Cass. crim., 26 février 1998, n° 97-81.060
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schumacher
Rapporteur :
Mme de la Lance
Avocat général :
M. Lucas
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, Me Foussard
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 13 et L. 47 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, 1741 du Code général des impôts ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité, déclaré Anne X... coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu de l'année 1990 et l'a condamnée à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs que les premiers juges ont estimé à juste titre qu'il n'avait pas été contrevenu aux dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la découverte par l'Administration, lors de la vérification de la situation personnelle des époux Y..., de la perception de sommes provenant de l'activité non déclarée de production de films justifiant qu'il soit procédé à la reconstitution de leurs revenus sans que soit engagée une procédure de vérification de comptabilité spécifique;
que la prévenue, ayant été régulièrement informée de la possibilité de se faire assister d'un conseil par l'avis d'ESFP qui lui avait été adressé le 15 novembre 1991, ne saurait, en effet, se prévaloir d'une violation des droits de la défense du seul fait de l'absence d'avis de vérification préalable concernant son activité occulte de production de films, découverte au cours de cet examen ;
"et aux motifs, adoptés, que c'est l'examen des comptes bancaires des époux Y... qui a révélé la perception non déclarée de sommes résultant de la cession de droits sur le film "Yo la peor de todas";
qu'il résulte de l'arrêt rendu le 22 mai 1992 par le Conseil d'Etat que la découverte de revenus provenant d'une activité occulte entraîne une imposition d'office qui autorise une reconstitution des revenus sans engagement d'une procédure de vérification de comptabilité spécifique;
que l'avis d'ESFP, qui avait été adressé aux contribuables le 15 novembre 1991, permettait donc à lui seul de reconstituer l'ensemble de leurs revenus dans le plein respect des droits de la défense, les époux Y... ayant alors été informés de la possibilité de se faire assister ;
"alors que si le service est en droit d'examiner à l'occasion d'une ESFP les comptes bancaires qui retracent à la fois les opérations privées et les opérations professionnelles du contribuable, il ne peut, pour contrôler et, le cas échéant, redresser les bénéfices retirés par l'intéressé de son activité professionnelle, se fonder sur les données qu'elle a pu recueillir en prenant connaissance des éléments des comptes bancaires qui, se rapportant à l'exercice de cette activité, ont le caractère de documents comptables, sans avoir procédé, préalablement, à une vérification de comptabilité, en respectant les garanties prévues par la loi pour ce type de contrôle;
que le fait que le contribuable se soit placé dans une situation qui autorise l'Administration à évaluer d'office ses bénéfices professionnels n'a pas pour effet de couvrir le vice résultant de l'absence d'une vérification de comptabilité régulière, dès lors que cette situation n'a été révélée que par des investigations conduites au cours de l'examen de la situation fiscale personnelle;
que la cour d'appel, qui a décidé le contraire, a ainsi violé les articles L. 13 et L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
"alors que l'examen contradictoire de la situation fiscale d'ensemble et la vérification de comptabilité sont deux contrôles de nature différente, soumis à des régimes différents de sorte que l'envoi d'un avis d'ESFP ne saurait pallier l'atteinte aux droits de la défense résultant de l'absence d'avis de vérification de comptabilité;
que la cour d'appel, qui a jugé qu'Anne Y... ne pouvait se prévaloir d'une violation des droits de la défense du fait de l'absence d'avis de vérification de comptabilité, ayant reçu un avis de VASFE, a méconnu le principe, ensemble l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales" ;
Attendu que, devant les premiers juges, Anne Y... a soulevé la nullité des poursuites en soutenant que les redressements fiscaux opérés par l'Administration seraient la conséquence d'une procédure de vérification irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour rejeter cette exception, la cour d'appel énonce que la découverte par l'Administration, lors de la vérification de la situation personnelle des époux Y..., de la perception de sommes provenant d'une activité non déclarée de production de film, justifiait qu'il soit procédé à la reconstitution de leurs revenus sans que soit engagée une procédure de vérification de comptabilité spécifique ;
Qu'elle ajoute que la prévenue, ayant été régulièrement informée de son droit d'être assistée d'un conseil par l'avis de l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle qui lui avait été adressé, ne saurait se prévaloir d'une violation des droits de la défense du seul fait de l'absence d'un avis de vérification préalable concernant cette activité ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir le grief allégué ;
Que le moyen ne saurait, dès lors, être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, L. 227 du Livre des procédures fiscales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Anne X... coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu de l'année 1990 et l'a condamnée à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs adoptés que le couple a, pour 1990, déclaré seulement les traitements et salaires de 48 102 francs...;
qu'est, en toute hypothèse, avérée la perception de rétributions dissimulées à l'occasion de l'exercice de l'activité de conseil de Joël Y..., d'un crédit indu de la "Sofils", constitutif d'un abus de biens sociaux, d'une plus-value non déclarée à l'occasion de la revente de droits sur un film qui avait été acquis pour 4,3 millions de francs;
que la dissimulation de ces sommes résultant d'un emploi rémunéré, d'activités occultes et de la commission d'une infraction, établit le caractère intentionnel des fraudes retenues contre les époux Y... en ce qui concerne l'impôt sur les revenus éludés ;
"alors que le ministère public et l'Administration doivent apporter la preuve de la soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt;
qu'en se bornant à relever qu'était avérée la perception de rétributions dissimulées à l'occasion de l'exercice de l'activité de conseil de Joël Y... et d'un crédit indu de la Sofils constitutif d'un abus de biens sociaux commis par Joël Y..., sans préciser quelle participation personnelle Anne Y... aurait prise à la soustraction frauduleuse de ces sommes à l'impôt sur le revenu, qui lui était reprochée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles L. 227 du Livre des procédures fiscales et 1741 du Code général des impôts ;
"alors qu'Anne Y... avait fait valoir dans ses conclusions que la cession des droits sur le film "Yo la peor de todas" avait généré une moins-value, non imposable à l'impôt sur le revenu ;
qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que, pour déclarer Anne Y... coupable de fraude fiscale, la cour d'appel, par motifs adoptés, énonce que les époux Y..., pour 1990, n'ont déclaré qu'une somme de 48 102 francs au titre de leurs traitements et salaires, alors que l'examen de leurs comptes bancaires révélait des crédits de plus de 31 000 000 francs ;
Qu'elle révèle qu'ils ont omis, dans leur déclaration, des salaires, des bénéfices résultant de l'activité de conseil de Joël Y..., des crédits bancaires insuffisamment justifiés, la cession d'une partie des droits d'exploitation des époux Y... sur un film, le crédit ouvert pour le financement de ce film par la société Sofib, qui s'analyse comme un détournement de fonds pour lequel Joël Y... a été condamné du chef d'abus de biens sociaux et une somme appréhendée par Anne Y... dans le cadre d'une opération réalisée avec la société Vendôme Université France ;
Que les juges ajoutent que les prévenus ont ainsi éludé près de 8 578 260 francs de droits et que la minoration des revenus, même si elle peut être contestée en partie, reste particulièrement importante ;
Que l'arrêt retient enfin que la dissimulation de ces sommes, provenant d'un emploi rémunéré, d'activités occultes et de la commission d'une infraction, établit le caractère intentionnel des fraudes retenues contre les époux Y... ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs (et, dès lors que le redevable d'un impôt pour le compte d'un foyer fiscal est condamnable au titre de la dissimulation de revenus propres acquis par le conjoint), la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui discute l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits de la cause et de la valeur des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.