Cass. com., 19 janvier 2010, n° 08-19.376
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Peignot et Garreau
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que la société anonyme JK et associés, ayant pour activité le courtage d'assurances, est spécialisée dans l'assurance du crédit à la consommation ; qu'elle a, en fait, pour unique client la banque Cofidis ; que par acte du 24 juin 1997, M. Jacques X..., titulaire de 1 604 des 2 500 actions représentant le capital de la société JK et associés, agissant tant en son nom personnel qu'en se portant fort de Mme Stella X..., de MM. Nicolas et Maxime X..., de M. Yves Y..., de M. Serge Z... et de Mme Suzy Z..., détenteurs du solde des actions, a cédé l'intégralité de ces titres à la société Le Blanc de Nicolay assurance, aux droits de laquelle vient la société Aon conseil et courtage, moyennant un prix ferme de quarante millions de francs ; que le même jour, MM. A..., B... et X... ont été nommés administrateurs de la société JK et associés, M. X... étant désigné en qualité de président du conseil d'administration ; qu'il était stipulé à l'acte du 24 juin 1997 (article 2) qu'un complément de prix, proportionnel aux résultats de l'entreprise entre la cession de son contrôle et le 31 décembre 2003, serait "versé dès l'approbation des comptes de l'exercice 2003 et pour autant que M. X... exerce toujours ses fonctions" ; qu'il était toutefois précisé qu'en cas de décès de M. X..., d'incapacité d'exercice de la direction générale de la société ou de départ volontaire au cours de la période allant du 30 juin 1997 au 31 décembre 2003, la somme à verser au titre du complément de prix serait calculée en fonction de son temps de présence dans la société au cours de la période considérée ; qu'il était par ailleurs convenu (article 7) qu'au plus tard le 1er janvier 2004, et dans la mesure où les contrats liant la société JK et associés à la société Cofidis, dont le terme était fixé au 31 décembre 2003, seraient reconduits pour une durée expirant au plus tôt le 31 décembre 2006, en conséquence notamment des diligences de M. X..., celui-ci percevrait une rémunération spéciale ; que les accords avec la société Cofidis ont été renouvelés le 21 décembre 2001 jusqu'au 31 décembre 2010, avec une augmentation du taux des commissions perçues par la société JK et associés ; que par actes des 21 et 22 mai 2001, M. Jacques X... a assigné la société Aon conseil et courtage ainsi que cinq personnes physiques, dont M. B..., également actionnaires de la société JK et associés ; que Mme Stella X... et MM. Nicolas et Maxime X... sont intervenus à l'instance ; que les consorts X... ont conclu, à titre principal, à l'annulation de l'acte de cession d'actions du 24 juin 1997 et, subsidiairement, au paiement de provisions à valoir sur le complément de prix et sur la rémunération spéciale ; que le 24 mars 2003, M. Jacques X... a été révoqué de ses fonctions de président du conseil d'administration de la société JK et associés ; que par un premier jugement, le tribunal a débouté les consorts X... de leur demande d'annulation de l'acte du 24 juin 1997 ou de certaines de ses stipulations et de leur demande en paiement d'un complément de prix et condamné M. Jacques X... à payer des dommages-intérêts à la société Aon conseil et courtage ainsi qu'à M. B... ; que par un second jugement, le tribunal a condamné la société Aon conseil et courtage à payer à M. Jacques X... une certaine somme au titre de la rémunération prévue à l'article 7 de l'acte de cession et condamné M. X... à payer à la société JK et associés la somme de 549 457,49 euros à titre de dommages-intérêts ; que par l'arrêt déféré, la cour d'appel a confirmé les jugements précités, sauf sur le montant de la somme allouée à M. Jacques X... en application de l'article 7 de l'acte de cession d'actions ;
Sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1174 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande d'annulation de l'acte de cession d'actions fondée sur le caractère potestatif de la clause relative au complément de prix, l'arrêt retient que la société Aon conseil et courtage, en sa qualité d'actionnaire majoritaire, dont les intérêts étaient défendus au sein du conseil d'administration de la société JK et associés par les deux administrateurs issus de son encadrement, était en mesure de faire révoquer à tout moment M. X... de son mandat de président du conseil d'administration, qu'il ne saurait être admis qu'elle ait pu se libérer de son obligation de régler le complément de prix en provoquant la défaillance de la condition, c'est-à-dire en faisant révoquer sans motif M. X... avant le 31 décembre 2003, que l'article 1178 du code civil, qui prévoit que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement, assure la protection des intérêts du cédant en ce qu'il permet de sanctionner la mauvaise foi éventuelle du cessionnaire à travers le contrôle des motifs de la révocation ; que la présence de M. X... à la tête de la société JK et associés ne peut être tenue pour une condition purement potestative au sens de l'article 1174 du code civil ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, alors qu'il lui appartenait, pour apprécier si la condition tenant à l'exercice de ses fonctions par M. X... lors de l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2003, revêtait un caractère potestatif au sens du texte susvisé, de rechercher si sa réalisation dépendait de la seule volonté de la société Aon conseil et courtage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du deuxième moyen, non plus que sur le sixième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté MM. Jacques, Nicolas et Maxime X... et Mme Stella X... de leur demande en annulation de l'acte de vente du 24 juin 1997 et en ce qu'il a statué sur la demande en paiement d'une rémunération formée en application de l'article 7 de cet acte, l'arrêt rendu le 24 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.