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Décisions

AMF, 25 septembre 2019, n° SAN-2019-12

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

Mme Belliard, M. Guérin, M. Field, Mme Elbaz-Rousseau, M. Gizard, Mme Le Lorier, M. Millou

Présidents :

Mme Tric, M. Gaeremynck

AMF n° SAN-2019-12

24 septembre 2019

Décision n°12 du 25 septembre 2019

Procédure n° 17-11 (jonction des procédures n° 17-11, n° 17-12 et n° 18-07)

Décision n°12

Personne(s) mise(s) en cause :

− La société X

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro […]

Ayant élu domicile au cabinet d’avocats Gide Loyrette Nouel, 15 rue de Laborde à Paris (75008).

− La société Natixis Asset Management Finance

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 479 989 238

Ayant élu domicile au cabinet d’avocats Herbert Smith Freehills, 66 avenue Marceau à Paris (75008).

− La société Natixis Investment Managers International, anciennement dénommée Natixis Asset Management puis Ostrum Asset Management

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 329 450 738

Ayant élu domicile au cabinet d’avocats Allen & Overy, 52 avenue Hoche à Paris (75008).

La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF »), réunie en formation plénière :

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 214-9, L. 214-10, L. 214-10-2, L. 214-24-3, L. 214-24-6, L. 214-24-8, L. 533-1, L. 533-10, L. 533-12 et L. 621-15 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 313-18 à 20, 313-23, 314-76, 314-80, 313-13, 319-16, 323-9 ;

Vu la position AMF n°2013-06 du 22 février 2013 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 28 juin 2019 :

- Mme Sophie Schiller, en son rapport ;

- M. Bertrand Legris, représentant le collège de l’AMF ;

- La société X, représentée par M. […], directeur général et assistée par ses conseils Mes Stéphane Puel et Jean-Philippe Pons-Henry ;

- La société Natixis Asset Management Finance, représentée par Mme Marie-Laure Faller-Ramier, directrice générale et assistée par ses conseils Mes Antoine Juaristi et Géraldine Marteau ;

- La société Natixis Investment Managers International, représentée par M. Christophe Lanne, directeur général et assistée par ses conseils, Mes Brice Henry et Dan Benguigui.

Les mises en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS

La société anonyme Natixis Asset Management (ci-après, « NAM »), devenue Ostrum Asset Management puis Natixis Investment Managers International, a été agréée le 22 mai 1990 en tant que société de gestion de portefeuille (ci-après, « SGP ») soumise au régime de la directive 85/611/CEE du 20 décembre 1985. Depuis le 4 avril 2014, NAM est agréée par l’AMF en tant que SGP soumise au régime de la directive 2011/61/UE du 8 juin 2011.

Le capital social de NAM est intégralement détenu par la société Natixis Global Asset Management, filiale à 100 % de la société Natixis SA, elle-même détenue à hauteur de 71% par le groupe Banque Populaire-Caisse d’Epargne.

Au 31 décembre 2015, les encours gérés par NAM représentaient 352 milliards d’euros répartis entre 131 mandats et 643 fonds. Le chiffre d’affaires réalisé par NAM au cours de cet exercice s’élevait à 623 millions d’euros pour un résultat net de 110 millions d’euros.

Depuis l’automne 2009, une partie croissante des portefeuilles gérés par NAM a eu recours à des cessions temporaires de titres (ci-après, « CTT »), prenant la forme de prêts ou de mises en pension de titres.

Ces opérations étaient mises en oeuvre par l’intermédiaire de la société anonyme Natixis Asset Management Finance (ci-après, « NAMFI »), filiale à 100% de NAM, agréée depuis le 23 juillet 2009 en tant qu’établissement de crédit et prestataire de services d’investissement habilité à fournir les services de réception - transmission d’ordres (ci-après, « RTO »), exécution d’ordres pour compte de tiers, conseil en investissement, placement garanti et non garanti et prise ferme.

Suivant une convention du 23 septembre 2009, et jusqu’en 2011, NAMFI réalisait des opérations de CTT exclusivement en mode agent, c’est-à-dire en tant que récepteur-transmetteur d’ordres, ne se portant pas contrepartie des opérations, donc sans engager ses capitaux propres. Son rôle consistait à rechercher des contreparties bancaires (ci-après, la « Rue ») intéressées par l’acquisition des titres que les fonds gérés par NAM souhaitaient temporairement céder. Elle percevait à ce titre des frais de transaction. Outre un loyer, les fonds recevaient une garantie financière (ci-après, le « collatéral espèces ») les protégeant du défaut de la contrepartie.

Ces sommes étaient déposées dans les livres de la société anonyme X (ci-après, « la société X »). Créée en 1969, cette dernière appartient au groupe X, qui a pour activités principales la conservation de titres, l'administration de fonds et la fourniture de divers services aux émetteurs de titres.

Son capital social est intégralement détenu par la société X’, elle-même détenue à 85% par la société X’’ et à 15% par la société […] jusqu’à la fin de l’année 2017. La société X’’ est depuis lors l’actionnaire unique de la société.

La société X est le dépositaire de l’ensemble des fonds de NAM recourant aux opérations de CTT.

A la fin de l’année 2010, NAMFI a souhaité réaliser les opérations de CTT en mode principal, devenant la seule contrepartie des fonds et de la Rue. Pour ce faire, elle a sollicité et obtenu, le 6 octobre 2011, une extension de son agrément au service de négociation pour compte propre limité à la réalisation d’opérations de CTT en mode principal.

Deux conventions cadre, l’une portant sur les prêts de titres, l’autre sur les mises/prises en pension, ont été signées entre NAM et NAMFI le 1er février 2012.

A compter de cette date, NAMFI faisait l’acquisition temporaire des titres détenus par les fonds moyennant un loyer et un collatéral espèces puis les cédait temporairement à la Rue qui lui payait un loyer et un collatéral espèces. Elle les versait aux fonds. Le mode principal se caractérisait par l’interposition du bilan de NAMFI entre les fonds et la Rue.

NAMFI percevait en tant que contrepartie une partie des gains (Eonia + 12,5 points de base minimum) générés par le placement du collatéral espèces chez la société X. Cette rémunération transitait par les comptes des fonds gérés qui la rétrocédaient à NAMFI en totalité. Cette dernière était aussi rémunérée par 17% des loyers des CTT réalisés auprès de la Rue. Elle reversait ensuite 83% de ces loyers aux fonds qui rétrocédaient l’équivalent de 29% des loyers perçus à NAM.

Le mode d’intervention en tant que principal est devenu progressivement majoritaire.

Au mois de mars 2013, le dispositif existant a été remanié. Le nouveau dispositif s’est appliqué pendant la période contrôlée, du 1er mars 2013 au 31 décembre 2015.

La convention de rémunération de comptes espèces des fonds et ses avenants ont été résiliés par NAM représentant les OPCVM et la société X. De fait, les conditions de rémunération ont été les mêmes pour les FIA. La convention de services conclue entre la société X et NAMFI a également été modifiée.

Deux comptes espèces « dédiés » ont été ouverts par NAMFI dans les livres de la société X pour les besoins de la réalisation des CTT en mode principal : un compte créditeur, destiné à recevoir le collatéral espèces versé à NAMFI par la Rue, bénéficiant d’une rémunération à hauteur de l’Eonia + minimum 12,5 points de base (ci-après, la « rémunération complémentaire »), et un compte débiteur à partir duquel elle empruntait, auprès de la société X, au taux Eonia, le montant dû aux fonds au titre du collatéral.

Désormais, en mode agent, la Rue versait 100% des loyers issus des opérations de CTT aux fonds qui en reversaient 40% à NAMFI et en conservaient 60%. Le collatéral espèces des fonds était placé sur des comptes de dépôt rémunérés (à Eonia) par la société X. Mais cette rémunération était neutralisée par l’indemnité d’immobilisation (Eonia) versée par les fonds à NAMFI.

En mode principal, la Rue versait 100% des loyers issus des opérations de CTT à NAMFI qui en reversait 60% aux fonds et en conservait 40%. Le collatéral espèces des fonds était placé sur des comptes rémunérés (à Eonia) par la société X, mais cette rémunération était également neutralisée par l’indemnité d’immobilisation (Eonia) due par les fonds à NAMFI au titre du collatéral espèces reçu.

Comme il a été dit, NAMFI percevait, en outre, de la société X la rémunération complémentaire (Eonia + minimum 12,5 points de base) sur son compte créditeur et versait à la société X des intérêts fixés à l’Eonia à partir de son compte débiteur. Elle versait aussi à la Rue une indemnité d’immobilisation correspondant à l’Eonia au titre du collatéral espèces reçu.

Les tableaux établis par Madame le rapporteur figurant p 20 et 21 puis 24 et 25 de son rapport illustrent cet exposé.

Au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2015, le produit net bancaire dégagé par NAMFI s’élevait à 31,5 millions euros, dont 39,5% provenait de l’activité de CTT, essentiellement exercée en mode principal pour le compte des fonds gérés par NAM.

Au 31 décembre 2015, la société X avait pour sa part réalisé un produit net bancaire s’élevant à 205,5 millions d’euros.

PROCÉDURE

Le 28 janvier 2016, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder à l’ouverture de deux procédures de contrôle, l’une à l’égard de la société X, l’autre à l’égard de NAMFI afin de vérifier le respect de leurs obligations professionnelles, notamment dans le cadre de la réalisation d’opérations de CTT.

Ces deux procédures de contrôle ont chacune donné lieu à l’établissement d’un rapport, daté du 12 décembre 2016. Ces deux rapports ont été transmis respectivement à la société X et NAMFI accompagnés d’une lettre leur indiquant qu’elles disposaient d’un délai d’un mois pour présenter leurs observations éventuelles.

La société X et NAMFI ont toutes deux déposé des observations en réponse le 31 janvier 2017.

Le 30 mai 2017, la commission spécialisée n° 3 du collège de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, a décidé de notifier des griefs à la société X et NAMFI.

Le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 13 juin 2017, de procéder au contrôle du respect par NAM de ses obligations professionnelles en lien avec les mêmes faits.

Aux termes des notifications de griefs adressées le 17 juillet 2017 à NAMFI et la société X, il est fait grief :

- à la première :

o d’avoir méconnu l’obligation d’agir dans le seul intérêt des clients en conservant la rémunération complémentaire versée par la société X à l’occasion de la réalisation d’opérations de CTT pour le compte des fonds, qui avait vocation à être restituée à ces derniers ;

o d’avoir méconnu l’obligation d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle dans l’intérêt des clients, à l’occasion de la perception de cette rémunération complémentaire dans la mesure où son existence, sa nature et son montant n’avaient pas été portés à la connaissance des porteurs de parts ;

o de ne pas avoir identifié le conflit d’intérêts résultant de la perception de la rémunération complémentaire, non mentionnée dans le prospectus des fonds, et de ne pas l’avoir empêché en mettant en oeuvre les mesures adéquates, le cas échéant, en demandant à NAM d’informer les porteurs de la perception de cette rémunération complémentaire ;

- à la seconde :

o de ne pas s’être assurée que la rémunération complémentaire versée à NAMFI, qui aurait dû revenir aux fonds, reçoive une allocation conforme aux dispositions législatives ou réglementaires, en violation de ses obligations de dépositaire ;

o d’avoir, du fait du versement de la rémunération complémentaire à NAMFI, exercé ses activités de dépositaire et teneur de compte conservateur dans des conditions susceptibles d’engendrer des conflits d’intérêts entre elle-même, NAM et les porteurs de parts ;

o de ne pas avoir été en mesure d’identifier les conflits d’intérêts résultant du versement de la rémunération complémentaire à NAMFI, dont les porteurs n’ont pas été informés et d’empêcher ces conflits par la mise en oeuvre de mesures adéquates, notamment en demandant à NAM d’informer les porteurs des conditions de réalisation de NAMFI.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, une copie des notifications de griefs a été transmise le 17 juillet 2017 à la présidente de la commission des sanctions, qui a désigné, par décisions des 7 août et 5 septembre 2017, Mme Sophie Schiller en qualité de rapporteur.

Par lettres des 18 août et 12 septembre 2017, la société X et NAMFI ont été informées qu’elles disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Le 18 septembre 2017, la société X a sollicité le versement au dossier de la procédure ouverte à son encontre de plusieurs pièces figurant dans le dossier de la procédure visant NAMFI, l’octroi d’un délai pour produire des observations complémentaires sur ces éléments et l’interruption de l’instruction de la procédure dans l’attente de l’issue du contrôle diligenté à l’encontre de NAM, demande que le rapporteur a rejetée par courrier du 5 octobre 2017.

La société X et NAMFI ont déposé des observations en réponse aux notifications de griefs, respectivement, le 18 octobre 2017 et le 15 novembre 2017.

Le contrôle diligenté à l’encontre de NAM a donné lieu à l’établissement d’un rapport daté du 20 octobre 2017, qui a été adressé à cette dernière par lettre du 25 octobre 2017 l’informant qu’elle disposait d’un délai d’un mois pour présenter ses observations.

Aux termes de la notification de griefs adressée à NAM, devenue dans l’intervalle Ostrum Asset Management, le 1er juin 2018, à l’issue de l’examen du rapport de contrôle par le Collège réuni en formation plénière, il lui est reproché :

- d’avoir omis d’informer les porteurs de l’affectation de la rémunération complémentaire à NAMFI, alors que celle-ci reposait sur leurs liquidités, et mentionné de manière trompeuse dans les prospectus des fonds que NAMFI effectuait une activité de transformation bancaire, qui était en réalité exercée par la société X tandis que NAMFI se bornait à recevoir la rémunération complémentaire ;

- de n’avoir pas géré efficacement le conflit d’intérêts résultant de la perception de cette rémunération complémentaire par sa filiale, en ne s’assurant pas de la transparence des revenus générés par les opérations de CTT.

Conformément à l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, la copie de cette notification a été transmise le même jour à la présidente de la commission des sanctions, qui a également désigné Mme Sophie Schiller en qualité de rapporteur. NAM en a été informée par lettre du 27 juin 2018, lui rappelant la faculté de demander à être entendue à sa demande.

NAM a également été informée, par lettre du 29 juin 2018, qu’elle disposait, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, d’un délai d’un mois pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 de ce code.

Le 14 septembre 2018, NAM a déposé des observations en réponse à la notification de griefs.

Le 20 décembre 2018, la présidente de la commission des sanctions a décidé de procéder à la jonction des procédures ouvertes à l’encontre de la société X, NAMFI et NAM en raison des liens existant entre ces trois procédures. Cette décision a été notifiée aux mises en cause le 21 décembre 2018.

Madame le rapporteur a entendu, le 18 février 2019, le représentant légal de NAMFI accompagné de son prédécesseur, qui avait formulé une demande en ce sens, puis le 1er octobre 2019, le représentant légal de NAM - devenue dans l’intervalle Natixis Investment Managers International - assisté de l’associate general counsel de la société, et enfin, le 20 février 2019, le représentant légal de la société X, en présence des conseils de l’ensemble des intéressés. Dans le prolongement de ces auditions, NAMFI, NAM et la société X ont communiqué des documents, respectivement, le 26 février 2019 pour les deux premières et le 28 février 2019 pour la dernière.

Le 12 avril 2019, la société X a produit des observations complémentaires à la suite de la jonction des procédures.

Madame le rapporteur a déposé son rapport le 3 mai 2019.

Par lettres du même jour, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, la société X, NAMFI et NAM ont été convoquées à la séance de la commission des sanctions du 28 juin 2019 et informées qu’elles disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse à ce rapport, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Le 20 mai 2019, la société X, NAMFI et NAM ont déposé des observations en réponse au rapport du rapporteur.

Par lettres du 3 juin 2019, les mises en cause ont été avisées de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer à l’issue de cette séance ainsi que du délai de quinze jours dont elles disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la régularité de la procédure

1. NAMFI fait valoir que la notification de griefs repose sur un grief central non formulé dans le rapport de contrôle, tiré de l’absence de restitution aux fonds de la rémunération complémentaire, duquel découlent les deux autres griefs. Elle prétend que le collège n’avait pas le pouvoir de notifier des griefs non formulés dans le rapport de contrôle et a ainsi méconnu les dispositions du code monétaire et financier ainsi que du règlement général de l’AMF et, par suite, les droits de la défense consacrés par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « CSDH »). Elle soulève en conséquence la nullité de la procédure.

2. Aux termes de l’article 6 § 1 de la CSDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

3. L’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable entre le 11 décembre 2016 et le 3 janvier 2018, au moment de la rédaction de la notification de griefs litigieuse, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère, dispose : « I.- Le collège examine le rapport d’enquête ou de contrôle établi par les services de l’Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. / S’il décide l’ouverture d’une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées […] ».

4. L’article 143-5 du règlement général de l’AMF dans sa version en vigueur depuis le 25 novembre 2014, non modifiée depuis, précise : « Tout rapport établi au terme d'un contrôle est communiqué à l'entité ou la personne morale contrôlée. […] L'entité ou la personne morale à laquelle le rapport a été transmis est invitée à faire part au secrétaire général de l'AMF de ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours. Les observations sont transmises au collège lorsque celui-ci examine le rapport en application du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ».

5. Les articles L. 621-15 du code monétaire et financier et 143-5 du règlement général de l'AMF précités se bornent à imposer au collège d’examiner le rapport de contrôle et les observations éventuelles de la personne contrôlée avant de se prononcer sur l’engagement de poursuites à son égard. Ils ne lui interdisent pas de s’écarter de la qualification juridique proposée par les contrôleurs dans leur rapport. Au contraire, le collège dispose du pouvoir souverain d’appréciation de l’opportunité des poursuites.

6. En l’espèce, le rapport de contrôle détaille longuement l’ensemble des éléments de fait parmi lesquels le collège a retenu ceux nécessaires à la caractérisation des manquements qu’il reproche à NAMFI. Tous ces éléments sont au dossier soumis à la commission.

7. Il s’ensuit que la déloyauté de la poursuite alléguée par NAMFI n’est pas établie.

8. La violation irrémédiable des droits de la défense de cette dernière, qui a pu, dès réception de la notification de griefs, consulter l’entier dossier de la procédure, faire valoir des observations à plusieurs reprises et communiquer l’ensemble des documents utiles à l’exercice de sa défense, n’est pas davantage démontrée.

9. L’exception de nullité invoquée par NAMFI sera dès lors rejetée.

II. Sur les griefs notifiés à la société X et NAMFI relatifs au non-respect de l’obligation d’agir dans le seul intérêt des clients

10. Les notifications de griefs reprochent à la société X d’avoir versé à NAMFI la rémunération complémentaire sans s’être assurée que cette rémunération, qui aurait dû revenir aux fonds, reçoive une allocation conforme aux dispositions législatives ou réglementaires, en violation des dispositions des articles L. 214-9, L. 214-24-3, L. 214-10-5 et L. 214-24-8 du code monétaire et financier, ainsi que des articles 319-16 et 314-80 du règlement général de l’AMF, complétés par la position AMF n° 2013-06 du 22 février 2013.

11. Il est ensuite reproché à NAMFI d’avoir conservé la rémunération complémentaire versée par la société X à l’occasion de la réalisation d’opérations de CTT pour le compte des fonds, qui avait vocation à être restituée à ces derniers, et ainsi méconnu l’obligation d’agir dans le seul intérêt des clients, en violation des dispositions des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier.

12. Pour considérer que la rémunération complémentaire constitue « un revenu résultant de techniques de gestion efficace de portefeuille » devant être restitué aux fonds concernés, les notifications de griefs adressées à la société X et NAMFI relèvent que cette rémunération est, de fait, fondée sur une assiette quasi exclusivement composée des liquidités déposées sur les comptes des fonds.

13. Elles affirment que dans la mesure où NAMFI reçoit un collatéral de la part de la Rue sur son compte créditeur d’un montant quasiment identique à celui qu’elle doit reverser aux fonds, en mode principal, à partir de son compte débiteur, 97,45% de l’assiette de la rémunération complémentaire correspond aux liquidités in fine déposées sur les comptes des fonds - l’écart de 2,55% constaté entre les soldes de ses comptes créditeur et débiteur résultant d’une « sur-collatéralisation » par la Rue de certaines opérations de CTT.

14. Selon elles, si la rémunération complémentaire versée à NAMFI constitue, d’un point de vue contractuel, la contrepartie de l’exclusivité accordée à la société X concernant le placement du collatéral espèces ainsi que de la stabilité des encours correspondants, le respect de cet engagement supposerait nécessairement que les fonds aient, eux aussi, concédé à la société X l’exclusivité du placement des espèces reçues au titre du collatéral espèces.

15. Ces notifications ajoutent que la rémunération complémentaire, dégagée à l’occasion des opérations de CTT, procède d’une décision de gestion portant sur les actifs des fonds.

16. Le grief est contesté par les mises en cause.

17. Dans son rapport, Madame le rapporteur a émis l’avis que la rémunération complémentaire procède du partage négocié des profits générés par la société X grâce au remploi de ses ressources à court terme sur le marché monétaire à des échéances plus longues, opération étrangère à celles de CTT. Elle a conclu que la nature et l’objet de cette rémunération font obstacle à ce qu’elle puisse être qualifiée de « revenus résultant de technique de gestion efficace de portefeuille » au sens des orientations de l’ESMA et de la position AMF n° 2013-06 du 22 février 2013 et qu’elle n’avait donc pas à être restituée aux porteurs des fonds gérés par NAM.

18. Elle a donc proposé à la commission d’écarter ces griefs.

19. Lors de la séance, le représentant du collège a exposé que ce dernier, en séance plénière, a, d’une part retenu que ni les textes exigeant de manière générale le respect de l’intérêt des porteurs, ni la position AMF n° 2013-06 du 22 février 2013 de l’AMF prise en application des guidelines de l’ESMA, du 18 décembre 2012 qui fondent l’obligation de restituer aux fonds tous les revenus résultant de CTT affirmée par les notifications de griefs, ne permettent de retenir que les intermédiaires en CTT n’ont pas droit à rémunération des prestations fournies dans le cadre des opérations de CTT, a d’autre part, relevé que les articles 314-80 alinéa 2 et 319-16 alinéa 2 du règlement général de l’AMF précisent que la SGP, le PSI à qui a été confiée la gestion financière, le dépositaire, le délégataire du dépositaire et la société liée mentionnée au c) du 2° des 314-79 et 319-14 de ce règlement peuvent recevoir une quote-part du revenu des opérations de CTT dans les conditions définies par le prospectus tandis que les articles R. 214-18 pour les OPCVM et R. 214-32-27 du code monétaire et financier pour les FIA n’exigent pas de restitution de l’ensemble des revenus réalisés à l’occasion des CTT. Le représentant du collège a, encore souligné que les orientations de l’ESMA ont fait planer un doute qui est désormais levé par ses interprétations et le courrier adressé par le secrétaire général de l’AMF à l’AFG.

20. Le représentant du collège a enfin précisé que ce dernier ne se contente pas dès lors de s’en rapporter à la sagesse de la commission sur cette question de principe, mais abandonne les griefs notifiés à la société X et NAMFI pour avoir l’une versé et l’autre perçu une rémunération qui aurait dû revenir aux porteurs.

21. Il a été aussitôt donné acte au représentant du collège de l’abandon de ce grief. La commission a ainsi vidé sa saisine de ce grief reproché à la société X et NAMFI.

III. Sur les autres griefs notifiés à la société X

Sur l’exercice par la société X de ses activités, dans des conditions susceptibles d’engendrer des conflits d’intérêts

22. Pour retenir que la société X aurait exercé ses activités de dépositaire, de teneur de compte conservateur et d’établissement de crédit dans des conditions susceptibles d’engendrer des conflits d’intérêts, en méconnaissance des articles L. 214-9, L. 214-10-2 et L. 214-24-6 du code monétaire et financier et 323-9 du règlement général de l’AMF, la notification de griefs relève que NAM a reçu par l’intermédiaire de NAMFI des sommes ayant vocation à être restituées aux porteurs et que la société X a bénéficié d’un engagement de stabilité et d’exclusivité des dépôts de collatéral espèces de la part des fonds, sans leur donner de contrepartie.

23. La société X conclut au rejet de ce manquement en faisant valoir que le premier conflit d’intérêts qui lui est reproché ne la concerne pas tandis que le second n’est pas démontré.

24. L’article 214-9 visé dans la notification de griefs disposait que « les OPCVM, le dépositaire et la société de gestion doivent agir de façon indépendante et dans le seul intérêt des porteurs de parts ou actionnaires [...] ».

25. L’article 323-9 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur entre 1er janvier 2008 et le 20 décembre 2013, non modifié par la suite dans un sens moins sévère, soulignait : « L’activité de dépositaire d’OPC est exercée avec diligence, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts de l’OPC, du porteur de parts ou de l’actionnaire et de l’intégrité du marché. Le dépositaire d’OPC s’efforce d’éviter les conflits d’intérêts et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veille à ce que ses clients soient traités équitablement ». Abrogé le 17 avril 2016, il a été intégré en substance à l’article L.214-9 précité.

26. L’article L. 214-10-2 du code monétaire et financier, issu de l’ordonnance du 17 mars 2016, postérieur de plusieurs mois à la période visée par la notification de griefs, n’est pas applicable à l’espèce.

27. Selon l’article L. 214-24-6 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 25 juillet 2013, applicable à compter du 28 juillet 2013 et non modifié depuis dans un sens plus favorable: « Pour éviter les conflits d’intérêts entre le dépositaire, la société de gestion, le FIA et ses porteurs

de parts ou actionnaires: [...] 3° Un dépositaire ne peut exercer d’activités qui concernent le FIA ou la société de gestion agissant pour son compte, qui seraient susceptibles d’engendrer des conflits d’intérêts entre le FIA, les porteurs de parts ou actionnaires de ce FIA, la société de gestion et le dépositaire lui-même, à moins que le dépositaire n’ait séparé, sur le plan fonctionnel et hiérarchique, l’exécution de ses taches de dépositaire et ses autres taches et que les conflits d’intérêts potentiels aient été identifiés, gérés, suivis et révélés aux porteurs de parts ou actionnaires du FIA de manière appropriée ».

28. Par ailleurs, il convient de noter que les dispositions des articles L.214-9, L. 214-10, devenu l’article L. 214-10-5, et L. 214-24-8 du code monétaire et financier précisent que les missions incombant aux dépositaires sont de trois ordres : la garde des actifs des fonds ainsi que, le cas échéant, la gestion de leur passif, le contrôle des décisions et des instructions de la SGP en vue de s’assurer de leur régularité au regard de la réglementation applicable et, enfin, le suivi des flux de liquidité.

29. La convention de dépositaire conclue le 6 mars 2014 fait état de ces différentes attributions et prévoit qu’en sa qualité de banque, la société X assure également la tenue des comptes des fonds. Cette convention précise, en outre, que les contrôles réalisés par la société X au titre de la deuxième mission évoquée ci-dessus portent notamment sur le respect des règles d’investissement et la composition de l’actif des fonds, le montant minimum de cet actif, la périodicité de valorisation des fonds, les règles et procédures d’établissement de la valeur liquidative de ceux-ci ou encore la justification du contenu des comptes d’attente des fonds.

30. Il n’est plus contesté que la rémunération complémentaire n’était soumise à aucune obligation de restitution aux fonds. La situation critiquée par la poursuite n’est donc pas susceptible d’engendrer des conflits d’intérêts.

31. En outre, si la poursuite invoque l’existence d’un engagement de stabilité et d’exclusivité de principe, la stabilité des dépôts résulte de fait de la nature même de garantie des espèces concernées qui ont vocation à demeurer au compte jusqu’au dénouement des opérations de CTT et l’exclusivité s’explique de fait par la conservation par le dépositaire des garanties financières reçues par les fonds.

32. Dans ces conditions, il convient d’écarter le manquement reproché à la société X, qui manque en fait. Sur l’absence d’identification des conflits d’intérêts résultant du versement de la rémunération complémentaire à NAMFI et de mise en place de mesures visant à y remédier

33. Il est enfin reproché à la société X de ne pas avoir été en mesure d’identifier les conflits d’intérêts résultant du versement de la rémunération complémentaire à NAMFI, dont les porteurs des fonds n’étaient pas informés, ni de les empêcher en mettant en oeuvre des mesures adéquates, notamment en demandant à NAM d’informer les intéressés de l’avantage qui lui était consenti et des conditions de rémunération de NAMFI, en méconnaissance des dispositions des articles L. 533-10 du code monétaire et financier ainsi que 313-18 et 313-19 du règlement général de l'AMF.

34. Selon la notification de griefs, la société X était tenue de respecter ces dispositions dès lors qu’elle a fourni aux fonds et à NAMFI un service accessoire de tenue de compte espèces correspondant aux garanties financières sur les instruments prêtés ou mis en pension.

35. La société X conteste l’application des textes invoqués par la poursuite, en faisant valoir qu’elle a agi en sa seule qualité d’établissement de crédit, et conclut en conséquence au rejet du grief.

36. Comme il a été dit, les porteurs ne pouvaient prétendre à la restitution de la rémunération complémentaire versée à NAMFI. Ce versement ne pouvait donc créer une situation de conflit d’intérêts.

37. Dès lors, le grief reproché, qui manque en fait, ne peut qu’être écarté.

38. Tous les griefs reprochés à la société X ayant été écartés, il convient de la mettre hors de cause.

IV. Sur les autres griefs notifiés à NAMFI

Sur l’absence d’information des clients concernant la rémunération complémentaire perçue par NAMFI

39. La notification de griefs reproche à NAMFI de n’avoir pas agi d’une manière honnête, loyale et professionnelle servant au mieux les intérêts des clients, en percevant la rémunération complémentaire sans que les porteurs n’aient été informés ni de son existence, ni de sa nature, ni de son montant, méconnaissant ainsi les dispositions de l’article 314-76 du règlement général de l’AMF.

40. Elle relève qu’avant le mois d’avril 2013, les prospectus des fonds ne mentionnaient pas d’autre rémunération que les loyers partagés entre NAMFI et les Fonds et qu’après le mois d’avril 2013, seuls les prospectus des fonds soumis au mode principal ont été modifiés pour indiquer que NAM bénéficierait, le cas échéant, des revenus issus de la transformation bancaire effectuée par NAMFI. Or, dans la mesure où NAMFI ne réalisait pas de transformation bancaire, ni les prospectus des fonds recourant au mode agent ni ceux des fonds pour lesquels NAMFI intervenait en mode principal n’étaient informés de la perception de la rémunération complémentaire.

41. NAMFI soutient qu’un tel grief est irrecevable dès lors qu’elle n’est pas rédactrice des prospectus des fonds qui faisaient, au demeurant, état du fait que NAMFI pouvait être amenée à réaliser des activités de transformation, dont le produit éventuel bénéficierait in fine à sa société mère, NAM.

42. Elle fait valoir que la rémunération complémentaire ne lui a pas été versée « en liaison » avec la fourniture d’un service d’investissement mais résulte au contraire de l’exercice de son activité de transformation bancaire, de sorte que l’article 314-76 précité du règlement général de l’AMF lui est inapplicable.

43. Elle ajoute qu’à supposer que tel fut le cas, elle ne serait débitrice d’une obligation d’information qu’à l’égard de la SGP, qui avait en l’espèce parfaitement connaissance de l’existence, de la nature et du montant de la rémunération complémentaire.

44. Elle souligne que les prospectus des fonds réalisant des opérations en mode principal informaient bien de l’existence de la rémunération complémentaire et explique que la rémunération complémentaire versée en mode agent résulte d’une erreur de calcul de la société X.

45. NAMFI affirme, enfin, qu’elle était en toute hypothèse dans l’impossibilité de communiquer directement aux porteurs les informations visées par l’article 314-76 du règlement général de l’AMF.

46. Les faits reprochés à NAMFI, qui se sont déroulés entre le 1er mars 2013 et le 31 décembre 2015, seront examinés à la lumière des textes alors en vigueur.

47. Aux termes de l’article 314-76 du règlement général de l’AMF, pris aux fins de transposition de l’article 26 de la directive déléguée 2006/73/CE du 10 août 2006, portant mesures d’exécution de la directive 2004/39/CE du parlement européen et du conseil du 21 avril 2004 sur les marchés d’instruments financiers, dans sa rédaction en vigueur entre le 26 octobre 2012 et le 20 décembre 2013, non modifié depuis dans un sens moins sévère : « Le prestataire de services d'investissement est considéré comme agissant d'une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux les intérêts d'un client ou d'un porteur de parts ou actionnaire d'OPCVM lorsque, en liaison avec la prestation d'un service d'investissement ou d'un service connexe à ce client ou avec la gestion d'OPCVM, il verse ou perçoit une rémunération ou une commission ou fournit ou reçoit un avantage non monétaire suivant : […] / 2° Une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé ou fourni à un tiers ou par celui-ci, ou à une personne agissant au nom de ce tiers ou par celle-ci, lorsque les conditions suivantes sont réunies : / a) Le client ou le porteur de parts ou actionnaire d'OPCVM est clairement informé de l'existence, de la nature et du montant de la rémunération, de la commission ou de l'avantage ou, lorsque ce montant ne peut être établi, de son mode de calcul. Cette information est fournie de manière complète, exacte et compréhensible avant que le service d'investissement ou connexe concerné ou la gestion d'OPCVM ne soit fourni(e). Le prestataire de services d'investissement peut divulguer les conditions principales des accords en matière de rémunérations, de commissions et d'avantages non monétaires sous une forme résumée, sous réserve qu'il s'engage à fournir des précisions supplémentaires à la demande du client ou du porteur de parts ou actionnaire d'OPCVM et qu'il respecte cet engagement ; / b) Le paiement de la rémunération ou de la commission, ou l'octroi de l'avantage non monétaire, a pour objet d'améliorer la qualité du service fourni au client ou au porteur de parts ou actionnaire d'OPCVM et ne doit pas nuire au respect de l'obligation du prestataire de services d'investissement d'agir au mieux des intérêts du client ou du porteur de parts ou de l'actionnaire d'OPCVM ».

48. L’article 4, 10) de la directive du 21 avril 2004 précise que le terme client fait référence à : « toute personne physique ou morale à qui une entreprise d'investissement fournit des services d'investissement et/ou des services auxiliaires ».

49. Il convient de rechercher si l’article 314-76 du règlement général de l’AMF est applicable à NAMFI lorsqu’elle réalise des opérations de CTT avec les fonds, en premier lieu, en mode principal et, en second lieu, en mode agent, et dans ce cas, si, elle en a méconnu les dispositions.

50. En premier lieu, le considérant 69 de la directive déléguée précitée dispose : « Les transactions pour compte propre effectuées avec des clients par une entreprise d'investissement doivent être assimilées à l'exécution d'ordres de clients et donc être soumises aux exigences prévues par la directive 2004/39/CE et la présente directive, en particulier à celles de ces obligations portant sur la meilleure exécution […] ».

51. Il en résulte que la réalisation, par un prestataire de services d’investissements, d’opérations pour compte propre avec des clients emporte, à l’égard de ces clients, les mêmes effets que la fourniture du service d’exécution d’ordres pour compte de tiers et entraîne, par suite, l’application au prestataire concerné des règles de bonne conduite énoncées par la directive précitée du 10 août 2006.

52. Ce considérant 69 a précisément pour objet de dispenser de la démonstration de la fourniture d’un service d’investissement au sens de l’article L. 321-1 du code monétaire et financier, en assimilant la situation dans laquelle le prestataire se porte contrepartie d’un ordre d’un client, dans le cadre d’une activité de négociation pour compte propre, à celle dans laquelle il exécute un ordre d’un client dans le marché. Contrairement à ce qu’elle soutient, NAMFI était donc soumise aux dispositions de l’article 314-76 du règlement général de l’AMF au titre de ses interventions en mode principal.

53. La rémunération complémentaire a bien été versée par la société X à NAMFI dans le contexte de la réalisation d’opérations de CTT pour le compte des Fonds, dont NAMFI s’est portée contrepartie, de sorte que cette rémunération est réputée avoir été perçue par NAMFI en liaison avec la fourniture d’un service d’investissement au sens de l’article 314-76 du règlement général de l’AMF.

54. Les prospectus des fonds soumis à ce mode comportent, depuis 2013, une section « Information sur les risques de conflit d’intérêts liés à l’utilisation des acquisitions/cessions temporaires de titres » présentée dans les termes suivants : « Enfin, l’agrément de banque prestataire de service[s] d’investissement de NAMFI l’autorise à pratiquer des opérations de transformation. Au cas où les résultats de cette activité de transformation s’avèreraient positifs, NAM, dont NAMFI est la filiale, en bénéficierait ».

55. Il ressort des déclarations effectuées par le représentant légal de la société X lors de son audition par Madame le rapporteur que les intéressées ont décidé, d’un commun accord, de confier le soin d’effectuer la transformation des sommes correspondant au collatéral reçu par NAMFI à la société X, qui apparaissait davantage à même d’y procéder de manière optimale, en contrepartie de quoi la société X a accepté de verser à NAMFI la rémunération complémentaire, correspondant à 60% de la marge dégagée à cette occasion.

56. À la lumière de ces déclarations, la mention figurant dans les prospectus des fonds apparaît impropre à informer les porteurs de la nature de la rémunération complémentaire perçue de la société X par NAMFI en vertu de leur accord. Il n’est pas non plus établi que ces derniers aient eu connaissance du montant ou du mode de calcul de cette rémunération.

57. NAMFI allègue qu’elle n’était débitrice d’une information qu’à l’égard de la SGP, qui avait déjà connaissance des modalités de la rémunération complémentaire, et non des porteurs des fonds qu’elle n’avait aucun moyen d’aviser.

58. Cependant, filiale à 100% de NAM, SGP des fonds, chargée par cette dernière de se porter contrepartie et de conclure avec la Rue et agissant donc en lien avec elle, NAMFI ne pouvait se désintéresser de son devoir d’information à l’égard des porteurs des fonds défini par l’article 314-76 2° a). Elle ne démontre pas avoir pris des mesures en vue de l’information des porteurs sur l’existence, la nature, le montant ou les modalités de calcul de la rémunération complémentaire ni même sollicité de la SGP qu’elle le fasse.

59. Entre le 1er mars 2013 et le 31 décembre 2015, NAMFI a perçu, en mode principal, la somme de 21,3 millions d’euros au titre de la rémunération complémentaire, à l’insu des porteurs des fonds. Le grief apparaît donc constitué à ce titre.

60. En second lieu, aux termes de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, dans ses versions successivement en vigueur entre le 1er novembre 2007 et le 3 janvier 2018, non modifié depuis dans un sens plus favorable : « 1. Constitue le service de réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers le fait de recevoir et de transmettre à un prestataire de services d'investissement ou à une entité relevant d'un Etat non membre de l'Union européenne et non partie à l'accord sur l'Espace économique européen et ayant un statut équivalent, pour le compte d'un tiers, des ordres portant sur des instruments financiers ».

61. L’activité effectuée par NAMFI en mode agent, qui consiste à réceptionner les instructions de prêt ou de mise en pension de titres financiers des fonds et à les répercuter à diverses contreparties bancaires habilitées à fournir le service d’exécution d’ordres pour compte de tiers, relève du 1 de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier.

62. NAMFI avait d’ailleurs expliqué à l’AMF, au mois de juillet 2011, que son intervention en mode agent s’apparentait à une « prestation RTO ».

63. Elle était donc également soumise aux dispositions de l’article 314-76 du règlement général de l’AMF au titre des opérations réalisées en mode agent.

64. Pour les raisons exposées ci-avant, la rémunération complémentaire, versée par la société X à NAMFI dans le contexte de la réalisation d’opérations de CTT avec les fonds, a bien été perçue par NAMFI en liaison avec la fourniture d’un service d’investissement au sens de l’article 314-76 du règlement général de l’AMF.

65. NAMFI soutient qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir avisé les clients, en amont de la réalisation des opérations en mode agent, de l’existence, de la nature ou du montant de la rémunération complémentaire qu’elle a perçue à cette occasion, cette rémunération procédant d’une erreur involontaire de la société X. Cependant, NAMFI ne pouvait, dès les premiers versements, ignorer cette situation qui a perduré pendant près de trois ans. Elle n’en a jamais informé les porteurs des fonds.

66. Entre le 1er mars 2013 et le 31 décembre 2015, NAMFI a ainsi perçu, dans ce cadre, la somme de 3,37 millions d’euros sans que les porteurs n’en soient informés en amont de la réalisation des opérations de CTT.

67. Il s’ensuit que le manquement est aussi constitué au titre du mode agent.

Sur l’absence d’identification des conflits d’intérêts résultant de la perception de la rémunération complémentaire par NAMFI et de mise en place de mesures visant à y remédier

68. Il est fait grief à NAMFI de ne pas avoir identifié le conflit d’intérêts résultant de la perception de la rémunération complémentaire, non mentionnée dans le prospectus des fonds, et de ne pas l’avoir empêché en mettant en oeuvre les mesures adéquates, le cas échéant, en demandant à NAM d’informer les porteurs de la perception de cette situation, en méconnaissance des dispositions des articles L. 533-10 du code monétaire et financier et des articles 313-18, 313-19 et 313-20 du règlement général de l’AMF.

69. NAMFI fait valoir qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts, les intérêts étant au contraire convergents et que l’AMF avait été informée en 2013 des risques de conflit d’intérêts inhérents à la réalisation d’opérations de CTT.

70. La notification de griefs relève que : « NAM, société de gestion en charge de la gestion des Fonds, est l’actionnaire unique de NAMFI. En conséquence, NAM était indirectement bénéficiaire des rémunérations perçues par NAMFI à l’occasion des opérations de CTT réalisées pour le compte des Fonds. NAM, en tant que donneur d’ordres, était ainsi susceptible de privilégier l’intérêt de sa filiale au détriment de celui des porteurs. Dans ce contexte, il appartenait à NAMFI d’identifier et de déployer les mesures nécessaires afin d’éviter les conflits d’intérêts susceptibles de survenir entre les clients pour le compte desquels elle réalisait la gestion efficace de portefeuille, c’est-à-dire les porteurs de parts, et elle-même. Le lien capitalistique existant avec la société de gestion empêchait NAMFI de laisser à son actionnaire unique l’appréciation de l’existence et de l’étendue des conflits d’intérêts ».

71. De telles circonstances intéressent exclusivement NAM et non sa filiale, NAMFI. Elles ne sont pas de nature à établir l’existence d’un conflit d’intérêts entre cette dernière et les porteurs.

72. La notification de griefs ajoute : « En outre, la rémunération complémentaire versée à NAMFI était susceptible de procurer un gain à cette dernière au détriment des porteurs ; les opérations de CTT permettaient à NAMFI de percevoir une Rémunération complémentaire qui n’était pas restituée aux porteurs ; plus largement, NAMFI recevait de la part de la société X une Rémunération complémentaire autre que les commissions ou frais facturés aux Fonds annoncés dans les prospectus […] Cette situation, qui n’était pas mentionnée au sein des prospectus n’a pas été identifiée par NAMFI comme susceptible de créer un conflit d’intérêts entre elle-même et les Fonds ».

73. Cependant, les porteurs étaient, pour les raisons déjà exposées, dépourvus de droits sur la rémunération complémentaire versée par la société X à NAMFI. La critique est donc infondée.

74. Il s’ensuit que si le bénéfice pour NAMFI de la rémunération complémentaire versée par la société X constituait une information pertinente pour les porteurs des fonds, cette situation ne caractérise pas le conflit d’intérêts allégué par la poursuite.

75. Le manquement ne peut, dès lors, qu’être écarté. Au demeurant le représentant du collège s’en est remis à la sagesse de la commission sur ce grief.

V. Sur le grief notifié à NAM

76. La notification de griefs reproche d’abord à NAM d’avoir omis de mentionner dans les prospectus des fonds et les rapports annuels le versement par la société X à NAMFI de la rémunération complémentaire et d’avoir mentionné dans les prospectus que NAMFI effectuait une activité de transformation bancaire qui était en réalité exercée par la société X, tandis que NAMFI se bornait à recevoir la rémunération complémentaire.

77. Elle relève qu’en particulier la mention figurant dans les prospectus, selon laquelle NAMFI pourrait être amenée à réaliser une activité de transformation bancaire dont le produit bénéficierait indirectement à NAM est trompeuse puisque NAMFI ne réalise pas une telle activité de transformation mais se contente de recevoir la rémunération complémentaire au moyen d’un mécanisme reposant sur une asymétrie de taux spécialement conçu à cet effet.

78. Selon elle, cette absence d’information des porteurs des fonds les a privés de la possibilité d’apprécier la rémunération totale de la SGP et matérialise l’absence de gestion efficace du conflit d’intérêts résultant de la perception de la rémunération complémentaire par sa filiale, NAMFI.

79. Elle conclut donc que NAM a méconnu les dispositions des articles L. 533-10 et L. 533-12 du code monétaire et financier ainsi que celles des articles 314-80, 319-16, 313-23 et 318-13 du règlement général de l’AMF.

80. NAM fait valoir que dans la mesure où la rémunération complémentaire ne constitue pas un revenu résultant de la gestion efficace de portefeuille, postulat central de la thèse de la poursuite, les griefs devraient être mécaniquement abandonnés.

81. Au fond, elle soutient qu’elle n’était pas réglementairement tenue d’informer les porteurs de l’assiette, du taux ou encore du nom de l’entité versant la rémunération complémentaire à NAMFI.

82. Elle souligne ensuite que les risques de conflits d’intérêts inhérents à la perception de la rémunération complémentaire ont été divulgués dans les prospectus des fonds qui mentionnaient le principe de la transformation à l’origine de la rémunération complémentaire ainsi que le fait que cette transformation pouvait être réalisée par NAMFI et que son profit reviendrait à NAMFI et NAM compte tenu des liens capitalistiques existant entre les deux entités.

83. Elle soutient enfin que dans la mesure où les deux manquements visés par les notifications de griefs ont un objet identique, ils ne peuvent être tous deux retenus sauf à se heurter au principe de non-cumul des infractions.

Sur les textes applicables

84. Les faits reprochés à NAM se sont déroulés entre le 30 juin 2014 et le 31 décembre 2016 et devront donc être examinés à la lumière des textes en vigueur à cette époque, sous réserve d’éventuelles dispositions postérieures moins sévères.

85. Aux termes de l’article L. 533-10 du code monétaire et financier dans ses versions successivement en vigueur entre le 1er novembre 2007 et le 28 juillet 2013, non modifié depuis dans un sens moins sévère : « Les prestataires de services d'investissement doivent : […] 3. Prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d'intérêts de porter atteinte aux intérêts de leurs clients. Ces conflits d'intérêts sont ceux qui se posent entre, d'une part, les prestataires eux-mêmes, les personnes placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ou toute autre personne directement ou indirectement liée à eux par une relation de contrôle et, d'autre part, leurs clients, ou bien entre deux clients, lors de la fourniture de tout service d'investissement ou de tout service connexe ou d'une combinaison de ces services. / Lorsque ces mesures ne suffisent pas à garantir, avec une certitude raisonnable, que le risque de porter atteinte aux intérêts des clients sera évité, le prestataire informe clairement ceux-ci, avant d'agir en leur nom, de la nature générale ou de la source de ces conflits d'intérêts ».

86. L’article L. 533-12 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur entre le 1er novembre 2007 et le 2 janvier 2018, devenu l’article L. 533-22-2-1 depuis le 3 janvier 2019, précise : « I. – Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles ».

87. Selon l’article 314-80 du règlement général de l’AMF dans ses versions successivement en vigueur entre le 26 octobre 2012 et le 3 janvier 2018 : « Sans préjudice de l'article 314-78, les produits, rémunérations et plus-values dégagés par la gestion de l'OPCVM et les droits qui y sont attachés appartiennent aux porteurs de parts ou actionnaires. Les rétrocessions de frais de gestion et de commissions de souscription et de rachat du fait de l'investissement en OPCVM ou fonds d'investissement par l'OPCVM bénéficient exclusivement à celui-ci. / La société de gestion de portefeuille, le prestataire de services à qui a été confiée la gestion financière, le dépositaire, le délégataire du dépositaire, la société liée mentionnée au c du 2° de l'article 314-79 peuvent recevoir une quote-part du revenu des opérations d'acquisitions et cessions temporaires de titres appartenant à l'OPCVM dans les conditions définies dans le prospectus de l'OPCVM ».

88. Depuis le 3 janvier 2018, les dispositions de l’article 314-80 ont, en substance, été reprises à l’article 321-120 du même règlement, qui énonce : « Sans préjudice de l'article 321-118, les produits, rémunérations et plus-values dégagés par la gestion de l'OPCVM et les droits qui y sont attachés appartiennent aux porteurs de parts ou actionnaires. Les rétrocessions de frais de gestion et de commissions de souscription et de rachat du fait de l'investissement en placements collectifs ou fonds d'investissement de pays tiers par l'OPCVM bénéficient exclusivement à celui-ci. / La société de gestion de portefeuille, le prestataire de services à qui a été confiée la gestion financière, le dépositaire, le délégataire du dépositaire, la société liée mentionnée au c du 2° de l'article 321-119 peuvent recevoir une quote-part du revenu des opérations d'acquisitions et cessions temporaires de titres appartenant à l'OPCVM dans les conditions définies dans le prospectus de l'OPCVM ». La rédaction de cette dernière disposition apparait équivalente à celle de l’article 314-80 précité du règlement général de l’AMF.

89. L’article 319-16 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur entre le 17 août 2013 et le 3 janvier 2018, non modifié ensuite dans un sens plus favorable, énonce pour sa part : « Sans préjudice de l'article 319-13, les produits, rémunérations et plus-values dégagés par la gestion de FIA et les droits qui y sont attachés appartiennent aux porteurs de parts ou actionnaires. Les rétrocessions de frais de gestion et de commissions de souscription et de rachat du fait de l'investissement en placements collectifs par le FIA bénéficient exclusivement à celui-ci. / La société de gestion de portefeuille, le délégataire de la société de gestion de portefeuille pour la gestion financière, le dépositaire, le délégataire du dépositaire, la société liée mentionnée au c du 2° de l'article 319-14 peuvent recevoir une quote-part du revenu des opérations d'acquisitions et cessions temporaires de titres appartenant au FIA dans les conditions définies dans le prospectus, ou à défaut, le document d'information à destination des investisseurs du FIA ».

90. Aux termes de l’article 313-23 du règlement général de l’AMF, dans ses versions successivement en vigueur entre le 21 octobre 2011 et le 2 janvier 2018 : « I. - L'information communiquée aux clients en application du 3 de l'article L. 533-10 du code monétaire et financier est fournie sur un support durable. / Elle est suffisamment détaillée, eu égard aux caractéristiques du client afin que celui-ci puisse prendre une décision en connaissance de cause ».

91. Depuis le 3 janvier 2018, l’article 321-51 du règlement général de l’AMF, prévoit : « Lorsque les dispositions organisationnelles ou administratives prises par la société de gestion de portefeuille en vue de gérer les conflits d'intérêts ne suffisent pas à garantir, avec une certitude raisonnable, que le risque de porter atteinte aux intérêts de l'OPCVM ou de ses porteurs de parts ou actionnaires sera évité, les dirigeants ou l'organe interne compétent de la société de gestion de portefeuille sont informés dans les meilleurs délais afin qu'ils puissent prendre toute mesure nécessaire pour garantir que la société de gestion de portefeuille agira dans tous les cas au mieux des intérêts de l'OPCVM et de ses porteurs de parts ou actionnaires. / Les porteurs de parts ou actionnaires de l'OPCVM sont informés sur un support durable des raisons de la décision de la société de gestion de portefeuille ». Ce dernier article, qui ne mentionne plus expressément l’obligation de fournir au client une information « suffisamment détaillée, eu égard aux caractéristiques du client afin que celui-ci puisse prendre une décision en connaissance de cause », et confère désormais ce pouvoir d’appréciation à la seule société de gestion, doit être considéré comme étant moins sévère que l’article 313-23 précité du règlement général de l’AMF.

92. Enfin, l’article 318-13 du règlement général de l’AMF, dispose, dans sa rédaction en vigueur entre le 14 août 2013 et le 3 janvier 2018 non modifiée depuis dans un sens moins sévère : « II. - Lorsque les dispositions organisationnelles prises par une société de gestion de portefeuille pour identifier, prévenir, gérer et suivre les conflits d'intérêts ne suffisent pas à garantir, avec une certitude raisonnable, que le risque de porter atteinte aux intérêts des porteurs de parts ou actionnaires sera évité, la société de gestion de portefeuille communique clairement à ceux-ci, avant d'agir pour leur compte, la nature générale ou la source de ces conflits d'intérêts, et élabore des politiques et des procédures appropriées ».

93. Le grief reproché à NAM comprend deux branches, qu’il y a lieu d’examiner successivement.

Sur le manquement relatif à l’information communiquée aux porteurs

94. L’article L. 533-12 du code monétaire et financier exige que les communications qui sont adressées aux porteurs des fonds présentent un caractère exact, clair et non trompeur sans énumérer les informations devant être transmises par la SGP. Les informations nécessaires se déduisent de chaque espèce. NAM ne peut donc écarter l’application de l’article en cause au seul motif qu’il ne lui imposait pas spécifiquement d’informer les porteurs des fonds de la rémunération complémentaire.

95. Il convient au contraire de rechercher si en l’espèce les porteurs ont été informés de façon exacte, claire et non trompeuse.

96. Comme il a été dit, les prospectus des fonds réalisant des opérations de CTT par l’intermédiaire de NAMFI intervenant en mode principal, font état du fait que l’agrément de NAMFI lui permet de réaliser des opérations de transformation, en précisant que dans l’hypothèse où cette activité permettrait de dégager des profits, ceux-ci reviendraient à NAM, dont NAMFI est la filiale.

97. Cependant, NAMFI se borne à recevoir une rétrocession de la marge de transformation réalisée par la société X sans effectuer elle-même d’activité de transformation. La mention des opérations de transformation figurant dans les prospectus est donc inexacte. Elle ne permet pas aux porteurs des fonds d’appréhender l’intégralité des rémunérations perçues par NAMFI à l’occasion des opérations de CTT ni de comprendre que la rémunération complémentaire serait a priori importante et positive puisqu’au moins égale à 12,5 points de base du montant du collatéral par an. Elle n’est donc pas claire.

98. Aucune autre communication n’informait les porteurs de cette situation.

99. Il s’ensuit que le manquement aux dispositions de l’article L. 533-12 du code monétaire et financier est constitué.

Sur le manquement relatif à la gestion des conflits d’intérêts

100. S’il est vraisemblable que NAMFI dispose, à raison du volume des opérations de cessions temporaires traitées d’une bonne connaissance de ce marché comme l’indiquent les prospectus des fonds, il reste que le montant significatif de la rémunération complémentaire perçue par NAMFI, filiale à 100% de NAM, au titre du collatéral, pouvait l’inciter à favoriser l’intervention de NAMFI plutôt que celle d’autres acteurs sans prendre le soin de vérifier si ceux-ci pouvaient fournir la même prestation dans des conditions plus favorables aux porteurs.

101. Une telle situation caractérise le risque de conflits d’intérêts entre NAM et les porteurs à l’occasion de la réalisation des opérations de CTT. Elle n’a pas été identifiée. Aucune mesure n’a été prise.

102. Ce second manquement, qui a trait à l’absence d’identification du conflit d’intérêts et de mesure prise par la mise en cause pour y remédier, ne se juxtapose pas au premier manquement, qui porte sur la qualité de l’information délivrée aux porteurs. Ces deux manquements revêtant des objets distincts, la situation de cumul illicite de qualifications invoquée par NAM n’existe pas.

103. Il s’ensuit que ce manquement est lui aussi constitué.

SANCTIONS ET PUBLICATION

Sur les sanctions

104. Aux termes de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 28 juillet 2013, non modifiée depuis dans un sens plus favorable : « II.- La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions des articles L. 612-39 et L. 612-40 ; b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions des articles L. 612-39 et L. 612-40 […]. / III.- Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés [… ] ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c à g du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas […] ».

105. NAM et NAMFI peuvent être sanctionnées sur le fondement du II a) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier et encourent chacune l’une des sanctions disciplinaires prévues au III a) du même article et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire d’un montant maximum égal à 100 millions d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés.

106. Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « III ter. - Dans la mise en oeuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : - de la gravité et de la durée du manquement ; / - de la qualité et du degré d'implication de la personne en cause ; / - de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total ; / - de l'importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / - des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / - du degré de coopération avec l'Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l'avantage retiré par cette personne ; / - des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / - de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. ».

107. Le manquement commis par NAMFI a duré près de trois ans, au cours desquels elle a perçu un montant cumulé, en mode agent et en mode principal, qui s’élève à 24,7 millions d’euros.

108. Elle n’a pas corrigé l’erreur commise par la société X sur les rémunérations en mode agent. L’interposition de son bilan entre les fonds et la Rue a masqué les conséquences de l’accord commercial non formalisé par écrit entre la société X et elle, empêchant les porteurs de mesurer l’importance de la rémunération en cause, éventuellement de la critiquer au regard de l’ensemble des revenus de la CTT et de celle pratiquée par la concurrence.

109. Il convient également de prendre en compte la situation financière de NAMFI, qui a enregistré un produit net bancaire de 32 013 141 euros ainsi qu’un résultat net positif de 9 492 952 euros au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2018.

110. Il sera, en conséquence, prononcé à son encontre, une sanction pécuniaire de 1 000 000 d’euros.

111. L’obligation d’information des porteurs sur les sommes perçues par NAMFI au titre de la rémunération complémentaire pesait au premier chef sur NAM, interlocuteur privilégié des porteurs de parts en sa qualité de SGP, de sorte que les manquements commis par cette dernière sont graves. Il doit, en outre, être tenu compte du montant significatif de la rémunération complémentaire perçue par NAMFI, sa filiale à 100%, ainsi que du nombre important de portefeuilles concernés.

112. NAM, devenue Natixis Investment Managers International, a constaté un résultat net positif de 174 182 249 euros au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2018. Contrairement à ce qu’elle soutient, il est indifférent que ce résultat résulte partiellement de revenus non récurrents.

113. Il convient, en conséquence, de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 2 000 000 euros.

Sur la publication

114. La société X, NAM et NAMFI sollicitent toutes trois la publication de la décision sous une forme anonymisée.

115. La société X, étant mise hors de cause, la décision sera rendue sous une forme anonyme en ce qui la concerne.

116. NAM et NAMFI font, respectivement, valoir que la publication de cette procédure causerait à NAM des dommages commerciaux, d’image et de réputation, notoirement disproportionnés et que les faits de l’espèce ne la justifient pas à l’égard de NAMFI.

117. Toutefois, aucune des circonstances invoquées par les mises en cause ne démontre que la publication de la décision entraînerait un préjudice grave et disproportionné ou serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. Elle sera donc ordonnée sous forme nominative.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par Mme Marie-Hélène Tric, présidente de la commission des sanctions, M. Jean Gaeremynck, président de la 2ème section, Mme Edwige Belliard, M. Didier Guérin, M. Bernard Field, Mme Sandrine Elbaz-Rousseau, M. Bruno Gizard, Mme Anne Le Lorier et M. Lucien Millou, membres de la commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions :

- Met la société X hors de cause ;

- Prononce à l’encontre de la société Natixis Asset Management Finance une sanction pécuniaire de 1 000 000 euros (un million d’euros) ;

- Prononce à l’encontre de la société Natixis Investment Managers International une sanction pécuniaire de 2 000 000 euros (deux millions d’euros) ;

- Ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers de manière anonyme en ce qui concerne la société X, et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme en ce qui concerne la société Natixis Asset Management Finance et la société Natixis Investment Managers international.