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Décisions

Cass. crim., 4 mai 2011, n° 10-85.268

COUR DE CASSATION

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Rognon

Avocats :

Me Foussard, SCP Monod et Colin

Paris, du 2 juill. 2010

2 juillet 2010

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles violation des articles 121-1 du code pénal, 1741 et 1743 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de fraude fiscale au titre de la dissimulation de sommes pour la période du 1er janvier au 30 juin 2003, d'omission de déclaration pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2003 et de passation d'écriture inexacte ou fictive dans un document comptable au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2003 ;

"aux motifs qu'il est reproché à M. X..., ès qualités de gérant de droit de la SARL Home Designer ayant comme activité le négoce en gros et demi-gros de vaisselle et d'articles de la table, d'avoir soustrait la société au paiement de la TVA par minoration de déclarations pour la période du 1er janvier 2003 au 30 juin 2003 et par omission de déclarations pour celle du 1er juillet au 31 décembre 2003 ; qu'il lui est également reproché le délit de passation d'écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables obligatoires pour s'être abstenu de présenter à l'administration fiscale le livre journal et le livre d'inventaire de la société au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2003 ; que le montant de la TVA éludée, visé pénalement, s'élève à la somme totale de 122 806 euros représentant un taux de fraude de 51% ; que devant la cour, M. X... conteste les délits reprochés alléguant avoir délégué à la société Interusines les prérogatives liées à ses fonctions de gérant ; que son conseil ajoute qu'il a été l'homme de paille de son père, M. Jean-Pierre X... qui exerçait la direction effective de la SARL Home Designer ; qu'il soutient, également, que l'élément matériel du délit de fraude à la TVA n'est pas constitué au motif qu'un doute subsiste sur l'origine de certaines factures et que le service vérificateur a écarté, à tort, la déductibilité de la taxe mentionnée sur les factures émises au nom de la société Interusines ; que, cependant, le contrat de prestations de services précité qui est versé aux débats, outre qu'il n'est ni daté ni signé, ne constitue pas une délégation de pouvoirs de nature à exonérer M. X... de sa responsabilité en matière fiscale ; que les prestations de services prévues à ce contrat concernent la préparation des commandes, la réception des marchandises et leur stockage, le traitement des réclamations et des litiges avec les clients liés à la préparation des commandes et au transport ainsi que la facturation et la préparation des bordereaux de remises en banque ou de tout autre établissement financier ; que l'attestation de la comptable de la société Interusines qui indique avoir été chargée de préparer les déclarations fiscales de la société Home Designer n'établit pas d'avantage l'existence d'une délégation de pouvoirs des fonctions de gérant ; qu'en vain également, il est soutenu que M. X... n'a été qu'un simple gérant de paille ; qu'il sera rappelé que lors de son audition par les services de police, l'intéressé a déclaré avoir « été gérant de droit et de fait la société Home Designer » ; que le courrier figurant à la procédure qui a été adressé au prévenu le 19 décembre 2003 par la société Transfact faisant état des dysfonctionnements rencontrés dans la gestion du contrat d'affacturage qu'il a signé le 19 février 2003 pour la société Home Designer et rappelant les engagements qu'il a pris pour le règlement de certaines sommes, corrobore le fait que M. X... a pleinement exercé les attributions, liées à sa fonction de gérant, quelque ait été l'implication de son père dans le fonctionnement de la société ; qu'il en est de même de sa participation aux réunions organisées par les services fiscaux lors de la procédure de vérification, de la lettre datée du 13 septembre 2004 qu'il a adressée à l'administration des impôts pour s'expliquer sur la tenue de la comptabilité de la société et de la réponse qu'il a faite 13 juillet 2005, de manière circonstanciée, à la proposition de rectification, lesquelles attestent de sa parfaite connaissance du fonctionnement de la société et de sa gestion ; que, s'agissant de l'élément matériel du délit de fraude à la TVA, outre que le juge répressif n'est pas le juge de l'assiette ni celui de l'étendue de l'impôt, il sera rappelé que l'infraction est caractérisée dès lors que la dissimulation excède le dixième de la base imposable ou le chiffre de 153 euros ; qu'en l'espèce, M. X... s'est abstenu de déposer toute déclaration pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2003 ; qu'au demeurant, la discussion du prévenu relative à la sincérité des factures émises au nom de la société Interusines et celle concernant les factures au nom des sociétés Eurodream, Générale de fabriques et Promocash qui seraient des factures de fournisseurs, à les supposer avérées, ce qui n'est nullement établi, sont sans incidence compte tenu du montant des sommes concernées et de la TVA collectée au titre d'autres facturations ; qu'enfin, il n'est pas contesté que les livres comptables obligatoires visés à la prévention n'ont pas été remis à l'agent vérificateur ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les délits poursuivis étaient constitués en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, à l'égard de M. X... ;

"1°) alors que la qualité de gérant de droit ne suffit pas à caractériser le caractère intentionnel du délit de fraude fiscale, en l'absence de constatations sur la participation effective et volontaire du gérant, non seulement à la gestion de la société, mais également à la fraude ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est bornée à déduire le caractère intentionnel de la fraude de la connaissance, par M. X..., du fonctionnement de la société et de sa gestion sans procéder à aucune vérification de sa participation effective à la fraude, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que le dirigeant de fait est celui qui s'immisce dans les fonctions de direction d'une société, de façon à exercer, en toute indépendance et à titre habituel, une activité positive de direction et de gestion de celle-ci sous le couvert et aux lieu et place du représentant légal ; qu'en l'espèce M. X... faisait valoir qu'en dépit de sa qualité de gérant de droit, il n'avait aucune autonomie dans les décisions de la société Home Designer à la tête de laquelle il avait été placé par son père, sous le coup d'une interdiction de gérer, à l'âge de 19 ans ; que l'administration fiscale elle-même avait reconnu la gérance de fait exercée par M. Jean-Pierre X... au sein de la société Home Designer ; qu'en se bornant, pour retenir M. X... dans les liens de la prévention de fraude fiscale, à constater qu'il avait participé avec son père aux réunions organisés par les services fiscaux sans rechercher si cette participation ne démontrait pas, au contraire, la totale subordination du jeune homme à son père et partant son absence d'intention frauduleuse, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ;

"3°) alors que M. X... invoquait la délégation de pouvoirs donnée à la comptable de la société Interusines, dirigée par son père M. Jean-Pierre X... ; que la cour d'appel ne pouvait exclure que le prévenu ait délégué ses pouvoirs à ladite société en matière fiscale sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, quels étaient la compétence, l'autorité et les moyens donnés à M. Jean-Pierre X... ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées" ;

Attendu qu'en déclarant Vincent X... coupable de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, par les motifs repris au moyen, qui établissent, sans insuffisance ni contradiction, la participation personnelle du prévenu aux faits poursuivis et l'absence de toute délégation de pouvoir, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais, sur le moyen relevé d'office, pris de l'abrogation du quatrième alinéa de l'article 1741 du code général des impôts ;

Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution, ensemble l'article 111-3 du code pénal;

Attendu, d'une part, qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;

Attendu, d'autre part, que nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir déclaré M. Vincent X... coupable de fraude fiscale et d'omission d'écriture en comptabilité, l'arrêt ordonne, notamment, la publication et l'affichage de la décision, par application des dispositions de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts ;

Mais attendu que ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au journal officiel de la République française le 11 décembre 2010 ;

D'où il suit que l'annulation est encourue ;

Par ces motifs :

ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 2 juillet 2010, en ce qu'il a ordonné la publication et l'affichage de la décision, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.