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Décisions

AMF, 21 octobre 2010, n° SAN-2010-23

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

M. Hassan, M. Courteault

Président :

Mme Nocquet

AMF n° SAN-2010-23

20 octobre 2010

La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L.621-14, L.621-15 et L.621-18-2 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, ainsi que ses articles R.621-5 à R.621-7 et R.621-38 à R.621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 212-7, 223-2, 223-22, 223-25 et 632-1 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits ;

Vu les notifications de griefs en date du 5 février 2010, adressées à Mme A, M. B et à la société X’ devenue X ;

Vu la décision du 19 février 2010 du président de la Commission des sanctions désignant M. Jean-Jacques Surzur, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 26 février 2010 informant les mis en cause de la nomination en qualité de rapporteur de M. Jean-Jacques Surzur et leur rappelant la faculté d’être chacun entendu, à sa demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 1er mars 2010 informant les mis en cause, en application de l’article R.621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois ;

Vu les observations écrites présentées par M. B datées du 22 mars 2010 et reçues par l’AMF le 7 avril 2010 ;

Vu les observations écrites présentées par Me Maïté Lavrilleux pour le compte de la société X reçues par l’AMF le 8 avril 2010 ;

Vu les observations écrites présentées par Mes Marc Dumon et Geoffrey Malaussena pour le compte de Mme A datées du 7 avril 2010 et reçues par l’AMF le 9 avril 2010 ;

Vu les documents complémentaires datés du 31 mai 2010 et reçus par l’AMF le 1er juin 2010 déposés par Me Maïté Lavrilleux pour le compte de la société X ;

Vu le procès-verbal de l’audition par le rapporteur, le 1er juillet 2010, de Mme A ;

Vu le procès-verbal de l’audition par le rapporteur, le 27 août 2010, de la société X représentée par le président de son conseil d’administration et directeur général, M. D ;

Vu les documents complémentaires datés du 25 août 2010 et reçus par l’AMF le 27 août 2010 déposés par Mes Marc Dumon et Geoffrey Malaussena pour le compte de Mme A ;

Vu le rapport de M. Jean-Jacques Surzur en date du 2 septembre 2010 ;

Vu les lettres recommandées, avec demande d’avis de réception, portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 21 octobre 2010, auxquelles était annexé le rapport signé du rapporteur, adressées aux mis en cause le 10 septembre 2010 ;

Vu les lettres du 20 septembre 2010 par lesquelles les personnes mises en cause ont été informées de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance du 21 octobre 2010 et de la possibilité de demander la récusation d’un ou de plusieurs membres de cette formation ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport datées et reçues par l’AMF le 29 septembre 2010 déposées par Me Maïté Lavrilleux pour le compte de la société X ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport datées du 29 septembre 2010 et reçues par l’AMF le 1er octobre 2010 déposées par M. B pour son propre compte ;

La Commission des sanctions

Vu les observations écrites en réponse au rapport datées du 30 septembre 2010 et reçues par l’AMF le 4 octobre 2010 déposées par Mes Marc Dumon et Geoffrey Malaussena pour le compte de MME A ;

Vu la lettre en date du 4 octobre 2010 du rapporteur au secrétaire général de l’AMF lui demandant la communication d’une éventuelle télécopie adressée par M. B à la Direction des émetteurs en 2008 à la suite de la cession de 232 112 titres société X’ ;

Vu la lettre en date du 13 octobre 2010 du secrétaire général de l’AMF en réponse au rapporteur à laquelle était jointe une télécopie adressée par M. B à la Direction des émetteurs le 10 janvier 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 21 octobre 2010 :

- M. Jean-Jacques Surzur en son rapport ;

- M. Ambroise Liard, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. Hubert Gasztowtt, commissaire du gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- Mme A et ses conseils, Mes Marc Dumon et Geoffrey Malaussena ;

- M. B ;

- la société X représentée par le président de son conseil d’administration et directeur général, M. D et son conseil Me Maïté Lavrilleux ; les mis en cause ayant pris la parole en dernier.

I – FAITS ET PROCÉDURE

A Les faits

Au moment de l’admission de ses titres aux négociations sur le marché […] le […] juillet 2007, la SA à directoire et conseil de surveillance X’ était l’un des principaux […]. Cette société concevait et assemblait alors [l’appareil] Y […].

Après sa prise de contrôle par la société X à la fin de l’année 2008 et un apport partiel d’actifs de la branche d’activité X1 réalisé le 16 février 2010, la société X’ est devenue la filiale à 94,86% de la société X International.

Par décision de son assemblée générale du 9 mars 2010, elle a alors modifié sa dénomination sociale pour devenir la société X, laquelle, à partir du 26 mars 2010, du fait d’un apport partiel d’actif au profit d’une nouvelle filiale, dénommée X’, est devenue une holding sans activité industrielle.

B La procédure

Le secrétaire général de l’AMF a ouvert, le 15 avril 2009, une enquête portant sur « l’information financière et le marché du titre de la société X’ à compter du 28 mai 2007 ».

Le rapport d’enquête établi le 7 décembre 2009 a été examiné par la Commission spécialisée n° 3 du Collège de l’AMF, constituée en application de l’article L.621-2 du code monétaire et financier, lors de sa séance du 19 janvier 2010.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 5 février 2010, le président de l’AMF a notifié les griefs qui leur étaient reprochés à Mme A, à M. B et à la société X’ devenue société X en les informant, d’une part, de la transmission des lettres de notification au président de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d’un rapporteur conformément à l’article R.621-38 du code monétaire et financier, d’autre part, du délai de deux mois dont ceux-ci disposaient pour présenter des observations écrites en réponse aux griefs notifiés, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de leur choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l’AMF.

En substance, il est fait grief à :

- la société X’ devenue la société X d’avoir, en violation, respectivement, des articles 212-7 et 223-2 du règlement général de l’AMF, délivré une information incomplète ou trompeuse dans le document de base ayant servi de support à l’admission de ses actions sur […] le […] juillet 2007 et tardé à informer le marché d’une information privilégiée relative à une importante perte d’exploitation qu’elle anticipait pour l’exercice 2008 ;

- Mme A, en qualité de président du directoire de la société X’ devenue la société X, d’avoir, en violation des articles 212-7 et 632-1 du règlement général de l’AMF, délivré une information incomplète ou trompeuse dans le document de base ayant servi de support à l’admission des actions de la société X’ sur […] le [...] juillet 2007 ;

- M. B, président du conseil de surveillance de la société X’ devenue la société X, d’avoir, en violation des articles 223-22 du règlement général de l’AMF et L.621-18-2 du code monétaire et financier, manqué à ses obligations déclaratives en matière d’opérations des dirigeants sur les titres de leur société.

Le 19 février 2010, le président de la Commission des sanctions a désigné M. Jean-Jacques Surzur en qualité de rapporteur. Les mis en cause en ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 26 février 2010 leur rappelant la faculté d’être chacun entendu, à sa demande, conformément au I de l’article R.621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 1er mars 2010, le secrétariat de la Commission des sanctions a informé les mis en cause, en application de l’article R.621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R.621-39-3 et R.621-39-4 du code monétaire et financier.

M. B a présenté des observations écrites datées du 22 mars 2010 et reçues par l’AMF le 7 avril 2010.

Me Maïté Lavrilleux a déposé pour le compte de la société X des observations écrites reçues par l’AMF le 8 avril 2010.

Mes Marc Dumon et Geoffrey Malaussena ont déposé pour le compte de Mme A des observations écrites datées du 7 avril 2010 et reçues par l’AMF le 9 avril 2010.

Par lettre en date du 31 mai 2010 reçue par l’AMF le 1er juin 2010, Me Maïté Lavrilleux a déposé pour le compte de la société X des documents complémentaires.

Le rapporteur a procédé le 1er juillet 2010 à l’audition de Mme A et le 27 août 2010 à l’audition de la société X représentée par M. D.

Par lettre en date du 25 août 2010 reçue par l’AMF le 27 août 2010, Mes Marc Dumon et Geoffrey Malaussena ont déposé pour le compte de Mme A des documents complémentaires.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 10 septembre 2010, auxquelles était annexé le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 21 octobre 2010.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 20 septembre 2010, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ces lettres leur précisant la faculté de demander la récusation de l’un des membres de cette formation, en application des articles R.621-39-2 et suivants du code monétaire et financier.

Par lettre en date du 29 septembre 2010, Me Maïté Lavrilleux a fait parvenir des observations en réponse au rapport pour le compte de la société X.

Par lettre en date du 29 septembre 2010, M. B a fait parvenir des observations en réponse au rapport pour son propre compte.

Par lettre en date du 30 septembre 2010, Mes Marc Dumon et Geoffrey Malaussena ont fait parvenir des observations en réponse au rapport pour le compte de Mme A.

Par lettre en date du 4 octobre 2010, le rapporteur a demandé au secrétaire général de l’AMF la communication d’une éventuelle télécopie adressée par M. B à la Direction des émetteurs en 2008 à la suite de la cession de 232 112 titres société X’.

Par lettre en date du 13 octobre 2010, le secrétaire général de l’AMF a transmis au rapporteur une télécopie adressée par M. B à la Direction des émetteurs le 10 janvier 2008.

II – SUR LES TEXTES APPLICABLES

Considérant qu’aux termes du II de l’article L.621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à l’époque des faits : « La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : / (…) c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, (…) s’est livrée (…) à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L.621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier émis par une personne ou une entité faisant appel public à l’épargne ou admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers (…) dans des conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers » ;

I. – Considérant, sur le premier grief, que dans sa version issue de l’arrêté du 1er septembre 2005, l’article 212-7 du règlement général de l’AMF prévoyait : « Le prospectus contient toutes les informations qui, compte tenu de la nature particulière de l’émetteur et des instruments financiers qui font l’objet de l’opération, sont nécessaires pour permettre aux investisseurs d’évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur et des garants éventuels des instruments financiers qui font l’objet de l’opération, ainsi que les droits attachés à ces instruments financiers et les conditions d’émission de ces derniers. Ces informations sont présentées sous une forme facile à analyser et à comprendre (…) » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF dans sa rédaction applicable à l’époque des faits : « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne au sens de l’article L.411-1 du code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses » ;

II. – Considérant, sur le deuxième grief, que le I de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF est rédigé comme suit : « I. - Tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l'article 621-1 et qui le concerne directement (…) » ;

III. – Considérant, sur le troisième grief, que l’article L.621-18-2 du code monétaire et financier dispose que :

« Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l'AMF, et rendus publics par cette dernière (…), les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de titres d'une personne faisant appel public à l'épargne ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liées, lorsque ces opérations sont réalisées par : a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ; (…) » ; que l’article 223-22 du règlement général de l’AMF précise que : « Les personnes mentionnées à l'article L.621-18-2 du code monétaire et financier déclarent à l'AMF, par voie électronique, dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d'instruments financiers de l'émetteur au sein duquel les personnes mentionnées aux a et b de l'article L.621-18-2 susvisé exercent leurs fonctions ainsi que les transactions opérées sur des instruments qui leur sont liés. Les déclarations mentionnées au premier alinéa sont mises en ligne sur le site de l'AMF » ;

III – SUR LE FOND

A. Sur l’information contenue dans le document de base du […] 2007 ayant servi de support à l’admission sur […] de la société X’ devenue X

Considérant que la notification de griefs adressée à la société X et à Mme A vise tout à la fois le fait que, dans le document de base du […] 2007 :

- l’information du public relative au délai de production ne correspondait pas à la réalité des capacités de production industrielle de l’émetteur ;

- les investisseurs n’auraient pas été en mesure « d’évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur », faute d’avoir été informés sur les retards dans la construction qui ont entraîné des décalages dans la comptabilisation du chiffre d’affaires, les retards de livraison susceptibles d’engendrer des pénalités pouvant grever le résultat et sur la longueur et l’incertitude des cycles de commande d’[appareil]s des clients étatiques et semi-étatiques qui constituent la majeure partie de la clientèle de la société X’ ;

- la société X’ indiquait ne pas être en situation de dépendance vis-à-vis de ses fournisseurs et disposer, « pour chaque élément sous-traité (…), de deux sous-traitants ce qui lui permet de ne jamais être dépendant de l’un de ses fournisseurs et d’adresser ses commandes en fonction des disponibilités et des ressources disponibles chez chacun d’eux », information qui serait partiellement inexacte puisqu’il résulte d’un mémo du 23 juillet 2007 adressé au conseil de surveillance qu’en raison des très grandes difficultés de la société X’ à obtenir de son principal sous-traitant les sous-ensembles et des retards répétés ainsi engendrés, le président du directoire, Mme A, préconisait le désengagement de la société X’ vis-à-vis de ce sous-traitant et « la mise en place de doubles sources pour les pièces primaires encore sous-traitées » (cote R262) ;

Considérant, sur le premier point, que, si l’assertion selon laquelle le « programme de construction d’un [appareil] neuf dure environ 18 mois » repose, non pas sur les durées constatées par le passé, mais sur celles attendues par société X’ avec une activité « en marche normale », aucun élément du dossier ne permet de démontrer que cette anticipation à dix huit mois ne correspondrait pas à la « capacité industrielle de l’émetteur », de sorte que cet aspect du manquement manque en fait ;

Considérant, sur le deuxième point, que l’absence de mention expresse du risque tenant au décalage de comptabilisation du chiffre d’affaires en cas de retard, - atténué par la perception d’un acompte de 20 à 30% à la signature du contrat - et du risque lié à la non transformation d’un appel d’offres en commande ferme, inhérent à toute transaction commerciale, n’est pas de nature à fausser la perception des investisseurs souhaitant acquérir les titres d’un émetteur spécialisé dans la fabrication […] ; qu’en outre, le document de base est explicite quant à la nature de la clientèle étatique et semi-étatique de la société ;qu’eu égard au secteur […] concerné et au type de biens vendus, les investisseurs pouvaient anticiper, de la part de ces clients, l’alea et la durée de la prise des décisions de commande, de sorte que l’absence de mention particulière de ce risque - au demeurant non propre à la société X’ - ne suffit pas à caractériser l’impossibilité dans laquelle les investisseurs se seraient trouvés « d’évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur » ;

Considérant, sur le troisième point, qu’il ressort tout d’abord des auditions de MM. B et C qui étaient alors, respectivement, président et membre du conseil de surveillance, et de Mme A, présidente du directoire, que celle-ci avait pour habitude de présenter au conseil, pour le faire réagir, une vision alarmiste des difficultés rencontrées, ce qui relativise le contenu de son mémo du 23 juillet 2007 ; qu’ensuite, l’information incriminée figure dans la partie du document de base relative aux « risques », dont l’existence était d’autant moins dissimulée qu’un « exemple » était fourni avec un des sous-traitants dont il est précisé qu’il « connaît des difficultés à assurer sa prestation » ; qu’enfin, la société justifie avoir eu recours à plusieurs autres sous-traitants ; qu’ainsi, elle produit un contrat alternatif de fourniture de pièces signé avec le constructeur d’origine [de l’appareil] Y le 23 avril 2007, préalablement à la rédaction du document de base ; qu’il est donc établi que, pour faire face aux problèmes rencontrés, des fournisseurs alternatifs avaient été identifiés, avec lesquels des solutions d’approvisionnement pouvaient effectivement intervenir, et sont d’ailleurs progressivement intervenues ; que l’existence, inéluctable, d’un délai pour la mise en place - « en fonction des disponibilités et des ressources disponibles chez chacun d’eux », comme le précise le document de base - de ces solutions alternatives n’a pas été cachée aux investisseurs, de sorte qu’aucun élément ne permet de mettre en cause l’exactitude des informations données à ce propos ; que ce dernier aspect du manquement reproché n’est donc pas caractérisé non plus ;

Considérant qu’en conséquence, le grief ne sera pas retenu ;

B. Sur l’absence de communication au public, dès que possible, de l’information privilégiée relative à un résultat d’exploitation de l’exercice déficitaire en raison de l’anticipation d’une perte prévisionnelle d’un million d’euros pour l’exercice 2008

Considérant qu’il est reproché à la société X’ devenue X, qui avait fait état le […] mars 2008 de « perspectives prometteuses », d’avoir attendu le […] octobre 2008 pour révéler au public l’existence d’une perte semestrielle de […] million d’euros alors qu’elle disposait, au plus tard le […] juillet 2008, de l’information privilégiée « selon laquelle l’activité de la société X’ ne permettait pas, en l’absence de vente d’ [appareils] neufs, de dégager un résultat positif sur l’exercice 2008 en raison de l’anticipation d’une perte d’exploitation évaluée à […] million d’euros pour l’année 2008 » ;

Considérant que la société X’ a publié, le […] octobre 2007, un résultat net de […] le 1er semestre 2007 et, le […] mars 2008, un résultat annuel net de […] ; qu’elle a alors fait état de « sa capacité à construire et certifier des [appareils] de surveillance », de « la fiabilité dans les livraisons et de la performance opérationnelle » qui allaient lui permettre d’ « intensifier les prospections commerciales » ; qu’elle a ajouté, immédiatement après, que : « les perspectives sont prometteuses, qu’il s’agisse de la vente d’ [appareils] neufs (…) ou du service à l’heure de vol » ; qu’ainsi, la société s’est alors clairement présentée comme étant en capacité de répondre aux demandes du marché et d’augmenter son chiffre d’affaires grâce à la vente d’appareils et à de la fourniture de services ;

Considérant que plus de trois mois avant cette communication, le […] décembre 2007, Mme A avait pourtant indiqué aux membres du conseil de surveillance, à propos du carnet d’appel d’offres dit le « pipe commercial », que « l’entreprise n’envisage pas de nouvelles signatures d’ [appareils] neufs dans un délai de douze mois (…) La non transformation d’un prospect en vente ferme obère très fortement les perspectives » ; que, lors de son audition par les enquêteurs, Mme A a admis : « Á l’issue du 1er trimestre 2008, on constate un état de fait : (…) dans la mesure où l’entreprise n’a pas signé de nouvelles commandes, le chiffre d’affaires se tasse » ;

Considérant que, le 20 juin 2008, elle a donc adressé au conseil de surveillance un projet de communiqué pour le […] juin suivant selon lequel « il apparaît légitime à l’entreprise d’informer ses actionnaires que son résultat net 2008 pourrait être négatif en l’absence de signature d’un contrat de fabrication d’ [appareil] neuf au second semestre » ; que cette information n’a pas été publiée, notamment en raison des « négociations avec la société X (qui) allaient se finaliser », comme l’a indiqué M. B ; qu’un document daté du […] juillet 2008 (cote R216) et intitulé « synthèse des points d’accord ferme existant entre […] et X International » a fait état d’un « engagement sur un montant maximum de perte intermédiaire au 30 juin 2008 de […] K€ et du même montant également sur le 2ème semestre ou de 1 MEUR au total » ; que, le [...] juillet 2008, la société X’ a informé le marché de la signature d’un protocole d’accord en vue d’une prise de participation majoritaire dans le capital de la société ; que le contrat définitif avec la société X a été signé le 29 septembre 2008 ;

Considérant que ce n’est que le […] octobre 2008 que la société a publié ses résultats semestriels, faisant apparaître un résultat net déficitaire de […] ; que la société X’ a repoussé à cette date la publication du communiqué sur ses résultats du 1er semestre malgré la relance que lui a adressée la Direction des émetteurs de l’AMF le 22 septembre 2008 ; qu’en définitive, le résultat annuel 2008, publié le […] mars 2009, s’est avéré déficitaire à hauteur de […] millions d’euros ;

Considérant qu’il ressort des termes du projet de communiqué du […] juin 2008 et du document de synthèse du […] juillet 2008 précités qu’était alors anticipée pour l’exercice 2008, en l’absence d’une quelconque vente d’ [appareil] neuf, une perte opérationnelle d’un million d’euros ; qu’il s’agissait, non pas seulement d’ « un événement susceptible de se produire », mais d’une quasi-certitude ; que l’on pouvait alors « tirer une conclusion quant à l’effet possible », sur le cours du titre, de l’anticipation d’une telle perte, susceptible d’obérer le résultat de la société X’, qui avait généré pour l’exercice précédent un résultat net positif de […] et fait part, pour l’année suivante, de « perspectives prometteuses » ; que l’information présentait ainsi le caractère de précision exigé par l’article 621-1 précité ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que, jusqu’au communiqué du 24 octobre 2008, l’information « selon laquelle l’activité de la société X’ ne permettait pas, en l’absence de vente d’ [appareils] neufs, de dégager un résultat positif sur l’exercice 2008 en raison de l’anticipation d’une perte d’exploitation évaluée à un million d’euros pour l’année 2008 » n’était pas publique ; que M. B a d’ailleurs indiqué, lors de son audition par les enquêteurs, et confirmé en séance que « personne ne voulait de ce profit warning », susceptible « de faire fuir les clients » ;

Considérant qu’aucun élément de la communication financière de la société ne laissait donc présager une perte d’un tel montant, largement inattendue du marché, lequel pouvait légitimement anticiper un résultat positif compte tenu des gains antérieurs et des perspectives optimistes formulées par la société X’ ; que, dès lors, l’information, si elle avait été connue, était particulièrement « sensible », au sens de l'article 621-1 du règlement général de l’AMF, en ce qu’elle aurait pu être utilisée par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements de sa décision ; qu’au demeurant, de fortes baisses de cours de - 4,55%, - 5,71% et - 5,05% ont été constatées durant les trois jours qui ont suivi la publication du communiqué du […] octobre 2008 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que cette information présentait toutes les caractéristiques d’une information privilégiée ; qu’elle constituait un démenti flagrant par rapport aux « perspectives prometteuses » de l’exercice 2008, liées notamment à « la vente d’ [appareils] neufs », telles qu’elles avaient été annoncées le […] octobre 2007 ; que la société X’ avait alors, contrairement à la position exprimée dans son document de base, formulé des prévisions particulièrement optimistes, qu’il s’imposait de corriger au plus vite, en rendant publique « dès que possible », comme l’exige l’article 223-2 précité du règlement général de l’AMF, l’information, connue depuis le [ ;..] juillet 2008, sur les pertes d’exploitation de l’année en cours ;

Considérant que l’intérêt légitime à différer une telle annonce, afin de préserver l’aboutissement des négociations alors entreprises entre les actionnaires de la société X’ et la société X, ne peut évidemment pas être invoqué au delà du […] juillet 2008, date à laquelle la première a informé le marché de la signature d’un protocole d’accord en vue d’une prise de participation majoritaire dans son capital ;

Considérant qu’en repoussant au […] octobre 2008, soit trois mois et demi plus tard, l’annonce de l’information privilégiée qui était anticipée depuis le […] juillet 2008 et qui aurait dû être portée à la connaissance du public le […] juillet suivant, la société X’ a incontestablement porté atteinte au bon fonctionnement du marché et à la protection des investisseurs ; que le manquement est donc constitué en tous ses éléments ;

C. Sur l’absence de déclarations d’opérations sur titres par le président du conseil de surveillance de la société X’

Considérant que sera seulement examiné le grief fait à M. B, président du conseil de surveillance, d’avoir, en violation des articles L.621-18-2 du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF, omis de déclarer, « dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation », les cessions de titres de la société qui sont intervenues entre le 28 mai 2007 et le 17 janvier 2008, les ventes postérieures échappant aux poursuites puisque celui-ci n’était plus dirigeant après le 17 octobre 2008 ;

Considérant qu’il est établi qu’ont été cédés par le mis en cause, pendant la période sur laquelle porte l’enquête et sans qu’il ait fait les déclarations exigées par les articles susvisés, 293 847 titres se répartissant ainsi : 36 735 (et non 97 959, comme indiqué par erreur dans la notification de griefs) le 6 juillet 2007, 232 112 le 7 janvier 2008 et 25 000 le 17 janvier 2008 ;

Considérant que si, le 10 janvier 2008, M. B a déclaré avoir franchi à la baisse les seuils de 15% des droits de vote et de 10% du capital par suite de la cession de 232 112 actions société X’ le 7 janvier 2008 , cette déclaration - qui n’a pas été portée à la connaissance du public par l’AMF, les dispositions de l'article L. 233-7 du code de commerce n’étant alors pas applicables aux sociétés cotées sur […] - n’a pas été faite au titre des articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF ; que, n’ayant pas été adressée par voie électronique selon le modèle type de l’instruction du 28 septembre 2006 et n’ayant fait état ni du prix unitaire ni du montant global de la transaction, elle ne remplit pas non plus les conditions de l'article 223-25 du même règlement général ; que, pour connaître le nombre de titres cédés à cette date, il fallait donc le déduire du communiqué de la société du […] janvier 2008 faisant état des actions détenues par M. B avant et après l’acquisition de 850 000 titres par la société d’investissement […] ;

Considérant que, si cette déclaration de franchissement de seuil et les informations données par la société, notamment dans les communiqués des […] juillet 2007 et […] janvier 2008, établissent la parfaite bonne foi de M. B, qui n’a jamais cherché à dissimuler les cessions auxquelles il a procédé, il demeure qu’en omettant de les déclarer, il n’a pas satisfait aux exigences des articles L.621-18-2 du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF, destinés à assurer la pleine information du marché, à bref délai et de manière directe, sur chacune des opérations sur les titres d’une société auxquelles se livrent ses dirigeants, et à mettre ainsi les investisseurs en mesure d’apprécier la signification de toute intervention, quel qu’en soit le volume ; qu’il s’agissait en l’espèce d’un désinvestissement massif, représentant près de la moitié des 600 000 actions, correspondant à 24% du capital, que M. B détenait au moment de l’introduction en bourse de la société X’ ; qu’il importait donc que le marché en soit informé ; qu’en raison du caractère partiel et indirect des renseignements donnés au public, cet objectif n’a, à l’évidence, pas pu être atteint ; que, dans la limite des 293 847 titres cédés du 6 juillet 2007 au 17 janvier 2008, le manquement est donc objectivement caractérisé à l’égard de M. B ;

IV – SUR LES SANCTIONS ET SUR LA PUBLICATION DE LA DÉCISION

Considérant qu’il résulte de l’article L.621-15 du code monétaire et financier que peut être prononcée à l’encontre de tout auteur de l’une des pratiques visées à l’article L.621-14 de ce code une sanction pécuniaire qui ne peut excéder 1 500 000 € ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements et en relation avec les avantages ou les profits qui ont éventuellement été réalisés ;

Considérant que le manquement retenu à l’encontre de la société X’ qui, malgré une relance de la Direction des émetteurs de l’AMF, a repoussé au 24 octobre 2008 la publication du communiqué sur ses résultats semestriels fortement négatifs, alors qu’elle les avait anticipés dès le début du mois de juillet 2008, revêt une particulière gravité ;

Considérant que l’article L. 621-15 du code monétaire et financier précise que « La Commission des sanctions peut rendre publique sa décision (…) à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause » ; que le législateur a entendu, d’une part, mettre en lumière les exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent le pouvoir de sanction de la Commission, et prendre en compte l’intérêt qui s’attache, pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs, à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès aux décisions rendues, mieux appréhender le contenu des règles qu’ils doivent observer, d’autre part, éviter qu’une telle mesure n’entraîne pour les personnes mises en cause des conséquences par trop dommageables ;

Considérant qu’aucune circonstance de l’espèce n’est de nature à démontrer qu’en soi, la publication de la décision entraînerait, compte tenu de ces exigences, des conséquences disproportionnées sur la situation des personnes mises en cause ; qu’elle sera donc ordonnée ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de Mme Claude Nocquet, par MM. Jean-Claude Hassan et Antoine Courteault, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE :

- mettre hors de cause Mme A ;

- prononcer à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire d’un montant de 20 000 € (vingt mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de la société X, anciennement dénommée X’, une sanction pécuniaire d’un montant de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’AMF et dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions.