général, M. A,
- M. A à titre personnel en sa double qualité de président directeur général de la société Y et de président du conseil de surveillance de la société X.
Il est en substance reproché à :
a. M. A :
- d’avoir en sa « double qualité de président directeur général de la société Y (…) et de président du conseil de surveillance de la société X » utilisé une information privilégiée relative au « lancement d’une
OPAS sur les actions de la société X au prix de 18 € par titre par la société Y « lors des achats de titres de la société X intervenus entre le 13 mars et le 7 mai 2007 » ; selon la notification de griefs adressée à M. A, ces faits seraient susceptibles de caractériser un manquement d’initié au sens des articles 621-1 et 622-1 du règlement général de l’AMF ;
- d’avoir « en sa qualité de président du conseil de surveillance de la société X omis de déclarer les opérations qu’il avait effectuées sur le titre de la société X entre le 1er juin 2006 et le 7 mai 2007 » ; selon la notification de griefs adressée à M. A, ces faits seraient susceptibles de caractériser un manquement aux dispositions de l’article L.621-18-2 du code monétaire et financier ;
- d’avoir, en sa qualité de président-directeur général de la société Y, diffusé des informations inexactes imprécises et trompeuses concernant :
- « le nombre d’actions de la société X détenues par le concert formé de [lui-même], les membres de [sa] famille, Mme C et la société Y »,
- « le fait que [lui-même] et les membres de [sa] famille, [n’avaient] pas acquis de titres de la société X dans les douze mois précédant l’annonce de l’OPAS » ; selon la notification de griefs adressée à M. A, ces faits pourraient donner lieu à une sanction sur le fondement des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF.
b. la société X :
- d’avoir communiqué au public une information inexacte, imprécise ou trompeuse « dans sa note d’information en réponse au projet d’offre publique [en indiquant] que le groupe familial A détenait, au 11 juin 2007, 2 482 110 actions de la société X, alors qu’il est apparu que celui-ci détenait, à cette même date, directement ou indirectement, 6 948 333 titres de la société X en sus de ce qui avait été annoncé au marché » ; selon la notification adressée à de la société X le 16 janvier 2009, ces faits seraient susceptibles de caractériser un manquement aux dispositions de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF.
c. Y :
- d’avoir communiqué au public une information inexacte, imprécise ou trompeuse concernant :
- le nombre de titres de la société X effectivement détenus par elle-même « de concert avec la famille A et Mme C », d’une part,
- l’absence de transaction sur le titre de la société X « dans les douze mois précédant l’OPAS alors qu’il est apparu que, pendant ladite période, M. A avait, tant pour lui-même que pour son épouse et ses enfants, acquis des titres de la société X », d’autre part ; selon la notification adressée à la société Y, ces faits seraient susceptibles de caractériser un manquement aux dispositions de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF.
Copie des notifications de griefs a été transmise par le président de l’AMF au président de la Commission des sanctions, en application de l’article R.621-38 du code monétaire et financier, par lettre du 16 janvier 2009.
Par décision du président de la Commission des sanctions du 18 février 2009, M. Pierre Lasserre a été désigné en qualité de rapporteur.
Le 13 mars 2009, Me Jean-Pierre Mattout a adressé pour le compte de la société X, de la société Y et de M. A, des observations en réponse aux notifications de griefs, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Le rapporteur a procédé, à sa demande, à l’audition de M. A, mis en cause en sa double qualité de président du conseil de surveillance de la société X et de président-directeur général de la société Y, le 1er octobre 2009.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 8 juillet 2009, les mis en cause ont été informés, de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois et dans les conditions prévues aux articles R.621-39-2 à R.621-39-4 du code monétaire et financier.
Le rapporteur a rendu son rapport le 4 novembre 2009.
Les personnes mises en cause ont été convoquées devant la 1ère section de la Commission des sanctions par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 9 novembre 2009 auxquelles était joint le rapport du rapporteur du 4 novembre 2009.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 23 novembre 2009, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de leur faculté de demander la récusation de l’un des membres de cette Commission, en application des articles R.621-39-2 à R.621-39-4 du code monétaire et financier.
Me Jean-Pierre Mattout, pour compte commun des sociétés X et Y ainsi que de M. A, a déposé des observations en réponse au rapport du rapporteur le 25 novembre 2009.
II. MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur le manquement d’initié reproché à M. A
Considérant qu’il est, en premier lieu, reproché à M. A qui était à l’époque président directeur général de la société Y et président du conseil de surveillance de la société X, d’avoir, entre le 13 mars et le 7 mai 2007, utilisé l’information privilégiée relative à « la préparation d’une OPAS de la société X par la société Y au prix de 18 € par action » en acquérant 122 000 actions de la société X ;
Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, une information privilégiée est « une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou sur le cours d’instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF : « toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés » ;
a. Sur le caractère privilégié de l’information
Considérant en premier lieu qu’à la suite d’un travail préparatoire engagé depuis plusieurs mois avec la banque Z, la société Y, représentée par M. A, a, le 13 mars 2007, donné mandat à cette banque pour déposer en son nom une OPAS sur les titres de la société X ; que ce contrat spécifiait le nombre de titres susceptibles d’être apportés à l’offre et détaillait les modalités de la procédure envisagée, jusqu’au retrait de la cote de la société X ; que si ce n’est que le 7 mai suivant que le prix de 18 € par action a été définitivement fixé, il correspondait exactement aux indications données dès avant la conclusion du mandat par M. A qui avait fait état (cote 642) de ce qu’il estimait que le cours du titre était très sous évalué et de ce qu’il envisageait un prix situé entre 17,5 et 18,5 €, correspondant à une prime d’environ 30% par rapport au cours constaté au cours des mois précédents ; que, si le contrat de mandat comportait une clause de résiliation, l’avancement du projet et le fait que M. A contrôlait tout à la fois la société X et la société Y rendaient hautement improbable la mise en œuvre de cette clause ; qu’ainsi l’information invoquée par la notification de griefs et relative à la préparation d’une OPAS sur la société X par la société Y avait trait à un projet suffisamment défini pour avoir des chances raisonnables d’aboutir et répondait de ce fait, dès cette date, au critère de précision requis par l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
Considérant, en deuxième lieu, que cette information n’a été rendue publique, à l’occasion d’un communiqué de presse annonçant l’OPAS sur les titres X au prix de 18 € par action, que le 4 juin 2007 ; qu’ainsi à la date des acquisitions reprochées, intervenues entre le 13 mars et le 7 mai 2007, l’information n’était pas publique ;
Considérant, en troisième lieu, que le projet d’OPAS, en ce qu’il prévoyait une prime de plus de 30% par rapport au cours du titre des six derniers mois était de nature à provoquer un ajustement de ce cours sur le prix proposé pour l’offre ; qu’ainsi l’information en cause était susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre de la société X ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que l’information relative à la préparation d’une OPAS de la société X par la société Y, au prix de 18 € par action, présentait les caractères d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
b. Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée
Considérant que, sans qu’y fît obstacle, contrairement à ce que soutient M. A, la circonstance que celui-ci, en sa qualité de président-directeur général de la société Y, était directement à l’origine de l’OPAS et de l’information privilégiée correspondante, sa détention de cette information privilégiée lui créait une obligation absolue de s’abstenir d’intervenir sur le titre de la société X ;
Considérant toutefois qu’il ressort des relevés des différents comptes bancaires détenus par M. A et par les membres de sa famille en France, en Italie, au Luxembourg et à Monaco que des transactions portant sur environ 122 000 titres de la société X ont été réalisées sur ces comptes entre le 13 mars et le 7 mai 2007 – soit avant que l’information soit rendue publique par le communiqué du 4 juin 2007 ; que M. A reconnaît avoir ordonné personnellement chacune de ces transactions ;
Considérant qu’en conséquence le manquement est caractérisé ;
2. Sur le grief notifié à M. A et relatif à un défaut de déclaration des transactions opérées sur le titre de la société X
Considérant qu’il est, en deuxième lieu, reproché à M. A de ne pas avoir « du mois de juin 2006 au mois de mai 2007, déclaré à l’AMF les transactions [qu’il avait] réalisées sur le titre de la société X » ;
Considérant que l’article L.621-18-2 du code monétaire et financier dispose que : « Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l'AMF, et rendus publics par cette dernière (…), les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de titres d'une personne faisant appel public à l'épargne ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, lorsque ces opérations sont réalisées par :
a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;
(…)
c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a (…) » ;
Que l’article 223-22 du règlement général de l’AMF précise que : « Les personnes mentionnées à l'article L.621-18-2 du code monétaire et financier déclarent à l'AMF, par voie électronique, dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d'actions de l'émetteur au sein duquel les personnes mentionnées aux a et b de l'article L.621-18-2 susvisé exercent leurs fonctions ainsi que les transactions opérées sur des instruments qui leur sont liés. / Les déclarations mentionnées au premier alinéa sont mises en ligne sur le site de l'AMF » ;
Considérant que M. A était, à l’époque des faits, membre et président du conseil de surveillance de la société X ; que les acquisitions réalisées sur le titre de cette société par M. A entre le 1er juin 2006 et le 7 mai 2007 à partir de ses propres comptes ou à partir des comptes de ses enfants sur lesquels il avait procuration, auraient dû faire l’objet d’une déclaration auprès de l’AMF au titre de l’article L.621-18-2 du code monétaire et financier, et ce, « dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation », conformément aux dispositions de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF ; que M. A ne peut utilement faire valoir, pour s’exonérer du manquement qui lui est reproché, qu’il pensait que, ces opérations ayant été faites sur des comptes détenus à l’étranger, il n’avait pas à les déclarer ;
Considérant en conséquence que le grief tiré du défaut de déclaration des transactions réalisées sur le titre de la société X entre le 1er juin 2006 et le 7 mai 2007, par M. A, alors président du conseil de surveillance de cette société, doit être retenu à l’encontre de l’intéressé ;
3. Sur le grief de fausse information relatif à la note d’information du 11 juin 2007 et au communiqué de presse du 12 juin 2007
Considérant qu’il est reproché tant à M. A, en sa qualité de président-directeur général de la société Y qu’à cette société elle même, d’avoir à l’occasion de la note d’information émise par la société Y le 11 juin 2007, diffusé au marché des informations inexactes imprécises ou trompeuses, d’une part sur « le nombre d’actions de la société X détenues par le concert formé de [M. A], des membres de [sa] famille, [de] Mme C et [de] la société Y », d’autre part, sur « le fait que [M. A], et les membres de [sa] famille n’ [auraient] pas acquis de titres de la société X dans les 12 mois précédant l’OPAS » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF : « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne au sens de l’article L.411-1 du code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses » ;
Considérant, en premier lieu, que, dans la note d’information émise par la société Y le 11 juin 2007 et visée par l’AMF le 26 juin 2007, M. A déclarait, en sa qualité de président-directeur général de la société Y, que le concert constitué de cette société, des membres de la famille A et de Mme C ne détenait que 16 036 293 titres de la société X, soit 60,39% du capital d’de la société X, alors qu’il ressort du dossier qu’à la date du 11 juin 2007 le concert détenait en réalité 22 984 626 titres de la société X, soit 86,56% du capital de la société ;
Considérant, en second lieu, que, dans la note précitée du 11 juin 2007 ainsi que dans un communiqué de presse du 12 juin 2007, la société Y - dont M. A était alors le président-directeur général - a précisé qu’ « elle-même, seule ou de concert avec les membres de la famille A ainsi que Mme C, n’avait procédé à aucune acquisition de titres de la société X dans les 12 mois précédant l’OPAS », alors même que M. A avait acquis à plusieurs reprises des titres de la société X comme cela a été dit précédemment ;
Considérant que, dans la note du 11 juin 2007, la société Y, « représentée par son président, M. A », indique :
« A ma connaissance, les données de la présente note d’information sont conformes à la réalité et ne comportent pas d’omission de nature à en altérer la portée » ;
Considérant que la circonstance que ces indications erronées se rattachaient à des comptes détenus à l’étranger est sans incidence sur la caractérisation du manquement ; que M. A qui était à l’origine des transactions réalisées sur le titre de la société X lors des 12 mois précédant l’OPAS, savait que les informations communiquées au public tant sur le nombre de titres détenus par le concert que sur les transactions réalisées au cours des douze derniers mois par les membres du concert étaient inexactes ; qu’ainsi, sur les deux points relevés par la notification de griefs, le manquement aux dispositions de l’article 632-1 du règlement général est caractérisé ;
Considérant que ce manquement a été commis par M. A en sa qualité de président-directeur général de la société Y ; qu’en cette qualité, M. A représentait et engageait la société à l’égard des tiers ; qu’ainsi le manquement peut être retenu à l’encontre tant de M. A, à titre personnel, que de la société Y sans que, contrairement à ce que soutient la société Y, y fassent obstacle ni le principe de la personnalité des poursuites et des sanctions ni l’importance du rôle personnel de M. A dans le fonctionnement de cette société qui ne saurait être regardée comme fictive ;
4. Sur le grief notifié à de la société X
Considérant que sur le fondement de l’article 632-1 précité du règlement général de l’AMF il est reproché à la société X, en sa qualité d’émetteur, d’ « avoir, courant juin 2007, communiqué au marché des informations inexactes, imprécises, ou trompeuses sur le nombre de titres de la société X détenus, directement ou indirectement, au 11 juin 2007 par M. A, à l’époque président du conseil de surveillance de [la] société, et les membres de sa famille » dans la note d’information en réponse à l’OPAS initiée par la société Y, visée le […] juin 2007 par l’AMF ; que dans cette note, la société X a fait référence à la note d’information de la société Y et a déclaré, qu’à sa « connaissance », le concert ne détenait « directement ou indirectement aucune autre action ou droit d’acquérir des actions » de la société X ; qu’il découle de ce qui a été dit ci-dessus de la note d’information de la société Y, que la note d’information de la société X est affectée de la même inexactitude ;
Considérant, toutefois, d’une part, que, compte tenu notamment de ce que de nombreux titres de la société X étaient détenus sur des comptes situés à l’étranger, cet émetteur ne pouvait, en l’espèce, être regardé comme un détenteur primaire de l’information relative à la détention de ses titres ; que, d’autre part, il n’est pas établi que la présidente du directoire de la société X, qui a certifié l’exactitude de la note diffusée par cette société, savait ou aurait dû savoir que le nombre de titres effectivement détenus par M. A et la famille de celui-ci était en vérité plus élevé que celui qui avait été indiqué dans la note de la société Y ; qu’ainsi, pour l’application de l’article 632-1 du règlement général, il ne peut être considéré que c’est « sciemment » que la société X a diffusé une information inexacte ; qu’ainsi le manquement ne peut lui être imputé ; qu’ainsi la société X doit par suite être mise hors de cause ;
5. Sur les sanctions
Considérant que l’article L.621-15 du code monétaire et financier, applicable à l’époque des faits dispose « (…) II La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre (…) de toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information (…), dès lors que ces actes concernent un instrument financier émis par une personne ou une entité faisant appel public à l’épargne ou admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers (…) ;
III. – Les sanctions applicables sont (…) une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés (…). Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements (…) » ;
Considérant que le manquement, imputable à M. A, relatif à la non déclaration de transactions et celui - imputable à M. A et à la société Y - relatif au caractère erroné des informations données tant sur le nombre de titres détenus par le concert que sur les acquisitions réalisées par celui-ci, graves en eux-mêmes, ont revêtu une importance particulière dans la mesure où, commis en période d’OPAS, ils ont pu affecter la protection des droits des actionnaires minoritaires et, notamment fausser la perception que le marché pouvait avoir du caractère aléatoire ou non de la mise en oeuvre de la procédure de retrait obligatoire ;
Considérant, par ailleurs, s’agissant de M. A qu’il y a lieu, en l’espèce, de tenir compte de la multiplicité et de la gravité des faits qui lui sont reprochés ; que, si la sanction pécuniaire qui sera prononcée à son encontre sera déterminée de façon forfaitaire par référence au plafond de 1,5 million d’euros fixé par les dispositions précitées de l’article L.621-15, elle pourra tenir compte de l’avantage économique évalué à 500 460 € correspondant au manquement d’initié ; que, dans ces conditions, il y a lieu de fixer à 1 500 000 € la sanction pécuniaire prononcée à l’encontre de M. A ;
Considérant que si, pour déterminer le montant de la sanction encourue par la société Y, il y a lieu de tenir compte du rôle prépondérant de M. A dans la commission des manquements, il demeure que des manquements graves ont été commis au nom et pour le compte de cette société ; qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en prononçant à l’encontre de la société Y une sanction pécuniaire de 300 000 € ;
6. Sur la publication
Considérant que selon le V de l’article L.621-15 du code monétaire et financier : « la Commission des sanctions peut rendre publique sa décision (…) à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la Commission de tenir compte des exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès à ses décisions, connaître son interprétation des règles qu’ils doivent observer ; qu’aucune circonstance de l’espèce n’est de nature à démontrer que la publication de la décision entraînerait, compte tenu de ces exigences, des conséquences disproportionnées sur la situation des personnes mises en cause non plus qu’un risque de perturbation des marchés ;
PAR CES MOTIFS,
Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Daniel Labetoulle, par Mme Marielle Cohen-Branche, MM. Guillaume Jalenques de Labeau et Joseph Thouvenel, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,
DECIDE DE :
- mettre hors de cause la société X ;
- prononcer à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire de 1 500 000 € (un million cinq cent mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de la société Y une sanction pécuniaire de 300 000 € (trois cent mille euros) ;
- publier la présente décision sur le site Internet et dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions.