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Décisions

Cass. crim., 8 avril 2010, n° 09-85.514

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Nocquet

Avocats :

Me Foussard, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 5 juin 2009

5 juin 2009

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 13, 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 228 du livre des procédures fiscales, 1741 du code général des impôts, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe X... coupable de complicité d'escroquerie et de recel d'escroquerie ;

" aux motifs, repris des premiers juges qu'il convient de rappeler que toutes les opérations d'achat-revente internes réalisées à titre habituel sont soumises à la TVA, que l'entreprise est autorisée à déduire de la TVA collectée à la vente le montant de la TVA qui lui a été facturée lors de ses achats, la TVA nette ainsi dégagée devant être déclarée et versée au Trésor public ; qu'en règle générale, la logique économique conduit l'entreprise à vendre plus cher qu'elle n'a acheté afin de dégager une plus-value ; que, dès lors, le compte de TVA collectée est supérieur en général au compte de TVA déductible ; que, s'agissant des opérations intra-communautaires, il y a lieu de préciser qu'il a été adopté le principe de l'absence de TVA ; qu'ainsi, lorsqu'une entreprise française achète ou vend à destination d'un autre pays membre de la Communauté européenne, la transaction s'effectue hors taxes tandis que la même transaction opérée à l'intérieur du territoire national s'effectue toutes taxes comprises ; que, dans le cas d'une fraude simple à la TVA, il est observé en général un mécanisme basique faisant intervenir deux sociétés, une entreprise française achète à une société européenne en franchise de TVA, elle vend les marchandises obtenues en France au même prix hors taxe d'acquisition au lieu de vendre plus cher mais elle conserve la TVA qu'elle ne porte pas sur ses déclarations de TVA, son profit consiste donc dans le montant de la TVA éludée qui lui a été versée par son client ; que, dans ce cas, en général, l'entreprise ne déclare pas ses acquisitions intracommunautaires et a une durée de vie éphémère ; que la fraude plus élaborée, dite carrousel à la TVA, est une extension du schéma précité avec l'intervention de sociétés plus nombreuses ; qu'il consiste toujours, en s'appuyant sur un mécanisme qui utilise la TVA éludée et partagée entre les intervenants comme levier financier et conduit à faire baisser le prix de la marchandise, à permettre qu'une société située en France obtienne la déduction ou le remboursement de la TVA qui n'a jamais été acquittée en amont ; que ce mécanisme repose sur l'existence de plusieurs sociétés – au moins trois dans le schéma le plus sommaire – aux fonctions bien définies dans l'articulation des facturations : 1- une société fournisseur (A) située dans un autre état de l'Union européenne dont le rôle est de facturer hors taxes à une société située en France (B) ; 2- une société cliente située en France (B), dite taxi ou société défaillante fiscalement qui a pour seul objet de facturer de la TVA, sans la reverser au Trésor, à une autre société établie en France ; que, corrélativement, elle ne déclare pas en général ses acquisitions intra-communautaires faites hors taxes auprès de la société A ; qu'il s'agit d'une société éphémère ; 3- une société, (C) classiquement appelée société déductrice, cliente de la société dite taxi, établie en France, développant quant à elle une activité économique réelle, qui déduit ou demande, totalement ou partiellement, le remboursement de la TVA qui lui a été facturée par la société B, mais jamais versée au Trésor public en amont ; que cette société déclare en général la TVA sur la vente opérée auprès de ses clients français, soit la société française, dite D ; qu'ici, le principe de neutralité de la TVA est rompu, la société française C récupérant la TVA ayant grevé le prix des achats auprès de la société éphémère B qui n'a jamais acquitté de TVA auprès du Trésor ; 4- une société française cliente D de la société française C qui effectue des livraisons intra-communautaires ou des exportations hors taxes et demande le remboursement de ses crédits de TVA ; qu'il est à noter en outre que peuvent intervenir des sociétés écran entre les sociétés C et D ; qu'ainsi, les sociétés taxi reçoivent de la marchandise de l'étranger, en franchise de taxe, s'agissant d'acquisitions intra-communautaires (dans l'hypothèse où il y a circulation effective de marchandises, les schémas de fraude démontrant qu'il est par ailleurs fréquent qu'en fait aucune marchandise ne circule ou que ce sont toujours les mêmes biens qui sont négociés), puis refacturent ces mêmes marchandises à un prix hors taxe inférieur au prix d'acquisition hors taxe, opérations sur lesquelles elles dégagent néanmoins une marge positive de trésorerie, en facturant une TVA réglée par le client mais qu'elles ne reversent pas au Trésor ; qu'il est à noter que les principaux bénéficiaires de telles manoeuvres apparaissent dès lors être, en France, les sociétés qui sont clientes de ces taxis, réalisant ainsi l'acquisition de marchandises à des coûts particulièrement réduits ; que, sur le plan pénal, le seul fait pour la société dite taxi de s'abstenir d'effectuer ses déclarations de TVA apparaît constitutif d'une fraude fiscale, dont la poursuite est subordonnée au dépôt d'une plainte de l'administration fiscale, tandis que la caractérisation de l'escroquerie suppose notamment l'existence de manoeuvres en vue d'une remise du montant de TVA due, par l'augmentation la TVA déductible aboutissant ainsi à une diminution de la TVA nette due au Trésor, et susceptible même de faire ressortir un crédit de taxe et de légitimer un remboursement et l'intégration volontaire, consciente de la société dans un circuit frauduleux en sachant qu'elle déduit une TVA facturée en amont par une société dont la fonction était justement de créer des droits à déduction frauduleux ;

" et aux motifs propres qu'il suffit de rappeler que la vérification de la comptabilité de la SARL GR8 Trade, ayant pour activité la commercialisation de composants électroniques et de matériels informatiques, a révélé un circuit de fraude à la TVA intra-communautaire de type carrousel initié par la société italienne NAS dirigée par Giovanni Y... ; qu'il a été démontré que la société GR8 Trade, gérée par Jan Z..., était un des auteurs principaux de l'escroquerie à la TVA participant au circuit de facturation frauduleux comme société écran afin de déduire indûment de la TVA ; que, pour ces faits, Jan Z... a été condamné définitivement du chef d'escroquerie ; qu'il est reproché à Christophe X... le délit de complicité d'escroquerie pour avoir accepté d'honorer les factures toutes taxes comprises émises par la société GR8 Trade sachant qu'il permettait ainsi à Jan Z... de déduire abusivement de la TVA ; qu'il est également poursuivi du chef de recel pour avoir bénéficié de prix d'achat frauduleusement minorés qu'il savait provenir du délit d'escroquerie à la TVA ; que, s'agissant du recel d'escroquerie reproché au prévenu, il convient de rappeler que la fraude dite de « carrousel à la TVA » a consisté à ne pas reverser de la taxe collectée et à faire naître indûment des droits à déduction de TVA permettant aux auteurs de l'escroquerie d'effecteur des ventes à perte ;

" 1°) alors qu'une condamnation pour des faits de complicité et recel de fraude fiscale nécessite, pour être prononcée, la constatation de l'existence d'une plainte de l'administration fiscale, préalables aux poursuites et un avis favorable de la commission des infractions fiscales ; que, constituent des fraudes fiscales tous les agissements délictueux entrant dans les prévisions des articles 1741 et 1743 du code général des impôts ; que l'article 1741 de ce code vise l'ensemble des manoeuvres ayant pour but ou pour effet de mettre obstacle au recouvrement de l'impôt ou d'obtenir de l'Etat des remboursements injustifiés au moyen notamment de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles ; que l'escroquerie, dite de « carrousel à la TVA », décrite en l'espèce par les juges du fond, entre dans les prévisions de ce texte et que, dès lors, faute par la cour d'appel d'avoir constaté l'existence, à l'encontre de Christophe X... pour les faits objet de la poursuite, d'une plainte préalable de l'administration fiscale suivie d'un avis de la commission des infractions fiscales, elle ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, entrer en voie de condamnation à son encontre en retenant inexactement les infractions de complicité et de recel d'escroquerie ;

" 2°) alors que les juges ont le devoir de restituer aux faits leur véritable qualification ; qu'il appartenait à la cour d'appel, qui constatait que les faits dont elle était saisie à l'encontre de Christophe X... étaient des faits de complicité et de recel de fraude fiscale, d'inviter celui-ci à s'expliquer sur cette qualification, ce qui l'aurait amené à invoquer au soutien de sa défense l'absence de plainte préalable de l'administration fiscale à son encontre et d'avis de la commission des infractions fiscales et qu'en retenant à l'encontre de Christophe X..., dans son dispositif, des délits de droit commun, tout en constatant dans ses motifs la commission de délits de complicité et de recel de fraude fiscale, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

" 3°) alors que les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme interdisent toute discrimination dans la jouissance du droit au procès équitable ; que ce texte conventionnel trouve sa traduction en droit interne dans l'article préliminaire du code de procédure pénale, qui dispose que les personnes qui se trouvent dans des situations semblables et sont poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles ; qu'en droit interne, une condamnation pour complicité et recel de fraude fiscale suppose nécessairement la constatation par les juges d'une plainte préalable de l'administration fiscale et un avis de la commission des infractions fiscales ; que cette formalité préalable aux poursuites est due à tous les justiciables et qu'en contournant, en l'espèce, l'absence de plainte de l'administration fiscale à l'encontre de Christophe X... en retenant inexactement une qualification de droit commun tandis qu'elle constatait, s'agissant des faits dont elle était saisie, que tous les éléments des délits de complicité et de recel de fraude fiscale étaient réunis à son encontre, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;
Attendu que le moyen manque en fait, la poursuite ayant à juste titre été exercée sous les qualifications d'escroquerie et de recel de ce délit, infractions qui ne sont pas soumises aux dispositions de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe X... coupable de complicité et recel d'escroquerie ;

" au motif que le prévenu, professionnel du négoce de l'informatique ayant été impliqué dans un système de fraude similaire courant 1999 et 2000 à la suite d'une plainte déposée à son encontre par la direction des services fiscaux des Hauts-de-Seine, le 18 décembre 2002, était, dès cette date et à l'époque des faits qui lui sont reprochés dans le cadre de la présente affaire, averti des circuits d'escroquerie à la TVA ;

" alors que les juges correctionnels ne peuvent légalement fonder leur décision sur des renseignements puisés dans des procédures qui ne leur sont pas soumises et qu'en fondant sa conviction, par un motif qui sert de soutien nécessaire à sa décision, relativement à l'existence de l'élément moral des infractions poursuivies à l'encontre de Christophe X... sur les éléments tirés d'une procédure distincte, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, lequel est essentiel au procès équitable et, ce faisant, violé les droits de la défense " ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § § 1 et 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe X... coupable de complicité et recel d'escroquerie ;

" 1°) alors que les juges ont l'obligation d'examiner ensemble les pièces régulièrement versées aux débats par le prévenu au soutien de sa défense ; qu'au soutien de sa défense en cause d'appel, Christophe X... versait aux débats trente-cinq pièces qu'il a pris soin de détailler dans ses conclusions ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour d'appel n'a examiné que les pièces n° 18 et 19 concernant le paiement d'une facture portant sur une opération réalisée en janvier 2003 et que, dès lors, la cassation est encourue pour violation de l'article 425 du code de procédure pénale ;

" 2°) alors que l'omission par les juges du fond d'examiner l'ensemble des pièces versées aux débats par le prévenu au soutien de sa défense constitue une violation du principe du procès équitable et de la présomption d'innocence " ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 331-1 et 321-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe X... coupable de complicité d'escroquerie ;

" aux motifs que Christophe X... sollicite sa relaxe, arguant de sa bonne foi et faisant valoir qu'il n'a retiré aucun avantage économique du système frauduleux mis en place à son insu ; mais que le prévenu, professionnel du négoce de l'informatique ayant été impliqué dans un système de fraude similaire courant 1999 et 2000 à la suite d'une plainte déposée à son encontre par la direction des services fiscaux des Hauts-de-Seine, le 18 décembre 2002, était, dès cette date et à l'époque des faits qui lui sont reprochés dans le cadre de la présente affaire, averti des circuits d'escroquerie à la TVA ; qu'à juste titre, le tribunal a relevé que le caractère éphémère des sociétés en direction desquelles la SARL Traxdata a livré les produits, la découverte d'une facture proforma à son en-tête dans les locaux de la société italienne NAS, instigatrice de la fraude, ainsi que le paiement effectué à son profit par Dennis A..., gérant de la SARL Forum, aux lieu et place de sa cliente anglaise, la société B... Ltd, qui ne correspondait pas à un circuit normal de paiement, démontraient la mauvaise foi de Christophe X... ; qu'en outre, le chiffre d'affaires que le prévenu a fait réaliser à la société GR8 Trade sur une courte période, sachant qu'il s'agissait d'une structure ad hoc créée par Jan Z... pour faire du « trade » selon ses propres déclarations, son approvisionnement exclusif auprès de ladite société dont il était quasiment le seul client, le prix compétitif des produits ainsi que le paiement des marchandises qu'il effectuait le jour de la facturation, comme cela résulte de la procédure et ce, contrairement aux usages, établissent qu'il avait conscience de prêter son concours à un système frauduleux dont la finalité n'était pas de réaliser un bénéfice commercial dans le cadre d'une activité économique normale mais de générer des flux financiers destinés à créer des droits à déduction de TVA indus ; que les pièces concernant le paiement d'une facture portant sur une opération réalisée en janvier 2003 que Christophe X... verse à la procédure, à titre d'exemple, ne sont pas de nature à contredire les constatations des enquêteurs sur la chronologie des paiements qu'il a effectués pour plusieurs autres opérations ; que c'est en vain que le prévenu soutient qu'il ignorait la défaillance fiscale de ses clientes alors qu'il était un ami de longue date de Mickaël B..., lequel, dirigeant de B... Ltd, est également à l'origine de ses relations commerciales avec Homechain Ltd et Prime Air Ltd ; qu'au demeurant, s'agissant de ventes à l'étranger portant sur plusieurs millions d'euros, ses explications tendant à démontrer sa bonne foi au motif qu'il aurait vérifié sur internet la validité des numéros de TVA intra-communautaire desdites sociétés au début de leurs relations commerciales ne sont pas crédibles ; que, contrairement à ses affirmations, il savait nécessairement que Dennis A... avait effectué le paiement précité pour le compte de son client, la société B..., compte tenu notamment de l'importance du virement qui a nécessité un suivi particulier de sa part ; qu'enfin, la discussion de Christophe X... relative au numéro de fax figurant sur la facture proforma à en-tête de sa société qui a été retrouvée dans les bureaux de la société italienne NAS est sans incidence ; qu'en effet, cette facture établit, en toute hypothèse, le lien existant entre les sociétés ayant participé à la fraude ; qu'il en est de même de ses allégations concernant l'intérêt commercial des produits mis en circulation dès lors que la conjonction des éléments atypiques précédemment relevés suffisent à caractériser l'infraction ;

" 1°) alors que les juges doivent répondre aux conclusions qui leur sont régulièrement soumises ; que la cour d'appel s'est appropriée les motifs des premiers juges servant de soutien nécessaire à leur décision, retenant comme preuve de l'implication de Christophe X... dans le circuit de fraude à la TVA, le caractère obsolète du dispositif anti-radiation Norad acquis par Traxdata, en refusant de répondre au chef péremptoire des conclusions de celui-ci contestant cette motivation en démontrant l'intérêt commercial de ce dispositif et le caractère contradictoire des constatations des premiers juges relevant tout à la fois l'existence de « prix d'achat frauduleusement minorés » et la circonstance que la valeur réelle des produits acquis était inférieure à celle facturée effectivement ;

" 2°) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Christophe X... démontrait, en invoquant les pièces 17 à 28 annexées à ses conclusions et faisant corps avec elles, le caractère normal du circuit de facturation entre la société Traxdata et la société GR8 Trade et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef de conclusions ainsi que sur la portée des pièces versées aux débats au soutien de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 3°) alors qu'en ne répondant pas au chef péremptoire des conclusions de Christophe X... – fondées sur la pièce n° 7 régulièrement versée aux débats et faisant corps avec lesdites conclusions – invoquant l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires transmis à la société Traxdata le 13 février 2007 par la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), d'où il résulte que la société Traxdata avait justifié de la réalité des livraisons effectuées au profit de la société anglaise B... Trading, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 4°) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Christophe X... invoquait les pièces n° 4, 5 et 9 établissant la preuve qu'il s'était procuré l'extrait Kbis de la société B... Trading ainsi que le certificat de TVA de cette société, la preuve qu'il avait vérifié le numéro de TVA intracommunautaire, via le site Europa, de deux sociétés, dont la société Homechain, et la preuve de l'enregistrement pour la TVA de la société Prime Air et qu'en affirmant que l'assertion des conclusions de Christophe X... tendant à démontrer sa bonne foi selon laquelle il aurait « vérifié sur internet la validité des numéros de TVA intracommunautaire des sociétés au début de leurs relations commerciales » « n'était pas crédible » sans s'expliquer sur la portée de ces éléments de preuve soumis à son appréciation et faisant corps avec les conclusions de Christophe X..., la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs au regard des dispositions impératives de l'article 427 du code de procédure pénale ;

" 5°) alors qu'en présumant la connaissance que Christophe X... avait de ce que Dennis A... avait effectué un paiement aux lieu et place de sa cliente anglaise la société B... Ltd, la cour d'appel a statué par un motif impliquant un renversement de la charge de la preuve et méconnaissant le principe de la présomption d'innocence ;

" 6°) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Christophe X... démontrait, à partir d'une analyse extrêmement précise des mentions des numéros de télécopie figurant sur la facture proforma incriminée établie par la société Traxdata que les mentions relatives aux sociétés ayant participé à la fraude figurant sur cette facture avaient été portées à son insu et qu'en se bornant à affirmer que cette facture établissait le lien existant entre les sociétés ayant participé à la fraude, sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions supposant nécessairement un examen minutieux des mentions portées sur la télécopie incriminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 313-1 et 321-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe X... coupable de recel d'escroquerie ;

" aux motifs que, s'agissant du recel d'escroquerie reproché au prévenu, il convient de rappeler que la fraude dite de « carrousel à la TVA » a consisté à ne pas reverser de la taxe collectée et à faire naître indûment des droits à déduction de TVA permettant aux auteurs de l'escroquerie d'effecteur des ventes à perte ; que le prévenu a été bénéficiaire de ces ventes à pertes ; qu'en effet, nonobstant ses dénégations actuelles, il a reconnu devant le juge d'instruction avoir bénéficié de prix intéressants ; qu'il a également admis devant le tribunal que Jan Z... lui avait dit « qu'il avait de bons prix » ; que cet avantage économique ainsi obtenu, alors qu'il avait connaissance du circuit frauduleux, est constitutif du recel ;

" 1°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que, pour être constitué, le délit de recel implique que le prévenu a bénéficié du « produit » de l'infraction principale et que la cour d'appel, qui a constaté que l'avantage économique dont aurait bénéficié Christophe X... était une économie et non la perception du produit de l'infraction d'escroquerie commise par l'auteur principal, a violé par fausse application l'article 321-1 du code pénal ;

" 2°) alors que la cour d'appel, qui s'est appropriée la motivation des premiers juges, ne pouvait, sans se contredire, reprocher à Christophe X... d'avoir acquis des produits à bas prix et relevé à son encontre que le produit antiradiation Norad était un produit obsolète ;

" 3°) alors qu'en ne répondant pas au chef péremptoire des conclusions de Christophe X... faisant valoir que son attention n'avait pas été attirée par le caractère compétitif des prix des logiciels acquis auprès de la société GR87 Trade, dans la mesure où la faiblesse du prix pouvait s'expliquer par leur inclusion dans les packs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Christophe X... coupable de complicité d'escroquerie et de recel, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, et dès lors que caractérisent une escroquerie les manoeuvres qui consistent à mettre en place un circuit frauduleux de vente et de facturation " en boucle " entre diverses sociétés de l'Union européenne afin d'échapper au reversement de la taxe collectée ou de faire naître indûment des droits à déduction de TVA, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 228 du livre des procédures fiscales, 1741 du code général des impôts, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christophe X... à payer à l'Etat français, solidairement avec Jan Z..., la somme de 2 604 945 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs que, s'agissant de l'action civile, l'action en réparation du préjudice causé par le délit de complicité d'escroquerie et celle résultant du délit de fraude fiscale commis par Jan Z... n'ayant pas le même objet, la demande de l'Etat français en réparation du dommage né de l'infraction commise par Christophe X... est recevable ; que l'intéressé sera condamné solidairement avec l'auteur principal du délit d'escroquerie dont il est complice, Jan Z..., à payer à la partie civile, à titre de dommages et intérêts, la somme de 2 604 945 euros correspondant, aux termes du rapport de l'administration fiscale, à la TVA indûment déduite des factures de ventes de matériels informatiques, déduction faite de la TVA relative aux frais généraux pour laquelle il n'est pas mis en cause ;

" alors que la cour d'appel, qui constatait expressément que la demande de l'Etat français correspondait très exactement au montant de la TVA indûment déduite des factures de vente de matériel informatique, correspondant par conséquent au montant des impôts fraudés, ne pouvait, sans se contredire, rejeter les conclusions d'irrecevabilité de Christophe X... – qui à l'inverse de Jan Z... n'était pas poursuivi pour fraude fiscale – en faisant état de ce que l'action en réparation du préjudice causé par le délit de complicité d'escroquerie et celle résultant du délit de fraude fiscale commis par Jan Z... n'avaient pas le même objet " ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, le préjudice subi par l'Etat français, et dès lors que l'action en réparation du dommage résultant du délit d'escroquerie est distinct de l'action en recouvrement de la taxe fraudée, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles invoquées, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.