AMF, 27 avril 2016, n° SAN-2016-06
AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Membres :
Mme Belliard, Mme Fulgéras, M. Field, M. Millou
Président :
Mme Tric
La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF »),
Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14, L. 621-15, L. 621-18-2 et R. 621-43-1 ;
Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 223-22, 223-22-A, 621-1, 622-1 et 622-2 ;
Vu les notifications de griefs du 21 mai 2015 adressées à M. Aet à la société Sofra ;
Vu la décision du 5 juin 2015 du président de la Commission des sanctions désignant M. Christophe Lepitre, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;
Vu les lettres du 18 juin 2015 informant M. A et la société Sofra de la désignation de M. Christophe Lepitre en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté qui leur était offerte d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;
Vu les lettres du 22 juin 2015 informant M. A et la société Sofra de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, conformément aux articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier ;
Vu les lettres du 23 juin 2015 adressées par Me Nicolas Viguié, conseil de M. A et de la société Sofra, au rapporteur sollicitant un délai supplémentaire pour répondre aux notifications de griefs ainsi qu’une copie des pièces qui auraient pu ne pas être versées en annexe au rapport d’enquête, et la réponse apportée le 30 juin 2015 par le rapporteur ;
Vu les observations déposées le 30 septembre 2015 par le conseil de M. A et de la société Sofra ;
Vu la demande d’information du 22 octobre 2015 adressée par le rapporteur à la société B*Capital et la réponse apportée le 5 novembre 2015 par la société B*Capital ;
Vu la lettre du 2 décembre 2015 adressée par le rapporteur au conseil des mis en cause sollicitant la traduction en langue française des pièces communiquées en langue anglaise au soutien des observations produites en réponse aux notifications de griefs, et la réponse apportée le 17 décembre 2015 ;
Vu les lettres de convocation adressées le 30 novembre 2015 au directeur financier de la société Europlasma au moment des faits et à l’un des co-commissaires aux comptes de la société Europlasma en vue de leur audition par le rapporteur, ainsi que celles adressées le 4 décembre 2015 aux mis en cause ;
Vu le procès-verbal d’audition du directeur financier de la société Europlasma du 8 décembre 2015 ;
Vu le procès-verbal d’audition de l’un des associés signataires de l’un des co-commissaires aux comptes de la société Europlasma du 11 décembre 2015 et les documents complémentaires communiqués par ce dernier le 18 décembre 2015 ;
Vu les procès-verbaux d’audition de M. A et de la société Sofra du 18 décembre 2015 ;
Vu le rapport du rapporteur du 8 février 2016 ;
Vu les lettres du 8 février 2016, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, convoquant M. A et la société Sofra à la séance de la Commission des sanctions du 6 avril 2016 et les informant du délai de quinze jours dont ils disposaient, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier, pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, ainsi que de leur droit de se faire assister de tout conseil de leur choix, en vertu des dispositions du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier ;
Vu les courriers du 12 février 2016 du conseil des mis en cause sollicitant un délai pour déposer des observations en réponse au rapport du rapporteur et la réponse apportée par le président de la Commission des sanctions le 15 février 2016 ;
Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 1er mars 2016 informant M. A et la société Sofra de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance du 6 avril 2016, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient pour demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres ;
Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur déposées le 4 mars 2016 par le conseil des mis en cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu au cours de la séance publique du 6 avril 2016 :
- M. Christophe Lepitre en son rapport ;
- M. Antonin Nguyen, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;
- Mme Virginie Adam, représentant le Collège de l’AMF ;
- M. A;
- La société Sofra, représentée par M. A;
- Mes Nicolas Viguié et Pierre-Olivier Rocchi, conseils des mis en cause ;
Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.
FAITS ET PROCÉDURE
1. Les faits
La société anonyme Europlasma (ci-après : « Europlasma ») est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de solutions pour le traitement des gaz et déchets, notamment au moyen d’une technologie propre dite de la « torche à plasma ».
Europlasma a été introduite en bourse en 2001 sur le marché libre d’Euronext Paris. Depuis 2009, ses titres sont admis à la négociation sur Alternext.
Entité consolidante du groupe éponyme, Europlasma détient directement le capital de quatre filiales, dont 100% de celui de la SAS CHO-Power (ci-après : « CHO-Power »), spécialisée dans l’énergie renouvelable, et 100% de celui de la SAS Inertam (ci-après : « Inertam »), dont l’activité est le traitement des déchets dangereux.
À l’époque des faits, 60% du capital social d’Europlasma, représentant 56% des droits de vote, était détenu par le public, et 27%, représentant 29% des droits de vote, par son actionnaire de référence Crédit Suisse Europlasma SPV LLC, joint-venture entre le Crédit Suisse et le fonds d’investissement Masdar.
M. A était alors administrateur d’Europlasma et actionnaire de cette dernière, directement et par l’intermédiaire de la société civile Sofra (ci-après : « Sofra »), dont il détenait plus de 80% des parts sociales en pleine propriété et dont il était le gérant unique jusqu’au 29 novembre 2015, date à laquelle son fils, M. […], a été nommé co-gérant.
Au début de l’année 2010, Europlasma a initié, en partenariat avec la société Gottex Fund Management, la construction d’une usine pilote dédiée à la production d’électricité à partir de déchets et de biomasse, située à Morcenx, dans les Landes (ci-après : l’« Usine CHO-Morcenx » ou le « Projet CHO-Morcenx »).
L’Usine CHO-Morcenx appartient à la société CHO-Morcenx (ci-après : « CHO-Morcenx »), détenue par l’un des fonds sous gestion de la société Gottex Fund Management et par CHO-Power, dont la participation, à l’origine résiduelle, a rapidement été portée à 25% par l’exercice de bons de souscription d’actions.
Cette participation avait vocation à augmenter progressivement lors du franchissement d’étapes clés du projet, notamment à la livraison de l’Usine CHO-Morcenx, qui devait être précédée d’une réception technique provisoire subordonnée à la production d’un certain volume d’électricité à partir de la turbine à vapeur.
Les travaux de construction de l’Usine CHO-Morcenx ont été confiés à CHO-Power, maître d’oeuvre, moyennant le versement, par CHO-Morcenx, d’une rémunération d’un montant total de 25 millions d’euros, dont 15%, soit environ 3,7 millions d’euros, feraient l’objet d’une retenue jusqu’à la réception technique provisoire de l’Usine. Le maître d’oeuvre s’exposait en outre à des pénalités de retard de mise en service de l’usine de 21 500 euros par jour.
Par ailleurs, Europlasma a accordé à CHO-Morcenx une garantie à première demande d’un montant de 2,5 millions d’euros qui pouvait être appelée en cas de retard de la réception technique provisoire. En outre, elle a placé sur un compte séquestre une somme de 7,5 millions d’euros que CHO-Power toucherait après la réception technique provisoire mais que CHO-Morcenx pourrait appeler en cas de retard de celle-ci.
Après sa mise en service, l’usine devait vendre l’électricité produite à Electricité de France.
La réception technique provisoire de l’usine par CHO-Morcenx (ci-après : la « Take Over Date ») devait intervenir dix-huit mois à compter du début des travaux de construction de l’Usine, sous réserve de la réussite de « Take Over Tests » établissant la production, de manière stable et continue, d’au moins 6 MWH d’électricité à partir de la turbine à vapeur.
L’exploitation et la maintenance de l’Usine CHO-Morcenx devaient être assurées par Inertam après la Take Over Date, en contrepartie d’une rémunération d’un montant annuel de 8 millions d’euros.
La réception technique définitive de l’usine, intervenant lorsque l’Usine génèrerait au moins 8,5 MWH d’électricité, était prévue dans les trente mois à compter du début des travaux.
Les travaux de construction ont débuté le 1er décembre 2010 et l’usine devait être livrée clés en main le 31 mai 2012.
Cependant, les retards constatés dans l’avancement du projet ont entraîné plusieurs reports successifs de la réception technique provisoire.
Le décalage de calendrier du Projet CHO-Morcenx a engendré une augmentation significative du besoin de trésorerie d’Europlasma et, corrélativement, une dégradation progressive de ses résultats en l’absence de revenus générés par l’Usine CHO-Morcenx.
Le 21 février 2013, Europlasma, CHO-Power et Inertam ont saisi le président du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan en vue de l’ouverture d’une procédure de conciliation.
Le 15 avril 2013, la cotation du titre Europlasma a été suspendue à sa demande.
Le 26 septembre 2013, Europlasma a annoncé au public le succès de la procédure de conciliation, des accords ayant été conclus le 18 juillet 2013 puis homologués par le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan le 6 septembre 2013, en précisant qu’elle avait permis « l'obtention de meilleures conditions de financement » et « le rééchelonnement d'échéances de remboursement ».
La reprise de la cotation du titre Europlasma est intervenue le 30 septembre 2013.
2. La procédure
Le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 7 octobre 2013, l’ouverture d’une enquête relative à « l’information financière et au marché du titre de la société Europlasma, à compter du 1er janvier 2012 ».
Au terme de l’enquête diligentée par la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF, des lettres circonstanciées relatant les principaux éléments de fait et de droit consignés par les enquêteurs ont été adressées à M. A et Sofra afin de recueillir leurs observations en réponse.
Les mis en cause ont répondu par l’intermédiaire de leur conseil, le 9 février 2015, qu’ils n’étaient pas en mesure de présenter utilement leur défense dès lors qu’ils n’avaient pas pu prendre connaissance des pièces et informations visées dans ces lettres circonstanciées.
Lors de sa séance du 30 avril 2015, la Commission spécialisée n°1 du Collège de l’AMF a examiné le rapport d’enquête du 16 avril 2015 établi par la direction des enquêtes et des contrôles et décidé de notifier des griefs à M. A et à Sofra.
Les notifications de griefs ont été adressées par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, le 21 mai 2015, à M. A et à Sofra.
Il est reproché à :
- M. A, d’avoir :
o d’une part, utilisé une information privilégiée relative à « la situation très dégradée » de la trésorerie d’Europlasma, « la société étant proche de la cessation des paiements », en cédant, entre le 20 février et le 14 mars 2013, 45 000 titres Europlasma, dont 40 000 actions pour le compte de Sofra, représentant un montant de 44 571,63 euros, et 5 000 actions à titre personnel, représentant un montant de 5 050,55 euros, en violation des dispositions des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, cessions qui lui auraient permis d’éviter une perte globale estimée à 19 022 euros, dont 1 651 euros à titre personnel et 17 371 euros pour le compte de Sofra ;
o d’autre part, omis de déclarer ces opérations en méconnaissance de l’obligation énoncée par l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier et les articles 223-22 et 223-22-A du règlement général de l’AMF ;
- Sofra, d’avoir omis de déclarer les cessions de 40 000 titres Europlasma réalisées par l’intermédiaire de M. A entre le 20 février et le 8 mars 2013, pour un montant de 44 571,63 euros, en violation des dispositions des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 4°du code monétaire et financier et des articles 223-22 et 223-22-A du règlement général de l’AMF.
Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le président de l’AMF a transmis, le 21 mai 2015, copie de ces notifications au président de la Commission des sanctions qui a désigné, le 21 mai 2015, M. Christophe Lepitre en qualité de rapporteur.
M. A et Sofra ont été informés, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 18 juin 2015, de la possibilité qui leur était offerte d’être entendus par le rapporteur, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ; ils ont par ailleurs été informés, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 22 juin 2015 qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier et dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 23 juin 2015, le conseil des mis en cause a sollicité une prorogation du délai imparti pour présenter des observations en réponse aux notifications de griefs, qui lui a été accordée le 30 juin 2015.
Le 30 septembre 2015, le conseil des mis en cause a déposé des observations en réponse.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 octobre 2015, le rapporteur a sollicité un complément d’information sur les cessions réalisées entre le 20 février et le 8 mars 2013 par M. A au nom de Sofra à partir du compte détenu par cette dernière dans les livres de la société B*Capital. Les renseignements correspondants lui ont été transmis par la société B*Capital le 5 novembre 2015.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 2 décembre 2015, le rapporteur a demandé au conseil des mis en cause de verser au dossier une traduction en langue française des pièces produites en langue anglaise au soutien des observations en réponse aux notifications de griefs ; ces différents éléments lui ont été adressés le 17 décembre 2015.
Le 8 décembre 2015, le rapporteur a entendu le directeur financier d’Europlasma à l’époque des faits, préalablement convoqué le 30 novembre 2015. Le 11 décembre 2015, le Rapporteur a entendu l’un des co-commissaires aux comptes d’Europlasma, également convoqué le 30 novembre 2015, lequel lui a transmis, le 18 décembre 2015, des documents complémentaires.
Les mis en cause ont été convoqués le 4 décembre 2015 et entendus par le rapporteur le 18 décembre 2015, assistés de leur conseil.
Le 8 février 2016, le rapporteur a déposé son rapport.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 8 février 2016, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, M. A et Sofra ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 6 avril 2016 et informés, d’une part, qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier, et, d’autre part, qu’ils avaient le droit de se faire assister de tout conseil de leur choix, en vertu du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier.
Par lettre du 12 février 2016, le conseil des mis en cause a sollicité une prorogation du délai imparti pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, demande à laquelle il a été fait droit le 15 février 2016.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 1er mars 2016, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions appelée à délibérer à l’issue de la séance du 6 avril 2016, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs membres de cette Commission.
Le 4 mars 2016, le conseil des mis en cause a fait parvenir des observations en réponse au rapport du rapporteur.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée reproché à M. A
Considérant qu’il est fait grief à M. A d’avoir manqué à son obligation d’abstention d’utilisation de l’information privilégiée « relative à la trésorerie de la société Europlasma caractérisée par une situation très dégradée, la société étant proche de la cessation des paiements », en violation des dispositions des articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;
Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version applicable issue de l’arrêté du 12 novembre 2004 : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;
Considérant que l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version modifiée par l’arrêté du 30 décembre 2005, énonce : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés. […] » ;
Considérant que l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, prévoit : « Les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : / 1° Sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ; […] ».
A. Sur l’existence d’une information privilégiée
Considérant que la notification de griefs retient que « l’information relative à la trésorerie de la société Europlasma caractérisée par une situation très dégradée, la société étant proche de la cessation des paiements », aurait présenté, au plus tard le 30 janvier 2013, les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF en ce qu’elle était, à cette date :
- précise, le directeur financier d’Europlasma ayant calculé que « l’impasse de trésorerie débuterait en mars 2013 » et le conseil d’administration ayant en conséquence décidé d’envisager de missionner un cabinet d’audit pour assister la direction dans l’ouverture d’une procédure collective auprès du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, de sorte que la situation prévisible à court terme de cessation des paiements traduisait des difficultés sérieuses et un risque pesant sur la continuité de l’exploitation dont il était possible de tirer des conséquences négatives sur le cours du titre Europlasma ;
- non publique jusqu’au communiqué de presse du 26 septembre 2013, préalable à la reprise de la cotation, puisque seuls les membres du conseil d’administration en auraient disposé avant cette date, la première information négative sur les perspectives d’Europlasma ayant été donnée au marché par un communiqué de presse du 4 mars 2013, qui n’annonçait cependant pas le risque d’une cessation des paiements ;
- susceptible d’avoir une influence sensible, en l’occurrence défavorable, sur le cours du titre Europlasma dès lors que cette information, qui révélait que la situation financière de la société était particulièrement fragile et que cette dernière risquait de façon imminente de faire l’objet d’une procédure collective, aurait, si elle avait été rendue publique, été de nature à déterminer un investisseur raisonnable à ne pas investir sur le titre ou à se dégager de positions prises sur celui-ci ;
Considérant qu’il convient donc de rechercher si l’information telle que définie par la notification de griefs présentait, au plus tard le 30 janvier 2013, les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 précité ;
Sur le caractère précis de l’information
Considérant que M. A fait valoir que le conseil d’administration du 30 janvier 2013 invoqué par la notification de griefs n’avait rien de particulier puisque les difficultés de trésorerie étaient antérieures et que la direction et les membres du conseil d’administration les avaient anticipées dès le mois d’août 2012 à la suite du report de la réception technique provisoire et que la perspective d’une levée de fonds ultérieure aurait permis d’y remédier ; qu’il ajoute que les commissaires aux comptes n’ont d’ailleurs repris la procédure d’alerte que le 20 février 2013 ;
Considérant que la réception technique provisoire de l'Usine CHO-Morcenx n’a pas eu lieu à la date contractuellement prévue, le 31 mai 2012 ; que cependant, selon le procès-verbal du conseil d’administration du 19 juin 2012, le directeur général a indiqué qu’elle devrait intervenir entre la fin du mois de juillet et la fin du mois d’octobre 2012 ; que celui du 12 septembre 2012 rapporte que le directeur général constate un retard de la mise en route de l’usine, mais qu’il précise que « la date cible pour la Take Over date reste le 1er novembre 2012, plus 15 jours de fonctionnement » et que « d’ici la fin septembre les premières incertitudes sur la performance du gazéifieur devraient être levées et que le 1er MW devrait être produit via la turbine », que les premiers essais à chaud du gazéifieur sont prévus pour la semaine et que tous les équipements ont été contrôlés sauf le gazéifieur ; qu’il relève que malgré l’approche positive, il existe des incertitudes sur la date de la réception technique provisoire, qui selon le pire scenario, ne pourrait avoir lieu à la fin décembre ; que le procès-verbal du conseil d’administration du 29 octobre 2012 mentionne que le gazéifieur a démarré le 26 octobre et doit redémarrer ce jour pour être testé à mi- puissance et que le directeur général conclut qu’il a un « bon feeling » suite aux modifications apportées au gazéifieur ;
Considérant que, selon les déclarations faites au rapporteur par l’un des co-commissaires aux comptes d’Europlasma, le report de la réception technique provisoire entraînait « une augmentation des besoins financiers, notamment de trésorerie » d’Europlasma, évaluée par son président lors de son audition par les enquêteurs, à 500 000 euros par mois, à laquelle s’ajoutait « une absence de revenus » dès lors que le versement de la plupart des rémunérations prévues au titre du Projet CHO-Morcenx était subordonné à la réception technique provisoire ; que, c’est ainsi que, par courrier du 19 octobre 2012, les commissaires aux comptes d’Europlasma ont relevé que la date du 1er novembre 2012 ne pourrait être tenue et fait savoir à Europlasma que la continuité de l’exploitation de la société et de certaines de ses filiales leur apparaissant compromise en raison du coût financier résultant des retards dans la mise en marche de l’usine, des difficultés anticipées de trésorerie et des résultats fortement déficitaires au 30 juin 2012, ils déclenchaient des procédures d’alerte en application de l’article L. 234-1 du code de commerce ; qu’au mois de novembre 2012, ils ont décidé « de ne pas poursuivre » ces procédures en raison, principalement, d’une part, de deux prêts relais consentis à Europlasma et CHO-Morcenx par leurs actionnaires d’un montant total de 6,8 millions d’euros, dont 4,7 millions d'euros disponibles immédiatement, le solde étant libéré à la date de la réception technique provisoire, d’autre part, de l’obtention attendue de ladite réception courant décembre 2012 ;
Considérant, cependant, qu’en dépit des financements accordés, un document intitulé « Insolvency Warning », établi en vue de la réunion du conseil d’administration d’Europlasma du 30 janvier 2013, faisait état d’un besoin de trésorerie consolidée minimum de 5 millions d’euros jusqu’à réception des produits potentiels de la levée de fonds prévue en octobre 2013 et concluait qu’une situation de cessation des paiements pourrait être caractérisée « à la fin du mois de mars ou à la fin du mois d'avril au plus tard », tout en soulignant le caractère optimiste des chiffres retenus, prenant pour hypothèse une obtention de la réception technique provisoire en février 2013 ; que ces données chiffrées ont été examinées, le 30 janvier 2013, par le conseil d’administration d’Europlasma, dont plusieurs membres ont manifesté « leur étonnement quant à [la] sensible dégradation de trésorerie par rapport à la dernière estimation » ; qu’au terme de son analyse, le conseil d’administration a conclu que « la cessation des paiements pourrait intervenir à la fin du mois de mars 2013 ou à la fin du mois d’avril 2013 » ; qu’à la suite de la réunion du conseil d’administration, son président s’est rapproché des commissaires aux comptes afin d’évoquer les prochaines démarches à entreprendre puis a adressé au directeur général d’Europlasma ainsi qu’à plusieurs membres du conseil d’administration (à 0h14), un courriel intitulé « Europlasma Commissaires aux comptes Procédure d’alerte 2. Prochain conseil d’administration » ;
Considérant, ainsi, que ce n’est qu’au cours du conseil d’administration du 30 janvier 2013 que l’information précise selon laquelle la dégradation de la trésorerie était telle que la cessation des paiements pourrait intervenir dans les deux à trois mois à venir a été connue ; que la levée de fonds envisagée ne pouvait avoir d’incidence sur cette prévision dès lors que ce financement était subordonné à la préalable réception technique provisoire de l’Usine CHO-Morcenx, dont le calendrier restait très aléatoire du fait des problèmes techniques affectant les installations ; que l’argument tiré de l’absence de reprise de la procédure d’alerte par les commissaires aux comptes avant le 20 février 2013 est sans portée puisque, selon les déclarations faites au rapporteur par l’un des co-commissaires aux comptes d’Europlasma, « ce temps de réaction » ne s’explique que par l’obtention « avec décalage » du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 30 janvier 2013 et que le directeur général d’Europlasma a lui-même déclaré aux enquêteurs que dès la fin du mois de janvier 2013 « le conseil d’administration savait qu’une phase 2 de la procédure d’alerte était "dans les tuyaux" » ;
Considérant que les prévisions de trésorerie soumises au conseil d’administration d’Europlasma le 30 janvier 2013, additionnées aux indices tangibles du déclenchement imminent de la deuxième phase de la procédure d’alerte, suffisent à établir qu’à cette date au plus tard, la situation d’Europlasma était très dégradée en raison de la menace d’une cessation des paiements à court terme ; qu’il est dès lors sans incidence que la notification de griefs ait indiqué à tort que le conseil d’administration avait décidé, le 30 janvier 2013, d’envisager de missionner un cabinet d’audit pour assister la direction dans l’ouverture d’une procédure collective auprès du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, tandis que cette décision n’a été prise par le directeur général d’Europlasma et annoncée aux membres du conseil d’administration que le 2 février 2013 ;
Considérant que la situation de trésorerie et les perspectives immédiates d’Europlasma au 30 janvier 2013 révélaient une situation financière obérée dont il était possible de tirer des conséquences, en l’occurrence négatives, sur le cours du titre Europlasma ;
Considérant qu’il résulte des éléments qui précèdent que « l’information relative à la trésorerie de la société Europlasma caractérisée par une situation très dégradée, la société étant proche de la cessation des paiements » présentait, au plus tard le 30 janvier 2013, le caractère de précision requis par l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
Sur le caractère non public de l’information
Considérant que M. A soutient qu’un communiqué de presse du 4 mars 2013, publié avant ouverture de la séance de bourse, a porté à la connaissance du public l’information visée par la notification de griefs ;
Considérant que ce communiqué faisait état, pour la première fois, de perspectives contrastées en mentionnant que « le retard de livraison de l'usine CHO Morcenx et la baisse des volumes traités sur Inertam [avaient] significativement pénalisé l'exercice 2012 du Groupe », que « CHO-Power [avait] engagé de nombreux coûts de mise en route tout en supportant les coûts d'exploitation » et avait « dû s'acquitter de frais de report contractuels », qu’« en contrepartie, très peu de revenus [avaient] été enregistrés, compte tenu du faible niveau de production sur l'exercice » et que « le conseil d'administration, le management et le principal client, la société CHO-Morcenx, se rencontr[ai]ent régulièrement pour étudier les conséquences [du] report [de la Take Over Date] et envisager les actions correctrices, tant sur le plan contractuel que sur le plan de la trésorerie qui [s’était] dégradée » ;
Considérant que si, jusqu’alors, le public disposait d’une information parcellaire et optimiste sur la situation financière d’Europlasma, l’information donnée par le communiqué du 4 mars 2013 lui a permis de comprendre qu’il existait un risque de cessation des paiements à court terme ; que le marché ne s’y est pas trompé puisque le cours a chuté de 17% lors de la séance de bourse qui a suivi la publication du communiqué ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que « l’information relative à la trésorerie de la société Europlasma caractérisée par une situation très dégradée, la société étant proche de la cessation des paiements » revêtait un caractère non public au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF au moins jusqu’au 4 mars 2013 ;
Sur l’influence sensible de l’information sur le cours du titre Europlasma
Considérant que jusqu’au 4 mars 2013, le marché ne disposait quant à lui d’aucune information précise sur le caractère significatif des besoins de trésorerie d’Europlasma à court terme, ni sur les conséquences négatives qui en découlaient ; que dans ce contexte, un investisseur raisonnable au fait de l’état « très dégradé » de la trésorerie d’Europlasma et de la proximité d’une éventuelle cessation des paiements était susceptible de se fonder sur cette information pour prendre une décision d’investissement, en l’occurrence de cession des titres Europlasma ; qu’une telle information était donc de nature à avoir une influence sensible sur le cours du titre Europlasma, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;
Considérant que le mis en cause invoque l’absence de grief notifié simultanément à Europlasma sur le fondement des dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF – qui fait obligation à tout émetteur de porter « dès que possible » toute information privilégiée qui le concerne directement à la connaissance du public – pour tenter d’établir que l’information en cause n’aurait en réalité pas revêtu les caractères d’une information privilégiée à la date du 30 janvier 2013 ; que toutefois la décision de ne pas notifier des griefs appartient, conformément au I de l’article L. 621-15, au Collège de l’AMF qui en apprécie, seul, l’opportunité, de sorte qu’il n’est pas possible d’inférer de cette décision une quelconque conséquence sur le caractère privilégié de l’information ;
Considérant, en conséquence, que « l’information relative à la trésorerie de la société Europlasma caractérisée par une situation très dégradée, la société étant proche de la cessation des paiements » présentait, le 30 janvier 2013 et au moins jusqu’au 4 mars 2013, les caractéristiques d’une information privilégiée, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l'AMF ;
B. Sur l’utilisation de l’information privilégiée par M. A
Considérant qu’il est reproché à M. A d’avoir procédé, entre le 20 février et le 14 mars 2013, à la cession de 45 000 titres Europlasma, dont 40 000 au nom de Sofra, à partir du compte ouvert par cette dernière dans les livres de la société B*Capital, et 5 000 à titre personnel, alors qu’il détenait l’information privilégiée en cause ;
Considérant que M. A exerçait, au mois de janvier 2013, les fonctions d’administrateur d’Europlasma au titre desquelles il bénéficiait d’une information régulière sur la situation industrielle et financière de la société ainsi que sur l’ampleur des difficultés rencontrées ; qu’à l’occasion de sa réunion du 30 janvier 2013, à laquelle M. Aa participé, le conseil d’administration d’Europlasma a pris acte de l’état très dégradé de la trésorerie consolidée et des risques de cessation prochaine des paiements qui en résultaient ; qu’il est dès lors établi que M. A détenait, au plus tard le 30 janvier 2013, l’information privilégiée « relative à la trésorerie de la société Europlasma caractérisée par une situation très dégradée, la société étant proche de la cessation des paiements » ; que cette information est demeurée confidentielle jusqu’au 4 mars 2013 ;
Considérant qu’en sa qualité d’initié primaire, M. A est présumé avoir indûment utilisé l’information privilégiée qu’il détenait lorsqu’il a passé, les 20 février et 28 février, deux ordres de vente pour le compte de Sofra – et non un ordre unique comme l’indique à tort la notification de griefs – portant sur un total de 9 000 actions; qu’il fait valoir que ces opérations étaient motivées par des raisons objectives tenant à une surévaluation du cours de bourse d’Europlasma et à une perte de confiance dans la direction de la société, auxquelles s’ajoutaient des raisons personnelles liées à la nécessité d’acquitter des sommes importantes auprès de l’administration fiscale britannique ; qu’il souligne par ailleurs qu’il n’a pas cherché à céder les titres Europlasma « au plus vite » ou « à tout prix » ;
Considérant, toutefois, que M. A disposait, à l’époque des faits, d’un patrimoine significatif qui lui permettait de faire face à ses obligations financières et qu’il ne démontre pas s’être trouvé dans l’impossibilité de différer les cessions en cause postérieurement au 4 mars 2013, date à partir de laquelle le marché a été en mesure d’appréhender le risque de cessation des paiements à court terme auquel était confronté Europlasma ; que les cessions reprochées ont débuté moins de deux heures avant la réunion du conseil d’administration du 20 février 2013, dont l’ordre du jour unique, adressé à M. A dès le 4 février 2013, était : « Commissaires aux comptes Procédure d’alerte 2 » ; que ce dernier avait par ailleurs été informé, dans les jours précédents, de la décision prise par le directeur général d’Europlasma, de « fixer une date potentielle de réunion avec le Président du Tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, soit le 22 soit le 27 février » ainsi que de la désignation du cabinet d’audit à l’effet d’assister Europlasma dans le cadre d’une procédure collective éventuelle ; qu’enfin, et surtout, il a déclaré, lors de son audition réalisée par la FINMA dans le cadre de l’enquête : « J’ai décidé de vendre la totalité des titres Europlasma détenus dans le compte de la société SOFRA Sarl et ceci afin de limiter les pertes relatives à la baisse attendue du cours du titre Europlasma. Ma mère et mes fils étant actionnaires de la société, j’ai été guidé par le principe de précaution » ; qu’invité par le rapporteur à préciser ce qu’il entendait par « principe de précaution », il a répondu : « En deux mots, le principe de précaution veut dire "gagner ou perdre" » ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la présomption d’utilisation indue de l'avantage que procurait la détention de l’information privilégiée n’est pas renversée et que les circonstances invoquées par M. Ane constituent pas un motif impérieux de nature à l’exonérer de sa responsabilité ; que le manquement reproché à ce dernier est donc caractérisé en tous ses éléments pour les cessions de titres Europlasma réalisées pour le compte de la Sofra, de 7 000 titres le 20 février 2013 et de 2 000 titres le 28 février 2013 ; qu’en revanche, la partie du grief relative aux cessions réalisées à partir du 4 mars 2013 par M. A, tant à titre personnel que dans l’intérêt de Sofra, doit être écartée ;
II. Sur le manquement d’absence de déclaration des cessions de titres Europlasma reproché à M. Aet Sofra
Considérant qu’il est reproché à M. A d’avoir omis de déclarer les cessions de titres Europlasma réalisées tant dans l’intérêt de Sofra qu’à titre personnel, entre le 20 février 2013 et le 14 mars 2013, en violation, des articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier ainsi que 223-22 et 223-22-A du règlement général de l’AMF ; qu’il est également reproché à Sofra d’avoir omis de déclarer les opérations qui la concernent, en violation des mêmes textes ainsi que de l’article R. 621-43-1 du code monétaire et financier ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier dans sa version modifiée par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 : « I.- Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l’Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans le délai déterminé par son règlement général, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions d’une société ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, lorsque ces opérations sont réalisées par : a) Les membres du conseil d’administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ; (…) c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b (…) / II.- L'Autorité des marchés financiers peut prévoir que les règles mentionnées au I sont également applicables, dans les conditions et selon des modalités fixées par son règlement général, aux instruments financiers négociés sur tout marché d'instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande » ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 621-43-1 du même code dans sa version issue du décret n°2006-256 du 2 mars 2006 : « Les personnes mentionnées au c de l’article L. 621-18-2, qui ont des liens personnels étroits avec l’une des personnes mentionnées aux a ou b du même article, sont : […] 4° Toute personne morale ou entité, autre que la personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 621-18-2, constituée sur le fondement du droit français ou d’un droit étranger, et : a) Dont la direction, l'administration ou la gestion est assurée par l'une des personnes mentionnées aux a et b de l'article L. 621-18-2 ou par l'une des personnes mentionnées aux 1°, 2° ou 3° et agissant dans l'intérêt de l'une de ces personnes ; b) Ou qui est contrôlée, directement ou indirectement, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, par l’une des personnes mentionnées aux a et b de l’article L. 621-18-2 […] » ;
Considérant que l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 2 avril 2009, fait obligation aux personnes mentionnées à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier de déclarer à l’AMF par voie électronique, dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions de l’émetteur au sein duquel les personnes visées aux a et b de ce dernier article exercent leurs fonctions ; que ces dispositions s’appliquent, en vertu de l’article 223-22-A du même règlement, pris en application du II de l’article L. 621-18-2 précité, dans sa version issue de l’arrêté du 2 avril 2009, aux systèmes multilatéraux de négociation organisés dont fait partie Alternext ;
Considérant que l’obligation de déclaration en cause est destinée à préserver la transparence du marché ainsi que l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ; que sa violation est, par suite, de nature à porter atteinte à la protection de ces derniers et au bon fonctionnement du marché ;
Considérant que la cession de 5 000 titres pour un montant de 5 050,50 euros réalisée par M. A pour son propre compte le 14 mars 2013 l’a été alors qu’il était membre du conseil d’administration d’Europlasma ; qu’il était donc tenu de la déclarer en application du a) de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, dans les conditions prévues par l’article 223-22 du règlement général de l’AMF ; qu’il n’est pas contesté qu’aucune déclaration n’a été accomplie ;
Considérant que les ordres de vente portant sur un total de 40 000 titres passés par M. A les 20 février, 28 février et 8 mars 2013 l’ont été pour le compte de la société Sofra qu’il contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce et dont il était le gérant ; que ces cessions, réalisées pour le compte d’une société contrôlée et dirigée par un administrateur d’Europlasma, devaient être déclarées en application des dispositions des articles L. 621-18-2 et R. 621-43-1 4° a) et b) du code monétaire et financier ; que la personne qui a « réalisé » l’opération, au sens du premier de ces textes, et sur qui pèse l’obligation de déclaration, est celle pour le compte de laquelle cette opération a été effectuée, en l’espèce Sofra et non M. A; qu’il est établi que Sofra n’a procédé à aucune déclaration ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief de non-déclaration de cessions portant sur 40 000 titres est caractérisé à l’encontre de Sofra, de même que celui portant sur les cessions de 5 000 titres réalisées à titre personnel par M. A; qu’en revanche, la partie du grief portant sur les 40 000 titres cédés pour le compte de Sofra par M. A ne sera pas retenu à l’encontre de ce dernier ;
SANCTIONS ET PUBLICATION DE LA DÉCISION
Considérant que les manquements reprochés sont susceptibles de donner lieu au prononcé d’une sanction à l’encontre de M. A et Sofra sur le fondement des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15 III du code monétaire et financier dans sa version modifiée par la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, les sanctions applicables sont : « c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés (…) » ;
Considérant que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements et en tenant compte de la situation des mis en cause ;
Concernant M. A
Considérant que le manquement commis par M. A à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée lui a permis de bénéficier d’un avantage économique, directement et indirectement, en sa qualité d’associé majoritaire de Sofra à l’époque des faits; que cet avantage peut être évalué à 2 721,10 euros, en se fondant sur le cours de clôture de la séance de bourse du 4 mars 2013, qui s’élevait à 1,13 euros ;
Considérant cependant que l’avantage économique retiré par M. A des cessions d’actions réalisées n’est que l’un des éléments pertinents pour déterminer le quantum de la sanction qui sera prononcée à son encontre ; qu’en l’espèce, le manquement commis par M. A revêt, à raison de ses fonctions d’administrateur au sein d’Europlasma, une particulière gravité ; que, de surcroît, le mis en cause a tenté de dissimuler les opérations réalisées pour le compte de Sofra et à titre personnel, en omettant de procéder à leur déclaration à l’AMF ; qu’il lui sera en conséquence infligé une sanction pécuniaire de 25 000 euros ;
Concernant Sofra
Considérant que Sofra a manqué à son obligation de déclaration des transactions réalisées entre les 20 février et 8 mars 2013 ; qu’il sera en conséquence prononcé une sanction de 5 000 euros à son encontre ;
Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers, ni de causer un préjudice disproportionné aux personnes mises en cause ; qu’elle sera donc ordonnée ;
PAR CES MOTIFS,
Et après en avoir délibéré, sous la présidence de Mme Marie-Hélène Tric, par Mmes Edwige Belliard et Anne-José Fulgéras ainsi que MM. Bernard Field et Lucien Millou, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,
DECIDE DE :
- prononcer à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire de 25 000 € (vingt-cinq mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de la société civile immobilière Sofra une sanction pécuniaire de 5 000 € (cinq mille euros) ;
- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.