Cass. crim., 11 mars 2015, n° 13-87.426
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
M. Azema
Avocat général :
M. Le Baut
Avocats :
Me Foussard, SCP Spinosi et Sureau
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, §1, 6, § 2, et 6, § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 121-3, 313-1 du code pénal, 261 D b) du code général des impôts, L. 228 du livre des procédures fiscales, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré le demandeur coupable d'escroquerie et de tentative d'escroquerie et l'a condamné en répression à la peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende ;
"aux motifs qu'il est suffisamment établi par la procédure diligentée par les services de police, notamment les auditions de MM. X... et Y... que l'EURL prise en la personne de son gérant M. X... a fait une déclaration inexacte comportant une allégation mensongère en prétendant que la location de la propriété de Gordes était une location meublée avec fourniture de prestations para-hôtelières ; qu'il est clairement établi que les prestations mentionnées au b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts doivent être comprises comme devant être similaires à celles proposées les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploitées de manière professionnelle ; que seul ce type d'établissement relève du régime fiscal applicable à la para-hôtellerie ;
que, dans le cas d'espèce, si les baux reproduisent de manière stéréotypée les prestations mentionnées au b du 4 de l'article 261 D du code général des impôts, l'analyse « in concreto » de la situation telle qu'elle résulte des déclarations de M. X..., de celles de M. Y... et des constatations du vérificateur et des services de police, révèle que l'exploitation de cette acquisition immobilière se fait dans des conditions tout à fait différentes des établissements d'hébergement à caractère hôtelier ; que la fraude fiscale est patente ; que, toutefois, pour passer du stade de la fraude fiscale à l'escroquerie, il est indispensable d'établir :
- des manoeuvres frauduleuses qui constituées par des actes extérieurs aux déclarations elles-mêmes sont de nature à donner force et crédit aux allégations mensongères énoncées par ces déclarations en vue de tromper l'administration ;
- l'existence d'une remise de fonds ;
- l'élément intentionnel ;
qu'en l'espèce, il apparaît que M. X..., à partir d'une interprétation littérale et volontairement erronée du 4° de l'article 261 D, a réalisé un astucieux montage donnant l'apparence du respect de la loi fiscale dans le seul but de tromper l'administration fiscale et de se procurer des avantages indus ; qu'ainsi après avoir signé un compromis de vente à titre personnel, il a créé l'EURL Haziel en mentionnant une activité de loueur de meublé professionnel, il a acquis le bien et alors qu'il n'a jamais eu même l'intention de louer le bien dans ces conditions, il a établi un bail avec l'unique occupant au demeurant son associé reprenant les mentions du b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ; que pour que le montage soit complet et pour asseoir le caractère meublé du bien, il a fait racheter par l'EURL Haziel les meubles de son locataire ; qu'il est constant que M. X... a constitué une société non destinée à être rentable, dans le seul but d'acquérir un bien immobilier luxueux partiellement payé par des avantages résultant de la fraude fiscale ; que M. X... a obtenu la remise effective des fonds (remise des premiers fonds le 16 janvier 2007, date qui constitue le point de départ du délai de prescription) en fournissant à l'administration des garanties conventionnelles puis une garantie légale, ce qui participe aux manoeuvres frauduleuses ; que cette dernière manoeuvre a fini par convaincre l'administration fiscale à reverser la TVA ; que l'élément intentionnel résulte des mécanismes fiscaux complexes mis en place par M. X..., parfaitement avisé en la matière compte tenu des activités de commissaire aux comptes et d'expert-comptable ; que seule la perspicacité du contrôleur fiscal qui a clairement exposé sa méthodologie à l'audience de la cour a permis de confondre ces manoeuvres ; que les faits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie sont parfaitement établis et il convient de confirmer le jugement entrepris s'agissant de la culpabilité ; que s'agissant de la peine, il y a lieu d'infirmer le jugement en prononçant une peine plus adaptée à la gravité de tels faits commis au détriment de la collectivité et à la personnalité du prévenu qui ne présente aucune mention au casier judiciaire ; que M. X... sera condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement assorti du sursis et à une amende de 20 000 euros ;
"1°) alors que l'escroquerie consiste à employer des manoeuvres frauduleuses destinées à tromper une personne afin de la déterminer, à son préjudice ou au préjudice d'autrui, à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; que ne saurait caractériser les manoeuvres frauduleuses l'assujettissement à un régime fiscal respectant les conditions posées par la loi ; qu'en l'espèce, M. X..., en sa qualité de dirigeant de la société Haziel, a acquis un bien immobilier et l'a placé sous le régime fiscal applicable à la parahôtellerie, et ce dans le respect des conditions posées par l'article 261 D b) du code général des impôts puisqu'était prévus, comme le faisait valoir le demandeur, la fourniture du petit déjeuner, le nettoyage des locaux, ainsi que la réception ; qu'en conséquence, les manoeuvres frauduleuses ne pouvaient être retenues par la cour d'appel sans qu'elle ait démontré, en réponse aux écritures de l'exposant, que les conditions de l'assujettissement fiscal n'étaient pas remplies ;
"2°) alors que la cour d'appel ne pouvait, sans outrepasser le cadre de sa saisine et violer les droits de la défense du demandeur, s'appuyer, pour déclarer ce dernier coupable du chef d'escroquerie, sur la caractérisation d'un délit de fraude fiscale dont elle n'était pas saisie et qui n'avait jamais fait l'objet d'un avis conforme de la part de la Commission des infractions fiscales ;
"3°) alors que la fourniture à l'administration fiscale, sur demande cette dernière, de garanties conventionnelles puis d'une garantie légale par M. X..., témoignait d'une complète mise en conformité de la société Haziel avec les conditions légalement prévues pour l'obtention du crédit de TVA ; qu'en retenant que cette circonstance participait des manoeuvres frauduleuses, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"4°) alors que, par ailleurs, la loi pénale est d'interprétation stricte ; que doit exister, au sens de l'article 313-1 du code pénal, un lien de causalité entre la remise et les manoeuvres frauduleuses ; que l'ensemble des démarches réalisées par M. X... (acquisition, location du bien, fourniture des services prévus par l'article 261 D b)du code général des impôts) n'ont eu d'autre conséquence que de le placer sous le régime fiscal de loueur meublé professionnel ; que les demandes de TVA effectuées postérieurement, seules déterminantes de la remise, n'ont eu aucun caractère frauduleux puisqu'elles ont été réalisées conformément au régime applicable ; que c'est donc à tort que la cour d'appel a retenu que les éléments constitutifs de l'escroquerie étaient réunis ;
"5°) alors que l'escroquerie est un délit intentionnel qui suppose la démonstration de la connaissance doublée de la volonté d'agir de la part de son auteur ; que la preuve de cette intention doit être apportée par la partie poursuivante ; qu'en l'espèce, en déduisant l'intention de la complexité des mécanismes fiscaux et des activités de commissaire aux comptes et d'expert-comptable de M. X..., lequel se trouve dans l'impossibilité d'apporter la preuve contraire, la cour d'appel a posé une présomption de culpabilité irréfragable contraire à l'article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a confirmé la condamnation de M. X... à payer à l'Etat français la somme de 257 257 euros à titre de dommages-intérêts.
"aux motifs qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce que M. X... a été condamné à payer à l'Etat français la somme de 257 257 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le Trésor public, calculé sur la base des demandes de remboursement souscrites par lui pour le compte de l'EURL Haziel ;
"alors que la cour d'appel s'est abstenue de répondre à une articulation essentielle des conclusions déposées par le demandeur, qui faisait valoir que les demandes de l'Etat français, partie civile, doublaient sans aucun fondement celles émises dans le cadre du litige de nature fiscale portant sur les mêmes sommes, engagé devant le tribunal administratif" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'a pas excédé les limites de sa saisine, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits d'escroquerie et tentative dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.