Cass. com., 6 juillet 2022, n° 20-20.085
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mollard
Rapporteur :
Mme Ducloz
Avocats :
SCP Richard, SARL Le Prado - Gilbert, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 19 juin 2019, pourvoi n° 17-28.804), MM. [J] et [V] [S] et Mmes [H] et [X] [S] (les consorts [S]) ont cédé à la société Findis l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société [S] Holding. Par acte du même jour, ils lui ont consenti une garantie de passif, dont la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté (la banque) s'est, par un acte du 20 décembre 2011, rendue caution solidaire, dans la limite de 250 000 euros.
2. A plusieurs reprises, la société Findis a mis en oeuvre la garantie de passif par lettre recommandée avec accusé de réception, puis assigné en paiement les consorts [S] ainsi que la banque. Ceux-ci ont, à chaque fois, opposé l'irrecevabilité de la demande de la société Findis pour non-respect de la clause prévoyant une procédure de conciliation amiable préalable obligatoire, stipulée dans la convention de garantie.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal, réunis
Enoncé des moyens
4. Par son premier moyen, la société Findis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer la somme de 49 639 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 12 janvier 2012, alors « qu'une procédure de conciliation obligatoire préalable qui n'est soumise à aucun formalisme est valablement engagée par la notification d'une demande ou d'un désaccord, auquel son destinataire a pu répliquer ; qu'une telle procédure n'oblige pas les parties à parvenir à un accord ou à formuler des concessions lors de cette tentative de conciliation ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la société Findis, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre d'un redressement URSSAF, motif pris qu'il ne ressortait pas des différentes lettres échangées par les parties à compter de la contestation des consorts [S], qu'elles avaient entrepris quelque démarche susceptible d'aboutir à un règlement amiable, après avoir pourtant constaté que la clause de conciliation préalable se bornait à imposer aux parties de tenter de trouver une solution amiable, sans imposer un quelconque formalisme, et que la société Findis avait notifié cette réclamation aux consorts [S] le 12 janvier 2012, tandis que ces derniers avaient contesté cette demande de mobilisation de la garantie le 23 janvier 2012, ce dont il résultait que la procédure de conciliation préalable obligatoire avait été respectée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »
5. Par son deuxième moyen, la société Findis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer la somme de 35 772,96 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 28 octobre 2013, alors « qu'une procédure de conciliation obligatoire préalable qui n'est soumise à aucun formalisme est valablement engagée par la notification d'une demande ou d'un désaccord, auquel son destinataire a pu répliquer ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la société Findis, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre de loyers impayés à la société BNP Paribas lease, motif pris que les parties n'avaient eu aucun échange dans le mois qui avait suivi le désaccord formalisé par les consorts [S], après avoir cependant constaté que la clause de conciliation préalable se bornait à imposer aux parties de tenter de trouver une solution amiable, sans imposer un quelconque formalisme, et que la société Findis avait notifié cette réclamation aux consorts [S] le 28 octobre 2013, tandis que ces derniers avaient fait part de leur contestation de cette demande de mobilisation de la garantie le 19 novembre 2013, ce dont il résultait que la procédure de conciliation préalable obligatoire avait été respectée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. L'article 12 de la convention de garantie énonce : « Si certaines clauses du présent contrat ne peuvent être respectées, totalement ou partiellement, ou qu'il y a divergence d'interprétation et désaccord, les parties tenteront de trouver une solution amiable dans un délai d'un mois du fait générateur soit entre elles, soit par l'intermédiaire d'un tiers nommé par M. le président du tribunal de commerce de Lille statuant en la forme des référés et sans recours possible, à moins que les parties ne le désignent d'un commun accord. / Toute contestation, divergence d'interprétation ou désaccord, devra faire l'objet d'une notification dans les conditions stipulées à l'article 10 ci-dessus. / La date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception ou la date de présentation, si cette dernière n'est pas retirée par son destinataire, fera courir le délai d'un mois. / La présente clause n'est pas une clause d'arbitrage mais elle est une phase pré-contentieuse dans le règlement amiable de la difficulté intervenue. / À défaut d'accord amiable sur le litige les opposant au terme du délai d'un mois précité, le litige sera soumis, par la partie la plus diligente, au tribunal de commerce de Lille. »
7. La cour d'appel, qui a exactement retenu que ces stipulations, dont il n'est pas contesté qu'elles subordonnent la saisine du juge à la mise en oeuvre d'une procédure préalable de conciliation, imposent d'établir la réalité d'une recherche préalable par les parties d'une solution amiable à leur désaccord, laquelle ne peut résulter du seul fait que le délai d'un mois à compter de ce désaccord a couru, et relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que, s'agissant du litige relatif à la demande de l'URSSAF, il ne ressort pas des courriers produits que l'une ou l'autre des parties ait entrepris quelque démarche susceptible d'aboutir à un règlement amiable de leur désaccord et que, s'agissant du litige relatif à l'action de la société BNP Paribas lease group, il n'est justifié d'aucune démarche tendant à une résolution amiable du désaccord opposant les parties, celles-ci n'ayant même pas échangé quelque correspondance que ce soit dans le mois qui a suivi l'expression du désaccord par les consorts [S], en a exactement déduit que la société Findis était irrecevable en son action de ces chefs.
8. Les moyens ne sont donc pas fondés.
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
9. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer les sommes de 49 639 euros, 35 772,96 euros et 34 253 euros au titre des appels en garantie qu'elle leur avait notifiés les 12 janvier 2012, 28 octobre 2013 et 12 décembre 2013, alors « qu'une demande formulée en justice au mépris d'une procédure de conciliation préalable obligatoire n'en demeure pas moins recevable, lorsqu'elle est connexe à une autre demande, elle-même recevable ; qu'en se bornant à énoncer que rien ne s'opposait à ce que la juridiction saisie examine le seul chef de demande qui échappait à la clause de conciliation préalable obligatoire, à savoir la procédure mise en oeuvre par l'Autorité de la concurrence, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande était connexe avec celles tendant à la mobilisation de la garantie au titre du redressement URSSAF, des loyers réclamés par la société BNP Paribas lease et d'une rectification fiscale, de sorte que ces dernières pouvaient être examinées au fond nonobstant le fait qu'elles avaient été formulées en justice avant toute procédure de conciliation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte des stipulations de l'article 12 de la convention de garantie que toute demande initiale en justice d'une partie à la convention procédant d'un désaccord avec l'autre partie relatif au respect ou à l'interprétation de cette convention est subordonnée à la mise en oeuvre d'une procédure de conciliation amiable préalable, peu important son éventuelle connexité avec une demande initiale en justice qui ne serait pas soumise à une telle procédure.
11. La cour d'appel, qui a retenu que les demandes initiales en justice de la société Findis relatives à la garantie due par les consorts [S] au titre du litige avec l'URSSAF, de l'action de la société BNP Paribas lease et du redressement fiscal, n'avaient pas été précédées d'une tentative de conciliation amiable par les parties, en a exactement déduit, sans avoir à se livrer à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, qu'elles étaient irrecevables.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
13. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer la société Findis recevable à agir à son encontre, alors « que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ; qu'elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur ; qu'en jugeant, pour déclarer la société Findis recevable à agir à l'encontre de la banque, que la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause de conciliation obligatoire et préalable ne concernait que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non de la dette de remboursement elle-même, de sorte qu'elle ne constituait pas une exception inhérente à la dette que la caution pouvait opposer, quand une telle clause a pour objet de trouver un règlement amiable du litige, ce qui concerne directement le sort de la dette principale, de sorte que le non-respect de cette clause est une exception inhérente à la dette opposable par la caution, la cour d'appel a violé l'article 2313 du code civil. »
Réponse de la Cour
14. Aux termes de l'article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.
15. La fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt ou une convention de garantie de passif, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer.
16. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois.