CA Paris, 3e ch. B, 28 février 2008, n° 06/19226
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Foncia Gis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monin-Hersant
Conseillers :
Mme Jourdier, M. Loos
Avoués :
SCP Bolling - Durand - Lallement, SCP Guizard
Avocats :
Me Berkovits, Me Helwaser
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant protocole d'accord signé le 15 mai 2001, Monsieur Jacques O., Monsieur Jacques P. et Madame Colette A. épouse P. se sont engagés à céder à la société FONCIA l'intégralité des parts de la S.A.R.L. Cabinet OLIVIER, exploitant un cabinet d'administration de biens et transaction immobilière à Aulnay sous bois (Seine Saint Denis) sous l'enseigne COGESTRA, moyennant un prix prévisionnel de base de 4.773.000 F soit 727.369,15 euros assorti de modalités de révision. La société FONCIA acceptait cette offre pour elle et toute personne qu'elle se réservait la faculté de se substituer, prenant l'engagement d'acquérir avant le 1er juillet 2001. Une convention de garantie était signée le même jour.
Les mouvements de titres ont eu lieu le 2 juillet 2001au profit de la société FONCIA GIS. Les acquéreurs ont payé une somme totale de 654.875,24 euros (4.295.700 F)
Par actes d'huissier de justice des 3 et 4 mai 2005, la société FONCIA GIS a assigné devant le tribunal de commerce de PARIS Monsieur Jacques O., Monsieur Jacques P. et Madame Colette A. épouse P. aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 39.033,06 euros en application des conventions du 15 mai 2001.
Par jugement prononcé le 26 septembre 2006, le tribunal de commerce de PARIS a condamné solidairement Monsieur Jacques O., Monsieur Jacques P. et Madame Colette A. épouse P. à payer à la société FONCIA GIS la somme de 27.595,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2005. Les défendeurs ont formé appel par déclaration du 6 novembre 2006.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées le 3 décembre 2007 par Monsieur Jacques O., Monsieur Jacques P. et Madame Colette A. épouse P., appelants,
Vu les dernières conclusions déposées le 6 décembre 2007 par la société FONCIA GIS, intimée,
SUR CE,
sur la qualité à agir de la société FONCIA GIS
Considérant que la société FONCIA, bénéficiaire de la promesse de cession des parts de la S.A.R.L. Cabinet OLIVIER et de la convention de garantie y attachée, s'était réservé, aux termes des deux actes signés le 3 mai 2001, la faculté de se substituer une autre personne physique ou morale; que la cession a été effectivement réalisée au profit de la société FONCIA GIS, ce que les cédants ne pouvaient pas ignorer, comme le démontrent les ordres de mouvements du 2 juillet 2001;
Qu'en conséquence la société FONCIA GIS a incontestablement qualité à agir contre les cédants comme bénéficiaire de la cession de parts et de la convention de garantie aux lieu et place de la société FONCIA;
sur la prétendue irrecevabilité à agir pour non-respect de l'obligation d'information des garants
Considérant qu'en son article 2 la convention de garantie stipule:
Il est convenu qu en valeur comptable tout excédent d’actif et/ou réduction de passif viendra compenser à due concurrence toute insuffisance d'actif et/ou excédent de passif, au sens des présentes. Pour mettre en oeuvre la garantie du GARANT DE PREMIÈRE PART, LA BÉNÉFICIAIRE devra lui communiquer, par lettre recommandée avec avis de réception, dans les quinze jours de la survenance de faits pouvant mettre en jeu cette garantie, les réclamations pour permettre au GARANT DE PREMIÈRE PART d'étudier en coopération avec LA BÉNÉFICIAIRE, la suite qu'il conviendrait de donner à une telle réclamation...
Que la société FONCIA GIS ne justifie pas de l'envoi de lettre recommandée de réclamation antérieurement à son assignation; que cependant aucune clause contractuelle ne sanctionne cette obligation d'information; qu'en tout cas il n'en résulte aucune irrecevabilité de la mise en jeu de la garantie;
Que par contre les garants relèvent justement que l'obligation de les informer avait pour objet de leur permettre de participer à la défense de la société cédée et à la réduction des sommes réclamées; qu'en conséquence c'est seulement sur le terrain de l'exception d'inexécution que la Cour aura à apprécier, pour chaque poste de réclamation concerné, les conséquences du non-respect de cette obligation;
sur la prétendue irrecevabilité pour abandon de créances
Considérant que la société FONCIA GIS n'a pas évoqué d'autre abandon de créance que les suppléments de passif relatifs à une affaire prud'homale Nivelet, un litige Giovanelli et une facture d'établissement de situation comptable, lesquels ne figurent pas dans les demandes actuelles;
Que la renonciation à un droit ne se présume pas; qu'aucune irrecevabilité n'est donc encourue à ce titre;
sur les différents postes de réclamation
- le litige prud'homal concernant Madame A.
Considérant tout d'abord que les garants sont mal fondés à se plaindre d'un défaut d'information alors que l'audience de conciliation a eu lieu avant la cession et qu'il appartenait aux cédants s'ils le souhaitaient de continuer à suivre cette affaire dont ils savaient qu'elle ne s'était pas réglée en conciliation;
Que cette réclamation est justifiée en exécution de la garantie de passif, s'agissant d'un litige antérieur à la cession, non provisionné dans les comptes de référence et non porté à la connaissance de l'acquéreur;
Que c'est donc à bon droit que le tribunal de commerce a mis à la charge des garants à ce titre les sommes de 2.149,53 € et 1.360,76 € , soit 3.510,29 € au total;
- la réclamation concernant Madame Arlette O.
Considérant que Monsieur Jacques O., Monsieur Jacques P. et Madame Colette A. épouse P. s'étaient engagés à supporter toutes les conséquences du licenciement de Madame O.; que la société FONCIA GIS justifie qu'elle a été poursuivie par le GARP en paiement pour cette ancienne salariée de la contribution dite Delalande prévue par l’article L.321-13 du Code du travail en cas de licenciement d'une personne de plus de 50 ans;
Que cependant en n'informant pas les garants de la réclamation du GARP dans les conditions stipulées dans la convention de garantie, la société FONCIA GIS n'a pas permis à ceux-ci de se prévaloir des possibilités légales d'exonération de cette contribution; qu'en conséquence, et en application de l'article 1184 du Code civil, l'inexécution de sa propre obligation interdit à la société FONCIA GIS de bénéficier de la garantie sur ce point;
Qu'en outre, en raison des possibilités d'exonération, la preuve n'est pas rapportée que cette contribution était la conséquence nécessaire du licenciement; qu'il s'ensuit que la société FONCIA GIS est mal fondée à réclamer cette somme au titre des engagements pris dans le protocole de cession;
- les retraites complémentaires
Considérant que le tribunal de commerce de PARIS a retenu à bon droit que l'ajustement des cotisations de l'exercice 2000 pour 2.054,24 € versés à Réunica est dû en exécution de la garantie, s'agissant d'un supplément de passif non provisionné afférent à la période antérieure à la cession; que sur ce poste le non-respect de l'obligation d'information n'a pu avoir aucune incidence pour les garants qui n'en contestent pas l'assiette;
Que par contre le complément de cotisations de 556,04 euros réclamé par le groupe MORNAY doit être exclu de la garantie faute de preuve que cette somme concerne la période antérieure à la cession; qu'en effet le calcul de la caisse intègre des cotisations jusqu'au mois de septembre 2001 inclus sans ventilation trimestre par trimestre; que rien ne justifie la réduction aux 2/3 de la somme demandée (370,69 € ) opérée arbitrairement par le tribunal;
- les litiges G. et M.
Considérant que postérieurement à la cession, le Cabinet OLIVIER a été assigné en responsabilité professionnelle par Madame M. (7 mai 2002) et par Monsieur G. (27 décembre 2002) auxquels des dommages et intérêts ont été alloués par des jugements rendus en 2004; que cependant en n'informant pas les garants de ces réclamations dans les conditions stipulées dans la convention de garantie, la société FONCIA GIS n'a pas permis à ces derniers de s'y opposer; qu'en conséquence, et en application de l'article 1184 du Code civil, l'inexécution de sa propre obligation interdit à la société FONCIA GIS de bénéficier de la garantie sur ces deux postes; que contrairement à ce que soutient la société FONCIA GIS, les litiges susceptibles d'être couverts par une assurance professionnelle n'étaient pas exclus de l'obligation contractuelle d'information; que la conduite du procès par l'assureur n'interdit pas à la personne mise en cause de se défendre;
Qu'en outre il n'est pas établi que les cédants connaissaient ces litiges et auraient omis de les déclarer;
Que par conséquent aucune somme ne peut être mise à la charge des garants sur ces deux postes;
- les réclamations pour des sommes réglées à des syndicats de copropriétaires
Considérant que c'est à juste titre que le tribunal de commerce de PARIS a exclu de la garantie de passif les sommes versées à trois syndicats de copropriétaires sur l'initiative des cessionnaires sans informer les garants de la mise en cause en jeu de la responsabilité de la S.A.R.L. Cabinet OLIVIER; que l'exception d'inexécution doit jouer ici aussi, quand bien même les sommes auraient été dues par le Cabinet OLIVIER en raison d'actes accomplis avant la cession dans ses mandats de syndic de copropriété;
Qu'en outre il n'est pas établi dans ces trois affaires que les litiges entre les syndicats de copropriétaires et le syndic existaient avant la cession et que les cédants auraient omis de les déclarer;
Considérant qu'en définitive la dette des garants s'établit à 3.510,29 + 2.054,24 = 5.564,53 € ; que comme l'a exactement énoncé le tribunal de commerce, le seuil de garantie et la franchise prévus dans l'article 2 du protocole s'appliquent sur le total des réclamations et non sur chaque poste de réclamation séparément; qu'ainsi le seuil de garantie de 3.048,98 € est dépassé;
Que par ailleurs les abandons qui auraient été consentis sur le prix de cession avant la mise en jeu de la garantie de passif n'entrent pas en ligne de compte pour l'application de la franchise; que les garants sont redevables de 5.564,53 € moins la franchise de 3.048,98 € , c'est-à-dire de la somme de 2.515,55 EUROS;
Considérant que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution du jugement infirmé; que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en restitution formée par les appelants;
Considérant que chacune des parties succombant partiellement en appel, il y a lieu de partager les dépens et de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
INFIRME le jugement frappé d'appel;
STATUANT À NOUVEAU:
REJETTE les exceptions d'irrecevabilité;
CONDAMNE solidairement Monsieur Jacques O., Monsieur Jacques P. et Madame Colette A. épouse P. à payer à la société FONCIA GIS la somme de 2.515,55 EUROS avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2005;
REJETTE les autres demandes;
FAIT masse des dépens de première instance et d'appel et DIT qu'ils seront partagés par moitié entre les appelants et l'intimée;
ACCORDE à la S.C.P. BOLLING DURAND LALLEMENT et à la S.C.P. GUIZARD, Avoués à la Cour, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.