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Décisions

Cass. com., 28 novembre 2006, n° 05-15.859

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Aix-en-Provence, 8e ch. civ. B, du 4 mar…

4 mars 2005

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 1er décembre 1998, la société Holding Robert Pellet (la société HRP) a cédé à la société Satac Saint-Yves (la société Satac) la quasi-totalité des actions composant le capital de la société Samva, qui exploite une concession des automobiles Renault ; que, par acte du 4 janvier 1999, la société HRP a notamment garanti à la société Satac que le compte d'exploitation "Renault" arrêté au 31 décembre 1998 ferait ressortir un bénéfice d'exploitation cumulé d'au moins 1 500 000 francs ; que la société Satac, estimant qu'un défaut de provisions pour dépréciation d'actif remettait en cause la sincérité du bilan, a obtenu en référé la désignation d'un expert puis demandé que la société HRP soit condamnée à lui payer une certaine somme au titre de la garantie contractuelle ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Satac fait grief à l'arrêt d'avoir partiellement rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1 / que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles sont déterminées par les conclusions respectives des parties ; qu'il ne peut, à ce titre, octroyer à une partie une somme inférieure à celle que son adversaire lui offrait ; que la société HRP soutenait que la seule somme à laquelle pouvait prétendre la société Satac, en application de la clause garantissant un bénéfice d'exploitation de 1 500 000 francs, était la différence entre ce bénéfice d'exploitation et le bénéfice d'exploitation réel de 1 037 478 francs, soit la somme de 462 522 francs (70 511 euros) ; qu'en condamnant pourtant la société HRP à verser à la société Satac, en application de la clause litigieuse, la seule somme de 16 007 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que l'article 1, alinéa 5, de la convention de garantie de passif en date du 4 janvier 1999 stipulait que la société HRP garantissait à la société Satac que le compte d'exploitation Renault au 31 décembre 1998 ferait ressortir un bénéfice d'exploitation cumulé d'au moins 1 500 000 francs ; qu'il était également stipulé que "les parties précisent, en tant que de besoin, qu'il est fait ici référence au compte d'exploitation établi selon les normes du constructeur Renault" ; qu'en affirmant pourtant que la notion de bénéfice d'exploitation, au sens de cette stipulation, devait s'entendre comme "des états mensuels adressés à ce constructeur avant imputation des provisions pour dépréciation d'actif, selon l'usage pratique des concessions de la marque", excluant ainsi les normes établies par le constructeur, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la convention, en violation de l'article 1134 du code civil ;

3 / qu'en décidant que la notion de bénéfice d'exploitation cumulé, au sens de la clause litigieuse, devait nécessairement s'entendre des états mensuels adressés à ce constructeur avant imputation des provisions pour dépréciation d'actif, selon l'usage pratique des concessions de la marque, sans aucunement rechercher si les normes Renault, auxquelles les parties s'étaient référées, exigeaient que les états mensuels fussent établis après imputation des provisions pour dépréciation d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4 / que l'article 1, alinéa 5, de la convention de garantie de passif du 4 janvier 1999 stipulait que la société HRP garantissait à la société Satac que le compte d'exploitation Renault au 31 décembre 1998 ferait ressortir un bénéfice d'exploitation cumulé d'au moins 1 500 000 francs ; que la cour d'appel a admis qu'à défaut, la société HRP devrait rembourser à la société Satac la différence entre le bénéfice d'exploitation garanti et le bénéfice d'exploitation réel ; qu'il en résultait que les parties à la convention de garantie de passif avaient prévu la possibilité d'une modification du prix de vente des actions ; qu'en affirmant néanmoins, pour refuser de tenir compte des provisions pour dépréciation d'actif dans l'estimation du bénéfice d'exploitation, qu'une réduction de l'actif entraînerait une réduction de prix contraire à la volonté des parties, qui avaient choisi de traiter à un prix forfaitaire et définitif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la convention ne précisant pas si le résultat d'exploitation retenu pour la mise en oeuvre de la garantie devait ou non inclure les provisions pour dépréciation d'actif, c'est par une interprétation que ce silence rendait nécessaire que la cour d'appel, recherchant la commune intention des parties, a estimé que la notion de "bénéfice d'exploitation cumulé" déterminée "par référence au compte d'exploitation établi selon les normes du constructeur Renault" devait s'entendre des états mensuels adressés à ce constructeur avant imputation des provisions pour dépréciation d'actif, selon l'usage pratique des concessions de la marque attesté par les parties elles-mêmes ; qu'en l'état de cette interprétation souveraine rendant inopérante la recherche visée à la troisième branche, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1153 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société HRP à payer les intérêts légaux sur la somme due par elle à compter de la signification de l'arrêt, celui-ci retient que les intérêts légaux ne sont pas dus à compter du 1er mai 1999, date de la mise en demeure d'honorer la garantie contractuelle, la société Satac ayant ultérieurement refusé le règlement d'une somme supérieure que lui proposait la société HRP à titre de dédommagement forfaitaire, mais seulement à compter de la signification de la décision qui fixe la dette ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance d'une somme d'argent dont le principe et le montant résultent de la loi ou du contrat et non de l'appréciation du juge porte intérêt dès la sommation de payer, peu important que le juge saisi de la contestation évalue finalement la créance à une somme différente de celle qui était réclamée par le créancier ou proposée par le débiteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, la Cour étant en mesure de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Holding Robert Pellet à payer les intérêts légaux sur la somme de 16 007 euros à compter de sa signification, l'arrêt rendu le 4 mars 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.