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Décisions

AMF, 19 juillet 2012, n° SAN-2012-11

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

Mme Tric, M. Field, M. Jalenques de Labeau, M. Thouvenel

Président :

M. Hassan

AMF n° SAN-2012-11

18 juillet 2012

La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après :« AMF »),

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14, L. 621-15 et L. 621-18-2 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 212-14, 221-1, 223-1, 223-22, 622-1, 622-2 et 632-1 ;

Vu les notifications de griefs en date du 5 mai 2010, adressées à la société Z, à M. D (ci-après « M. D »), à Mme A, au cabinet X, à M. B, au cabinet Y et à M. C ;

Vu la décision du 22 juin 2010 du président de la Commission des sanctions désignant M. Pierre Lasserre, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 22 juillet 2010 informant les mis en cause de la nomination en qualité de rapporteur de M. Pierre Lasserre et leur rappelant la faculté d’être chacun entendu, à sa demande, conformément à l’article R. 621-39-I. du code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 23 juillet 2010 informant les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois ;

Vu les observations présentées le 25 septembre 2010 par Me Jacqueline Laffont et Me Julien Visconti pour le compte de M. D, d’une part, Mme A, d’autre part ;

La Commission des sanctions

Vu la « note technique », rédigée et signée conjointement par le cabinet X, M. B, le cabinet Y et M. C, déposée par trois courriers séparés le 1er octobre 2010, le premier émanant du cabinet X et de M. B, le deuxième du cabinet Y, et le dernier de l’associé de celui-ci, M. C ;

Vu les procès-verbaux d’audition par le rapporteur, le 7 décembre 2010, de M. C à titre personnel, et du cabinet Y qu’il représentait ;

Vu les éléments complémentaires déposés le 20 décembre 2010 par le cabinet Y à la suite de son audition par le rapporteur ;

Vu les procès-verbaux des auditions par le rapporteur, le 17 janvier 2011, de M. B et du cabinet X, représenté par M. E, dument habilité ;

Vu le procès-verbal de l’audition par le rapporteur, le 18 janvier 2011, de M. D ;

Vu les éléments complémentaires déposés le 9 février 2011 par le cabinet Y ;

Vu la lettre du 15 février 2011 par laquelle les conseils de M. D sollicitent le versement de trois DVD contenant des documents saisis par les enquêteurs de l’AMF chez une banque conseil et non versés au dossier de procédure administrative ;

Vu les observations écrites complémentaires déposées le 3 mars 2011 par Me Olivier Hillel pour le compte du cabinet X et de M. B ;

Vu la lettre du 22 mars 2011 du rapporteur au secrétaire général de l’AMF demandant si celui-ci acceptait de verser les pièces sollicitées par les conseils de M. D dans son courrier du 15 février 2011 ;

Vu la lettre du secrétaire général de l’AMF au rapporteur en date du 15 avril 2011, lui indiquant qu’il ne lui paraissait pas possible de faire droit à la demande de versement de pièces sollicitée par M. D ;

Vu les lettres du 20 avril 2011 du rapporteur aux conseils de M. D les informant du refus du secrétaire général de l’AMF de verser les pièces sollicitées dans leur courrier du 15 février 2011 ;

Vu les éléments complémentaires déposés par courrier du 8 juillet et du 25 octobre 2011 par le cabinet X et M. B ;

Vu les procès-verbaux d’audition par le rapporteur, le 7 décembre 2011, de M. B et du cabinet X, représenté par M. E, dûment habilité ;

Vu le procès-verbal d’audition du 14 décembre 2011 par le rapporteur d’un cabinet d’audit non mis en cause ;

Vu le rapport de M. Pierre Lasserre en date du 31 janvier 2012 ;

Vu la lettre recommandée, avec demande d’avis de réception, du 1er février 2012 portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 15 mars 2012, à laquelle était annexé le rapport signé du rapporteur, adressée à M. F, dernier président du directoire de la société Z, pour les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur désigné, et l’avis de réception du 2 février 2012 ;

Vu la lettre recommandée, avec demande d’avis de réception, du 9 février 2012, portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 15 mars 2012, à laquelle était annexé le rapport signé du rapporteur, adressée à la SCP Moyrand Bally en sa qualité de liquidateur de la société Z pour les intérêts qu’il représente ;

Vu les lettres recommandées, avec demande d’avis de réception, portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 15 mars 2012, auxquelles était annexé le rapport signé du rapporteur, adressées aux autres mis en cause, par courriers du 9 février 2012 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 10 février 2012 informant les mis en cause de la composition de la commission des sanctions lors de la séance et de leur faculté de demander la récusation de l’un des membres de ladite commission ;

Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur, en date du 20 février 2012, formulées dans l’intérêt de M. D, de Mme A, du cabinet X et de M. B ;

Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur déposés le 12 mars 2012 par le cabinet Y et par M. C ;

Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur, datées du 9 mars 2012 et reçues le 13 mars 2012, formulées par Me Bernard Cheysson dans l’intérêt de la société Z représentée par la SCP Moyrand Bally en qualité de liquidateur, pour les intérêts qu’il représente ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 15 mars 2012 :

- M. Pierre Lasserre en son rapport ;

- M. François Gautier, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- Mme Christelle Le Calvez, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. D et ses conseils, Mes Jacqueline Laffont et Julien Visconti ;

- Mme A et ses conseils, Mes Jacqueline Laffont et Julien Visconti ;

- Me Bernard Cheysson, conseil de la SCP Moyrand Bally en sa qualité de liquidateur de la société Z ;

- M. C à titre personnel et comme représentant légal du cabinet Y et leurs conseils, Mes Marc Artinian et Pascal Gug ;

- M. Pierre Dufils représentant le cabinet X muni d’un pouvoir et son conseil, Me Olivier Hillel ainsi que le représentant d’un cabinet d’audit non mis en cause ;

- M. B et son conseil, Me Olivier Hillel ;

les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Z, fondée par M. D, est spécialisée dans la production et la distribution de programmes télévisés. Ses titres étaient négociés sur le compartiment B d’Euronext Paris à partir de 2001 et sur le compartiment C à partir du 21 janvier 2008. Les titres de Z ont été radiés du marché Euronext le 5 janvier 2011.

A l’époque des faits, l’une des filiales importantes de Z est Z’.

La valeur comptable du catalogue des oeuvres détenues par la société Z était évalué dans ses comptes consolidés 2006 à hauteur de 209 millions d’euros dont 45 millions d’encours de production.

A l’occasion d’un projet d’acquisition de la société par un fonds […], fin 2007, deux experts indépendants, mandatés par le fonds, ont évalué le catalogue des oeuvres détenues par la société Z, l’un à 40 millions et l’autre à 80 millions d’euros, ce qui a conduit ce fonds à réviser à la baisse le prix initialement offert, offre qui est demeurée sans suite.

Face à des difficultés de remboursement de prêts octroyés par un tour de table (« pool ») bancaire mené par BNP Paribas, en dépit d’un plan de rééchelonnement du paiement de la dette, M. D a demandé en mars 2008 au Président du Tribunal de commerce de Bobigny, la nomination d’un conciliateur. Cette situation, qui a motivé la demande de suspension des négociations du titre le 31 mars 2008, a été rendue publique le 4 avril 2008.

Aucune offre de reprise n’a prospéré.

Après avoir été placée en redressement judiciaire le 30 décembre 2008, la société Z a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 9 juillet 2010. La société Z a interjeté appel de ce jugement avant de se désister. La Cour d’appel de Paris a pris acte de ce désistement par un arrêt du 18 novembre 2010. la société Z est représentée, pour les besoins de la liquidation, par son mandataire-liquidateur, la SCP Moyrand Bally et, pour les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur désigné, par M. F, dernier président du directoire de la société Z.

Dans le contexte qui prévalait alors, le secrétaire général de l’AMF décidait d’ouvrir, le 19 novembre 2008, l’enquête portant sur « l’information financière et le marché du titre Z à compter du 31 décembre 2006 ». Un rapport a été établi le 26 février 2010 par la Direction des enquêtes et de la surveillance des marchés (ci-après : « DESM ») de l’AMF, après examen des comptes 2006 et 2007.

Le 5 mai 2010, le président de l’AMF a notifié, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, les griefs retenus le 25 mars 2010 par la Commission spécialisée n° 2 du Collège de l'AMF à l’encontre (i) de la société Z, (ii) de Mme A, présidente de directoire de la société Z au moment des faits, (iii) de M. D, en sa qualité de président du conseil de surveillance de la société Z au moment des faits et « de dirigeant opérationnel de fait de la société », (iv) des deux cabinets de commissariat aux comptes de la société Z chargés de la certification des comptes de la société Z, les cabinets Y et X, (v) ainsi que des deux associés cosignataires pour le compte de ces deux cabinets de commissariat aux comptes, respectivement MM. C et B.

En substance, il est reproché à la société Z, à Mme A et à M. D d’avoir, en violation de l’article 223-1 et/ou de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, délivré au public une information non exacte précise et sincère :

- en comptabilisant de façon irrégulière au 31 décembre 2006, des revenus fictifs rattachés à deux contrats non mis en oeuvre : l’un signé avec la société M en novembre 2006 pour un montant de 4 millions d’euros puis résilié le 18 décembre 2006 sans avoir été mis en oeuvre, l’autre portant sur un contrat de cession de droits vidéo conclu le 23 novembre 2006 et ayant été comptabilisé pour 1 million d’euros alors qu’aucune preuve de début de mise en oeuvre n’a été apportée ;

- en valorisant le catalogue de droits audiovisuels à hauteur de 209 millions dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2006, sur le fondement d’hypothèses de revenus futurs non raisonnables incompatibles avec la réalité des recettes d’exploitation attachés aux ventes de droits dans des pays étrangers et en contravention avec les dispositions de la norme comptable IAS 36 ;

- en n’informant pas suffisamment le public de la sensibilité de la principale hypothèse clé du test sur la valeur recouvrable du catalogue ;

- en ne faisant pas mention des conséquences induites par le non respect par la société Z de plusieurs de ses engagements bancaires avec la Société Générale et BNP Paribas.

Il est par ailleurs reproché aux cabinets Y et X ainsi qu’aux associés signataires de ces cabinets titulaires du mandat de commissariat aux comptes, respectivement MM. C et B, d’avoir en violation de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, communiqué une fausse information :

- en certifiant les comptes consolidés au 31 décembre 2006 qui valorisaient le catalogue de droits audiovisuels à hauteur de 209 millions d’euros, valorisation « sans commune mesure avec la valorisation qui aurait résulté de la stricte application de la norme comptable IAS 36 » et en n’informant pas suffisamment le public de la sensibilité de la principale hypothèse clé telle que mise en oeuvre dans le cadre du test sur la valeur recouvrable du catalogue sans demander à la société Z de faire figurer en annexe aux comptes, conformément aux exigences de la norme IAS 36, un complément d’information sur les éléments liés à la sensibilité de l’hypothèse clef ;

- en ne demandant pas à l’émetteur, contrairement aux exigences de la norme IAS 1, dans le cadre de leurs travaux portant sur les dettes financières au 31 décembre 2006, une confirmation quant à la nature des covenants et au respect de ceux-ci à la date de clôture, et en n’émettant pas de réserves sur l’absence de reclassement des dettes contractées avec la Société Générale en dettes courantes dans les comptes 2006.

Par ailleurs, la notification de griefs adressée à M. D lui reproche également d’avoir :

- en violation des articles 621-1 et 622-1 du règlement général de l’AMF, commis un manquement d’initié en cédant un total de 100 000 titres Z entre le 15 juin et le 13 juillet 2007 et ce alors qu’il détenait l’information privilégiée relative au caractère fortement dégradé de la situation financière de la société Z en raison (i) de la différence entre la valeur réelle du catalogue de droits audiovisuels (environ 100 M€) et celle contenue dans les comptes consolidées du groupe (plus de 200 M€) et (ii) de l’annulation le 18 décembre 2006 du contrat de 4 M€ conclu avec la société M, sans que cette annulation n’ait été constatée dans les comptes du groupe ;

- en violation de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier et de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF, manqué à ses obligations déclaratives lui incombant en sa qualité de président du conseil de surveillance pour les cessions précitées ;

- en violation de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, communiqué une information inexacte ou trompeuse notamment dans le document de référence 2006 publié le 13 juin 2007 et dans le rapport du président du conseil de surveillance sur le contrôle interne en indiquant le caractère dual de la gouvernance établissant parfaitement la distinction entre les fonctions de gestion du président du directoire et de contrôle dévolue au conseil de surveillance et ce, alors que M. D a reconnu assumer toutes les fonctions opérationnelles au sein de la société Z.

Par courriers du 25 septembre 2010, des observations ont été déposées pour M. D et Mme A.

Le 1er octobre 2010, le cabinet X, M. B, le cabinet Y et M. C ont déposé une « note technique ».

Le 7 décembre 2010, le rapporteur a procédé, à sa demande, à l’audition de M. C et du cabinet Y.

Par lettre du 20 décembre 2010, le cabinet Y a fait parvenir des éléments complémentaires à la suite de son audition par le rapporteur.

Le 17 janvier 2011, le rapporteur a procédé, à leur demande, à l’audition de M. B et du cabinet X représenté par M. Pierre Dufils, dument habilité.

Le 18 janvier 2011, le rapporteur a procédé, à sa demande, à l’audition de M. D.

Par lettre du 9 février 2011 le cabinet Y a déposé des éléments complémentaires relatifs au classement par le commissaire du gouvernement de la plainte de l’AMF contre le cabinet Y représenté par M. C.

Par lettre du 15 février 2011, M. D a sollicité le versement en procédure de trois DVD contenant des documents saisis par les enquêteurs de l’AMF chez une banque conseil et non versés au dossier de procédure administrative.

Par lettre du 3 mars 2011, le cabinet X et M. B ont fait parvenir des éléments complémentaires à la suite de leur audition.

Par lettre 22 mars 2011, le rapporteur a demandé au secrétaire général de l’AMF si celui-ci acceptait de verser les pièces sollicitées par M. D dans son courrier du 15 février 2011.

Par lettre en date du 15 avril 2011, le secrétaire général de l’AMF a indiqué qu’il ne lui paraissait pas possible de faire droit à la demande de versement de pièces sollicitée par M. D.

Par lettres du 20 avril 2011 le rapporteur a informé les conseils de M. D du refus du secrétaire général de l’AMF de verser les pièces sollicitées dans leur courrier du 15 février 2011.

Par lettre du 8 juillet 2011, le cabinet X et M. B ont fait parvenir des éléments complémentaires, à savoir une étude réalisée par un cabinet d’audit concernant les diligences mises en oeuvre dans le cadre de la certification des comptes consolidés 2006 de la société Z.

Le 7 décembre 2011, le rapporteur a de nouveau entendu le cabinet X et M. B.

Le 14 décembre 2011, le rapporteur a également procédé à l’audition d’un cabinet d’audit non mis en cause.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 1er février 2012, auxquelles était annexé le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 15 mars 2012.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 10 février 2012, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ces lettres leur précisant la faculté de demander la récusation de l’un des membres de cette formation, en application des articles R. 621-39-2 et suivants du code monétaire et financier.

Par lettres du 20 février 2012, Mes Jacqueline Laffont et Julien Visconti ont fait parvenir des observations pour le compte de M. D et de Mme A.

Par lettre du même jour, Me Olivier Hillel a fait parvenir des observations pour le compte du cabinet X et de M. B.

Par lettre du 9 mars 2012 reçue le 13 mars 2012, Me Bernard Cheysson, conseil de la SCP Moyrand Bally, liquidateur, a fait parvenir des observations complémentaires pour le compte de la société Z, pour les intérêts qu’il représente.

Par lettre du 12 mars 2012 reçue le 13 mars 2012, le cabinet Y et M. C ont fait parvenir des observations complémentaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l’information financière communiquée par la société Z

Considérant que les qualités d’exactitude, de précision et de sincérité de l’information s’apprécient à la date à laquelle elle est donnée au public ; que les informations en cause ont été publiées entre le 4 mai 2007 et le 28 janvier 2009 par la société Z, dont les actions étaient alors admises aux négociations sur le marché réglementé d’Euronext Paris ;

Considérant qu’aux termes de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF dans sa rédaction alors applicable, « l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère » ; que cet article est également applicable aux dirigeants de l’émetteur, en vertu de l’article 221-1 de ce règlement ; qu’en application de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF alors en vigueur, « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne au sens de l’article L. 411-1 du code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses » ; qu’aux termes de l’article 212-14 du règlement général de l’AMF, « la signature des personnes physiques ou morales qui assument la responsabilité du prospectus ou du document de référence, de leurs actualisations ou de leurs rectifications est précédée d’une attestation précisant que, à leur connaissance, les données de celui-ci sont conformes à la réalité et ne comportent pas d’omission de nature à en altérer la portée » ; qu’aucun de ces textes n’a été modifié depuis dans un sens plus doux ;

A. Sur la surévaluation de 5 millions d’euros du chiffre d’affaires publié pour l’année 2006

Considérant que, selon les notifications de griefs adressées à Mme A, à M. D et à la société Z, deux faits pourraient avoir contribué à donner au public une image financière « positivement biaisée » de la société Z, conduisant à faire état d’un chiffre d’affaires surévalué à hauteur de 5 millions d’euros dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2006, tels que publiés au BALO du 4 mai 2007 et repris dans le document de référence publié le 13 juin 2007 ; qu’ainsi, en premier lieu, il est reproché une comptabilisation indue d’un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros au titre d’un contrat conclu entre la société Z et la société M en novembre 2006, dans la mesure où, selon les notifications de griefs, ce contrat a été résilié le 18 décembre 2006 sans avoir jamais été exécuté ; qu’en second lieu, il est reproché la comptabilisation indue d’un revenu d’un million d’euros au titre d’un contrat de cession de droits vidéo conclu le 23 novembre 2006 par la société Z avec la société L, dans la mesure où, selon la notification de griefs, il n’est pas démontré que ce contrat a reçu un début d’exécution ; que la notification de griefs estime que cette comptabilisation de revenus fictifs pour 5 millions d’euros a induit une majoration irrégulière du chiffre d’affaires consolidé de 3,5%, une majoration indue du résultat opérationnel courant de 32,6% et une majoration injustifiée de 39,2% du résultat net de la société Z ;

Considérant que, s’agissant du premier contrat, il avait été conclu entre Z’ filiale de la société Z, et la société M le 13 novembre 2006, qu’il avait pour objet la concession de droits d’exploitation littéraire de 18 films et qu’il prévoyait qu’une somme minimum de 4 millions d’euros, qualifiée de « minimum garanti », devrait être versée en plusieurs fois à compter du 1er juin 2007 ;

Considérant qu’il existe manifestement deux versions de ce contrat, avec des incidences différentes en termes de comptabilisation ; qu’aux termes de l’article 4 de la première version, un droit de reproduction était concédé à compter du 1er janvier 2007 et pour une durée déterminée de cinq ans ; qu’il y avait là un obstacle à la reconnaissance d’un revenu au 31 décembre 2006 ; que cette première version est celle qui se trouvait en possession de la société M et, selon les déclarations de Mme A, également en sa possession ; que seule la rédaction de l’article 4 de la seconde version, communiquée aux commissaires aux comptes et, selon les indications de Mme A au service de la comptabilité de la société Z, était différente ; qu’aux termes de cette dernière version de l’article 4, « à partir de la signature du présent contrat [soit le 13 novembre 2006], les droits sont concédés pour une durée illimitée » ; que les commissaires aux comptes ont expliqué que le contrat pouvait s’analyser en « une cession définitive des droits ce qui mécaniquement implique la reconnaissance immédiate du minimum garanti en chiffre d’affaires » ; qu’il n’y avait alors pas d’obstacle, aux termes de la seconde version du contrat, à comptabiliser le minimum garanti, dans les comptes consolidés au 31 décembre 2006 ; que cependant, il convient de constater qu’aux termes d’un protocole d’accord signé le 18 décembre 2006 entre les sociétés Z’ et M, que M. D n’a pas communiqué au service de la comptabilité de la société Z, « le contrat signé en date du 13 novembre 2006, pour des raisons de difficultés de mise en oeuvre, est purement et simplement annulé à la date de ce jour » ; qu’au surplus, M. D a fait valoir lors de son audition par les enquêteurs que la bonne version du contrat était celle en possession de la société M, qui faisait obstacle à la comptabilisation du minimum garanti de 4 millions d’euros dans les comptes consolidés au 31 décembre 2006, et que l’une de ses anciennes salariées « avait dû faire un faux » ; que si M. D a fait valoir en séance qu’il croyait se souvenir qu’il n’avait signé le protocole d’accord qu’au mois de janvier 2007, cette date est indifférente dès lors qu’elle est antérieure à la date d’arrêté des comptes 2006 ; que la circonstance que Mme A indique qu’à sa connaissance, le contrat n’a été « annulé » qu’en 2007 est également indifférente ; qu’ainsi, quelle que soit la version du contrat considérée, l’information financière prenant en compte un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros dans les comptes consolidés de la société Z relatifs à l’exercice clos au 31 décembre 2006 et publiés en mai 2007 n’est pas exacte, précise et sincère ;

Considérant que, s’agissant du second contrat, conclu entre Z’ et la société L le 23 novembre 2006, il s’inscrivait selon les déclarations de la société L dans le cadre d’une relation contractuelle établie qui s’est poursuivie postérieurement au contrat en cause et qu’il n’a été révoqué par acte sous seing privé, signé entre les mêmes parties, que le 10 septembre 2007 ; que force est de constater un décalage entre les stipulations contractuelles et la disponibilité réelle de certains droits ; que, d’un côté, l’article 2 précise que le contrat « prendra effet dans toutes ses dispositions le jour de la première commercialisation du programme et se poursuivra pendant une durée de 7 (sept) ans » ; que l’article 4 de ce contrat précise qu’une somme forfaitaire, le « minimum garanti » de 1 000 000 d’euros qui a été comptabilisé par la société Z au 31 décembre 2006, sera versé à Z’ par la société L, « en contrepartie des droits cédés » ; qu’enfin, l’article 8 du contrat avec la société L précise qu’afin de permettre à la société L d’exercer les droits qui lui sont concédés, « Z’ s’engage à mettre à sa disposition, le jour de signature des présentes, pour chaque programme, le matériel suivant : les BETAS numériques correspondant aux titres cités en annexe […] » ; que d’un autre côté, M. […], fils de M. D et dirigeant de Z’ a reconnu au stade de l’enquête que Z’ s’était aperçue au début de l’année 2007 de ce qu’elle ne disposait pas de tous les droits pour certains titres intéressant particulièrement la société L, ce qui serait, selon M. D, une situation « fréquente dans la profession », que Z’ avait tenté au cours du premier semestre 2007 de remplacer ces titres, avant que la société L ne demande finalement la révocation du contrat sans qu’il n’y ait sans doute jamais eu la moindre livraison ; que le représentant légal de la société L, a confirmé que lorsqu’il avait demandé début 2007 le « master » de la série « Les Cordiers », Z’ lui avait indiqué qu’il y avait un problème de « master » et qu’il a souligné que la date de première commercialisation évoquée par l’article 2 du contrat était la date de remise des « masters » et que tant que ces « masters » n’avaient pas été remis, le contrat ne pouvait prendre effet ; qu’il résulte d’ailleurs des termes mêmes du document de référence 2006 de la société Z que d’autres sociétés étaient identifiées comme ayant des droits sur cette série ; qu’aux termes du paragraphe 8 de la norme IAS 10, « une entité doit ajuster les montants comptabilisés dans ses états financiers pour refléter les événements postérieurs à la date de clôture donnant lieu à des ajustements » et que la découverte de fraude ou d’erreurs constitue un exemple de ces événements aux termes du paragraphe 9 de cette norme ; que pourtant, la société Z, qui a cédé des droits qu’elle ne détenait pas, ce dont elle s’est aperçue dès le mois de janvier ou février 2007 et, en tout cas avant l’arrêté des comptes décidé le 30 mars 2007, n’a pas ajusté ses comptes ni donné une quelconque information au public sur les difficultés rencontrées ; qu’ainsi, le grief relatif à la qualité de l’information communiquée au public lors de la publication des comptes en mai 2007, qui ne tenaient pas compte des difficultés survenues en début d’année 2007 au titre du contrat avec la société L, est caractérisé en tous ses éléments ;

Considérant que, par suite, le chiffre d’affaires consolidé de la société Z a été majoré à tort de 5 millions d’euros, soit environ 3,5% de chiffre d’affaires global et 20% du chiffre d’affaires du secteur distribution ; que dès lors qu’il n’est pas valablement établi que des charges aient été constatées en contrepartie de ces contrats, le résultat a été majoré de la même somme, ce qui est de l’ordre de la moitié du résultat net consolidé 2006 de la société Z ;

Considérant que le manquement aux qualités d’exactitude, de précision et de sincérité que doit revêtir l’information financière publiée en application de l’article 223-1 du code monétaire et financier est imputable sur le fondement de cet article à la société Z, auteur de la communication financière litigieuse ;

Considérant que sur le fondement des articles 221-1 et 223-1 du règlement général de l’AMF, le manquement à la bonne information du public est également imputable à Mme A, alors présidente du directoire depuis 14 ans et par ailleurs directrice financière de la société Z ; qu’en particulier l’absence d’implication personnelle revendiquée par Mme A, qui ne justifie nullement de ce qu’elle ait pu légitimement ignorer le caractère fallacieux des informations délivrées, n’est de nature ni à faire obstacle à la caractérisation du manquement à son encontre ni à limiter sa responsabilité, sauf à tenir compte de ce que son rôle, de fait, n’était pas de nature à lui permettre de contrarier les décisions prises par M. D ;

Considérant qu’il résulte de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, que le manquement caractérisé est également imputable à M. D ; qu’en particulier, celui-ci était le signataire du contrat conclu avec la société M et du protocole d’accord par lequel le contrat initial a été révoqué ; qu’il s’est abstenu d’en informer le service comptabilité de la société Z et qu’il a signé le document visé à l’article 212-14 du règlement général de l’AMF, attestant qu’à sa connaissance, les données du document de référence étaient conformes « à la réalité et ne comportent pas d’omission de nature à en altérer la portée » ; qu’ainsi, M. D savait que l’information communiquée était fausse ;

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B. Sur l’information relative à la valorisation du catalogue de droits audiovisuels dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2006 et à la sensibilité de la principale hypothèse clé, telle que mise en oeuvre dans le cadre du test sur la valeur recouvrable du catalogue de droits audiovisuels

1. Sur la valorisation du catalogue

Considérant qu’un catalogue de droits de production d’oeuvres audiovisuelles et cinématographiques est composé de droits à durée de vie définie qui sont amortissables et d’encours de production ; qu’afin de déterminer s’il y a lieu de constater une dépréciation de la valeur de ces droits, le paragraphe 15 de la norme IAS 36 (« Dépréciation d’actifs ») impose la réalisation d’un test annuel de dépréciation concernant les encours de production alors que le paragraphe 89 de la norme IAS 38 (« Immobilisation incorporelles ») applicables aux immobilisations à durée de vie définie n’impose un tel test que lorsqu’il existe un indice de perte de valeur ; qu’un tel test de dépréciation nécessite de comparer la valeur comptable de ces droits avec leur valeur recouvrable dite « d’utilité » ;

i. Sur le grief notifié à la société Z, Mme A et M. D

Considérant qu’il est fait grief à la société Z, à Mme A et à M. D d’avoir, dans les modalités de ce test de perte de valeur, retenu une valeur d’utilité, fondée sur des hypothèses clés non documentées et incompatibles avec la réalité des recettes d’exploitation attachés aux ventes de droits dans des pays étrangers et « avec les capacités commerciales et logistiques réelles de l’émetteur » ; qu’en retenant une telle valeur d’utilité, supérieure à la valeur comptable, ce qui conduisait à ne pas constater de dépréciation des droits du catalogue, les mis en cause auraient fourni au public dans les comptes consolidés au 31 décembre 2006, publiés le 4 mai 2007, et dans le document de référence 2006, publié le 13 juin 2007, une information « sans commune mesure avec la valorisation qui aurait résulté de la stricte application de la norme comptable internationale IAS 36 en vigueur au moment des faits » ;

Considérant qu’aux termes du document de référence 2006 de la société Z, il est affirmé : « qu’un indice de perte de valeur existe ou non, les écarts d’acquisition et les autres immobilisations incorporelles à durée de vie indéfinie (y compris le catalogue), sont soumis annuellement à un test de perte de valeur » ; qu’ainsi et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère obligatoire du test en application des normes comptables ou sur l’existence d’indices de perte de valeur, et malgré le fait que le catalogue soit improprement qualifié d’immobilisation à durée de vie indéfinie, le public pouvait légitimement s‘attendre à ce qu’un test de dépréciation valide ait été réalisé conformément aux modalités prévues pour ce type de test par la norme IAS 36 ;

Considérant qu’aux termes du paragraphe 33 de cette norme, pour évaluer la valeur d’utilité, l’entité doit établir « les projections de flux de trésorerie sur la base d'hypothèses raisonnables et documentées représentant la meilleure estimation de la direction de l'ensemble des conditions économiques qui existeront pendant la durée d'utilité de l'actif restant à courir » ; que son paragraphe 34 prévoit quant à lui, lorsque cela est approprié, la prise en compte de l’expérience acquise : « La direction évalue le caractère raisonnable des hypothèses sur lesquelles ses projections de flux de trésorerie actuels sont fondées en examinant les causes des différences entre les projections de flux de trésorerie passés et les flux de trésorerie réels. La direction doit faire en sorte que les hypothèses sur lesquelles ses projections de flux de trésorerie actuelles sont fondées concordent avec des résultats réels antérieurs, à condition que les effets d'événements ultérieurs ou de circonstances qui n'existaient pas lorsque ces flux de trésorerie réels ont été générés rendent ceci approprié » ;

Considérant que le document de référence 2006 et le rapport des commissaires aux comptes attiraient l’attention du public sur le fait que « les résultats obtenus résultaient de l’extrapolation du test réalisé sur un échantillon significatif mais non statistique, et dépendaient de la réalisation des prévisions qui présentent toujours un caractère aléatoire. En effet, les estimations de recettes futures, et notamment à l'étranger, qui représentent respectivement 67% et 81% des recettes prévisionnelles des fictions et animations sont susceptibles de varier de façon significative du fait de plusieurs aléas dont notamment l’accueil réservé par le marché aux produits cinématographiques et audiovisuels. Par ailleurs, certaines estimations et hypothèses reposent à ce stade sur un historique d’exploitation limité pour une majorité des oeuvres et sur des territoires non encore exploités » (cote R 337) ;

Considérant que les hypothèses de vente retenues induisaient la réalisation à l’étranger d’environ 66% du chiffre d’affaires du secteur distribution alors que cette part du chiffre d’affaires distribution réalisé en 2005 et 2006 était, aux termes des documents de référence 2005 et 2006, de l’ordre de 15% et ce alors même que les prévisions étaient globalement réalisées sur ces années ;

Considérant qu’ainsi que l’a reconnu l’un des commissaires aux comptes (cote D 15963), la société Z ne justifie pas de façon documentée en quoi l’hypothèse de réaliser environ 66% de son chiffre d’affaires à l’étranger était raisonnable, ni de circonstances nouvelles, comme l’augmentation substantielle de la force de vente, permettant de redonner à cette hypothèse non vérifiée par le passé, un caractère raisonnable ; que la société Z s’est ainsi contentée de reprendre à l’identique l’hypothèse clé de vente à l’étranger - pourtant non réalisée - retenue lors des tests de valeurs réalisés les années précédentes, sans en rediscuter la pertinence ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en retenant une telle valeur d’utilité, supérieure à la valeur comptable, fondée sur une hypothèse clé de vente à l’étranger ni documentée ni raisonnable, l’émetteur a délivré au public dans les comptes consolidés au 31 décembre 2006, publiés le 4 mai 2007, et dans le document de référence 2006, publié le 13 juin 2007, une information non exacte précise et sincère ;

Considérant toutefois, que si les notifications de griefs font état d’une valeur du catalogue d’environ 100 millions d’euros qui a été avancée par M. D lors de son audition, valeur qui aurait été confirmée par deux rapports d’expertise, il n’est pas suffisamment démontré, en l’état du dossier, compte tenu de l’absence d’élément justifiant les déclarations non étayées de M. D - fut-il président du conseil de surveillance de la société Z - que la valeur du catalogue était d’environ « 90/100 » millions d’euros ; que la constatation de ce que la société Z a fortement déprécié son catalogue de 115 millions d’euros dans ses comptes relatifs à l’exercice clos au 31 décembre 2007 ne permet pas de démontrer avec précision la valeur du catalogue dans les comptes au 31 décembre 2006 ni qu’elle était « manifestement surévaluée » ; qu’à l’exception de ce dernier point, le grief sera retenu sur le fondement de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF à l’encontre de la société Z ;

Considérant que sur le fondement des articles 221-1 et 223-1 du règlement général de l’AMF, le manquement à la bonne information du public est également imputable à Mme A, présidente du directoire et directrice financière de la société Z ; qu’en particulier l’absence d’implication personnelle revendiquée par Mme A, qui ne justifie nullement de ce qu’elle ait pu légitimement ignorer le caractère fallacieux des informations délivrées, n’est de nature ni à faire obstacle à la caractérisation du manquement à son encontre ni à limiter sa responsabilité sauf à tenir compte de ce que son rôle, de fait, n’était pas de nature à lui permettre de contrarier les décisions prises par M. D ;

Considérant qu’il résulte de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, que le manquement caractérisé est également imputable à M. D, président du conseil de surveillance de la société Z dont la très grande implication notamment dans la valorisation du catalogue montre, à tout le moins, qu’il savait ou qu’il aurait dû savoir que l’information délivrée était inexacte ou trompeuse ;

ii. Sur le grief notifié aux cabinets X et Y et à MM. B et C

Considérant que, s’agissant des commissaires aux comptes, les cabinets X et Y et leurs associés signataires, respectivement MM. B et C, les notifications de griefs relèvent qu’« en application de la norme IAS 36 dont les commissaires aux comptes, ne pouvaient ignorer la portée, ces derniers auraient, semble-t-il dû, en sus d’attirer l’attention du public par une observation sur l’existence et l’importance de la principale hypothèse, demander à l’émetteur qu’il fasse figurer en annexe aux comptes un complément d’information sur les éléments liés à la sensibilité de cette hypothèse clé » ;

Considérant que la norme 2-420 (« Appréciation des estimations comptables ») prévoyait que « Pour apprécier les hypothèses sur lesquelles se fonde l’estimation, le commissaire aux comptes détermine notamment si ces hypothèses sont raisonnables compte tenu des réalisations des périodes précédentes […] » ; que la norme d’exercice professionnel 540 « appréciation des estimations comptables » homologuée par arrêté du 10 avril 2007 précise qu’ « afin d’identifier et d’évaluer le risque d’anomalies significatives résultant d’estimations comptables, le commissaire aux comptes met en oeuvre des procédures d’audit qui consistent à prendre connaissance : […] du dénouement ou de la réévaluation des estimations comptables de même nature effectuées les années précédentes » ; que dès lors, les diligences mises à la charge des commissaires aux comptes leur imposent de vérifier le caractère documenté des hypothèses retenues par l’émetteur, et leur caractère raisonnable, notamment compte tenu de l’expérience acquise ;

Considérant que M. B a admis devant les enquêteurs savoir que les hypothèses « étaient sans doute volontaristes » (cote D 15967) et a qu’ainsi que l’a reconnu le cabinet d’audit cité par le cabinet X, « Les commissaires aux comptes auraient pu renforcer le poids de leurs observations en rappelant à ce moment là, la part des ventes en France et à l’étranger réalisées en 2006. Ceci dit, ils ont sans doute pensé qu’ils attiraient suffisamment l’attention du public par l’observation qu’ils ont formulée et il est vrai qu’il est toujours plus simple de raisonner a posteriori » (cote D 16759) ; qu’en conséquence, en se contentant de maintenir une observation qu’ils avaient déjà formulée à deux reprises au cours des années précédentes, les commissaires aux comptes n’ont pas agi avec toute la diligence requise afin de s’assurer, conformément à leur mission légale, que l’émetteur avait rempli ses propres obligations ; que le grief est ainsi caractérisé à l’encontre des cabinets X et Y et de MM. B et C ;

2. Sur la sensibilité de la principale hypothèse clé

Considérant qu’il est également fait grief aux mis en cause d’« un manque significatif de précision de l’information relative à la sensibilité de la principale hypothèse clé, telle que mise en oeuvre dans le cadre du test de la valeur recouvrable du catalogue », en contravention avec les paragraphes 116, 118 et 120 de la norme IAS 1 et le paragraphe 134 f de la norme IAS 36 ;

Considérant toutefois que le paragraphe 134 f de la norme IAS 36 qui prescrit de faire figurer la variation de l’hypothèse nécessaire pour que la valeur recouvrable soit égale à la valeur comptable n’est relatif qu’aux goodwill et aux « immobilisations incorporelles à durée d'utilité indéterminée » ; que telle n’est pas la nature juridique d’un catalogue de droits audiovisuels, immobilisation amortissable à durée de vie définie ; que l’obligation de mentionner de façon chiffrée la valeur de l’hypothèse clé pour laquelle la valeur recouvrable était égale à la valeur comptable ne ressort pas expressément des paragraphes 116, 118 et 120 de la norme IAS 1 ; qu’à l’inverse, le paragraphe 120 de cette norme précise que « La nature et l'étendue des informations fournies [en application du paragraphe 116] varient en fonction de la nature des hypothèses et autres circonstances » ; que la violation de la norme IAS 1 n’apparaît pas suffisamment caractérisée sur ce point ; qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré du défaut de mention de la sensibilité de la principale hypothèse clé sera écarté ;

C. Sur l’absence de mention des conséquences induites par le non-respect de plusieurs des engagements bancaires de la société Z

Considérant que les notifications de griefs adressées à la société Z, à M. D et à Mme A, concernent les comptes consolidés au 31 décembre 2006 publiés au BALO le 4 mai 2007, ainsi que ceux consolidés au 31 décembre 2007 publiés au BALO le 12 novembre 2008 ; qu’elles exposent qu’en application de la norme IAS 1, ses défaillances contractuelles devaient conduire la société Z à reclasser en dettes courantes des dettes évaluées à 14 millions d’euros au titre des encours Société Générale et 38 millions d’euros au titre des prêts souscrits auprès de BNP Paribas ; que ce reclassement aurait selon les notifications de griefs conduit à constater une augmentation dans les comptes consolidés de 19% des dettes financières courantes au 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007 s’agissant des dettes Société Générale et 48% des dettes financières courantes au 31 décembre 2007 s’agissant des dettes BNP Paribas ; que les notifications de griefs concluent que « l’absence de reclassement en dettes courantes des encours bancaires Société Générale et BNP Paribas ayant subi des ruptures de covenants [ou engagements contractuels à l’égard des prêteurs] n’a pas mis le public en mesure d’appréhender l’exacte situation financière de Z en présentant des comptes inexacts, positivement biaisés » ;

Considérant qu’il résulte de la norme IAS 1 § 65 dans sa rédaction applicable à l’époque des faits que « Lorsqu'une entité n'a pas respecté un engagement prévu dans le cadre d'accords d'emprunt à long terme, avant ou à la date de clôture, avec pour effet de rendre le passif remboursable à vue, ce passif est classé en tant que passif courant, même si le prêteur a accepté, après la date de clôture mais avant l'autorisation de publication des états financiers, de ne pas exiger le paiement à la suite de ce manquement. Le passif est classé en tant que passif courant parce qu'à la date de clôture, l'entité ne dispose pas d'un droit inconditionnel de différer le règlement de ce passif pendant au moins douze mois à compter de cette date » ;

Considérant que les prêts en cause ont été conclus, d’une part, avec la Société Générale, en août 2005, pour un montant de 8 millions d’euros, porté à 14 millions d’euros début 2006, et, d’autre part, avec un syndicat mené par BNP Paribas, le 28 juillet 2006, pour un montant pouvant aller jusqu’à 38 millions d’euros ; que ces dettes étaient donc agrégées sur la ligne « dettes non courantes » pour les montants dus à échéance supérieure à douze mois, et que le montant des remboursements dus à échéance inférieure à douze mois figurait sur la ligne « dettes financières courantes » ;

Considérant en premier lieu que, s’agissant des comptes consolidés pour l’exercice clos le 31 décembre 2006 et de la dette contractée auprès de la Société Générale, la somme de 14 millions d’euros figurait pour sa totalité en dettes financières non courantes, n’étant en principe pas exigible dans un délai de douze mois ; que cependant, la Société Générale informait le 30 avril 2007 M. D de ce que l’examen des comptes 2006 montrait que les « covenants financiers sur le financement moyen terme de 14 meuros (…) (Endettement financier net/EBITA et EBITA Net interest cover) » (cote R 1455) n’étaient plus respectés ; que M. D a d’ailleurs reconnu dans ses observations en réponse à la notification de griefs, avant de tenter de minimiser la portée de ses déclarations, que les covenants bancaires n’avaient pas été respectés au 31 décembre 2006, seule date qui importe pour la question du reclassement dans les comptes clos au 31 décembre ; que c’est en raison du bris de covenants intervenu le 31 décembre 2006 et constaté en avril 2007, que la Société Générale et la société Z ont commencé des négociations autour d’un avenant au printemps 2007, conditionnant l’accord par la Société Générale de levée de défaut, même si, selon la Société Générale, « cet avenant n’a jamais été signé dans la mesure où l’information nécessaire à sa mise en place n’a jamais été considérée comme satisfaisante » par la banque ; qu’en application de l’article 15.2 de la convention de crédit signée en 2005 par la société Z, telle que modifiée en janvier 2006 pour porter la ligne de crédit à 14 millions, le non-respect d’un engagement par la société Z permettait à la Société Générale d’exiger par anticipation, si elle le souhaitait, toutes les sommes dues au titre du contrat ; que dès lors, la société Z ne disposait pas « d’un droit inconditionnel de différer le règlement du passif pour au moins douze mois à compter de la date de clôture » et devait donc procéder, en application de la norme IAS 1 § 65 au reclassement correspondant ; qu’il importe peu que le reclassement ait eu ou non une incidence significative, dès lors que l’information communiquée n’était pas exacte, précise et sincère ; que d’ailleurs, la notification de griefs précise que le reclassement aurait entraîné une augmentation de 19% des dettes financières courantes ; que l’information communiquée sur ce point n’était pas exacte, précise et sincère ;

Considérant en second lieu, s’agissant des comptes pour l’année 2007, que le non-respect des échéances et l’absence de reclassement des dettes Société Générale et BNP Paribas ne sont pas contestés ; que plus précisément, les comptes consolidés arrêtés au 31 décembre 2007 et publiés près d’un an plus tard font état de ce que « les sociétés Z et Z’ se sont retrouvées dans une situation tendue de trésorerie qui n’a pas permis au groupe de faire face à ses échéances bancaires en décembre 2007 » ; qu’il vient d’être dit que la dette Société Générale devait être reclassée ; que s’agissant de la dette BNP Paribas, si le défaut de paiement de l’échéance du 20 décembre 2007 n’entraînait pas l’exigibilité à vue de la totalité du prêt -un délai de 15 jours étant prévu pour régulariser ou pour se concerter sur les moyens de remédier au défaut (art. 15.2) - ce délai ne conférait pas à la société Z « un droit inconditionnel de différer le règlement de ce passif pendant au moins douze mois à compter de cette date » ; qu’ainsi qu’il ressort des stipulations de l’article 15, du nouvel échéancier octroyé et des termes mêmes du rapport des commissaires aux comptes, c’est bien l’intégralité du montant des sommes dues qui devait être reclassée ; que ce montant s’élevait selon le rapport des commissaires aux comptes à 38,905 millions d’euros (au titre des dettes Société Générale et BNP Paribas) ; qu’il importe peu au stade de la caractérisation du manquement, que l’observation des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés 2007, selon laquelle la société aurait en conséquence dû reclasser l’intégralité des dettes en dettes courantes, était suffisante pour mettre le public en mesure d’appréhender les difficultés financières de la société Z ; qu’en effet, la société Z, est le débiteur au premier chef de l’obligation de donner au public une information exacte, précise et sincère ;

Considérant en conséquence, que l’absence de reclassement des dettes non courantes en dettes courantes dans les comptes 2006 et 2007 a pu donner une image biaisée de la situation financière de la société Z ; que dès lors, le manquement est caractérisé et imputable dans mêmes conditions que le grief tiré de la surévaluation de la valeur du catalogue (point I B 1 i de la présente décision) à la société Z, et Mme A, ainsi qu’à M. D qui savait ou aurait dû savoir que l’information relative aux covenants était inexacte ou trompeuse au sens de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF ;

Considérant par ailleurs, pour les seuls comptes consolidés de l’année 2006 et s’agissant du prêt conclu par la société Z avec la Société Générale, que des notifications de griefs ont également été adressées aux commissaires aux comptes au motif qu’ils auraient dû, en application de la norme comptable IAS 1 dont ils ne pouvaient ignorer la portée, « demander à l’émetteur, dans le cadre de leurs travaux portant sur les dettes financières au 31 décembre 2006, des garanties quant à la nature des covenants et quant à leur respect à la date de clôture » ; qu’en l’absence de ces diligences, « le rapport des commissaires aux comptes portant sur les comptes consolidés au 31 décembre 2006 a contribué à donner au public une image faussée de la capacité de la société à honorer ses engagements financiers » et « en l’absence de réserve émise sur le défaut de reclassement des dettes Société Générale en dettes courantes dans les comptes 2006, l’opinion des commissaires aux comptes pourrait en conséquence être analysée comme la diffusion d’une fausse information » ;

Considérant que la question posée concerne la communication par les commissaires aux comptes d’une fausse information au sens de l’article 632-1, alors qu’ils savaient ou qu’ils auraient dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses ;

Considérant que pour établir ce manquement, il est principalement reproché aux commissaires aux comptes par les notifications de griefs de ne pas avoir demandé à l’émetteur, dans le cadre de leurs travaux sur les comptes consolidés pour l’exercice clos le 31 décembre 2006, des garanties quant à la nature des covenants et quant à leur respect à la date de clôture ;

Considérant cependant qu’une lettre d’affirmation de l’émetteur en date du 12 juin 2007 et signée par M. D atteste que toutes les clauses de type covenants étaient respectées pour l’exercice clos au 31 décembre 2006 ; que de surcroît, les commissaires aux comptes ne se sont manifestement pas contentés de cette lettre d’affirmation ; qu’en effet, il est établi qu’ils ont délivré, à la demande de la société Z, une attestation concernant le respect des covenants dans le prêt BNP Paribas, dont le nominal constituait l’essentiel du poste « dettes financières non courantes », et s’avérait bien supérieur au montant du prêt contracté avec la Société Générale ; que les commissaires aux comptes expliquent ainsi que le poste « dettes financières non courantes » ne constituait pas une zone de risque en 2006 pour la société Z, qui disposait de 31 millions d’euros de liquidités figurant en trésorerie ; qu’il n’est pas établi que les diligences des commissaires aux comptes, qui ont porté sur le prêt le plus important, étaient insuffisantes ; que dès lors, le grief qui leur a été notifié doit être écarté ;

II) Sur les autres griefs notifiés à M. D

A. Sur le manquement d’initié

Considérant que la notification de griefs reproche à M. D la vente de 100 000 actions Z du 15 juin 2007 au 13 juillet 2007, alors qu’en sa qualité de président du conseil de surveillance et de « dirigeant opérationnel de fait » de la société, il possédait une information privilégiée relative à la dégradation de l’activité et de la situation financière de la société, « information négative dont le public n’a été tenu informé qu’à l’occasion de la publication du communiqué de presse du 21 avril 2008 » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, (…) pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, cette obligation d’abstention s’applique notamment à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ;

1. sur le caractère privilégié de l’information

Considérant, qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés.

Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés.

Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;

Considérant que l’information en cause est relative à la situation financière de la société Z, qui selon la notification de griefs était fortement dégradée lorsque M. D a cédé ses titres ; que pour établir cette dégradation, la notification de griefs s’appuie sur deux éléments :

- le fait que le catalogue de droits audiovisuels était valorisé dans les comptes consolidés 2006 du groupe pour plus de 200 millions d’euros, alors que sa valeur réelle avoisinait les 100 millions d’euros ;

- l’ « annulation » du contrat avec la société M de 4 millions d’euros le 18 décembre 2006, étant précisé que cette « annulation » n’a pas été constatée dans les comptes consolidés au 31 décembre 2006 ;

Considérant qu’ainsi qu’il l’a été dit plus haut, le premier élément n’est pas suffisamment établi ; qu’en revanche, concernant le second élément, il résulte de ce qui précède, que les 4 millions d’euros ont été comptabilisés à tort dans les comptes consolidés 2006 ; que pour mémoire, la notification de griefs précise à propos de l’incidence du contrat M et du contrat L sur l’information financière communiquée que la comptabilisation de ces deux contrats, dont le contrat M représente les 4/5e, a permis une majoration de 32,6% du résultat opérationnel consolidé publié et une majoration de 39,2% du résultat opérationnel consolidé publié, étant précisé que le résultat opérationnel courant dégagé par le secteur Distribution aurait été négatif de 1,297 million d’euros sans cette surévaluation ; que le résultat consolidé net qui a été annoncé au public était de 8,354 millions d’euros ; que l’information selon laquelle la situation financière de la société Z était fortement dégradée était ainsi suffisamment précise à compter du 4 mai 2007, date de publication des comptes incluant la fausse information ;

Considérant que l’information ainsi décrite était non publique et l’est demeurée jusqu’au communiqué de presse du 29 avril 2008, lorsque le public a eu connaissance de la résiliation des contrats M et L pour cause de difficultés d’exécution ;

Considérant que l’information précise et non publique en cause était susceptible, si elle avait été rendue publique, d’avoir une influence sensible sur le cours de Z, un investisseur raisonnable en ayant connaissance étant susceptible de l’utiliser comme l’un des fondements de sa décision d’investissement ;

Considérant qu’il résulte de ces éléments que l’information relative à la forte dégradation de la situation financière de la société Z a revêtu, à compter du 4 mai 2007 et jusqu’au 29 avril 2008, toutes les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;

2. sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée par M. D

Considérant qu’ainsi qu’il l’a été dit plus haut, M. D, président du conseil de surveillance de la société Z, a signé le contrat avec la société M au mois de novembre 2006 ainsi que le protocole d’accord qui en portait révocation le 18 décembre 2006 ; que, responsable du document de référence 2006, il a signé à ce titre une attestation selon laquelle les informations contenues dans ce document étaient, à sa connaissance, conformes à la réalité et ne comportaient pas d’omission de nature à en altérer la portée ; qu’il détenait donc à compter du 4 mai 2007 l’information privilégiée selon laquelle la situation financière était fortement dégradée du fait qu’une somme de 4 millions d’euros avait été comptabilisé à tort au 31 décembre 2006 ;

Considérant que M. D est intervenu sur les titres de la société Z du 15 juin 2007 au 13 juillet 2007, alors qu’il détenait l’information privilégiée en sa qualité de président du conseil de surveillance ; qu'est ainsi établie la matérialité des faits constitutifs du manquement d'initié ;

Considérant qu’aucun des arguments avancés par le mis en cause pour sa défense ne permet de montrer que l’utilisation de l’information privilégiée qu’il détenait n’a pas porté atteinte à la finalité de la directive 2003/6/CE concernant les abus de marché, qui consiste à protéger l’intégrité des marchés financiers et à renforcer la confiance des investisseurs ; qu’aucun de ces arguments ne constitue par ailleurs, contrairement à ce que soutient le mis en cause, un « motif impérieux » pouvant exonérer le mis en cause de sa responsabilité au titre du manquement commis ; qu’ainsi, le fait que ses cessions étaient récurrentes depuis 2005 et n’ont pas présenté cette année-là un caractère excessif ou inhabituel, ou qu’elles avaient pour but de permettre à M. D de financer sa vie quotidienne ne permet ni de les justifier, ni de l’exonérer de sa responsabilité au titre du manquement commis ; que de même, l’affirmation selon laquelle les cessions étaient réalisées dans l’intérêt social de la société Z n’est, en tout état de cause, pas démontrée ; qu’enfin, M. D avait tout loisir, à compter du 4 mai 2007, de rendre publique à tout moment, l’information selon laquelle le contrat avec la société M avait donné lieu à une comptabilisation indue de 4 millions d’euros dans les comptes au 31 décembre 2006 ;

Considérant en conséquence que le manquement à l’obligation de s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée est constitué en tous ses éléments à l’encontre de M. D, qui a cédé 100 000 actions Z du 15 juin 2007 au 13 juillet 2007 pour un montant total estimé dans la notification de griefs à 1 783 039 euros, en violation de l’obligation d’abstention qui était la sienne ;

B. Sur l’absence de déclaration par M. D des cessions litigieuses

Considérant que, selon les termes de la notification de griefs, les cessions des 15 juin 2007, 25 juin 2007, 11 juillet 2007 et 13 juillet 2007, pour un produit de vente estimé par la notification de griefs à 1 783 039 euros, n’ont pas été déclarées à l’AMF, ce qui pourrait constituer un manquement aux articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF relatives aux obligations de déclaration des opérations réalisées par les dirigeants sur les titres de leur société ;

Considérant qu’il résulte des articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF qu’en tant que membre du conseil de surveillance, le président du conseil de surveillance d’une société française dont les actions sont admises aux négociations sur le marché réglementé national doit déclarer à l’AMF, par voie électronique et dans un délai de cinq jours, les cessions d’actions de cette société auxquelles il a procédé ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que M. D, président du conseil de surveillance de la société Z, n’a pas déclaré les cessions d’actions Z auxquelles il a procédé en juin et juillet 2007 ;

Considérant dès lors, que faute d’avoir procédé à une telle déclaration, le manquement aux articles L. 621-18-2 du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF, qui est de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché au sens de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier, est caractérisé, peu important que M. D ait pensé qu’il incombait au prestataire de services d’investissement d’effectuer ses déclarations ;

C. Sur l’information relative à la gouvernance de la société Z

Considérant que la lettre de notification de griefs reproche à M. D d’avoir, dans le document de référence 2006 publié le 13 juin 2007 et dans le rapport annuel 2007, « sciemment diffusé » « une information relative au caractère dual de la gouvernance de la société du Groupe Z », établissant la distinction entre présidence du directoire et conseil de surveillance, alors qu’en fait, M. D a reconnu assumer toutes les fonctions opérationnelles ; que ces faits pourraient constituer, selon l’autorité de poursuite, un manquement à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF ;

Considérant que le document de référence 2006 publié en 2007 précise que M. D est président du conseil de surveillance de la société Z et que Mme A est présidente du directoire ; que si le rapport du président du conseil de surveillance dans le document de référence 2006 indique que « la forme anonyme à directoire et conseil de surveillance [est] une forme juridique qui favorise la séparation entre la direction de la société et le contrôle de cette direction », M. D était cependant extrêmement présent et, ainsi qu’il le reconnaît, y compris lors de la séance de la Commission des sanctions, prenait toutes les décisions opérationnelles ;

Considérant toutefois que le rôle joué par M. D, fondateur du groupe éponyme, n’a pas été ignoré du public ; qu’en effet s’il n’était pas désigné comme le seul « homme clé » du groupe, il était le seul à être nommément cité dans le paragraphe traitant du risque sur les hommes clés ; que ce paragraphe précisait que « son expérience et sa connaissance des marchés français et étrangers ainsi que ses relations avec les chaînes internationales sont un atout majeur de la société en ce qui concerne la production et la distribution » ; qu’en outre, le mis en cause était responsable du document de référence, ce qui peut témoigner d’une certaine implication dans les affaires de la société ;

Considérant dès lors, en tout état de cause, que le grief tiré du que fait que M. D aurait « sciemment diffusé » « une information relative au caractère dual de la gouvernance de la société » Z n’est pas suffisamment caractérisé concernant le document de référence 2006 ; qu’il doit donc être écarté ;

Considérant que le grief concernant le rapport annuel 2007, publié le 28 janvier 2009 n’est pas davantage caractérisé ;

SANCTIONS ET PUBLICATION DE LA DECISION

I) Sur le quantum de la sanction

Considérant qu’en application de l’article L. 621-15 III c) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 30 décembre 2006 et 6 août 2008, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés, est encourue ; que pour les faits postérieurs, et jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de régulation bancaire et financière le 24 octobre 2010, le plafond de la somme forfaitaire est de 10 millions d’euros ; que, parmi les manquements retenus ci-dessus, seul celui relatif au non reclassement des dettes non courantes en dettes courantes dans les comptes de 2007 résultent de faits commis postérieurement au 6 août 2008 ;

Considérant que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ; que pour l’appréciation de la gravité des manquements, la Commission peut prendre en compte le degré de responsabilité de chacun des mis en cause dans les manquements qu’ils ont commis ;

Considérant que les manquements à la bonne information du public commis par la société Z sont multiples et ont gravement porté atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché en raison notamment de la surévaluation du chiffre d’affaires de la société ; qu’il y a lieu néanmoins de tenir compte de ce que la société Z est en liquidation judiciaire ; qu’en conséquence, il sera prononcé une sanction de 100 000 euros à l’encontre de la société Z ;

Considérant que les manquements commis par M. D sont multiples ; qu’ils ont trait à l’information du public, à l’utilisation d’une information privilégiée et au non-respect de l’obligation de déclarer les transactions réalisées sur le titre Z, étant précisé que les transactions non déclarées ont précisément été réalisées en utilisant une information privilégiée ; qu’il est en outre établi que M. D savait que l’information relative au chiffre d’affaires dans les comptes consolidés au 31 décembre 2006 était fausse ; qu’en conséquence, il sera prononcé une sanction de 1 600 000 euros à l’encontre de M. D ;

Considérant que les manquements à la bonne information du public commis par Mme A, présidente du directoire de la société Z, sont multiples et ont gravement porté atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché en raison notamment de la surévaluation du chiffre d’affaires de la société ; que, pour la fixation du montant de la sanction, il sera cependant tenu compte de son rôle qui, de fait, n’était pas de nature à lui permettre de contrarier les décisions prises par M. D ; qu’en conséquence, il sera prononcé une sanction de 100 000 euros à l’encontre de Mme A ;

Considérant que les cabinets X et Y et leur associés signataires, respectivement MM. B et C, ont omis de vérifier le caractère documenté et raisonnable des hypothèses retenues par l’émetteur ; que M. B a même admis devant les enquêteurs que les hypothèses « étaient sans doute volontaristes » (cote D 15967) ; que dès lors le manquement à la bonne information du public ainsi commis par les commissaires aux comptes qui se sont contentés de maintenir une observation qu’ils avaient déjà formulée à deux reprises au cours des années précédentes sans tenir compte de l’expérience acquise, revêt une particulière gravité ; qu’en conséquence, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en prononçant à l’encontre des cabinets X et Y une sanction de respectivement 150 000 et 50 000 euros et à l’encontre de MM. B et C une sanction de 50 000 euros chacun ;

II) Sur la publication

Considérant que la publication de la présente décision n’est pas de nature à perturber gravement les marchés financiers ou à causer un préjudice disproportionné aux personnes sanctionnées ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Jean-Claude Hassan, par Mme Marie-Hélène Tric, MM. Bernard Field, Guillaume Jalenques de Labeau et Joseph Thouvenel, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DÉCIDE DE :

- prononcer à l’encontre de Mme A une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. Dune sanction pécuniaire de 1 600 000 € (un million six cent mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de la société Z une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

- prononcer à l’encontre du cabinet X une sanction pécuniaire de 150 000 € (cent cinquante mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

- prononcer à l’encontre du cabinet Y une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.