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Décisions

CE, 2 juillet 1982, n° 16692

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

CE n° 16692

1 juillet 1982

Vu la loi du 11 mars 1957 ; la loi du 2 janvier 1968 modifiée par la loi du 13 juillet 1978 ; la loi du 3 janvier 1977 ; le code des marchés publics ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant ... jonction ; . .
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir soulevées par le ministre de l'économie ;
Sur les moyens relatifs à la régularité de la procédure : Cons., d'une part, que le moyen tiré de ce que la consultation de la commission centrale des marchés aurait été irrégulière n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Cons., d'autre part, que le fait que les prescriptions relatives aux marchés dits de prestations intellectuelles puissent, le cas échéant, s'appliquer à des marchés passés avec des architectes, n'a pas pour effet de faire de ces prescriptions des " questions intéressant la profession " d'architecte au sens de l'article 25 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture et sur lesquelles le conseil national de l'ordre des architectes aurait dû être consulté en application dudit article ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué qui approuve le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles aurait été pris sur une procédure irrégulière ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 111 du code des marchés publics : Cons. qu'aux termes de l'article 111 du code des marchés publics, dans la rédaction que lui a donné l'article 18 du décret du 31 mars 1978, " sous réserve des stipulations particulières du marché, l'Etat dispose des résultats de l'étude ; le marché peut, notamment, préciser les droits réservés au titulaire dans le cas de fabrication et d'ouvrages réalisés à la suite ; les droits de propriété industrielle qui peuvent naître à l'occasion ou au cours de l'étude sont acquis au titulaire, sauf si l'Etat se réserve tout ou partie de ces droits par une stipulation du marché " ; que ces dispositions n'imposent pas à l'administration de réserver à son co-contractant tout ou partie des droits patrimoniaux attachés à la propriété littéraire et artistique ou à la propriété industrielle mais lui en ouvrent seulement la faculté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que certains articles du chapitre IV du cahier des clauses administratives générales relatifs à l'utilisation des résultats des marchés de prestations intellectuelles, seraient, faute de réserver suffisamment les droits du titulaire du marché en la matière, contraires aux prescriptions de l'article 111 manque en fait ;
Sur les moyens tirés de la violation de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique : Cons., en premier lieu, que les marchés de prestations intellectuelles ont notamment pour fin non de transférer à l'administration la propriété d'un objet matériel mais de lui permettre d'utiliser, pour des fabrications ou des constructions, les résultats des études et des recherches confiées par elle à son co-contractant ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article 29 de la loi du 11 mars 1957 selon lesquelles l'acquéreur d'un objet matériel n'est investi, du fait de cette acquisition, d'aucun des droits patrimoniaux attachés par cette loi à la qualité d'auteur d'une oeuvre de l'esprit, n'est pas applicable à ces marchés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le chapitre IV du cahier des clauses administratives générales des marchés de prestations intellectuelles violerait les prescriptions de cet article est inopérant ;
Cons., en second lieu, qu'en vertu de l'article 28 de la même loi, le droit de reproduction des oeuvresd'architecture consiste soit dans la reproduction à l'identique des plans, croquis, dessins ou maquettes de l'architecture en vue de leur divulgation tant par communication à des tiers que par publication, soit dans l'utilisation de ces documents pour construire ou faire construire, de façon répétitive ou non, des ouvrages ; que, si l'article 30 de cette loi prévoit que " lorsqu'un contrat comporte cession totale de l'un des deux droits visés au présent article ", c'est-à-dire le droit de représentation ou le droit de reproduction, " la portée en est limitée aux modes d'exploitation prévus au contrat ", les trois options ouvertes par le cahier des clauses administratives générales à la personne publique signataire du marché précisent les droits cédés à cette personne publique tant pour ce qui a trait à la divulgation des résultats par publication ou par communication à des tiers que pour ce qui touche à la faculté d'édifier ou de faire édifier des constructions conformes à ces résultats et respectent ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les prescriptions dudit article ;
Cons. que le cahier des clauses administratives générales qui délimite la destination et l'étendue du domaine d'exploitation des droits cédés, ne dispense par l'autorité compétente de préciser dans chaque marché en fonction des besoins du service propres à chaque affaire, ce domaine quant au lieu et à la durée ; que par suite le moyen tiré de la violation de l'article 31 de la loi du 11 mars 1957 n'est pas fondé ;
Cons., en quatrième lieu, que la cession du droit patrimonial de reproduction qui, en vertu de l'article 35 de la loi " peut être totale ou partielle ", entraîne transfert de ce droit de la personne de l'auteur à la personne publique signataire du marché ; que, comme il a été dit ci-dessus, les trois options prévues par le cahier des clauses administratives générales, définissent, pour chacune d'entre elles, l'étendue des droits cédés quant à la divulgation ou à l'utilisation des résultats du marché, en accordant ou non à la personne publique l'exclusivité de l'exercice des droits cédés ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les prescriptions du cahier des clauses administratives générales limiteraient illégalement l'exercice par l'auteur de ses droits patrimoniaux ;
Cons., en cinquième lieu, que si le même article 35 dispose que la cession des droits patrimoniaux " doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation ", il ajoute toutefois que " la rémunération de l'auteur peut être évaluée forfaitairement ", notamment, lorsque " la base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée " ; qu'il suit de là que le cahier des clauses administratives générales des marchés de prestations intellectuelles dont les résultats sont essentiellement ou exclusivement destinés à être utilisés pour les besoins des services publics dans des conditions qui ne sont pas génératrices de recettes, à pu légalement prévoir que la cession à la personne publique signataire du marché du droit de reproduction serait faite moyennant la rémunération forfaitaire prévue audit marché ;
Cons. enfin qu'aucun des articles du chapitre IV du cahier des clauses administratives générales, qui prévoit que toute publication doit comporter le nom du titulaire du marché, ne porte atteinte au droit moral de l'auteur et notamment au droit au respect du nom, de la qualité et de l'oeuvre énoncé à l'article 6 de la loi ;
Sur les moyens tirés de la violation de la loi du 2 janvier 1968 modifiée par la loi du 13 juillet 1978 relative au régime des brevets d'invention :
Cons. qu'aucune disposition de la loi du 2 janvier 1968 modifiée par la loi du 13 juillet 1978 ne s'oppose à ce que le signataire d'un marché de prestations intellectuelles qui s'est engagé, moyennant rémunération, à poursuivre pour le compte d'une personne publique des études ou des recherches pouvant éventuellement conduire à la prise de brevets d'invention s'oblige à communiquer à la personne publique toutes les connaissances acquises en exécution du marché ;
Cons. que de même, s'agissant des inventions brevetables liées à l'objet même du marché, aucune disposition de la loi ne s'oppose à ce que le signataire du marché s'engage, d'une part tant à déposer des demandes de brevets et à en pousuivre la délivrance, qu'à entretenir les brevets délivrés, et, faute de remplir ces obligations, à autoriser la personne publique à déposer la demande de brevet en son nom, ou à lui céder gratuitement les brevets obtenus, d'autre part, à accorder à la personne publique, pour lui permettre d'utiliser, conformément à l'objet même du marché, les résultats des prestations, une licence d'exploitation, avec faculté de sous-licence, pour les besoins définis audit marché, en troisième lieu, en cas de défaut ou de cessation d'exploitation desdits brevets pendant un délai déterminé, à accorder à la personne publique une licence d'exploitation avec faculté de sous-licence, pour tous usages, enfin, à verser à la personne publique sur les recettes que peut lui procurer soit la vente ou la location des objets, matériels ou constructions résultant des prestations effectuées au titre du marché, soit la concession du droit de reproduction en France ou à l'étranger, des redevances dans la limite, à conditions économiques constantes, du montant, déduction faite de la taxe à la valeur ajoutée, de la rémunération perçue par lui en rémunération du marché ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le cahier des clauses administratives générales des marchés de prestations intellectuelles méconnaîtrait les prescriptions de la loi du 2 janvier 1968 modifiée par la loi du 13 juillet 1978 relative au régime des brevets d'invention ;
rejet .