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Décisions

Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-83.684

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Labrousse

Avocats :

Me Foussard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Montpellier, du 26 avr. 2012

26 avril 2012

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-2 et 121-3 du code pénal et de l'article 1741 du code général des impôts, défaut de motifs, défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt, de dissimulation de sommes et de fraude fiscale ;

"aux motifs que les vérifications, effectuées par les services de l'administration fiscale, de la comptabilité de la société Gardoise de travail temporaire (SGTT) ont fait clairement apparaître des irrégularités dans les déclarations de taxe sur le chiffre d'affaires par minoration de celui-ci engendrant pour le fisc un défaut de versement d'un montant évalué de façon définitive à la somme de 709 208 euros qui constitue l'élément matériel de la fraude et n'est pas contesté par M. X... qui fait valoir l'absence d'élément intentionnel ; qu'il ressort cependant de la procédure que M. X..., gérant de droit de la société Gardoise de travail temporaire , et par conséquent responsable de la gestion de l'entreprise ne pouvait qu'être informé des pratiques de celle-ci, les sommes réellement dues apparaissant au passif du bilan et, par ailleurs, sa connaissance du milieu du travail temporaire ressort clairement du fait de sa gestion des sociétés du groupe société Gardoise de travail temporaire qui comprend dix sociétés de travail temporaire principalement dans le sud de la France ; qu'ainsi, le procédé employé sur plusieurs années par un professionnel du travail temporaire caractérise l'intention de frauder ;

1°) "alors qu'une infraction commise par une personne morale ne peut être imputée à son dirigeant qu'à la condition que soit établie, de sa part, la commission des éléments matériels prévus par la loi ; qu'en décidant que l'élément matériel de l'infraction de fraude fiscale reprochée à M. X... était constitué au seul motif que la comptabilité de la société qu'il dirigeait faisait apparaître une minoration du chiffre d'affaires imposable au titre de la TVA, sans établir qu'il aurait été matériellement l'auteur ou le complice de cette infraction, la cour d'appel a violé les articles 121-2 du code pénal et 1741 du code général des impôts ;

2°) "alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en jugeant que l'élément matériel de l'infraction de fraude fiscale reprochée à M. X... était constitué au motif susvisé sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les fraudes commises pour le compte de la société dont il était le gérant de droit n'avaient pas été commises à son insu par et au seul bénéfice du gérant de fait de cette société, la cour d'appel a violé les articles 121-1 et 121-2 du code pénal et 1741 du code général des impôts ;

3°) "alors qu'en jugeant que l'élément intentionnel de la fraude fiscale reprochée à M. X... était constitué dès lors que celui-ci avait une grande expérience du milieu du travail temporaire, alors que la connaissance de l'activité professionnelle dans le cadre de laquelle une fraude à la TVA a été commise est sans rapport avec la conscience et la volonté d'accomplir cette infraction, la cour, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 121-3 du code pénal et 1741 du code général des impôts ;

4°) "alors que l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant de droit de la société qui s'est soustraite à l'impôt ; qu'en déduisant de sa seule qualité de gérant de droit de la société Gardoise de travail temporaire que M. X... avait eu connaissance de la fraude fiscale commise par cette société, sans s'assurer que cette personne, âgée de 72 ans, avait effectivement dirigé cette société durant la période concernée et que les fraudes comptables à l'origine de l'infraction n'avaient pas été commises par et au seul bénéfice du gérant de fait de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121-1, 121-2 et 121-3 du code pénal et 1741 du code général des impôts" ;

Attendu que, pour déclarer M. X..., dirigeant de droit de la société Gardoise de travail temporaire, coupable de fraude fiscale, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'en l'absence de toute délégation de pouvoirs, le dirigeant légal ou statutaire d'une société doit être tenu pour responsable des obligations comptables et fiscales de l'entreprise, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le demandeur coupable, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1745 du code général des impôts et 132-24 du code pénal ; défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement MM. X..., Y... et la société Gardoise de travail temporaire au paiement des impôts fraudés et à celui des pénalités y afférentes ;

"aux motifs que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour confirmer le jugement sur l'action civile, les premiers juges ayant fait une juste appréciation des conséquences civiles de l'infraction ;

"et aux motifs adoptés que sur l'action civile, l'administration des impôts se constitue partie civile et sollicite du tribunal que MM. X... et Y... soient solidairement tenus avec la société Gardoise de travail temporaire au paiement des impôts fraudés et à celui des pénalités y afférentes ; qu'il convient de faire droit à sa demande ;

1°) "alors que la solidarité prévue par l'article 1745 du code général des impôts est une mesure à caractère pénal ; qu'en condamnant M. X..., au titre de l'action civile, au paiement solidaire de l'impôt fraudé sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, la cour d'appel a violé ce texte ;

2°) "alors que la solidarité prévue par l'article 1745 du code général des impôts est une mesure à caractère pénal ; qu'à ce titre, elle ne peut être prononcée qu'en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'en condamnant M. X..., au titre de l'action civile, au paiement solidaire de l'impôt fraudé sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, sans rechercher si cette sanction pénale se justifiait au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité du prévenu, la cour a violé les articles 1745 du code général des impôts et 123-24 du code pénal ;

3°) "alors qu'en condamnant M. X..., au titre de l'action civile, au paiement solidaire de l'impôt fraudé sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, sans rechercher si cette sanction pénale se justifiait au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité du prévenu et sans apporter le moindre motif à ce chef de décision, la cour a privé sa décision de toute base légale" ;

Attendu que le prononcé de la solidarité relève d'une faculté que les juges tiennent de la loi ;

Que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.