CA Bordeaux, 2e ch. civ., 15 janvier 2013, n° 12/00045
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Papeteries de Veuze (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme O'yl
Conseillers :
M. Bancal, Mme Rouger
Avocats :
Me Torelli, SCP Puybaraud, Me Guevenoux, SCP Annie Taillard & Valérie Janoueix Avocats Associés, Me Dejean
Vu le jugement du tribunal de commerce d'ANGOULEME en date du 15 décembre 2011
Vu l'appel interjeté le 3 janvier 2012 par maitre TORELLI es qualités de liquidateur judiciaire de la SA PAPETERIES DE VEUZE
Vu les conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 12 octobre 2012 par maitre FRANCIS VILLA et maitre CHRISTIAN HART DE KEATING en leurs qualités d'administrateurs provisoires de l'étude de maitre TORELLI
Vu les conclusions déposées et signifiées le 22 octobre 2012 par la SCP LAUREAU-JEANNEROT en qualité d'administrateur judiciaire de la société PAPETERIES DE VEUZE
Par jugement en date du 6 octobre 2005 le tribunal de commerce d'ANGOULEME a prononcé le redressement judiciaire de la SA PAPETERIES DE VEUZE, maitre ROUSSEAU étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire et maitre TORELLI en qualité de représentant des créanciers ;
Par jugement en date du 14 septembre 2006 il a, entre autres dispositions, arrêté le plan de redressement par voie de continuation, prévu l'apurement du passif en dix annuités, dit que la SA PAPETERIES DE VEUZE s'acquittera des dix annuités par versements d'acomptes mensuels égaux qui seront déposés sur un compte spécifique ouvert à la caisse des dépôts et consignations par les soins du commissaire à l'exécution du plan, maintenu le juge commissaire et le mandataire judiciaire, représentant des créanciers, jusqu'à reddition des comptes et nommé maitre LAUREAU en qualité de commissaire à l'exécution du plan qui outre sa mission légale devra répartir les pactes annuels aux créanciers conformément à l'option choisie comprenant ceux du jugement ;
Par jugement en date du 30 juillet 2009 le tribunal a constaté la bonne exécution du plan de redressement par continuation et rappelé que l'obligation de règlement par mensualités des pactes annuels était une condition essentielle de la bonne exécution du plan et qu'à défaut la société débitrice s'exposerait à sa résolution ;
Mais par jugement en date du 16 septembre 2010, il a constaté la cessation des paiements de la SA PAPETERIES DE VEUZE, ordonné la résolution du plan de redressement, prononcé la liquidation judiciaire de cette société, autorisé la poursuite de son activité pour une durée de trois mois, a désigné maitre TORELLI en qualité de liquidateur judiciaire et la SCP LAUREAU JEANNEROT en qualité d'administrateur judiciaire avec mission de représentation ;
Par jugement en date du 9 décembre 2010 la poursuite de l'activité a été autorisée pour une nouvelle durée de trois mois arrivant à expiration le 16 mars 2011 pour permettre la finalisation du projet de cession ;
Enfin par jugement en date du 15 mars 2011 le tribunal a ordonné l'arrêt de l'activité et la poursuite des opérations de liquidation judiciaire ;
Le 27 octobre 2010 la SCP LAUREAU JEANNEROT en sa qualité d'administrateur provisoire de la SA PAPETERIES DE VEUZE avait présenté au juge commissaire une requête pour obtenir l'autorisation d'utiliser les fonds déposés à la caisse des dépôts et consignations dans le cadre du plan de redressement de la société PAPETERIES DE VEUZE d'un montant de 1 284 158.63 € pour notamment financer la poursuite d'activité ;
Par ordonnance en date du 28 octobre 2010 le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société PAPETERIES DE VEUZE a accueilli cette demande ;
Le tribunal de commerce d'ANGOULEME saisi d'une demande de rétractation par maitre TORELLI es qualités a par le jugement critiqué confirmé cette ordonnance ;
Maitre TORELLI es qualités de liquidateur judiciaire a relevé appel de ce jugement ;
Maitre FRANCIS VILLA et maitre HART DE KEATING en leurs qualités d'administrateurs de l'étude de maitre TORELLI ainsi que maitre TORELLI es qualités de liquidateur concluent à son infirmation et à la rétractation de l'ordonnance du 28 octobre 2010 ; soulignant que la requête de la SCP LAUREAU JEANNEROT ne vise aucune disposition légale, ils invoquent les dispositions de l'article L 641-10 du code de commerce et rappellent les fonctions respectives de l'administrateur et du liquidateur, le premier assistant ou représentant le débiteur, le second étant chargé d'effectuer les opérations de liquidation au profit de l'ensemble des créanciers et en conséquence habile à recevoir les fruits de l'activité antérieure qui n'auraient pas été distribués aux créanciers ; ils relèvent encore que dans le cadre d'une liquidation judiciaire la poursuite d'activité ne peut qu'être temporaire, destinée non pas à la continuation de l'entreprise mais à la réalisation des actifs ; en outre ils observent que le règlement du nouveau passif apparu pendant la durée du plan de redressement ne peut incomber qu'au liquidateur ; enfin ils font valoir qu'il appartenait à l'administrateur de justifier des dépenses courantes liées à la poursuite d'activité ;
La SCP LAUREAU JEANNEROT es qualités d'administrateur judiciaire de la SA PAPETERIES DE VEUZE conclut à la confirmation du jugement déféré ; après avoir relevé que maitre TORELLI n'a plus qualité à agir es qualités en justice, elle fait valoir que les appelants sont dans l'incapacité d'apporter la démonstration qu'une disposition légale interdirait l'utilisation des fonds consignés pour assurer le redressement de la société afin de permettre la mise en oeuvre d'un plan de cession et que bien au contraire les textes ont pour objectif le maintien de l'activité économique et sociale d'une unité de production pour favoriser sa cession ; elle explique en outre qu'elle a régulièrement informé les organes de la procédure collective de l'ensemble des dépenses courantes liées à la poursuite de l'activité ;
Maitre FRANCIS VILLA et maitre CHRISTIAN HART DE KEATING sont intervenus à l'instance en leurs qualités d'administrateurs provisoires de l'étude de maitre TORELLI en sa qualité de liquidateur de la SA PAPETERIES DE VEUZE ; celui-ci n'a donc pas capacité à agir en justice ;
Sa demande sera en conséquence déclarée irrecevable ;
Le maintien en activité d'une entreprise en liquidation judiciaire a pour objectif de favoriser la cession totale ou partielle de l'entreprise et de préserver l'intérêt public ou celui des créanciers ;
La requête de la SCP LAUREAU JEANNEROT es qualités ainsi que l'autorisation donnée par le juge commissaire d'utiliser les fonds consignés à la caisse des dépôts et consignations s'inscrivaient dans le cadre de la poursuite de l'activité de la SA PAPETERIE DE VEUZE en liquidation judiciaire et avaient pour objectif de préserver l'entreprise et les emplois et de permettre ainsi la mise en oeuvre d'un projet de cession ;
Lorsque le maintien en activité d'une entreprise en liquidation judiciaire a été autorisé et qu'un administrateur a été désigné, celui-ci aux termes de l'article L 641-10 du code de commerce exerce, outre sa mission d'administration, les prérogatives conférées au liquidateur par les articles L 641-11-1 (poursuite ou résiliation des contrats en cours) et L 641-12 (bail commercial) et exerce les fonctions qui lui sont conférées dans le cadre du plan de sauvegarde par les articles L 622-4 et L 624-6 de ce m^me code, à savoir d'une part faire tous les actes nécessaires à la conservation des droits de l'entreprise contre les débiteurs de celle-ci et à la préservation de ses capacités de production et d'autre part demander que les acquisitions faites par le conjoint du débiteur soient réunies à l'actif ;
Selon ce même article lorsque l'administrateur ne dispose pas des sommes nécessaires à la poursuite de l'activité il peut sur autorisation du juge commissaire se les faire remettre par le liquidateur ;
Mais les fonds litigieux, consignés à la caisse des dépôts et consignations, que la SCP LAUREAU JEANNEROT a été autorisée à utiliser étaient constitués des versements effectués par la SA PAPETERIES DE VEUZE pour payer les créanciers conformément à l'échéancier prévu par le plan ; ces fonds n'avaient certes pas encore été distribués par le commissaire à l'exécution du plan ; cependant ils étaient sortis du patrimoine de la SA PAPETERIES DE VEUZE et ne pouvaient en conséquence être considérés comme des actifs ;
En conséquence le jugement déféré sera réformé ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,
- constate que maitre TORELLI n'a plus capacité à agir étant représenté par ses administrateurs provisoires maitre FRANCIS VILLA et maitre CHRISTIAN HART DE KEATING
- déclare irrecevable sa demande
- réforme le jugement déféré
Statuant à nouveau,
- rétracte l'ordonnance du juge commissaire en date du 28 octobre 2010
- rejette la requête de la SCP LAUREAU JEANNEROT
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.