Cass. crim., 3 octobre 2007, n° 06-87.849
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Soulard
Avocat général :
M. Mouton
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Vincent et Ohl
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 46 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, L. 225-251 à L. 225-254 du code de commerce,321-1 du code pénal,2,3,85,203,575,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué infirmatif a déclaré la plainte avec constitution de partie civile de Patrice Z... et de Marie-Madeleine A... " irrecevable et prescrite " ;
" aux motifs qu'aux termes des dispositions légales ou réglementaires, l'action « ut singuli » n'est recevable qu'à la condition de mettre en cause la société par l'intermédiaire de ses dirigeants sociaux (article 46 du décret du 23 mars 1967) et d'être intentée dans le délai de trois ans à compter du fait dommageable (article L. 225-254 du code de commerce) ; qu'au cas d'espèce, force est de constater que la preuve de la mise en cause de la société VMC par l'intermédiaire de ses représentants légaux n'est pas rapportée ; qu'enfin, à supposer que l'infraction reprochée rentre dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 225-251 du code de commerce, l'action « ut singuli » engagée par les parties a trait à des faits litigieux intervenus le 9 juin 1995 ; que cette action devait donc être engagée, en l'absence de toute dissimulation, avant le 9 juin 1998 ; que la constitution de partie civile en date du 21 mars 2005 est irrecevable et prescrite (arrêt attaqué, page 5) ;
" 1° / alors que les dispositions de l'article 46 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, aux termes desquelles le tribunal ne peut statuer sur l'action sociale, intentée par un ou plusieurs associés, que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux, ne sont pas applicables devant les juridictions d'instruction devant lesquelles il suffit, pour que la constitution de partie civile soit recevable, que les circonstances sur lesquelles elle se fonde permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'en subordonnant à ce stade la recevabilité de la constitution de partie civile à la mise en cause de la société, la chambre de l'instruction a violé par fausse application le texte susvisé ;
" 2° / alors que la constitution de partie civile ne se confond pas avec l'exercice de l'action civile ; qu'en déclarant " irrecevable et prescrite " la constitution de partie civile de Marie-Madeleine A... et de Patrice Z... par le motif inopérant que l'action civile aurait dû être engagée avant le 9 juin 1998, par référence au délai de prescription prévu par l'article L. 225-254 du code de commerce, la chambre de l'instruction a encore méconnu le sens et la portée des textes et du principe ci-dessus rappelés ;
" 3° / et alors, enfin et en toute hypothèse, que tout acte de poursuite ou d'instruction accompli avant la prescription de l'action publique interrompt la prescription des actions tant publiques que civiles non seulement à l'égard de tous les participants à l'infraction, mais encore à l'égard de toutes les victimes de celle-ci ; que, par ailleurs, selon l'article 203 du code de procédure pénale, les infractions sont connexes lorsque les choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été, en tout ou en partie, recelées ; que, lorsque les infractions sont connexes, un acte interruptif de la prescription concernant l'une d'elles a nécessairement le même effet à l'égard de l'autre, peu important que leurs auteurs soient différents ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait et en retenant que l'action ut singuli devait être engagée avant le 9 juin 1998, cependant qu'il résulte de ses propres énonciations que les actes effectués dans le cadre de l'information ouverte du chef d'abus de biens sociaux à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par les actionnaires de la société VMC le 1er janvier 1998 avaient régulièrement interrompu la prescription de cette infraction et, par voie de conséquence, celle de l'infraction, connexe, de recel de ce délit, la chambre de l'instruction a en toute occurrence encore méconnu le sens et la portée des textes et du principe ci-dessus rappelés » ;
Vu l'article 7 du code de procédure pénale et les articles L. 225-252 et R. 225-170 du code de commerce ;
Attendu que l'obligation de mettre en cause la société, qui s'impose à l'actionnaire exerçant l'action sociale, ne s'applique que devant les juridictions de jugement ;
Attendu que, lorsque des infractions sont connexes, tout acte interruptif de prescription concernant l'une d'elles a nécessairement le même effet à l'égard des autres ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 1er janvier 1998, Marie-Madeleine A..., Patrice Z... et Guy B..., actionnaires de la société Viellard Migeon et compagnie, ont porté plainte avec constitution de partie civile du chef d'abus de biens sociaux en faisant valoir que le président de cette société, Michel B..., s'était fait consentir des options d'achat d'actions de ladite société, détenues par cette dernière, à un prix unitaire largement inférieur à leur prix réel ; qu'après qu'une information eut été ouverte et Michel B...mis en examen de ce chef, la chambre de l'instruction a, par arrêt du 3 novembre 2004, déclaré cette constitution de partie civile irrecevable ;
Attendu que, le 21 mars 2005, Marie-Madeleine A... et Patrice Z..., déclarant exercer, à l'encontre de Michel B...et d'autres dirigeants de la société Viellard Migeon et compagnie, l'action sociale prévue à l'article L. 225-252 du code de commerce, ont porté plainte avec constitution de partie civile des chefs de recel d'abus de biens sociaux et recel d'abus de pouvoir ; que l'information ouverte de ces chefs a été jointe à la précédente ;
Attendu que, pour déclarer cette dernière plainte irrecevable, l'arrêt énonce que la preuve de la mise en cause de la société Viellard Migeon et compagnie n'est pas rapportée et que l'action n'a pas été intentée dans le délai de trois ans à compter du fait dommageable, ainsi que le prévoit l'article L. 225-254 du code de commerce ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, d'une part, l'obligation de mettre en cause la société ne s'imposait pas devant la juridiction d'instruction et, que d'autre part, il résulte des énonciations de l'arrêt que la prescription, interrompue par plusieurs actes d'instruction effectués dans le cadre de la procédure initiale, connexe à la présente procédure, n'était pas acquise au jour où les demandeurs ont exercé l'action sociale, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon, en date du 4 octobre 2006, en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable et prescrite la plainte avec constitution de partie civile de Marie-Madeleine A... et de Patrice Z..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE le retour du dossier au juge d'instruction ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande présentée par Michel B...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.