Cass. crim., 19 avril 1988, n° 87-80.061
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ledoux
Rapporteur :
M. Tacchella
Avocat général :
M. Robert
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, Me Foussard
Statuant sur les pourvois formés par :
1°/ Y... Lucien,
2°/ X... Mathilde, épouse Y...,
contre un arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 8 décembre 1986 qui, sur renvoi après cassation et pour fraudes fiscales, a condamné, le mari à un an d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, la femme à 2 000 francs d'amende, qui a ordonné la publication de la décision et qui, à la demande de l'administration des Impôts, partie civile, a dit que les époux Y... seraient solidairement tenus au paiement des impôts et taxes fraudés par la société SIC, redevable légale de certains des impôts éludés ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ; Sur le premier moyen de cassation, commun aux deux demandeurs et pris de la violation des articles 485, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt qui se borne à mentionner que la cause a été appelée, débattue et délibérée par MM. de Lagrevol, président, Hereus et Valantin, conseillers, présents aux audiences des 21 avril et 17 novembre 1986 et que l'arrêt a été prononcé à une audience ultérieure du 8 décembre 1986 ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer qu'il a été prononcé par un au moins des magistrats ayant assisté à toutes les audiences de la cause et que les dispositions substantielles de l'article 592 du Code de procédure pénale ont été respectées, partant, a violé les textes susvisés" ; Attendu qu'il appert des mentions de l'arrêt attaqué qu'à l'ouverture des débats et durant ceux-ci qui se sont déroulés à l'audience publique du 17 novembre 1986, comme pendant le délibéré qui a duré jusqu'au prononcé de l'arrêt le 8 décembre 1986, la Cour de renvoi était présidée par M. de Lagrevol, conseiller désigné par ordonnance du premier président en date du 12 décembre 1985 pour présider la chambre en remplacement du titulaire empêché, alors que les deux autres conseillers composant la juridiction du second degré étaient MM. Hereus et Valantin ;
Que dès lors le moyen proposé qui manque par le fait sur lequel il entend se fonder ne saurait être accueilli ; Sur le deuxième moyen de cassation propre à Lucien Y... et pris de la violation des articles 1741 et 1743 A du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ; "en ce que la Cour a déclaré Y... coupable de s'être frauduleusement soustrait au paiement partiel de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 1976, 1977, 1978 par dissimulation d'une partie des sommes sujettes à l'impôt et l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et au paiement solidaire avec son épouse et la SIC des impôts éludés et des pénalités fiscales afférentes, ainsi qu'à la publication à leur frais de la décision ; "aux motifs que, devant le juge d'instruction le 19 janvier 1982, Lucien Y... avait reconnu qu'utilisant les ressources de la société SIC dans le but de continuer pour parer au plus pressé pour acheter et vendre il avait employé l'argent dans ce but, "éludant le paiement de l'impôt", qu'il ne contestait pas que des sommes provenant de paiements dans la société aient été placées sur le compte personnel de sa femme ; "alors que seule l'absence de déclaration, procédant d'une volonté manifestement frauduleuse de se soustraire au paiement est incriminée ; qu'en relevant elle-même que les sommes devant être versées sur le compte de la SIC avaient certes transité par le compte personnel de Y..., en l'absence de compte bancaire de la société, mais avaient été utilisées dans le seul but de poursuivre l'activité de la société, la Cour qui n'a, dès lors, pas caractérisé l'intention du prévenu de les utiliser pour son compte personnel, et, partant, de dissimuler une partie de ses revenus propres, n'a pas légalement justifié sa décision" ; Attendu que pour déclarer Lucien Y..., animateur occulte et gérant de fait de la société "SIC", coupable depuis temps non prescrit de trois fraudes fiscales distinctes commises es-qualités, par omission de toutes déclarations concernant l'impôt sur les sociétés, la TVA et l'impôt sur le revenu dû par la personne morale susnommée au titre de la distribution de bénéfices occultes, et pour le dire également coupable d'une quatrième fraude fiscale, pour avoir, en son nom personnel, minoré au delà des tolérances légales, ses propres recettes au regard de l'impôt sur le revenu dû par les personnes physiques, l'arrêt attaqué énonce notamment que le caractère volontaire des délits imputés à Lucien Y... se déduit de l'importance des sommes par lui non déclarées pour ses impôts personnels, comme de leur répétition, ainsi que de la persistance de ce prévenu à ne pas faire état des recettes sociales au prétexte fallacieux que la société qui les avait encaissées avait, depuis, cessé toute activité commerciale ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs et contrairement au grief du moyen, la cour d'appel a justifié l'élément intentionnel des quatre fraudes fiscales distinctes dont Lucien Y... a été dit coupable ; Que, dès lors, le moyen proposé ne peut qu'être écarté ; Sur le troisième moyen de cassation propre à Mme Mathilde X..., épouse Y... et pris de la violation des articles 1741 et 1743 A du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ; "en ce que la Cour, infirmant la décision des premiers juges, a déclaré Mme Y... coupable des faits qui lui étaient reprochés, et l'a condamnée à la peine de 2 000 francs d'amende et au paiement solidaire avec son époux et la SIC des impôts éludés et des pénalités fiscales afférentes, ainsi qu'à la publication à leur frais de la décision ; "aux motifs que, contrairement à ce qu'elle prétend, Mme Y... n'a pas joué seulement le rôle d'un prête-nom, mais a bien participé d'une manière effective à la gestion de cette société avec son mari ; qu'en effet, elle était titulaire d'un compte bancaire ouvert sans son mari à la Banque populaire du Nord, agence de Boulogne-sur-Mer, sous le numéro 08 041221909 et qu'elle a reconnu expressément devant le juge d'instruction le 5 novembre 1981 que sur ce compte "tout était mélangé, les comptes de la société et les nôtres" ; que, devant les magistrats, elle a bien précisé "nous n'étions titulaires, mon mari et moi, que d'un seul compte" ; "alors que les articles 1741 et 1743 A du Code général des impôts n'édictant aucune présomption de responsabilité à l'encontre des dirigeants sociaux, la Cour, qui retient la responsabilité pénale de Mme Y..., au seul motif que les sommes provenant de la société avaient transité irrégulièrement par le compte bancaire dont elle était titulaire avec son époux, sans relever le moindre acte de participation matérielle et intentionnelle de Mme Y... aux faits poursuivis et en particulier sans établir, ni sa participation personnelle à ces mouvements de fonds, ni sa connaissance du fait que ces manoeuvres avaient pour but d'éluder des impositions, n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que pour retenir Mathilde Y... dans les liens de la prévention dont elle était l'objet et pour les trois fraudes fiscales commises au sein de la société SIC, redevable légale des impôts éludés, la Cour de renvoi spécifie que malgré les dires de cette prévenue, gérante légale de la société en cause, elle n'avait pas joué le simple rôle d'un prête-nom, mais avait participé d'une manière effective et consciente à la gestion de ladite société, aux côtés de son mari, et avait toléré que les recettes sociales soient encaissées, non à un compte propre à la seule personne morale, mais sur son compte bancaire personnel ; qu'elle avait en outre reconnu devant le juge d'instruction que la société "SIC" avait été liquidée par ses soins en 1978 pour tenter de justifier la carence de déclaration concernant les recettes encaissées par cette entreprise durant la période de la prévention ; Que dès lors le moyen proposé qui manque par le fait sur lequel il entend se fonder ne peut être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois.