AMF, 14 décembre 2012, n° SAN-2012-21
AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Membres :
Mme Tric, M. Jalenques de Labeau, M. Thouvenel
Président :
M. Hassan
La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») ;
Vu le code monétaire et financier dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, notamment, l’article L. 214-3, repris en substance aux articles L. 214-9 et L. 214-24-1, et les articles L. 214-1, L. 533-1, L. 533-2, L. 533-4, L. 533-11, L. 621-15 ;
Vu le règlement général de l'AMF dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, notamment, les articles 322-12 et 322-15, repris en substance aux articles 313-1, 313-54, 313-60 et 313-61, l’article 411-34, repris par l’article 412-2-2, l’article 411-50, repris en substance à l’article L. 533-12 du code monétaire et financier, et les articles 214-4, 214-35, 313-20, 314-3, 314-11, 322-31, 322-33, 411-45, 411-45-1 et 411-113 ;
Vu le relevé de décision de la Commission des opérations de bourse, publié en avril 2003, portant notamment sur « les procédures de sélection et de suivi des investissements » ;
Vu les notifications de griefs adressées le 9 août 2011 à la société OFI Asset Management et à MM. A et B ;
Vu la décision du 19 septembre 2011 de la présidente de la Commission des sanctions désignant M. Bernard Field, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 28 septembre 2011, informant les mis en cause de la nomination de M. Bernard Field en qualité de rapporteur et leur rappelant par ailleurs la faculté de demander la récusation du rapporteur, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-2 et suivants ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 27 septembre 2011, informant les mis en cause de leur faculté d’être d’entendus par le rapporteur, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;
Vu les observations écrites présentées le 1er décembre 2011 par Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot pour le compte de la société OFI Asset Management en réponse à la notification de griefs ;
Vu les observations écrites présentées le 22 mai 2012 par Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot pour le compte de MM. A et B en réponse à la notification de griefs ;
Vu les procès-verbaux d’audition par le rapporteur, le 6 juin 2012, de la société OFI Asset Management prise en la personne de son directeur général, M. A, de M. A à titre personnel et, le 3 juillet 2012, de M. B à titre personnel ;
Vu les documents adressés par porteur, les 26 juin et 12 juillet 2012, par les mis en cause au rapporteur ;
Vu le rapport de M. Bernard Field du 30 juillet 2012 ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 31 juillet 2012 de convocation des mis en cause à la séance de la Commission des sanctions, auxquelles était annexé le rapport signé du rapporteur ;
Vu les lettres du 28 août 2012 informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions pour la séance et du délai de quinze jours dont ils disposaient pour demander la récusation d’un ou plusieurs des membres de cette Commission ;
Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur en date du 31 août 2012 déposées par Maître Catherine Ottaway, pour le compte de MM. A et B ;
Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur en date du 31 août 2012 déposées par Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot, pour le compte de la société OFI Asset Management ;
Vu lettre du 13 septembre 2012 adressée au président de la 2ème section de la Commission des sanctions par Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot, pour le compte des mis en cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu au cours de la séance du 20 septembre 2012 :
- M. Bernard Field, rapporteur, en son rapport ;
- M. Pierre Chabrol, représentant du directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;
- M. Alexandre Musnier, représentant le Collège de l’AMF;
- Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot, conseils de la société OFI Asset Management ;
- Maître Catherine Ottaway, conseil de MM. Aet B ;
les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.
1 FAITS ET PROCEDURE
1. Présentation de la société OFI ASSET MANAGEMENT
a- Activités
La société OFI ASSET MANAGEMENT (ci-après « OFI AM »), créée en 1971, est une société de gestion de portefeuille de type 1, agréée le 15 juillet 1992 sous une autre dénomination par la Commission des opérations de bourse. Outre la gestion de portefeuille pour le compte de tiers et la gestion collective, elle exerce à titre accessoire l’activité de commercialisation d’organismes de placement collectif tiers et le service de conseil en investissement.
Elle dispose à ce jour des programmes d’activité spécifiques suivants :
- « instruments financiers à terme complexes » agréé le 8 août 2004 ;
- « gestion alternative indirecte » agréé le 31 décembre 2006 ;
- « OPCVM contractuels » agréé le 31 décembre 2006 ;
- « OPCVM à règles d’investissements allégées » agréé le 20 mars 2008.
b- Evolution de la structure du capital
Au début de 2007, la société OFI AM était une filiale de la société OFIVALMO, qui, au mois de juin 2007, a fait l’objet d’une réorganisation dans le cadre d’une acquisition avec effet de levier (Leveraged Buy Out, ci-après « LBO ») selon les modalités détaillées dans un protocole d’investissement formalisé le 6 juin 2007 et aux termes duquel OFI AM a été cédée, d’une part à 60% à OFI Instit, société détenue à parité par la Matmut et la Macif, et d’autre part à 40% aux dirigeants et salariés d’OFI, à travers la société OFI Res.
Dans le cadre du financement de cette opération, la société OFI Instit a émis 602 460 obligations convertibles (ci-après « OC ») d’une valeur nominale de 4 €, le 30 juin 2007. Ces obligations ont été souscrites à hauteur de 482 460 titres par des dirigeants, dont la liste était fixée par le protocole d’investissement, et par d’autres salariés du groupe OFI AM. Les 120 000 OC restantes ont été souscrites par un fonds commun de placement à risque (ci-après « FCPR ») à procédure allégée, dénommé OFI Investir.
En 2009, OFI Instit a racheté 100% d’OFI Res, qui détient désormais 100% du capital d’OFI AM. OFI Instit, devenue OFI Holding, est aujourd’hui détenue à 66% par la Macif et à 34% par la Matmut.
c- Les dirigeants
A l’époque des faits, le président du conseil d’administration de la société OFI AM était M. […], président de la […]et le vice-président du conseil d’administration était M. […], président de la […].
Le directeur général d’OFI AM était M. A, toujours en fonction, assisté de deux directeurs généraux délégués : M. B et Mme C
Les deux dirigeants en charge de l’orientation de la société au sens de l’article 312-6 du règlement général de l’AMF étaient MM. A et B.
Ainsi que cela a été rappelé par la société lors de son audition, à laquelle elle était représentée par son directeur général, son organisation interne était la suivante :
« Sur l'organisation, le directeur général est assisté d'un COMEX composé :
- de deux directeurs généraux délégués. A l'époque des faits, les deux directeurs généraux délégués étaient M. B, en charge de la stratégie et de la multigestion, et Mme C qui était en charge du développement durable et de l'ISR [investissement socialement responsable] ;
- du secrétaire général chargé des ressources humaines, des finances, du juridique ainsi que des assurances ;
- du directeur des opérations en charge du middle office, du contrôle des risques et de l'informatique ;
- du responsable du développement en charge de toute la commercialisation (tous produits) ;
- de deux directeurs des gestions.
Le COMEX se réunit une fois par semaine ».
« La multigestion avait chaque semaine un comité de suivi des activités de multigestion traditionnelles et alternatives qui suivait les performances et la vie des fonds et des sous-jacents. Il était présidé et animé par M. B, et composé de M. […], et des différents gérants. M. B avait l'information nécessaire pour informer la direction générale ou le COMEX. Ce comité avait pour mission de répondre aux questions qui pouvaient se poser à la multigestion. Cela contribuait au suivi permanent de l'activité.
La multigestion alternative: l'investissement dans de nouveaux fonds, en 2005, était soumis au programme d'activité de 2004 qui prévoyait un processus quantitatif et qualitatif et un comité des risques qui vérifiait si le contrôle quantitatif et qualitatif avait été fait. Ce comité était animé par le directeur des risques, M. […].
Il était composé de M. E d'un juriste spécialisé de la direction juridique et d'un représentant de l'audit et du contrôle interne. Ce comité s'appelait « comité des risques ». Après le processus d'analyse quantitative et qualitative qui était effectué par les services et l'analyse effectuée par le juridique sur le respect des 13 critères, le comité des risques vérifiait ces éléments et donnait un avis favorable ou défavorable sur l'investissement. M. E rapportait au directeur de la multigestion, M. F, qui rapportait lui-même à M. B. En cas d'avis défavorable, l'investissement n'était pas réalisé. Quand l'avis favorable était donné, le comité fixait les limites d'investissement ».
d- Le volume des encours
En 2008, OFI AM a déclaré, dans sa fiche de renseignements annuels, gérer un encours de 5,94 milliards d’euros au titre de la gestion collective, encours constitué exclusivement de fonds français, et a indiqué que, pour cette même année, les mandats de gestion représentaient 438 millions d’euros.
e- L’activité de gestion alternative indirecte
La gestion alternative indirecte ou multigestion alternative consiste, pour une société de gestion, en la création puis en la gestion d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (ci-après « OPCVM ») qui investissent dans des fonds sous-jacents, communément appelés « hedge funds », dont la gestion déroge aux principes classiques de répartition des risques. Ces stratégies de gestion d’actifs visent une performance décorrélée des indices de marché.
Le pôle de multigestion alternative d’OFI AM était composé, lors de la découverte de la « fraude G » en décembre 2008, de quatre analystes gérants sous la responsabilité de M. E. Cette équipe appartenait à la « business unit Multigestion » de la société qui était sous la responsabilité de M. F M. E était sous la supervision fonctionnelle de M. B.
Au mois de décembre 2008, le pôle de multigestion alternative d’OFI AM gérait ou conseillait financièrement douze fonds, dont quatre étaient investis dans des fonds exposés au risque G :
- UMR Select Alternatif (ci-après « UMR SA »), investi indirectement dans le fonds Herald Structured Funds par l’intermédiaire du fonds Leveraged Swap Segregated Portfolio One (ci-après « Leveraged Swap ») ;
- OFI Alpha Alternative Mandates, (ci-après « OAAM ») investi indirectement dans le fonds Herald Structured Funds par l’intermédiaire du fonds Leveraged Swap ;
- Alternatifs 1818, investi dans le fonds Luxalpha ;
- Oval Alpha Palmares, (ci-après « OAP ») investi indirectement dans le fonds Herald Structured Funds par l’intermédiaire du fonds Leveraged Swap.
OFI AM avait également investi dans les fonds Fairfield Sentry Limited (ci-après « Fairfield »), Herald USA Segregated Portfolio One (ci-après « Herald USA ») et Platinium All Weather Fund Limited (ci-après « Platinium »), qui n’étaient plus en portefeuille au moment de la découverte de la fraude.
OFI AM a indiqué que la gestion alternative représentait à l’époque des faits « au maximum 10% des encours » de la société.
2. La procédure
En application de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier, le Secrétaire général de l’AMF a décidé, le 5 juin 2009, « de procéder au contrôle du respect de ses obligations professionnelles par OFI AM ».
Ce contrôle, diligenté par le Service du contrôle des prestataires et des infrastructures de marché (ci-après « CPIM »), a notamment porté sur les conditions dans lesquelles OFI AM avait investi, pour le compte des fonds qu’elle gérait, dans des fonds alternatifs de droit étranger exposés à la stratégie mise en place par M. Bernard G. Le contrôle a également porté sur les dispositifs de contrôle et de suivi des risques de ces fonds alternatifs, le suivi des ratios réglementaires devant être respectés par OFI AM, la gestion financière des OPCVM de multigestion alternative, la gestion de la relation clientèle et des conflits d’intérêts, notamment dans le cadre de la gestion du FCPR OFI Investir.
Le 21 mai 2010, la mission de contrôle a établi un rapport sur le respect de ses obligations professionnelles par OFI AM.
Le 23 juin 2010, le Secrétaire général de l’AMF a adressé le rapport de contrôle à la société OFI AM par porteur, en lui indiquant le délai d’un mois dont elle disposait pour formuler ses observations éventuelles.
Par lettres des 2 juillet et 28 septembre 2010, la société OFI AM a sollicité des prorogations du délai dont elle disposait pour présenter ses observations, qu’elle a transmises, après accord, le 15 octobre 2010.
Lors de sa séance du 28 juin 2011, la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, a examiné le rapport de contrôle et pris connaissance des observations en réponse faites par la société OFI AM.
Au vu de ces éléments, elle a décidé de notifier à la société OFI AM, à M. A, en sa qualité de directeur général de la société, et à M. B en sa qualité de directeur général délégué de la société, quatre griefs relatifs au non-respect par OFI AM de ses obligations professionnelles. Les notifications de griefs ont été adressées par le président de l’AMF aux trois mis en cause, le 9 août 2011, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception.
Il leur est reproché :
- un manque de professionnalisme et de diligences dans l’investissement et dans le suivi des fonds concernés par la « fraude G » ;
- des lacunes dans le suivi et dans le respect des ratios réglementaires ;
- l’absence de gestion des conflits d’intérêts concernant : les souscriptions et les opérations réalisées entre fonds par OFI AM, l’imbrication des fonds gérés par le pôle de multigestion alternative de la société et les opérations réalisées entre les dirigeants d’OFI AM et le FCPR OFI Investir ;
- des irrégularités dans la commercialisation d’un fonds d’investissement étranger liées à une démarche de commercialisation en l’absence d’autorisation préalable et à la diffusion d’informations inexactes et trompeuses.
Les notifications de griefs précisent que si ces faits étaient avérés, ils pourraient donner lieu au prononcé d’une sanction à l’encontre de la société et, à titre personnel, à l’encontre de MM. A et B, sur le fondement des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier.
Une copie des notifications de griefs a été transmise, conformément à l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le 9 août 2011, à la présidente de la Commission des sanctions qui, par décision du 19 septembre 2011, a désigné M. Bernard Field en qualité de rapporteur, ce dont les mis en cause ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 28 septembre 2011, leur rappelant par ailleurs la faculté de demander la récusation du rapporteur, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-2 et suivants du code monétaire et financier. Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 27 septembre 2011, les mis en cause avaient également été informés de la faculté d’être d’entendus par le rapporteur, conformément à l’article R. 621-39-I du code monétaire et financier.
Par lettre remise le 3 octobre 2011, Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot, conseils de la société OFI AM, ont sollicité une prorogation du délai imparti pour la présentation des observations de la société en réponse à la notification de griefs, qui ont été envoyées le 1er décembre 2011.
Par lettre en date du 11 avril 2012, la société OFI AM, prise en la personne de son directeur général, a demandé à être entendue par votre rapporteur.
Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot, conseils de MM. A et B, ont versé à la procédure, au nom de ces derniers, des observations en réponse aux notifications de griefs, le 22 mai 2012.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, le rapporteur a convoqué les trois mis en cause à des auditions qui se sont tenues le 6 juin 2012 pour la société OFI AM, prise en la personne de son directeur général, M. A, ainsi que pour M. A à titre personnel, et le 3 juillet 2012 pour M. B.
Dans le prolongement de ces auditions, différents documents ont été transmis au rapporteur par courriers des 26 juin et du 12 juillet 2012, remis par porteur.
La date de la séance de la Commission des sanctions a été communiquée aux conseils des mis en cause par courrier du 21 juin 2012.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 31 juillet 2012, auxquelles était joint le rapport du rapporteur du 30 juillet 2012, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 20 septembre 2012.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 28 août 2012, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ces lettres leur précisant la faculté de demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, en application des articles R. 621-39-2 et suivants du code monétaire et financier.
Par lettre du 31 août 2012, Maître Catherine Ottaway, conseil de MM. A et B, a fait parvenir des observations pour le compte de chacun d’eux.
Par lettre du même jour, Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot ont, pour le compte de la société OFI AM, présenté des observations en réponse au rapport.
Par lettre du 13 septembre 2012 adressée au président de la 2ème section de la Commission des sanctions, Maîtres Thierry Gontard et Eric Boillot, pour le compte des mis en cause, ont demandé la non publicité des débats devant la Commission des sanctions.
2 MOTIFS DE LA DECISION :
2.1. SUR LE GRIEF TIRE DU MANQUE DE PROFESSIONNALISME ET DE DILIGENCES DANS L’INVESTISSEMENT ET DANS LE SUIVI DES FONDS CONCERNÉS PAR LA « FRAUDE G »
2.1.1. Les textes applicables
Considérant que les faits reprochés se sont déroulés entre le 5 juin 2006 et le 30 septembre 2008 et qu’ils seront examinés à la lumière des textes applicables pendant cette période ;
2.1.1.1. Sur le fait d’agir de manière diligente et professionnelle, favorisant le respect de l’intérêt des porteurs
Considérant que l’article L. 214-9 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011, est relatif aux OPCVM agréés conformément à la directive 2009/65/CE et que ses dispositions sont étendues aux autres OPCVM par l’article L. 214-24-1 du même code ; que l’ensemble de ces dispositions reprend en substance et sans les adoucir les dispositions de l’article L. 214-3 du code monétaire et financier – qui faisaient partie des dispositions communes à tous les OPCVM –; que cet article prévoyait, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, que « les organismes mentionnés aux articles L. 214-15, L. 214-16 et L. 214-24 doivent agir de façon indépendante » ; qu’aux termes de l’article L. 214-9, « Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, le dépositaire et la société de gestion doivent agir de façon indépendante et dans le seul intérêt des porteurs de parts ou actionnaires. Ils doivent présenter des garanties suffisantes en ce qui concerne leur organisation, leurs moyens techniques et financiers, l'honorabilité et l'expérience de leurs dirigeants. Les fonctions de gestion et de dépositaire ne peuvent pas être exercées par la même société » ;
Considérant, pour les faits survenus entre le 5 juin 2006 et le 1er novembre 2007, que l’article L. 533-4 du code monétaire et financier disposait que « les prestataires de services d’investissement (…) sont tenus de respecter les règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations. (…) Elles obligent notamment à : (…) 2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, au mieux des intérêts de leurs clients (…) » ; que l’article 322-31 du règlement général de l’AMF, applicable à l’époque des faits, prévoyait dans son alinéa 1er que « la société de gestion de portefeuille doit promouvoir les intérêts de ses mandants ou des porteurs des OPCVM gérés » ;
Considérant, pour les faits postérieurs au 1er novembre 2007, que l’article L. 533-1 du code monétaire et financier dispose que « les prestataires de services d’investissement agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l’intégrité du marché » ; que l’article L. 533-11 du code monétaire et financier dispose que « lorsqu’ils fournissent des services d’investissement et des services connexes à des clients, les prestataires de services d’investissement agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients » et qu’aux termes de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF « le prestataire de services d’investissement agit d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l’intérêt des clients et favorise l’intégrité du marché » ;
2.1.1.2. Sur les critères d’éligibilité des fonds d’investissement
Considérant que, jusqu’au 18 mars 2008, l’article 411-34 du règlement général de l'AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004, disposait : « Les fonds d’investissement au sens de l’article R. 214-5 du code monétaire et financier répondent en permanence aux critères suivants : (…) / 4° La responsabilité de la conservation des actifs du fonds est confiée à une ou plusieurs sociétés distinctes de la société de gestion de portefeuille, régulées à cet effet et identifiées dans le prospectus ; / 5° La conservation des actifs du fonds est assurée de façon distincte de celle des actifs propres du conservateur et de ses mandataires ; (…) / 7° L’entité exerçant soit la gestion soit le conseil en investissement du fonds, est soumise au contrôle d’une autorité qui assure la régulation de ces activités et auprès de laquelle cette entité est enregistrée ; (Arrêté du 11 décembre 2006) « le respect de cette condition s’apprécie au moment où intervient l’investissement dans le fonds ; » (…) » ;
Considérant qu’à compter du 18 mars 2008, les dispositions de cet article ont été remplacées par celles reprises à l’article 412-2-2 du règlement général de l’AMF issu de l’arrêté du 3 octobre 2011, qui prévoit désormais : « Les fonds d’investissement au sens de l’article R. 214-5 du code monétaire et financier répondent en permanence aux critères suivants : / 1° Les porteurs ou actionnaires sont titulaires de droit réels opposables sur leurs actifs ; / 2° Leurs actifs sont conservés, au sens de l’article 323-2, de manière distincte des actifs propres du conservateurs et de ses mandataires ; 3° Ils diffusent une information régulière et adéquate, et, en particulier, leurs parts ou actions font l’objet d’une valorisation appropriée sur une base au moins mensuelle et sont soumis à une obligation légale d’audit ou de certification légale au moins annuelle des comptes ; / 4° Ils ne sont pas domiciliés dans des pays ou territoires non coopératifs tels qu’identifiés par le GAFI » ;
2.1.1.3. Sur le suivi des investissements et le contrôle des risques des fonds sous-jacents
Considérant que, pour les faits survenus entre le 5 juin 2006 et le 1er novembre 2007, l’article 322-12 du règlement général de l’AMF disposait que « la société de gestion de portefeuille doit en permanence disposer de moyens, d’une organisation et de procédures de contrôle et de suivi en adéquation avec les activités exercées (…). La société de gestion de portefeuille doit disposer, selon des modalités adaptées à la nature, au volume et aux risques de l’ensemble de ses activités, quel que soit leur lieu d’exercice, ainsi qu’à son organisation, des éléments suivants : (…) 2°Un système de mesure des résultats dégagés par les portefeuilles gérés pour le compte de tiers et un système de mesure, de surveillance et de maîtrise des risques encourus par lesdits portefeuilles, permettant de satisfaire aux dispositions de l’article 322-15 », lequel disposait que « la société de gestion de portefeuille (…) doit pouvoir mesurer à tout moment les risques associés à ses positions et la contribution de ces positions au profil de risque général du portefeuille de l’OPCVM ou du mandant » ;
Considérant que, pour la période postérieure au 1er novembre 2007, ces obligations ont été reprises, en substance, dans les articles 313-1, 313-60, 313-61 et 313-54 I du règlement général de l’AMF ;
Considérant que l’arrêté du 18 mars 2008 est venu ajouter au II de ce dernier article que « (…) Dans le cadre des activités de gestion collective de la société de gestion de portefeuille, ces procédures de prise de décision incluent en particulier les diligences qui président à la sélection, au suivi et au contrôle des risques associés aux instruments financiers dans lesquels l’OPCVM investit » ; que la définition des garanties suffisantes dont doivent se doter les prestataires de services d’investissement « en ce qui concerne leur organisation, leurs moyens techniques et financiers » de nature à leur permettre d’exercer leur activité avec « la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent » et d’agir « d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients », au sens des articles L. 214-3, L. 533-4 et L. 533-11 du code monétaire et financier, ainsi que le contenu de l’obligation faite à ces derniers, par l’article 322-15 du règlement général de l’AMF, d’être à même de « mesurer à tout moment les risques associés à ses positions et la contribution de ces positions au profil de risque général du portefeuille de l’OPCVM ou du mandant », étaient déclinés de manière détaillée bien avant l’intervention de cet arrêté ; qu’en effet, les sociétés de gestion de fonds de fonds alternatifs étaient tenues de faire approuver un programme d’activité spécifique dont le contenu avait été précisé par le relevé de décision de la Commission des opérations de bourse, publié en avril 2003, portant notamment sur « les procédures de sélection et de suivi des investissements » ; qu’il résultait de cette décision que « la sélection doit reposer sur l’application d’une série de critères quantitatifs et qualitatifs à des fonds cibles, de façon à établir une liste de fonds éligibles. A partir de cet univers d’investissement possible sont déterminés les investissements effectifs qui doivent faire l’objet d’un suivi permanent (contacts périodiques, visites…) », que doit être instaurée « une organisation de contrôle des risques spécifique et définie permettant le suivi des risques de marché (…), de stress scénario, des risques spécifiques, risques de liquidité et risques juridiques » et que doit être prévenu « le risque de commercialisation abusive ou trompeuse » ;
Considérant, enfin, que l’article L. 533-2 du code monétaire et financier, non modifié sur ce point par l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010, prévoit que « les prestataires de services d’investissement disposent de procédures administratives saines, de mécanismes de contrôle interne, de techniques efficaces d'évaluation des risques et de dispositifs efficaces de contrôle et de sauvegarde de leurs systèmes informatiques. (…) » ;
2.1.2. Le manque de diligences d’OFI AM concernant ses investissements dans certains fonds cibles et le non-respect de son programme d’activité
2.1.2.1. Fondement du grief
Considérant qu’il est reproché à OFI AM et à ses dirigeants d’avoir procédé à des investissements dans des fonds exposés au « risque G » sans avoir effectué les diligences nécessaires à de tels investissements ;
Considérant que, selon les mis en cause, l’ajout au II de l’article 313-54 du règlement général de l’AMF, résultant de l’arrêté du 18 mars 2008, de la disposition incluant explicitement la procédure concernant « les diligences qui président à la sélection, au suivi et au contrôle des risques associés aux instruments financiers dans lesquels l’OPCVM investit », s’analyserait comme une exigence nouvelle, dont la méconnaissance n’aurait pas été sanctionnée auparavant, de sorte que le manquement tenant à l’insuffisance des procédures de contrôle des risques serait, pour les faits antérieurs à cette date, dépourvu de base légale ;
Considérant que ce raisonnement par a contrario repose sur une analyse tronquée de l’ordre juridique préexistant ; que l’article 322-12 du règlement général de l’AMF visé au soutien du grief disposait que « la société de gestion de portefeuille doit en permanence disposer de moyens, d’une organisation et de procédures de contrôle et de suivi en adéquation avec les activités exercées (…) » ; qu’à cette fin, les sociétés de gestion qui souhaitaient gérer des fonds de fonds alternatifs étaient tenues, ainsi qu’il a été dit plus haut, de faire approuver un programme d’activité spécifique dont le contenu avait été précisé par le relevé de décision de la Commission des opérations de bourse cité plus haut, publié en avril 2003 ;
Considérant qu’ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, l’adjonction faite par l’arrêté du 18 mars 2008 au II de l’article 313-54 susvisé n’a rien ajouté au dispositif existant et a eu pour seul effet de rappeler, dans le règlement général de l’AMF, que les procédures de prise de décision, dans le cadre de la multigestion alternative, « incluent en particulier les diligences qui président à la sélection, au suivi et au contrôle des risques associés aux instruments financiers dans lesquels l’OPCVM investit » ; que l’ajout de cette disposition règlementaire, qui ne constitue qu’un rappel d’exigences antérieures préalablement définies et dûment énumérées, ne saurait, en aucune manière et à aucun moment, priver le grief de sa base légale ; qu’en conséquence, le moyen n’est pas fondé ;
2.1.2.2. Examen du grief
Considérant que les sociétés de gestion doivent élaborer des procédures et mettre en oeuvre des politiques qui permettent, tant lors de la sélection que du suivi des fonds, d’identifier les risques liés à leurs activités et, le cas échéant, de déterminer le niveau des risques qui peuvent être tolérés ; que, dans le domaine de la multigestion alternative, où l’information sur certains fonds sous-jacents, non ou peu régulés, n’est pas librement et publiquement disponible, où les stratégies sont complexes et variables dans le temps et où l’utilisation de leviers importants est fréquente, ces contrôles doivent être faits avec une particulière rigueur ;
Considérant que la société OFI AM, qui portait à l’époque une autre dénomination, a mis en place, dès 2004, plusieurs programmes d’activité successifs relatifs à la sélection des fonds dans le domaine de la multigestion alternative distinguant des diligences quantitatives et qualitatives ;
Considérant que, sans qu’il soit besoin de s’assurer de l’accomplissement de l’intégralité des diligences énumérées dans ce document, il convient de rechercher, in concreto, si les prestations accomplies par OFI AM lui ont ou non permis d’apprécier avec suffisamment de précision – au regard notamment des moyens mis en oeuvre par la société de gestion des fonds sous-jacents, du type de gestion retenu et de ses résultats, de l’organisation du processus décisionnel, des dispositifs de contrôle des risques et de contrôle interne, enfin, de la qualité des contrôles externes – les caractéristiques des fonds et les risques associés aux investissements qu’elle a décidé de faire ou de maintenir ;
Considérant enfin que si les souscriptions au fonds Herald USA par les fonds Oval Palmares Europlus (ci-après « OPE »), UMR et OAP, respectivement le 12 décembre 2005, le 28 février 2006 et le 31 janvier 2006, soit avant le 5 juin 2006, sont couvertes par la prescription triennale, le fonds OAP a procédé à une dernière souscription à ce même hedge fund, le 31 octobre 2006, qui n’est pas couverte par la prescription ; que les diligences antérieures au 5 juin 2006, qui auront continué à servir de support aux souscriptions effectuées ou maintenues au cours de la période non prescrite, pourront par suite être prises en compte ; qu’ainsi, les diligences de sélection du fonds Herald USA, même antérieures au 5 juin 2006, seront examinées, dès lors qu’elles ont pu déterminer la souscription du fonds OAP dans le fonds Herald USA, le 31 octobre 2006 ;
- Concernant l’investissement dans le fonds Herald USA et les investissements dans le fonds Leveraged Swap
Considérant, à titre liminaire, que l’exposition au « risque G » des fonds UMR Select Alternatif, OFI Alpha Alternative Mandates, Alternatif 1818 et Oval Alpha Palmares était respectivement de 16,71%, 1,51%, 0,69% et 6,52% au mois de décembre 2008 ; que l’actif net global de ces quatre fonds était de 484,33 millions d’euros et l’exposition totale au « risque G » de ces fonds était de 25,43 millions d’euros, soit une exposition moyenne de 5,25%, prenant en compte le fonds Leveraged Swap et le fonds Luxalpha ; que si la société mise en cause oppose à ces constatations qu’il serait plus pertinent de rapporter cette exposition totale à l’ensemble des encours de ses fonds de multigestion alternative, pour aboutir à une exposition moyenne moitié moindre, son argumentation doit être écartée, peu important la part de ses fonds exposés au « risque G » pour la caractérisation du manquement ;
Considérant que les fonds Leveraged Swap et Herald USA étaient gérés par la société Bernard L. G Investment Securities (ci-après « BMIS ») ; que le fonds Leveraged Swap offrant une indexation sur le fonds Herald USA, il convient d’analyser les due diligences relatives à l’un de ces fonds comme pouvant être utiles pour l’autre ; que les souscriptions dans ces fonds, non couvertes par la prescription, ont eu lieu le 31 octobre 2006 et les 31 mars, 30 avril et 30 septembre 2008 ;
Considérant, en premier lieu, qu’OFI AM était dans l’impossibilité d’entrer en contact avec les gérants de BMIS, ainsi que d’accéder aux locaux de la société ; que, d’ailleurs, M. E a demandé par message électronique à la société Byron Funds (ci-après « Byron »), apporteur d’affaires, le 30 mai 2008 : « Quelle est l’AUM [Assets Under Management] approximatif de toute la stratégie G ? Quelle est l’AUM approximatif d’Herald USA ? Quelle est l’AUM approximatif de Herald Structured ? Combien de porteurs ? Le centre de gestion (id est B. G et ses équipes) est à New York ou ailleurs ? L’excellente institution helvétique qu’est Byron Funds a-t-elle rédigé un rapport de due diligence sur la stratégie G ? » ; que cet message révèle qu’OFI AM a tenté d’obtenir des informations précises sur BMIS, bien après la réalisation de l’essentiel de ses investissements dans les fonds Herald USA et Leveraged Swap, en s’appuyant sur un apporteur d’affaires qui, poursuivant l’objectif de recueillir des souscriptions et d’assurer la pérennité des investissements, ne présente au demeurant pas de garantie d’objectivité ; qu’en outre, Byron n’était pas en mesure d’apporter des informations spécifiques sur les fonds puisque lui-même n’avait pas mené de due diligences sur BMIS et suggérait d’obtenir des informations auprès de Mme […], liée à la Banque Medici, promoteur du fonds, et ne présentant donc pas plus de garanties d’objectivité ni d’indépendance ;
Considérant qu’ayant constaté, préalablement aux investissements en cause, une impossibilité d’accès à BMIS et ses gérants, OFI AM aurait dû tirer les conséquences de cette impossibilité, tenant à l’attitude peu coopérative et au manque de transparence de BMIS, créant une opacité de fait autour des équipes et des moyens techniques de la société qui était ou aurait dû être de nature à éveiller la suspicion d’OFI AM sur les méthodes de cette société ;
Considérant, en second lieu, que les documents collectés par OFI AM émanent, pour la plupart, de Byron, dont l’objectivité est sujette à débat ; que le prospectus de Herald Structured Fond du 21 juin 2007 ne pourrait constituer une diligence d’investissement que pour les souscriptions au fonds Leveraged Swap mais que ce document de référence, émanant du fonds, s’il est évidemment nécessaire, ne saurait constituer à lui seul une due diligence en dehors de toute analyse, investigation ou recoupement ;
Considérant que les documents établis par OFI AM elle-même sont la « Fiche OFI Palmares pour Herald USA », le compte rendu de la réunion du comité des risques du 25 octobre 2005 et l’« Initial Due Diligence Report » daté du 3 juin 2008 ; que le premier est un document de deux pages contenant quelques tableaux et graphiques très généraux, sans aucune analyse ; que le second, largement antérieur aux investissements en cause, constitue une analyse également très générale et relève essentiellement que l’investissement est soumis à la réception des documents prouvant le respect des 13 critères, alors applicables, de l’article 411-34 du règlement général de l'AMF ; que les seules informations relatives à la « stratégie G » se trouvant dans ce document sont les suivantes : « le fonds Herald USA est un fonds « Market Timer Actions » couvert contre le risque de marché. Pour ce faire, l’équipe de gestion exploite le carnet d’ordres de G deuxième broker US » ; qu’enfin, l’« Initial Due Diligence Report » est un document de quatre pages décrivant les principales caractéristiques du fonds et son administration, comportant quelques lignes sur M. Bernard G et la stratégie d’investissement, l’historique des performances du fonds de 2001 à 2008 et une information sur la liquidité du fonds datant de juin 2007, auxquelles il faut ajouter deux pages d’actualisation, l’une sur le calcul de la « Net Asset Value », l’autre sur l’exposition d’OFI AM aux fonds G, à la suite de la révélation de la fraude le 11 décembre 2008, et donc postérieure aux investissements en cause ; que l’unique analyse présente dans ce document du 3 juin 2008 est particulièrement laconique et émane de M. E : « Mon avis sur ce fonds est positif. Je préconise de maintenir nos investissements dans ce fonds » ;
Considérant que le statut de BMIS, considéré comme un gérant de premier plan et régulé par la Securities and Exchanges Commission (ci-après « SEC »), ne peut constituer un élément suffisant qui aurait pu dispenser OFI AM de vérifier par elle-même que l’appréciation générale de confiance du marché à son égard était fondée ;
Considérant dès lors qu’OFI AM n’a pas apporté la preuve qu’elle disposait d’éléments suffisamment éclairants sur BMIS pour lui permettre d’investir en connaissance de cause dans des fonds exposés à la « stratégie G » et que les pièces du dossier indiquent, au contraire, qu’OFI AM s’est contentée d’informations vagues et générales, provenant de sources à l’objectivité non établie, sans s’inquiéter de l’opacité entourant la société alors que BMIS jouait un rôle central dans la gestion des fonds Leveraged Swap et Herald USA, ce qui aurait dû la conduire à accomplir des diligences particulières sur cette société ; qu’un tel comportement atteste d’un manque de professionnalisme d’OFI AM contraire aux obligations incombant à une société de gestion de portefeuille ;
Considérant, en outre, que l’article R. 214-5 du code monétaire et financier, repris en substance à l’article R. 214-3 du même code depuis le décret n° 2011-922 du 1er août 2011, prévoyait, à l’époque des faits : « Par dérogation aux dispositions du II de l'article R. 214-11, l'actif d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières régi par la présente sous-section peut également comprendre, dans la limite de 10% prévue au II de ce même article : (…) 5° Des actions ou parts de fonds d'investissement de droit étranger répondant aux critères fixés par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers » ; que l’article 411-34 du règlement général de l’AMF disposait : « Les fonds d’investissement au sens de l’article R. 214-5 du code monétaire et financier répondent en permanence aux critères suivants : (…) 4° La responsabilité de la conservation des actifs du fonds est confiée à une ou plusieurs sociétés distinctes de la société de gestion de portefeuille, régulées à cet effet et identifiées dans le prospectus ; 5° La conservation des actifs du fonds est assurée de façon distincte de celle des actifs propres du conservateur et de ses mandataires (…) » ;
Considérant qu’OFI AM invoque une interprétation formulée en 2006 par l’Association française de la gestion financière (ci après « AFG ») aux termes de laquelle l’enregistrement de BMIS auprès de la SEC et du National Association of Securities Dealers (NASD) emporterait respect automatique de la condition de ségrégation des actifs ; qu’elle soutient que cette analyse aurait d’ailleurs été accueillie par la Commission des sanctions, le 8 avril 2010, dans la décision rendue à l’égard du Crédit Agricole Asset Management AI et, le 21 octobre 2011, dans la décision rendue à l’égard de la société EIM France ;
Considérant que, comme l’a indiqué la Commission des sanctions le 21 octobre 2011, il ne peut être tiré argument de la décision du 8 avril 2010, celle-ci ayant précisé qu’ « à supposer même que la présomption retenue par cette interprétation puisse être admise lors de la sélection d’un fonds sous-jacent, elle ne saurait dispenser la société de gestion de l’obligation prévue par l’article 411-34 du règlement général de s’assurer en permanence du respect effectif de la ségrégation des actifs dans les fonds sous-jacents précédemment sélectionnés » ;
Considérant que l’article 411-34 du règlement général de l’AMF fait obligation d’assurer une conservation des actifs gérés de manière distincte de celle « des actifs propres du conservateur et de ses mandataires » ; que cette obligation n’a pourtant pas été respectée par le fonds Herald USA, son rapport annuel au 31 décembre 2007, certifié par Ernst and Young LLC le 12 mars 2008, indiquant que « Le gérant investit la plupart des titres de Herald USA via un compte de gestion séparé. Ce compte séparé est géré par une société d’investissement broker/dealer. La banque conservateur a délégué la conservation à cette société d’investissement broker/dealer afin de conserver et maintenir les parts de Herald USA » ; qu’ainsi, à tout le moins à compter de la fin du premier semestre 2008, OFI AM savait qu’une même structure, le broker/dealer, autrement dit BMIS, était en charge de la conservation des actifs ainsi que de la gestion financière ;
- Concernant l’investissement dans le fonds Saturn Multistratégies devenu Oval Saturn Multistratégies
Considérant que les diligences d’investissement d’OFI AM concernant le fonds OSM ont été menées par M. B et formalisées dans un document du 25 avril 2005 constitué des réponses à un questionnaire-type élaboré en janvier 2002 par l’Alternative Investment Management Association (AIMA) et intitulé : « AIMA’s Illustrative Questionnaire for Due Diligence Review of Fund of Funds Managers » (ci-après « DDQ ») ; que ce document comporte des informations générales sur la société de gestion, Saturn Capital Management Ltd, et sur le fonds Saturn Multistratégies, recueillies, selon OFI AM, auprès de M. H, directeur général de Saturn Capital Management Ltd, ainsi que des membres de l’Advisory Committee ;
Considérant que ces informations ne peuvent être considérées comme suffisantes en raison de leur source, les gérants du fonds ne pouvant être considérés comme une source objective ; que les informations recueillies doivent, en tout état de cause, donner lieu à une analyse critique, et surtout être confrontées à des informations provenant de sources présentant des garanties d’impartialité ; que, d’ailleurs, M. E a déclaré que ses équipes ne disposaient d’aucune diligence concernant la société de gestion du fonds avant 2008 ; que des diligences ont alors été effectuées à la demande d’un client ; qu’OFI AM a ainsi découvert que M. H cumulait les fonctions de dirigeant, analyste et gérant, et était également l’actionnaire majoritaire de[…] ;
Considérant que de telles informations, collectées seulement en 2008, auraient dû l’être plus tôt afin d’être soumises aux différents acteurs d’OFI AM intervenant dans la décision de souscription, en particulier le contrôle des risques, avant les souscriptions de mars et juin 2007 ; qu’elles revêtaient une particulière importance en raison de l’absence, de la part de la société Saturn Capital Management Ltd, de politique de contrôle des risques formalisée ainsi que de système global de contrôle de risques, ce dont OFI AM avait eu connaissance par l’intermédiaire du DDQ du 25 avril 2005 ;
Considérant qu’il est reproché à OFI AM, à défaut d’avoir mené des diligences suffisantes sur le fonds OSM, de n’en avoir pas mené non plus sur ses sous-jacents ; que M. E a confirmé n’avoir effectué ces diligences qu’au 1er trimestre 2008 ; que si ces diligences ne sont pas obligatoires, cela résulte uniquement du fait que ces sous-jacents sont choisis par le gérant du fonds dont la rigueur et le professionnalisme sont vérifiés grâce à des due diligences efficaces qu’il réalise lui-même sur ces sous-jacents ; que, cependant, en l’espèce, OFI AM ne disposait pas de tous les éléments nécessaires pour éclairer utilement ses équipes de gestion sur le gérant du fonds OSM lors des investissements de mars et juin 2007 ; qu’en outre, l’absence de contrôle effectif des risques au sein de la société de gestion du fonds aurait dû inciter OFI AM à étendre ses diligences, au demeurant insuffisantes puisqu’elles n’émanaient que d’une seule source qui n’offrait aucune garantie d’impartialité ;
Considérant, au surplus, que les souscriptions dans le fonds OSM n’ont pas fait l’objet d’un contrôle des risques suffisant ; que seule une demande d’autorisation d’investissement de M. e à M. D responsable des risques, exigeant une réponse sous 24 heures, est versée au dossier ; que cette autorisation, faisant état du peu, voire de l’absence, de connaissance de ce fonds par M. D a été accordée sous la réserve expresse du respect des critères de l’article 411-34 du règlement général de l’AMF, tel qu’applicable au moment des faits ; que cet article prévoyait, au critère 7, que « l’entité exerçant soit la gestion soit le conseil en investissement du fonds, est soumise au contrôle d’une autorité qui assure la régulation de ces activités et auprès de laquelle cette entité est enregistrée ; le respect de cette condition s’apprécie au moment où intervient l’investissement dans le fonds » ; que le respect de cette condition était infirmé très clairement par les réponses au DDQ du 25 avril 2005 ;
Considérant, dès lors, qu’il ressort de l’ensemble de ces constatations, que le manquement d’OFI AM à l’obligation d’effectuer des due diligences concernant les investissements dans les fonds Herald USA, Leveraged Swap et OSM, est caractérisé ; qu’en outre, les mis en cause ont manqué à l’obligation de tirer les conséquences du non-respect par ces fonds des critères d’éligibilité définis à l’article 411-34 du règlement général de l'AMF ;
2.1.3. La défaillance dans le suivi des fonds cibles
Considérant qu’il est reproché aux mis en cause d’avoir opéré un « suivi insuffisant des fonds Leveraged Swap Segregated Portfolio One et Herald USA Segregated Portfolio One », et de ne pas avoir suivi les fonds Fairfield Sentry Limited et Platinium All Weather Fund ;
- Concernant le fonds Platinium
Considérant que certains fonds gérés par OFI AM ont été investis dans le fonds Platinium du 30 septembre 2003 au 31 juillet 2007 ; que la période non couverte par la prescription débutant le 5 juin 2006, les diligences de suivi seront examinées à compter de cette date ;
Considérant qu’OFI AM fait état, sans en apporter la preuve, d’un reporting mensuel présentant la mise en oeuvre de la stratégie et les performances, ainsi que de contacts téléphoniques réguliers avec le commercialisateur du fonds ; qu’en tout état de cause, le commercialisateur n’est pas le gérant du fonds, source essentielle lorsqu’il est question de la stratégie et des performances, et, de plus, ne peut être considéré comme impartial ; que M. E a, pour sa part, déclaré à l’AMF à propos du suivi de ce fonds : « aucun suivi, car aucun contact, d’où rachat » ; que cette défaillance du suivi a perduré jusqu’au 31 juillet 2007 ;
- Concernant le fonds Fairfield
Considérant que certains fonds gérés par OFI AM ont été investis dans le fonds Fairfield du 15 janvier 2004 au 28 février 2007 ; que la période non couverte par la prescription débutant le 5 juin 2006, les diligences de suivi seront examinées à compter de cette date ;
Considérant que si OFI AM affirme, sans en apporter la preuve, avoir effectué les mêmes diligences auprès du commercialisateur, celles-ci ne peuvent, pour les raisons énoncées précédemment, être considérées comme suffisantes ;
Considérant que M. B fait également état d’un rapport d’une page d’OFI Palmares sur Fairfield Greenwich Group, datant du 20 novembre 2006, ne présentant pas d’information sur les taux de rendement des fonds mais des indications générales sur les philosophies d’investissement et les stratégies ; qu’il y est d’ailleurs indiqué qu’une nouvelle étude va être faite sur les fonds gérés par M. Bernard G ;
Considérant que M. B a également produit un compte rendu du comité d’allocation d’actifs alternatifs d’OFI AM du 4 mai 2007, indiquant : « Ce fonds applique la stratégie B. G appelée parfois split strike conservation. Ce fonds est l’un des nombreux clones de cette stratégie. Or nous avons déjà une position significative dans le fonds Herald USA (5%) et nous préférons nous alléger sur cette stratégie, certes très régulière, mais dont la performance est plutôt en bas de la fourchette dans l’univers des hedge funds. Nous rachetons intégralement cette position » ; qu’il fait également état d’un suivi des performances mensuelles des fonds gérés par OFI AM et des mouvements ;
Considérant donc que ces deux documents attestent d’une analyse semestrielle succincte de la part d’OFI AM, à partir de données issues de sources ne présentant aucune garantie d’objectivité ;
- Concernant le fonds Herald USA
Considérant que certains fonds gérés par OFI AM ont été investis dans le fonds Herald USA du 12 décembre 2005 au 30 juin 2007 ; que la période non couverte par la prescription débutant le 5 juin 2006, les diligences de suivi seront examinées à compter de cette date ;
Considérant qu’OFI AM affirme, sans en apporter la preuve, que le suivi des performances ainsi que les analyses qualitatives de la gestion étaient réalisés auprès de Byron par téléphone ou messages électroniques, à un rythme mensuel ; que ces diligences, auprès de l’apporteur d’affaires ou du commercialisateur, ne peuvent en tout état de cause, pour les raisons énoncées précédemment, être considérées comme suffisantes ;
Considérant que l’« Initial Due Diligence Report », comportant l’historique des performances du fonds de 2001 à 2008 et une information sur la liquidité du fonds datant de juin 2007, démontre un suivi de la performance, mais sur la base d’informations fournies par l’apporteur d’affaires ; que les deux pages d’actualisation concernent, pour l’une, datant de juin 2007, le calcul de la Net Asset Value (NAV), et pour l’autre, une présentation de l’exposition d’OFI AM aux fonds G, à la suite de la révélation de la fraude le 11 décembre 2008 ; que l’unique analyse présente dans ce document du 3 juin 2008 est celle de M. E : « Mon avis sur ce fonds est positif. Je préconise de maintenir nos investissements dans ce fonds » ;
Considérant que le compte rendu du comité d’allocation d’actifs alternatifs d’OFI AM du 4 mai 2007 indique uniquement : « Nous augmentons le poids de ce fonds appliquant la stratégie de B. G, appelée parfois split strike conversion, du fait de la régularité de ses performances et de la très bonne décorrélation par rapport aux marchés actions » ;
- Concernant le fonds Leveraged Swap
Considérant que certains fonds gérés par OFI AM ont été investis dans le fonds Leveraged Swap du 30 juin 2007 jusqu’à la découverte de la « fraude G » ; que les diligences de suivi seront examinées sur l’ensemble de cette période ;
Considérant que, comme pour les diligences d’investissement, les diligences de suivi réalisées pour le fonds Herald USA peuvent également être prises en considération pour le suivi du fonds Leveraged Swap ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces constations qu’OFI AM a, en raison du peu de suivi dans certains cas, du manque de pertinence de leurs sources dans d’autres et, en tout état de cause, du peu d’analyses réellement effectuées, manqué à l’obligation de réaliser des diligences de suivi des fonds exposés au « risque G » et dans lesquels la société avait choisi d’investir ;
2.2. SUR LE GRIEF RELATIF AUX LACUNES DANS LE SUIVI ET DANS LE RESPECT DES RATIOS RÈGLEMENTAIRES
2.2.1. Les textes applicables
Considérant que les faits reprochés se sont déroulés entre le 30 novembre 2007 et le 31 décembre 2008 et qu’ils seront examinés à la lumière des textes applicables à cette période ;
Considérant que durant la période considérée, l’article L. 214-4 du code monétaire et financier disposait notamment : « Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut détenir plus de 10% d'une même catégorie de valeurs mobilières d'un même émetteur. Un décret en Conseil d'Etat fixe les catégories de valeurs mobilières ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à cette limite (…) » ;
Considérant que l’article L. 214-35 du même code prévoyait, notamment, durant la période considérée : « Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières à règles d’investissement allégées peut, dans des conditions et limites fixées par un décret en Conseil d’Etat, déroger à l’article L. 214-4. / Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe les conditions de souscription, de cession et de rachat des parts ou des actions émises par un tel organisme » ;
Considérant que l’article L. 533-2 du code monétaire et financier, dans sa version applicable depuis le 1er novembre 2007 et non modifié depuis, en ce qui concerne les alinéas cités, dispose : « Les prestataires de services d'investissement disposent de procédures administratives saines, de mécanismes de contrôle interne, de techniques efficaces d'évaluation des risques et de dispositifs efficaces de contrôle et de sauvegarde de leurs systèmes informatiques. (…) / Ils doivent en particulier respecter des ratios de couverture et de division des risques (…) » ;
2.2.2. Examen du grief
Considérant qu’il est reproché à la société OFI AM et à ses dirigeants de ne pas avoir respecté certains ratios réglementaires et contractuels des fonds OAAM, OAP, UMR SA et Oval Alpha Stratégies (ci-après « OAS ») ; que, selon le rapport de contrôle, non contesté sur ce point par les mis en cause :
- s’agissant du ratio, imposé par le prospectus du FCP OAAM, selon lequel les actifs dérogatoires sont limités à 10% de l’actif net, étant précisé que ce ratio prend en compte les investissements dans des « OPCVM détenant plus de 10% d’OPCVM ou de fonds d’investissement » : ce ratio était compris entre 17,30 et 40,83% entre le 30 novembre 2007 et le 31 décembre 2008 ;
- s’agissant du ratio, imposé par le prospectus du FCP OAP, selon lequel les actifs dérogatoires sont limités à 10% de l’actif net, étant précisé que ce ratio prend en compte les investissements dans des « OPCVM détenant plus de 10% d’OPCVM ou de fonds d’investissement » : ce ratio était compris entre 10,88 et 23,96% entre le 31 décembre 2007 et le 30 décembre 2008 ;
- s’agissant du ratio imposé par la notice d’information du fonds UMR SA précisant qu’il peut détenir jusqu’à 35% des titres émis par un même OPCVM : le fonds UMR Select Alternatif a détenu plus de 35% des parts du fonds Oval Alpha Ace entre le 31 décembre 2007 et le 30 septembre 2008 et, plus précisément, 44% de ce fonds le 31 décembre 2007, 40% le 31 mars 2008 et 36% le 30 juin 2008 ;
- s’agissant du ratio imposé par le prospectus de l’OPCVM d’OPCVM OAS qui précise que le FCP ne doit pas investir plus de 10% de son actif net dans la stratégie « Funds or funds » : Oval Alpha Stratégies a investi sur l’année 2008 entre 17,56 et 35,41% de son actif net dans les fonds de fonds cotés All Blue, Ellerston GEM, GS Dynamic Opportunities, Dexion Trading, Dexion Absolute Limited, Altin, Thames River Multihedge et Close Allblue ; qu’en outre, le fonds a investi entre 6,85 et 11,09% de son actif net dans le fonds de fonds alternatifs de droit français Exane Pleiade ;
Considérant qu’OFI AM fait valoir que les dépassements de ratios étaient dus à une erreur de paramétrage d’un logiciel permettant de calculer les ratios d’engagement ; qu’elle a renforcé ses procédures de contrôle interne à la suite de la mise au jour – par la société elle-même – de l’ensemble des dépassements reprochés en développant un nouveau logiciel rendu opérationnel à partir de l’automne 2009 ;
Considérant qu’il appartient aux professionnels de faire preuve de vigilance et de veiller à ce que les plafonds de division des risques ne soient jamais dépassés ; que si les mesures ultérieures de renforcement du contrôle de leur respect peuvent être prises en compte dans l’évaluation de la sanction, elles sont sans influence sur la caractérisation du manquement ;
Considérant que le manquement objectif d’OFI AM à l’obligation de suivi et de respect des ratios règlementaires et contractuels est, dès lors, caractérisé ;
2.3. SUR LES GRIEFS RELATIFS A L’INTERET DES PORTEURS ET L’ABSENCE DE GESTION DES CONFLITS D’INTERETS
2.3.1. Les textes applicables
Considérant que les faits reprochés se sont déroulés entre le 30 juin 2007 et le 31 décembre 2008 et qu’ils seront examinés à la lumière des textes applicables à cette période ;
Considérant que l’article L. 214-3 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 et non modifiée durant l’ensemble de la période considérée, disposait que « (…) Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, le dépositaire et la société de gestion doivent agir au bénéfice exclusif des souscripteurs (…) » ; que cette disposition a été reprise en substance à l’article L. 214-9 du même code à compter du 1er août 2011, remplaçant les termes « bénéfice exclusif » par « seul bénéfice » ;
Considérant que l’article 322-33 du règlement général de l’AMF, dans sa version issue de l’arrêté du 12 novembre 2004 et applicable jusqu’au 1er novembre 2007, prévoyait : « La société de gestion de portefeuille doit prévenir les conflits d’intérêts et, le cas échéant, les résoudre équitablement dans l’intérêt des mandants ou des porteurs. Si elle se trouve en situation de conflits d’intérêts, elle doit en informer les mandants ou porteurs de la façon la plus appropriée. / Elle doit prendre toutes les dispositions nécessaires, notamment en matière de séparation des métiers et des fonctions pour garantir l’autonomie de la gestion » ;
Considérant qu’à compter du 1er novembre 2007, l’article 313-20 du même règlement prévoyait, notamment : « Le prestataire de services d’investissement établit et maintient opérationnelle une politique efficace de gestion de conflits d’intérêts qui doit être fixée par écrit et être appropriée au regard de sa taille, de son organisation, de la nature (arrêté du 5 août 2008, JO du 27 août 2008) « de l’importance » et de la complexité de son activité (…) » ;
2.3.2. Examen des griefs
2.3.2.1. Concernant les souscriptions et opérations réalisées entre fonds
Considérant qu’il reproché à OFI AM d’avoir acheté, pour le compte du fonds OAAM dont elle assure la gestion, 2 460 parts du fonds Leveraged Swap au fonds OAP, le 30 septembre 2008, pour un montant d’environ 2,7 millions d’euros, et d’avoir souscrit, toujours pour le compte d’OAAM, des parts d’OAP pour une valeur de 9,8 millions d’euros entre les mois de juin et novembre 2008 ; que ces deux opérations auraient été réalisées dans le but de soutenir le fonds OAP qui faisait face à des demandes importantes de rachats ;
Considérant qu’il suffit, pour que les manquements aux obligations professionnelles soient constitués, que le prestataire ait pris en considération, non pas seulement les intérêts de ses clients, mais d’autres intérêts et, en l’espèce, les siens propres ; qu’il ne s’agit donc pas de se prononcer sur l’opportunité des décisions d’investissement objet des griefs, mais de rechercher si les décisions d’achat - seules en cause ici - ont bien été prises, d’une part, dans le seul intérêt des porteurs de parts des fonds acheteurs et, d’autre part, sans qu’ait jamais été prise en compte, pour la décision de procéder à ces investissements, de la nécessité où se trouvait la société mise en cause de soutenir la liquidité d’un autre fonds ;
Considérant qu’il est établi que, par un message électronique du 15 octobre 2008, M. E a demandé à ses collaborateurs de vendre la totalité des parts détenues par OAAM dans les fonds SAF600 et Exane Pléiade, et de souscrire, à la place, pour un montant de 5 millions d’euros, des parts d’OAP à la valeur liquidative du 31 octobre 2010 ; qu’il y est précisé que « l’enjeu » de ces opérations, qualifié d’ « IMPORTANT », est « la gestion correcte des rachats dans OAP » ; qu’il ne fait dès lors aucun doute que les souscriptions d’OAAM dans OAP ont été motivées, à tout le moins en partie, par la volonté de faire face aux demandes de rachat subies par OAP ;
Considérant, par ailleurs, que la vente des 2 460 parts du fonds Leveraged Swap détenues par OAP, à OAAM, le 30 septembre 2008, est retracée dans un message électronique du 21 octobre 2008, ayant pour objet « OAP liquidité » et adressé à la directrice commerciale d’OFI AM, Mme Bernadette Marion, par M. e ; que ce message indique : « OAP [ayant] subi depuis un an d’importants rachats (…) [de] récentes décisions de gestion majeures [ont été] prises sur OAP », en particulier, des ordres de vente ont été passés « pour 60% du portefeuille » d’OAP ; qu’ainsi, l’acquisition par OAAM de titres détenus par OAP, de façon concomitante aux souscriptions d’OAAM dans OAP, répondait à une stratégie globale de recherche de liquidités au profit du fonds OAP ;
Considérant, dès lors, que, tant l’acquisition des parts du fonds Leveraged Swap réalisée par le fonds OAAM que sa souscription dans le fonds OAP n’avaient pas pour objet de servir l’intérêt exclusif des porteurs de parts d’OAAM mais principalement, ou à tout le moins également, de servir l’intérêt du fonds OAP, géré par OFI AM et en proie à d’importantes difficultés financières, peu important à cet égard que certains de ces investissements perdurent encore aujourd’hui dans les actifs d’OOAM ; que le manquement d’OFI AM à son obligation d’agir dans l’intérêt exclusif des porteurs du fonds OAAM est donc caractérisé ;
2.3.2.2. Concernant l’imbrication des fonds gérés par le pôle de multigestion alternative
Considérant qu’il est reproché à OFI AM et à ses dirigeants d’avoir fait investir entre eux et en cascade des fonds qu’elle gérait, entraînant des frais de gestion prélevés au profit d’OFI AM et faisant perdre des opportunités d’investissement dans d’autres fonds, non gérés par OFI AM elle-même ; que cela serait de nature à engendrer des conflits d’intérêts dès lors qu’OFI AM ne démontrerait pas l’intérêt de ces placements pour les porteurs de parts des fonds concernés ; que, de plus, ces investissements en cascade créeraient une opacité pour les souscripteurs liée à la superposition des fonds ; que, par conséquent, ces investissements en cascade n’auraient pas été réalisés dans l’intérêt exclusif des porteurs de parts des fonds en cause, et qu’ils auraient d’ailleurs provoqué les dépassements de ratios précédemment évoqués ;
Considérant, à titre liminaire, que, selon les notifications de griefs, l’imbrication des fonds aurait généré « des frais de gestion prélevés au profit d’OFI AM » qui « auraient pu être atténués en réalisant des souscriptions directement dans les fonds cibles poursuivant les mêmes stratégies de gestion que celles des fonds de fonds cibles » ; que OFI AM fait valoir que « dans le cas d’un investissement dans un fonds de fonds, certes il existe un double niveau de frais de gestion (celui du fonds et des sous-jacents), mais les coûts de fonctionnement sont relativement réduits dans la mesure où la société de gestion n’investit que dans un seul fonds. Dans le cas d’un investissement en direct, en revanche, la diversification du risque indispensable à une bonne gestion impose de souscrire dans un nombre significatif de plusieurs hedge funds et de gérer chacune des positions (arbitrage des positions), ce qui donne lieu à des coûts (commission de mouvements) qui à terme peuvent en cumulé dépasser ceux d’un investissement dans un fonds de fonds » ; qu’elle a ajouté que « lorsqu'un fonds OFI investit dans un autre fonds OFI, le fonds cible perçoit ses frais mais le fonds acheteur déduit cet investissement de son assiette de frais. Il n'y a donc pas empilement des frais » ;
Considérant que, concernant la cascade d’investissements dans laquelle le fonds UMR SA était investi dans le fonds OAP, lui-même investi dans le fonds OAA également investi dans le fonds OSM, relevée par le rapport de contrôle au 30 juin 2008 et au 31 octobre 2008, plusieurs éléments mettent en évidence l’absence de prise en compte de l’intérêt exclusif des porteurs ; que ces investissements ont en effet permis à OFI AM de générer des frais supplémentaires à son profit, même s’il y a lieu de prendre acte de ce qu’en vertu de la convention signée par OFI AM et relative au protocole général de fonctionnement des fonds dédiés de la gamme UMR, il n’était pas perçu de frais au titre du premier investissement de la cascade ; que ces souscriptions ont également privé les porteurs d’opportunités d’investissements en dehors des fonds gérés par OFI AM ; que les courbes de valeur liquidative des fonds UMR SA, OAP et OAA ont, sur la période considérée, suivi une évolution parallèle et du même ordre de grandeur ; que l’investissement du fonds UMR SA dans le fonds OAP n’a pas non plus permis une diversification des risques puisqu’un certain nombre de sous-jacents était commun aux deux fonds ;
Considérant que, concernant la cascade d’investissements, relevée au 31 octobre 2008, dans laquelle le fonds OAAM a investi dans le fonds OAP, lui-même investi dans le fonds OAA également investi dans le fonds OSM, plusieurs éléments mettent en évidence, ici encore, l’absence de prise en compte de l’intérêt exclusif des porteurs alors que ces investissements ont permis à OFI AM de générer des frais à son profit, privant également les porteurs d’opportunités d’investissements en dehors des fonds gérés par OFI AM ; qu’en effet, les courbes de valeurs liquidatives des fonds OAAM, OAP et OAA suivent une évolution fortement similaire sur l’année 2008 et les inventaires joints à la procédure font également état de certains sous-jacents identiques entre les deux premiers fonds, de telle sorte qu’il n’apparait pas que l’investissement d’OAAM dans le fonds OAP permettait de diversifier les risques et correspondait alors à l’intérêt des porteurs du fonds OAAM ; que d’ailleurs, les seules courbes de performances lisibles versées à la procédure font apparaître des évolutions presque identiques entre le fonds OAP et le fonds OAA ;
Considérant, de plus, que ces investissements en cascade ont été de nature à créer une opacité pour les investisseurs contraire à l’intérêt des porteurs ; que la qualité de l’information dispensée à ces derniers peut cependant permettre de réduire cette opacité ; que, toutefois, si les mis en cause ont soutenu que des comptes-rendus (ou reportings) mensuels sur les fonds de multigestion alternative contenant tous les détails sur les fonds sous-jacents étaient fournis aux clients et qu’étaient également organisées des réunions périodiques permettant de « passer en revue la composition des portefeuilles et [de] discuter de l’opportunité de tels arbitrages en fonction des conditions de marché », ces comptes-rendus mensuels n’ont pas été joints à la procédure, et la preuve de la tenue des réunions périodiques n’a pas non plus été apportée ; que seul le compte-rendu d’un fonds est annexé au rapport de contrôle, uniquement pour le mois de janvier 2008, et que les publications hebdomadaires et mensuelles d’OFI AM versées à la procédure ne contiennent aucune information exhaustive sur les fonds en cause ;
Considérant en outre que les imbrications des fonds ont favorisé, compte tenu de l’insuffisance des instruments de mesure, les dépassements de ratios examinés à l’occasion du deuxième grief et ont été réalisées en contradiction avec les dispositions des prospectus des fonds UMR SA et OAAM ;
Considérant, en effet, que la note d’information du fonds UMR SA reprenant les dispositions du prospectus du fonds ne prévoyait pas la possibilité d’investir dans des OPCVM français de fonds alternatifs ; qu’il a néanmoins souscrit des parts du fonds OAP qui est un fonds de fonds alternatif ;
Considérant également que les souscriptions du fonds OAAM dans le fonds OAP étaient constitutives à elles seules d’un dépassement des ratios dérogatoires prévus dans la note d’information détaillée d’OFI AM qui précisait que le fonds OAAM n’investirait pas plus de 10% de son actif dans un certain nombre d’instruments financiers et notamment dans des « OPCVM détenant plus de 10% d’OPCVM ou de fonds d’investissements » ; que les souscriptions d’OAAM dans OAP ont représenté 17,57% de son actif au 31 octobre 2008 et le fonds OAP était lui-même investi à plus de 10% dans des OPCVM ou des fonds d’investissements ;
Considérant, en conclusion, que le manquement d’OFI AM à l’obligation d’agir dans l’intérêt exclusif des porteurs de parts des fonds UMR SA et OAAM est caractérisé ; qu’au surplus, ces investissements en cascade n’ont pas contribué à donner une information claire et ont participé à un dépassement très significatif des ratios édictés notamment dans l’intérêt des porteurs ;
2.3.2.3. Concernant les opérations réalisées entre les dirigeants d’OFI AM et un FCPR à procédure allégée
Considérant qu’initialement, le capital d’OFI AM était contrôlé par la société OFIVALMO dont l’actionnariat était composé d’une quinzaine de mutuelles ; qu’une d’entre elles souhaitant sortir du capital d’OFIVALMO, une réorganisation du groupe a été mise en oeuvre, comprenant notamment la cession d’OFI AM à deux actionnaires intéressés, la Macif et la Matmut, ainsi qu’à des collaborateurs du groupe ; qu’une opération d’acquisition avec effet de levier a donc été mise en oeuvre aux termes d’un protocole d’investissement du 6 juin 2007 ;
Considérant que cette acquisition a été mise en place au travers de deux sociétés ; que la première, OFI Res, holding de reprise des salariés, détenait 40% du capital d’OFI AM ; que la seconde, OFI Instit, détenue à parité par la Macif et la Matmut, détenait 60% du capital ;
Considérant que le financement d’OFI Instit a été notamment assuré par une émission de 602 460 obligations convertibles (ci-après « OC ») au prix de 4 € chacune, destinées à des collaborateurs et des personnalités qualifiées intéressées au développement d’OFI AM ; que ces personnalités, tout comme certains des collaborateurs, n’étaient pas éligibles au plan d’épargne entreprise ; que le FCPR OFI Investir a été créé afin que ces personnes puissent bénéficier d’avantages fiscaux analogues à ceux du plan d’épargne d’entreprise, tout en assurant une durée de participation compatible avec la réduction de la charge de l’endettement né de l’effet de levier ; que le FCPR achetait des OC, les personnalités et collaborateurs dont il s’agit souscrivant, quant à eux, des parts du FCPR ; qu’une part du FCPR équivalait à une OC ;
Considérant qu’il est reproché à OFI AM et à ses dirigeants d’avoir pris la décision de mettre hors champ de compétence du contrôle interne et de la conformité, les mesures prises dans le cadre de la gestion du FCPR à procédure allégée « OFI Investir » ; que cette absence de contrôle aurait été dommageable à deux niveaux car elle aurait permis la réalisation d’actes de gestion en dehors de tout contrôle, matérialisée, d’une part, par la possibilité offerte à certains investisseurs de souscrire dans le FCPR en dehors de la période prévue explicitement par la notice d’information du fonds et, d’autre part, par l’absence d’encadrement des conflits d’intérêts potentiels liés aux opérations financières réalisées par le FCPR sur des OC impliquant pourtant directement les dirigeants d’OFI AM puisque les dirigeants et les membres de l’organe délibérant d’OFI AM et d’OFI INSTIT étaient à la fois bénéficiaires et parties prenantes à la gestion du FCPR ;
Considérant, à titre liminaire, qu’il n’est pas contesté qu’OFI AM a décidé de ne pas soumettre le FCPR OFI Investir à son contrôle interne et de la conformité ; que les décisions prises par le FCPR étaient validées par un comité exécutif (« Comex »), au sein duquel une équipe restreinte, composée de MM. A, B, […], […] et Mme C, supervisait le dispositif, et en particulier la répartition des OC destinées à être replacées auprès des collaborateurs, des actionnaires ou de filiales d’OFI AM ;
Considérant qu’aux termes de l’article 322-12 du règlement général de l'AMF repris en substance à l’article 313-54 du même règlement à compter du 1er novembre 2007, OFI AM devait « en permanence disposer de moyens, d’une organisation et de procédures de contrôle et de suivi en adéquation avec les activités exercées et dans le respect des exigences déontologiques. / Les procédures de contrôle et de suivi doivent permettre de contrôler ses activités, celles de ses dirigeants, et de ses salariés, celles des personnes physiques agissant pour son comptes, celles de ses intermédiaires et dépositaires. (… )» ;
Considérant qu’aux termes de l’article 10.1 du règlement du FCPR, « les investisseurs peuvent commencer à souscrire au FCPR à compter de la date de délivrance par le FCPR de l’attestation de dépôt des fonds (…). La souscription est ensuite ouverte jusqu’au 60ème jour suivant le Premier Jour de Souscription » ; que cette période s’est achevée le 31 juillet 2007 ; que, cependant, six souscriptions ont eu lieu en décembre 2007 ;
Considérant que si les mis en cause se prévalent d’une simple erreur de plume dans le règlement du fonds engendrant une période de souscription trop courte, OFI AM, en décidant de priver le FCPR des diligences de son contrôle interne et de la conformité, ne s’est pas donné les moyens de contrôler ces activités, rendant ainsi possibles les souscriptions en dehors de la période prévue par le règlement, ou, à tout le moins, d’une relecture éclairée de ce règlement qui aurait pu détecter l’ « erreur de plume » relative à la durée de la période de souscription ; que le manquement relatif à l’absence de contrôle de ce que le fonctionnement du FCPR respectait son règlement – favorisée par la soustraction du FCPR du périmètre du contrôle interne et du contrôle de conformité – est caractérisé ;
Considérant, en revanche, que si les cinq personnes appartenant à l’équipe restreinte du Comex supervisant le dispositif du FCPR et en particulier la répartition des OC destinées à être replacées auprès de collaborateurs non encore sélectionnés au moment de la signature des actes (ci-après « OC à céder »), étaient également souscripteurs des OC et que si OFI AM a décidé que ces cinq personnes souscriraient également l’ensemble des OC à céder, afin de pouvoir les rétrocéder par la suite à des tiers, il n’est pas établi que cette situation était génératrice de conflits d’intérêts ; qu’elle ne conduisait pas, en effet, à la prise de décisions de gestion mais seulement à l’exécution de décisions prises dans un autre cadre et relatives à l’intéressement au développement d’OFI AM ;
Considérant, dès lors, le manquement d’OFI AM à l’obligation de gestion des conflits d’intérêts ne saurait être retenu ;
2.4. SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX IRRÉGULARITÉS DANS LA COMMERCIALISATION D’UN FONDS D’INVESTISSEMENT ÉTRANGER
2.4.1. La démarche de commercialisation en l’absence d’autorisation préalable
2.4.1.1. Les textes applicables
Considérant que les faits reprochés se sont déroulés entre le 21 mars 2007 et le mois de février 2009 et qu’ils seront examinés à la lumière des textes applicables à cette période ;
Considérant que l’article L. 214-1, II du code monétaire et financier disposait, jusqu’au 24 octobre 2008 : « Tout organisme de placement collectif doit, préalablement à sa commercialisation sur le territoire de la République française, faire l'objet d'une autorisation délivrée par l'Autorité des marchés financiers. Un décret définit les conditions de délivrance de cette autorisation » ; qu’à compter du 24 octobre 2008, ce même article prévoit : « Tout organisme de placement collectif ou fonds d'investissement constitué sur le fondement d'un droit étranger autre que de type fermé doit, préalablement à sa commercialisation sur le territoire de la République française, faire l'objet d'une autorisation délivrée par l'Autorité des marchés financiers. Un décret définit les conditions de délivrance de cette autorisation » ;
2.4.1.2. Examen du grief
Considérant qu’il est reproché à la société OFI AM et à ses dirigeants d’avoir procédé à « une démarche de commercialisation non suivie » du fonds d’investissement de droit caymanais Oval Satum Multistrategies (ci-après « OSM »), pourtant non autorisé à la commercialisation en France ;
Considérant que le fonds OSM est un fonds d’investissement non autorisé à la commercialisation en France ; que le prospectus du fonds, mis à jour en juin 2007, indique qu’il s’agit d’une « limited company » immatriculée aux Iles Caïmans, que son « investment manager » est la société Saturn Capital Management, « limited company » immatriculée aux Bahamas, et qu’elle a pour « investment advisor of the investment manager » la société OFI Lux, immatriculée au Luxembourg ; que l’article L. 214-1 II du code monétaire et financier précité prohibe la commercialisation d’un fonds d’investissement étranger ne bénéficiant pas d’une autorisation de commercialisation délivrée par l’AMF ;
Considérant d’abord que, dans une vidéo présente sur le site internet d’OFI AM accessible à tout public, M. B énonce : « nous avons créé cette année Oval Alpha Ace et Oval Saturn qui sont des produits de multigestion alternative offensifs (…) » ; que le fonds OSM est donc présenté comme faisant partie des produits d’OFI AM ;
Considérant ensuite qu’un « projet de plaquette » daté du 10 août 2008, consacrant une page entière à la présentation des performances et de la politique de gestion du fonds OSM, a été diffusé, à tout le moins, une fois à un client en annexe d’un message électronique ayant pour objet de présenter l’offre de multigestion alternative d’OFI AM ;
Considérant, en outre, que les caractéristiques et performances du fonds ont été régulièrement présentées par OFI AM dans ses documents de diffusion mensuelle et hebdomadaire, OFI Mensuel et OFI Hebdo, à visée informative mais également commerciale ;
Considérant, surtout, que les comptes-rendus de contacts et de rendez-vous complétés par les commerciaux d’OFI AM établissent que le fonds OSM a été présenté entre juillet 2007 et mai 2008 à cinq clients ou clients potentiels et que le reporting du mois de janvier 2008 du fonds OSM a également été communiqué à un des clients potentiels par message électronique, le 13 mars 2008 ; que si OFI AM qualifie ces éléments « d’erreurs » de la part des commerciaux, ces présentations du fonds OSM ont cependant, à chaque fois, été réalisées par des commerciaux pour lesquels avaient été définis des objectifs de collecte sur le fonds OSM pour l’année 2008 ;
Considérant, par conséquent et au vu de l’ensemble de ces constatations, qu’il est clairement établi qu’OFI AM a commercialisé, par différents vecteurs, le fonds OSM, non autorisé à la commercialisation en France ; que le manquement d’OFI AM à l’interdiction de commercialisation en l’absence d’autorisation préalable est, dès lors, caractérisé ;
2.4.2. La diffusion d’informations inexactes et trompeuses
2.4.2.1. Les textes applicables
Considérant que les faits reprochés se sont déroulés entre le 21 mars 2007 et février 2009 et qu’ils seront examinés à la lumière des textes applicables à cette période ;
2.4.2.1.1. Sur les informations diffusées par les prestataires de services d’investissement
Considérant qu’à compter du 1er novembre 2007, l’article L. 533-12 du code monétaire et financier dispose :
« I. - Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles.
II. - Les prestataires de services d'investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause » ;
Considérant qu’avant le 1er novembre 2007, ces obligations existaient, dans des termes différents, et étaient mentionnées à l’article 411-50 du règlement général de l'AMF ;
Considérant que l’article 314-11 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er novembre 2007 et peu modifiée depuis, prévoit :
« L’information [y compris à caractère promotionnel que le prestataire de services d’investissement adresse à ses clients] inclut le nom du prestataire de services d’investissement. / Elle est exacte et s’abstient en particulier de mettre l’accent sur les avantages potentiels d’un service d’investissement ou d’un instrument financier sans indiquer aussi, correctement et de façon transparente, les risques éventuels correspondants. / Elle est suffisante et présentée d’une manière qui soit compréhensible pour un investisseur moyen de la catégorie (Arrêté du 24 décembre 2009, Journal Officiel du 30 décembre 2009) « à laquelle » elle s’adresse ou (Arrêté du 24 décembre 2009, Journal Officiel du 30 décembre 2009) « à laquelle » il est probable qu’elle parvienne » ;
2.4.2.1.2. Sur le prospectus des OPCVM
Considérant que l’article 411-45 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur à compter du 7 janvier 2008, prévoyait que « Les informations que l’OPCVM est tenu de diffuser sont transparentes, complètes et claires » ;
Considérant que l’article 411-45-1 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur à compter du 7 janvier 2008, reprenant, en substance, les dispositions de l’article 411-45 du même règlement et applicables jusqu’au 7 janvier 2008, et reprises depuis à l’article 411-113 du même règlement à compter du 20 octobre 2011, prévoyait :
« Pour tout OPCVM il est établi un prospectus complet. / Le prospectus complet est composé des documents suivants, dont le contenu est précisé dans une instruction de l’AMF : / 1° Un prospectus simplifié donnant les renseignements essentiels et nécessaires à la décision de l’investisseur. Il doit indiquer que le dernier rapport annuel, le dernier état périodique et le prospectus complet peuvent être obtenus gratuitement sur simple demande. Il est structuré et rédigé de façon à pouvoir être compris facilement par l’investisseur et donne une information transparente, complète, claire permettant à l’investisseur de prendre une décision sur son investissement en toute connaissance de cause ; / 2° Une note détaillée décrivant précisément les règles d’investissement et de fonctionnement de l’OPCVM ainsi que l’ensemble des modalités de rémunération de la société de gestion de portefeuille et du dépositaire. Elle mentionne également l’identité de la société de gestion de portefeuille et du dépositaire ; / 3° Le règlement ou les statuts de l’OPCVM » ;
2.4.2.2. Examen du grief
Considérant qu’il est reproché à OFI AM et à ses dirigeants d’avoir diffusé des informations inexactes et trompeuses concernant le fonds OSM ; que deux éléments sont mis en évidence par les notifications de griefs : l’identification variable des intervenants du fonds OSM dans les rapports de gestion d’OFI AM et l’absence d’informations relatives au caractère non commercialisable du fonds dans la fiche de présentation du fonds OSM incluse dans un projet de brochure commerciale de février 2008 ;
Considérant que le prospectus mis à jour en 2007 du fonds OSM indique que celui-ci a pour gérant la société Saturn Capital Management et pour conseiller en investissements financiers la société OFI Lux ; qu’il n’est aucunement fait mention de la société OFI AM dans la documentation juridique du fonds OSM ;
Considérant, pourtant, que tous les numéros « OFI Hebdo », documents diffusés par OFI AM à vocation commerciale et informative, présentant les performances d’OSM, entretiennent une confusion quant à une éventuelle gestion du fonds OSM par OFI AM ; qu’il y est toujours indiqué « notre » fonds, au sujet du fonds OSM, alors que, juridiquement, OSM n’est pas géré par OFI AM ; que cette tournure est également présente dans les numéros « OFI Mensuel » évoquant le fonds litigieux ; qu’une telle présentation est déformée et partant trompeuse en ce qui concerne les intervenants du fonds ; qu’au surplus, contrairement aux prescriptions de l’article 314-11 du règlement général de l’AMF, ces documents ne présentent pas les risques liés à l’investissement dans ce fonds ; que, par ailleurs, un seul numéro d’OFI Hebdo mentionne que le fonds n’est pas autorisé à la commercialisation en France ;
Considérant que la brochure intitulée « Multigestion alternative : présentation de notre gamme et bilan 2008 » du 10 août 2008 et envoyée à un client par message électronique du 9 septembre 2009, mentionne : « Oval Saturn Multistratégie associe l’expérience d’OFI Asset Management en multigestion alternative aux relations historiques que Saturn Capital Management a su développer avec des gestionnaires de hedge funds établis et offrant une capacité d’investissement limitée » ; que ces éléments ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure ces sociétés sont impliquées dans la gestion du fonds OSM ; qu’ainsi, OFI AM a diffusé des informations inexactes ou, à tout le moins, trompeuses par leur imprécision, quant à l’identité de la société de gestion du fonds OSM auprès d’au moins un de ses clients ou clients potentiels ;
Considérant que si cette brochure comporte une fiche spécifique d’une page consacrée au fonds OSM qui indique qu’OSM est un « fonds d’investissement de droit étranger structuré sous forme de Limited Company aux Iles Cayman », ce n’est qu’à la fin de la brochure, et sous la présentation d’un autre fonds, que figure un paragraphe d’une dizaine de lignes à la fin duquel est précisé : « Oval Saturn Multistratégie (…) est NON AUTORISE A LA COMMERCIALISATION EN FRANCE, son prospectus n’a pas reçu le visa de l’AMF. Toute information relative à ce fonds ne sera fournie qu’à titre confidentiel sur demande expresse » ;
Considérant que la commercialisation active en France du fonds OSM étant interdite, le déficit d’information dont il a fait l’objet ne peut toutefois être retenu en tant que tel ; que, les faits étant avérés, ils constituent cependant une circonstance aggravante du manquement relatif à la commercialisation active et non autorisée examiné ci-dessus ;
2.5. SUR LES SANCTIONS ET LA PUBLICATION
Considérant que MM. A et B ont été nommés respectivement directeur général et directeur général délégué d’OFI AM, le 13 décembre 2006 ; qu’ils sont dirigeants responsables au sens de l’article 313-6 du règlement général de l'AMF ; que le procès-verbal de décision de leurs nominations indique qu’est mise à leur charge la détermination de l’orientation de la société ;
Considérant que le directeur de la multigestion d’OFI AM était sous la supervision directe de M. B ; que M. B a indiqué avoir été parfaitement informé du travail et des décisions prises par le pôle de multigestion alternative d’OFI AM ; qu’il a lui-même procédé aux diligences d’investissement pour le fonds OSM ; qu’il a déclaré s’entretenir avec M. A de toutes les décisions du groupe ;
Considérant dès lors que l’ensemble des manquements imputables à OFI AM et postérieurs au 13 décembre 2006, sont également imputables à MM. A et B ; qu’en revanche, le manquement relatif aux diligences d’investissement dans le fonds Herald USA ne peut leur être reproché ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15 II du code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits et toujours en vigueur :
« La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes :
a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11° et 12° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 613-21 ;
b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11° et 12° du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 613-21 » ;
Considérant que les manquements relevés ont débuté en juin 2006 ; qu’aux termes de l’article L. 621-15, III a) du code monétaire et financier dans sa version issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, les sanctions encourues par OFI AM sont « l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis ; la Commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés » ; que la loi du 4 août 2008 a porté le montant de la sanction pécuniaire encourue à 10 millions d’euros ;
Considérant que l’article L. 621-15, III b) du code monétaire et financier dispose, dans sa version applicable aux faits d’espèce, issue sa version issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 :
« Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11° et 12° du II de l'article L. 621-9, et l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public » ;
Considérant que, pour déterminer la nature et le montant des sanctions, il sera tenu compte de la gravité intrinsèque des manquements caractérisés, notamment des manquements à l’obligation, en ce qui concerne l’investissement dans certains fonds, de réaliser des diligences suffisantes préalablement à l’investissement puis pour son suivi, ainsi que des manquements à l’obligation de respecter les ratios règlementaires, d’agir dans l’intérêt exclusif des porteurs de parts et de ne pas limiter le périmètre d’action des services de contrôle interne et de la conformité ;
Considérant cependant que, par une décision du 30 juin 2011, la Commission des sanctions a prononcé une sanction pécuniaire de 300 000 euros à l’encontre de la société OFI AM ; que cette sanction a été prononcée pour des faits ayant fait l’objet d’un contrôle sur pièces ; que la présente procédure trouve son origine dans un contrôle sur place décidé deux mois et demi après, qui a porté sur une période quasiment identique et que certains manquements retenus par la présente décision relèvent de la même catégorie que ceux retenus par la décision précédente ; qu’il y a lieu d’en tenir compte pour l’appréciation de la sanction à infliger à la société ;
Considérant, en conséquence, que seront prononcés à l’encontre d’OFI AM un avertissement et une sanction pécuniaire de 300 000 euros et, tant à l’encontre de M. A que de M. B, un avertissement et une sanction pécuniaire de 30 000 euros ; que la publication de la présente décision n’est pas de nature à causer un préjudice disproportionné aux personnes mises en cause ;
PAR CES MOTIFS,
Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Jean-Claude Hassan, par Mme Marie-Hélène Tric et MM. Guillaume Jalenques de Labeau et Joseph Thouvenel, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,
DECIDE DE :
- prononcer à l’encontre de la société OFI Asset Management un avertissement et une sanction pécuniaire de 300 000 € (trois cent mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de M. A un avertissement et une sanction pécuniaire de 30 000 € (trente mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de M. B un avertissement et une sanction pécuniaire de 30 000 € (trente mille euros) ;
- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.