CA Colmar, 2e ch. A, 12 janvier 2023, n° 20/03408
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Campus Privé d'Alsace (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Walgenwitz
Conseillers :
Mme Denort, Mme Hery
Avocats :
Me Brunner, Me Herque, Me Litou-Wolff
EXPOSE DU LITIGE
La société Campus Privé d'Alsace a pour activité la formation dans diverses activités et professions, et dispense notamment un enseignement d'ostéopathie sous l'enseigne « [5] ».
Madame [Z] [J] a souscrit le 5 avril 2015 auprès de ladite société un contrat d'enseignement afin de suivre la formation d'ostéopathe, sur un cycle d'études de 5 ans.
Après avoir suivi les enseignements de trois premières années du cycle, elle a notifié le 24 août 2018, sa volonté d'annuler son contrat en faisant valoir qu'elle n'était pas satisfaite de l'enseignement dispensé et que « vous avez manqué à vos obligations contractuelles ».
La société Campus Privé d'Alsace a assigné Madame [Z] [J] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg en paiement des frais des 2 années d'enseignement restantes.
Par un jugement du 26 octobre 2020, la juridiction de Strasbourg a :
- condamné Madame [Z] [J] à payer à la SARL Campus Privé d'Alsace agissant sous l'enseigne « [5] » la somme de 15 600 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 février 2018, date de la mise en demeure ;
- débouté Madame [Z] [J] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
- condamné Madame [Z] [J] aux entiers frais et dépens ;
- débouté la SARL Campus Privé d'Alsace agissant sous l'enseigne « [5] » de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour fonder sa décision, le juge a, après avoir rappelé le cadre contractuel qui liait les parties au litige, estimé que Mme [J] ne démontrait pas que :
- l'établissement n'a pas respecté les conditions d'enseignement posées par le décret 2014-1505 du 12 décembre 2014 et de l'arrêté rendu le même jour relatif à la formation en ostéopathie, en ne disposant pas d'équipements suffisants pour permettre la formation pratique, en mettant en œuvre des modalités pédagogiques inadaptées et en ne respectant pas les conditions d'examen idoines,
- l'établissement n'a pas respecté ses engagements contractuels (possibilité d'échange scolaire dans le cadre du programme Erasmus, absence de bibliothèque et de suivi personnalisé des élèves...) ; le tribunal - qui a notamment écarté les courriers de résiliation adressés par deux autres élèves et comportant les mêmes griefs au motif que ces documents ne répondaient pas aux règles de preuve - précisait que Mme [J] ne démontrait pas que ces arguments mis en avant par l'école faisaient partie des obligations contractées par celle-ci à son égard.
Madame [J] a interjeté appel le 16 novembre 2020.
PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [J] demande dans ses écritures notifiées par RPVA le 16 mai 2022 l'infirmation totale du jugement entrepris et que la cour, statuant à nouveau, déboute la société Campus Privé d'Alsace sous enseigne [5] de l'ensemble de ses demandes et la condamne, outre aux dépens de première instance, au paiement d'une somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts.
En tout état de cause, il y aurait aussi lieu de rejeter l'appel incident de la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) et de condamner cette dernière, outre aux dépens, à verser à Madame [Z] [J] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante expose que les articles 2 et 4 du contrat d'enseignement de l'école [5] qu'elle a signé le 5 avril 2015 doivent être considérés comme étant abusifs aux termes de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du Code de la consommation, en ce qu'ils ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur qu'elle est, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La cour d'appel de Colmar a déjà eu l'occasion de déclarer ces deux clauses "réputée non écrites", par deux arrêts rendus le 23 janvier et le 2 mars 2020 (n° RG 18/03345 et n° RG 18/03266), estimant que ces articles 2 et 4 du contrat d'enseignement proposé par l'école [5], relatifs à la durée du contrat et aux modalités de résiliation, créent un déséquilibre significatif entre les parties.
Par arrêt du 19 janvier 2022, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'école [5] à l'encontre de ces décisions, considérant que « les clauses litigieuses, qui soumettaient la résiliation du contrat à des modalités plus rigoureuses pour l'élève que pour la société, créent un déséquilibre significatif au détriment de l'étudiant et qu'elles devaient en conséquence être déclarées abusives et réputées non écrites. » (Arrêt de la 1 ère Chambre civile du 19 janvier 202220-14.717).
L'appelante estime que cette analyse et cette décision doivent être transposées au cas d'espèce.
L'intimée ne saurait valablement soutenir que la notion de « circonstances exceptionnelles et graves » prévue dans l'article 4, se rapproche de celle de « motif légitime et impérieux », sans en apporter la moindre illustration.
D'autre part, l'appelante estime que son moyen ne peut être frappé d'irrecevabilité, au motif qu'il est développé pour la première fois devant la cour, en ce sens qu'elle a toujours conclu, en première instance et en appel, au débouté des demandes de l'École [5] et ce de façon constante. Le moyen tiré du caractère abusif des clauses sur lesquelles l'école fonde sa demande est en lien direct et poursuit la même finalité que les moyens développés devant le premier juge.
En outre elle ajoute avoir saisi valablement la cour de ce moyen dès lors que son dispositif vise bien l'infirmation du jugement entrepris et le débouté de l'école de toutes ses demandes, fins et prétentions, en y rappelant le texte de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.
L'appelante continue en indiquant que dans la mesure où les conditions de résiliation du contrat par l'étudiant fixées dans les conditions générales d'inscription sont inapplicables pour les raisons énoncées ci-dessus, la faculté de résiliation du contrat par elle devrait être appréciée conformément à la jurisprudence constante, qui conditionne la résiliation du contrat à la démonstration d'un motif légitime et impérieux.
Elle insiste sur le fait que l'école [5] a perdu son agrément du ministère des affaires sociales et de la santé une première fois au cours de l'année 2015 puis une deuxième fois en 2021.
En 2018, le syndicat français des ostéopathes exclusifs (SFDO) a sollicité à nouveau le retrait de l'agrément de l'école [5] compte tenu de l'incapacité de cette dernière à tenir ses engagements. L'ARS aurait constitué un dossier qui a conduit à un nouveau retrait de l'agrément en 2021, ce qui aurait dû empêcher l'école de continuer à se présenter comme un établissement de formation agréé.
L'école a finalement obtenu un agrément provisoire d'une année par décision du 18 octobre 2021.
Dans un tel contexte, l'appelante estime qu'elle était en droit de résilier le contrat le 24 août 2018 comme l'ont fait de nombreux autres étudiants durant les années 2016-2018, pour cause de la récurrence des carences et des manquements de l'école, qui n'était pas en mesure de fournir les prestations exposées dans le référentiel pédagogique qui avait été remis à l'élève au moment de son inscription, ou imposées par le décret 2014-1505 du 12 décembre 2014 et son arrêté.
Au sujet du non-respect des programmes nationaux, l'appelante indique que :
- elle a résilié son contrat à l'issue de sa troisième année, en observant en particulier que la structure de l'école [5] ne permettrait pas aux étudiants d'atteindre le quota d'heures de pratique imposé (soit 120 heures de formation pratique clinique en observation et découverte les deux premières années, 210 heures de stage d'apprentissage progressif pour la troisième année...) et ce tout niveau confondu ; l'existence de cette insuffisance est démontrée par la production d'une attestation du directeur d'un établissement concurrent, le Collège d'Ostéopathie de [Localité 7] ([4]) mais aussi par des attestations d'autres étudiants, qui après avoir quitté [5], ont été obligés de refaire une année lors de leur intégration au [4] du fait de ce défaut d'heures de pratique ne permettant pas la validation de leur dernière année,
- elle avait personnellement souffert de cette impossibilité de réaliser toutes ses heures de clinicat interne imposées par les textes, de sorte que lorsqu'elle a rejoint l'établissement [4], alors qu'elle comptait entrer en 4ème année, elle a été obligée de redoubler sa troisième année précisément car le nombre d'heures de clinique interne de sa troisième année étaient insuffisant ; cette situation s'expliquait par le fait qu'il n'était réglementairement pas possible de tenir compte des heures effectuées en dehors de la clinique de l'école [5], qui sont les seules à pouvoir être validées,
- la circonstance que la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) dispose d'un nouvel agrément est sans incidence puisque l'analyse doit se porter à la date de résiliation,
- elle n'est pas seule à se plaindre de la piètre qualité de l'enseignement, affirmant qu'une cinquantaine d'étudiants auraient abandonné leur cursus débuté auprès de l'établissement [5], 8 d'entre eux étant en litige devant la présente cour se plaignant entre autre de l'absence de certains professeurs encadrant les heures de clinique,
- l'école [5] ne respecterait pas les modalités pédagogiques déterminées sous l'annexe III du décret du 12 décembre 2014 qui limite le nombre d'étudiants par session de travaux dirigés à un maximum de 25, alors que les sessions mises en place réunissaient de 30 à 40 élèves en 2017, comme le dénonçaient des courriers d'autres étudiants et la lettre de doléance du 10 juillet 2019 de la promotion Viola Frymann 2021,
- les conditions d'examen et de passage en année supérieure fixées aux termes de l'arrêté du 12 décembre 2014, ne seraient pas davantage respectées, en ce sens que le contrat passé entre [5] et l'étudiant stipule que le passage en année supérieure est automatique ; cette irrégularité du contrat expliquerait la situation délicate dans laquelle se sont retrouvés 4 étudiants de 5ème année dont les diplômes ont été validés par la commission pédagogique de l'établissement le 2 juin 2020, mais qui se sont vu refuser la validation le 3 juin 2020 par l'ARS.
- le contenu des enseignements ne respecterait pas le programmes officiel, comme le regrettait la lettre de la promotion Viola Frymann et le courrier du syndicat français des ostéopathes du 28 octobre 2019.
D'autre part, Mme [J] reproche à la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) des manquements à ses engagements contractuels en s'étant abstenue de mettre à la disposition des élèves des prestations annoncées sur son site internet ou dans la documentation de présentation.
Ainsi en était-il :
- de la formation obligatoire de pratique clinique de 1500 heures, alors que mathématiquement - en tenant compte des effectifs des promotions, des capacités d'accueil des patients sur des tranches d'ouverture contraintes - il n'était pas possible de proposer aux étudiants autant d'heures de pratique,
- du contenu de l'enseignement qualifié d'incomplet, plusieurs matières prévues au référentiel pédagogique n'étant pas enseignées telles que le raisonnement et la démarche clinique ostéopathiques (UE 4.3), la palpation ostéopathique (UE 5.2) ou les gestes et soins d'urgence (UE 5.12), d'autres l'étant de manière partielle (UE 5.1; anatomie palpatoire),
- de l'absence d'un suivi personnalisé des étudiants,
- de l'insuffisance des équipements et des espaces de travail, les étudiants ne disposant pas de la bibliothèque annoncée,
- du fait que la formation pratique en stages externes n'était pas forcément assortie d'une convention de stage, l'appelante avançant même l'hypothèse que l'école n'aurait pas contracté une assurance couvrant les étudiants durant leurs stages,
- du fait que [5] ne faisait pas partie du programme.
A titre reconventionnel, l'appelante sollicite, à titre de dommages et intérêts, une somme forfaitaire de 25 000 euros en application de l'article 1231-1 du code civil qui permet de condamner le débiteur au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Pour justifier ce chiffre de 25 000 euros, Madame [J] explique y intégrer :
* les frais de scolarité indûment acquittés au profit de l'intimée au titre de la troisième année,
* le fait qu'elle a été contrainte d'engager des frais supplémentaires du fait de son redoublement et de devoir payer, à nouveau, une troisième année de scolarité cette fois auprès du [4] à hauteur de 6.350 € l'année,
* le coût de cette sixième année d'étude (location de son appartement à [Localité 7], frais inhérents à la vie quotidienne évalués à 5.200 € entre le 1er septembre 2018 et le 31 août 2019).
* une perte de chance certaine de pouvoir exercer son activité professionnelle dès septembre 2020, et donc de pouvoir bénéficier d'une année complète de revenus, ainsi que des droits qui y sont attachés comme par exemple les cotisations retraite.
* * *
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 1er juin 2022, la société Campus Privé d'Alsace conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; sur cet unique point, l'intimée sollicite l'infirmation et réclame une somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure de première instance.
Concernant les frais d'appel, il est demandé à la cour de condamner Mme [J] aux entiers dépens et à verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Concernant les articles 2 et 4 de la convention, on ne saurait pouvoir les considérer comme abusifs car ils ouvrent la possibilité pour l'étudiant de résilier le contrat par anticipation à titre exceptionnel lorsqu'il fait état d'un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves.
L'école soutient que la possibilité de résilier le contrat en faisant état de circonstances exceptionnelles et graves peut être rapprochée du motif légitime et impérieux de la jurisprudence de la Cour de cassation.
L'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 2 mars 2020 cité par l'appelante ne pourrait constituer une référence, car les faits ne sont pas transposables à la présente espèce.
De surcroît, étant donné que Madame [J] a fait valoir pour la première fois en appel le caractère prétendument abusif des clauses des articles 2 et 4 du contrat, sa demande devrait être considérée comme "nouvelle" et donc irrecevable en cause d'appel, et ce d'autant plus qu'elle ne figure pas dans le dispositif des conclusions d'appel.
Au fond, la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) soutient que l'ensemble des arguments avancés par Madame [J] ne sont en rien justifiés, si bien que cette dernière ne pouvait valablement résilier le contrat la liant à elle.
a) Sur le prétendu non-respect du décret n° 2014-1505 du 12 décembre 2014 et de l'arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie, la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) indique :
- qu'elle dispose de l'agrément qui lui a été délivré par le ministère des solidarités et de la santé, de sorte que le cursus de Mme [J] devant se terminer en juin 2021, aucun obstacle ne l'empêchait d'obtenir valablement un diplôme délivré par l'école [5], reconnu au niveau national,
- les heures de formation pratique (120 h pour la première et la deuxième année, et 210 heures pour la troisième année), peuvent être assurées, les locaux de la clinique située [Adresse 3] étant suffisants pour accueillir tous les élèves, comme le démontre notamment la production du planning des rendez-vous en clinique des années 2019 et 2020 ; cette situation s'est en outre améliorée suite à l'ouverture d'une nouvelle clinique pédagogique située [Adresse 6] avec 6 boxes, réservés aux étudiants de 5ème année,
- tous les étudiants ont rempli les critères notamment concernant le quota d'heure de pratique et ont obtenu leur diplôme ainsi que leur immatriculation auprès de l'ARS, ce qui démontre que les conditions d'exercice des activités pratique ont été respectées,
- contrairement à ce que soutient Madame [J], les modalités pédagogiques prévues à l'Annexe III du décret du 12 décembre 2014 - à savoir que les travaux dirigés ne peuvent pas réunir plus de 25 élèves par session - ont été respectées, l'appelante ne rapportant nullement la preuve que l'école [5] réunissait 30 à 40 étudiants sur les sessions,
- les élèves ne passent pas automatiquement à l'année supérieure ; l'acquisition des conditions de validation précisées par l'arrêté du 12 décembre 2014 subordonne le passage en année supérieure ; sur ce sujet la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) conteste la teneur de la lettre rédigée par une autre élève, Madame [N] qui présenterait un caractère particulier (elle aurait eu des difficultés relationnelles avec ses camarades et aurait été dépressive).
b) Sur les prétendus manquements qui lui sont reprochés, l'école [5] conteste leurs existences :
- concernant les échanges ERASMUS, ils sont possibles dès la 4ème année, en précisant que la réalisation de ce type d'échange n'est pas un prérequis à la validation du diplôme d'ostéopathe,
- concernant la bibliothèque, elle existe avec des ouvrages ostéopathiques mis à disposition des étudiants dans le bureau des coordinateurs pédagogiques,
- concernant les consultations par vidéoconférence, l'école ne se serait jamais engagée à les mettre en place,
- concernant le suivi individuel des étudiants, il est assuré, chaque promotion étant suivie par un coordinateur pédagogique dédié,
- concernant l'enseignement des matières prévues au référentiel pédagogique, la lecture des bulletins de notes de l'appelante et des autres étudiants comme celui de Monsieur [D], démontre que toutes les matières ont été dispensées et évaluées,
- concernant les stages externes, ils font bien l'objet d'une convention, l'école disposant d'une assurance responsabilité civile.
L'intimée ajoute que tous ses diplômés obtiennent leur numéro ADELI, délivré par l'Agence Régionale de Santé, indispensable pour exercer, et que la promotion de 2019 a été diplômée à 100 %, ses étudiants étant aujourd'hui tous en poste.
Elle critique également le procédé adopté par le directeur du Collège d'Ostéopathie de [Localité 7] ([4]), qui est son concurrent direct, visant à dénigrer l'enseignement dispensé par la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]).
Lorsque Mme [J] a rejoint le [4], elle aurait comptabilisé 212 heures de clinique interne. Son redoublement trouverait sa cause ailleurs, et l'intimée se posait la question des critères retenus par le [4] pour l'avoir fait redoubler.
L'intimée s'attarde également sur l'annexe 25 de la partie appelante, à savoir un courrier du Syndicat Français des Ostéopathes qui indiquerait que l'école [5] ne dispenserait pas une formation de qualité et respectueuse des textes réglementaires et soutient que sa lecture ne permettrait pas d'y déceler une telle remise en cause.
c) Sur la demande reconventionnelle, Madame [J] n'ayant pas valablement résilié son contrat d'inscription et devant s'acquitter de la totalité des frais de scolarité du cycle auquel elle s'était inscrite, elle ne saurait obtenir des dommages et intérêts.
Dans l'hypothèse où la cour devait réformer le jugement, l'intimée précise qu'en tout état de cause la demande d'indemnisation n'est pas fondée car :
- si Madame [J] a effectué une nouvelle troisième année au [4], elle ne démontre pas qu'elles sont les raisons exactes de ce redoublement, et le seul fait que le [4] n'ait pas accepté de l'inscrire en 4ème année d'ostéopathie ne prouve pas que [5] est à l'origine d'un manquement,
- si elle était restée chez [5], elle aurait poursuivi son cursus en année supérieure ; le redoublement imposé par l'école [4] doit être considéré comme un choix personnel, non imputable à [5],
- la demande relative à la location d'un appartement et à la privation d'une année complète de revenus ainsi que les droits qui y sont attachés, n'est pas fondée ; l'appelante fait référence à des événements tout à fait hypothétiques, dès lors que rien n'établit que Madame [J] n'aurait pas de toutes façons loué un appartement à [Localité 7] (dont le bail n'a jamais été produit).
Enfin, s'agissant de l'appel incident, [5] avance que l'action en justice a été rendue nécessaire par le comportement de Mme [J], de sorte que l'infirmation du jugement était demandée sur la question de l'article 700 du Code de procédure civile, pour que l'intimée se voit allouer au titre de la procédure de première instance une somme de 2 500 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur le caractère abusif des clauses 2 et 4 du contrat d'enseignement proposé par [5]
La convention signée le 5 avril 2015 par Mme [J] comporte deux articles dont la licéité est remise en cause par l'étudiante.
L'article 2 alinéas 1 et 2 stipules que :
« Le contrat devenu définitif dans les conditions prévues à l'article 1 a nécessairement une durée ferme et déterminée égale à l'entier cycle de formation choisie. En conséquence de cette durée déterminée, l'inscription de l'étudiant en année supérieure est automatique pendant toute la durée du cycle convenue, sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues en conséquence de celui-ci ».
L'article 4, alinéas 1, 2 et 3 prévoit que « Toute inscription acceptée entraîne obligation du règlement de la totalité des frais de scolarité du cycle sous réserve de ce qui est énoncé ci-après :
Un escompte de 2 % est accordé sur le montant total des frais de scolarité versé en 1 seule fois sans délai de paiement.
Il n'en sera différemment qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à l'appréciation de la Direction d'[5], saisie à la requête de l'étudiant qui devra statuer dans un délai de 30 jours, par décision non susceptible de recours et après avoir entendu les parents à sa demande ou à leurs demandes ».
L'école [5] estime que l'argumentation soutenue par l'appelante selon lequel ces articles lui sont inopposables, n'ayant pas été soulevé en première instance, constitue une demande nouvelle et serait irrecevable.
L'article 565 du code de procédure civile, permet à une partie d'adjoindre tout moyen en appel qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge. De la même façon, au visa de l'article 563 du même code, il est admis que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».
En l'espèce, la demande formulée par Mme [J] tend à obtenir, tant en première instance qu'en appel, le débouté de la demande en paiement des frais de scolarité formulée par [5]. Le caractère abusif soutenu des articles 2 et 4 de la convention, est un moyen - certes nouveau - mais non une demande nouvelle.
Dans ces conditions, la demande de l'appelante portant sur ces deux clauses est recevable.
Dans son arrêt du 19 janvier 2022, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, saisie par le pourvoi émanant de l'école [5] sur un litige exactement de même nature, mettant en jeu la régularité des articles 2 et 4 de la convention litigieuse, a décidé que :
« La cour d'appel a relevé, d'une part, que les articles 2, alinéa 2, et 4 alinéa 3, des conditions générales du contrat ne permettaient à l'élève de résilier le contrat qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, alors que la société, pouvait y procéder en cas d'incident suscité par l'étudiant, tel que l'absentéisme et un comportement contraire au règlement intérieur et, mais seulement avant le début des cours, en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure, d'autre part, que l'appréciation du motif de résiliation invoqué par l'étudiant était laissé à la discrétion de l'école.
La cour d'appel en a exactement déduit que les clauses litigieuses, qui soumettaient la résiliation du contrat à des modalités plus rigoureuses pour l'élève que pour la société créaient un déséquilibre significatif au détriment de l'étudiant et qu'elles devaient en conséquence être déclarées abusives et réputées non écrites ».
La cour ne peut qu'adopter le raisonnement de la Cour de cassation.
Il en résulte que les articles 2, alinéa 2, et 4 alinéa 3 des conditions générales du contrat doivent être déclarés réputés non écrits et inopposables à Mme [J].
La faculté de résiliation du contrat par Mme [J] devra être appréciée conformément à la jurisprudence qui conditionne la résiliation du contrat à la démonstration d'un motif légitime et impérieux.
2) Sur les obligations des parties en présence.
Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi. Il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver (article 1353 du code civil).
Madame [J] a suivi la formation durant 3 années avant de mettre fin à ce contrat par l'envoi d'un courrier en date du 24 août 2018.
Elle estime pouvoir se prévaloir d'un "motif légitime et impérieux" de rupture lié au « non-respect de vos engagements contractuels imposés par l'obtention de votre agrément ».
Dans sa lettre, elle mentionne les raisons de sa décision à savoir :
- « Ma troisième année d'ostéopathie au sein de votre école n'est pas valable au regard des décrets régissant cette formation,
- Les promesses faites lors de l'inscription n'ont pas été tenues,
- Les locaux ne sont pas adaptés à la formation ».
Elle développait ses reproches, en insistant sur le fait qu'elle n'avait pas pu réaliser les 210 heures de pratique en clinique durant sa troisième année, n'ayant pu réaliser que 60 heures, expliquant que cette situation s'explique par le manque de box et d'heures de consultation.
Elle dénonçait aussi le fait de n'avoir pu réaliser un stage à l'étranger et estimait de manière générale que les locaux 2 étaient trop étroits.
Enfin, elle soulevait le caractère abusif de la clause de l'article 4.
3) Sur l'appréciation du motif légitime et impérieux avancé par Mme [J].
Pour déterminer si la motivation avancée par l'appelante peut constituer un "motif légitime et impérieux" il y a lieu de tenir compte du contexte dans lequel s'inscrit le présent litige, à savoir celui de l'enseignement supérieur privé entraînant des frais de scolarité importants pour l'étudiant.
Dans la cadre de la relation particulière ayant existé entre les deux parties en présence, l'obligation qui pèse sur l'élève est, outre l'assiduité, d'honorer les frais de scolarité des 5 années, celle de l'établissement scolaire étant de garantir à cet élève durant le temps du cycle de 5 ans, un niveau d'enseignement suffisant pour parvenir à l'obtention d'un diplôme.
Le motif de résiliation avancé par l'élève pourra être considéré comme "légitime et impérieux" si ce dernier démontre que l'école ne dispose pas, ou plus, des moyens pour remplir sa mission, à savoir proposer à l'étudiant une formation de nature à permettre à ce dernier d'obtenir un diplôme qui valide des compétences, valorisable dans le monde du travail, et bien entendu reconnu.
Enfin, pour déterminer si l'école a respecté ses engagements, et si l'élève a pu considérer que ce n'était pas le cas, il y a lieu de se placer au moment où Mme [J] a adressé sa lettre de démission, soit à l'été 2018, et de tenir compte du déroulé de sa scolarité qui s'est échelonnée de septembre 2015 à août 2018.
4) Sur les reproches de Mme [J].
L'appelante reproche à l'école [5] de ne pas avoir prodigué un enseignement de qualité conforme au programme national, et de ne pas avoir assuré la délivrance d'un certain nombre de moyens pédagogiques et de prestations avancés dans sa documentation commerciale.
4-1) Sur le reproche de l'étudiante portant sur certaines prestations contractuelles.
Madame [J] reproche à l'école un manquement à ses engagements contractuels en ayant faussement fait croire aux étudiants qu'ils pourraient bénéficier d'échanges dans le cadre ERASMUS, en ne mettant pas à leur disposition une bibliothèque digne de ce nom, en ne permettant pas des consultations par vidéoconférence pourtant promises, en n'ayant pas mis en place un suivi personnalisé et en ne régularisant pas de conventions de stage sous entendant même que les stages n'auraient pas été couverts par une assurance.
Cependant, d'une part pour qu'il puisse y avoir de tels manquements, encore faut-il que les conditions générales du contrat liant les parties aient stipulé à sa charge de tels engagements de la part de l'école, ce qui n'est nullement le cas.
D'autre part, la présence d'une bibliothèque, la consultation par vidéo conférence (...) ne sont que des modalités pratiques de pédagogie parmi d'autres, qui ne sont nullement en soi de nature à remettre en cause la capacité d'enseignement d'un établissement.
Enfin, il ressort des pièces déposées par la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]), que les allégations de l'appelante sont infondées (le programme Erasmus est ouvert aux 4èmes années ; il existe une bibliothèque ; l'établissement est assuré et signe des conventions ; un professeur assure l'individualisation du suivi à hauteur de chaque promotion).
4- 2) Sur la perte de confiance de l'étudiante dans le sérieux de l'enseignement dispensé
En revanche, l'argumentation de l'appelante selon laquelle le décret 2014-1505 du 12 décembre 2014 et l'arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie n'auraient pas été respectés, de sorte que l'école a perdu son agrément à deux reprises en 2015 et 2021, est plus pertinente car elle touche le cœur même de la mission de l'école (pouvoir délivrer un diplôme validant).
Il est constant que l'école a perdu deux fois son agrément, en 2015, puis en 2021.
Au moment où Mme [J] s'engageait en signant le contrat d'enseignement en 2015 avec [5], elle ne pouvait ignorer que l'établissement avait perdu son agrément en 2015. Elle ne peut donc tirer argument de cette situation passée.
En revanche, pour la perte d'agrément de 2021, bien qu'elle soit postérieure au départ de Mme [J] de l'école, il incombe de vérifier si elle n'a pas eu lieu du fait des manquements ou des choix pédagogiques, dénoncés en 2018 par l'appelante, comme étant à l'origine de sa décision de résiliation.
Par décision n° 2021-35 du 18 octobre 2021, le ministère de la santé accordait un « agrément provisoire de l'établissement de formation [5] pour dispenser une formation en ostéopathie ».
Dans le corps de la décision il était précisé que « au plus tard le 20 janvier 2022, l'établissement de formation met en place les mesures de régularisation permettant de vérifier la conformité aux exigences réglementaires prévues par les articles 12 à 15 et 19 à 23 du décret n° 2014-104 » (...) concernant notamment « les modalités d'organisation interne (...), les locaux dédiés à la formation d'une capacité suffisante ».
Il est rappelé que les articles 12 à 15 dudit décret portaient sur les modalités de passage, de redoublement, ou d'exclusion, des étudiants d'une année à l'autre avec un système de validation d'UE, les articles 19 à 23 portants sur le fonctionnement et les compétences du Conseil pédagogique appelé entre autres à être consulté sur le "projet pédagogique de chaque année de formation", l'utilisation du matériel, et les situations individuelles (...).
La lecture de cette décision permet de constater que les reproches formulés par l'appelante, portant notamment sur l'insuffisance des locaux (ne permettant pas aux étudiants de remplir le quota d'exercices en pratique interne) et sur l'organisation interne (le départ non remplacé de plusieurs professeurs) étaient justifiés.
D'autre part, la décision d'agrément provisoire d'octobre 2021 a été critiquée par une organisation syndicale, qui avisée de la décision imminente du ministère la dénonçait dans une lettre ouverte intitulée « Agrément des écoles : un retournement de situation incompréhensible ».
Elle y écrivait en résumé, que « cette décision est d'autant plus incompréhensible qu'elle s'appuie sur la nécessité de faciliter la rentrée scolaire des étudiants, au mépris des conditions d'apprentissage de ces derniers comme l'ont révélé les travaux effectués par la Commission Consultative Nationale des Agrément ».
Par ailleurs ce même syndicat SFDO n'a pas hésité à écrire le 25 octobre 2020 à quatre étudiants que « vous avez en votre possession un certain nombre de documents probants attestant de l'irrespect d'[5] en matière de réglementation relative à la formation des ostéopathes », notamment du fait de la « validation d'heures de stage lorsque l'étudiant joue le rôle du patient en clinique » et de « l'insuffisance du nombre de patients en clinique pour satisfaire aux besoins de la réglementation formation ».
Ce syndicat - dont l'intérêt est notamment de veiller à la préservation de la qualité des enseignements des écoles d'ostéopathie en vue de garantir aux nouveaux professionnels (et confrères) un certain niveau de compétences - ne peut se voir reprocher un parti pris contre l'école [5]. Au demeurant, la lecture des annexes démontre que [5] n'était pas la seule école d'ostéopathie à être confrontée à cette difficulté de perte d'agrément, puisqu'elles étaient au nombre de neuf.
Il ressort de ces courriers que ce syndicat professionnel a saisi le ministère de tutelle en 2018 pour provoquer un retrait d'agrément de cet établissement comme l'atteste la pièce 31, à savoir un mail émanant du président du syndicat dans lequel il écrit « nous avions demandé officiellement en 2018 à l'administration le retrait de l'agrément délivré à cet établissement (= [5]) par le ministère de la santé, en produisant à l'appui de nombreux documents probants ».
La teneur de ce mail est particulièrement intéressant pour le présent litige, car il atteste que durant l'année 2018, année durant laquelle Mme [J] a dénoncé son contrat, une organisation professionnelle d'ostéopathes estimait que l'école [5] ne méritait plus son agrément.
L'intimée reproche au directeur du Collège Ostéopathie [Localité 7] ([4]) sa méthode tendant à dénigrer son concurrent [5]. Cependant, elle se garde bien de contester la teneur de l'attestation rédigée par M. [H] le 21 janvier 2021 (annexe 4) selon laquelle de nombreux étudiants de [5] (47 sur 5 ans) ont quitté la formation débutée pour rejoindre le [4].
Il est à noter que les plus gros contingents d'étudiants "transfuges" se placent sur les années où [5] se voyait retirer son agrément, soit en 2015 (22 étudiants pour l'année 2015/2016) et 2021 (15 étudiants pour l'année scolaire 2020/2021).
Enfin, et surtout, la cour voit mal comment elle ne pourrait tenir compte des affirmations du directeur du [4] selon lesquelles « lors de ces admissions parallèles le dossier de chaque étudiant a été étudié. Au vu des documents fournis (bulletins, livrets cliniques), nous avons régulièrement constaté des manquements ou écarts par rapport à la réglementation en vigueur (article 4 et aux annexes I, II, III et IV de l'arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie) nous obligeant de demander l'avis du conseil pédagogique sur la recevabilité de leur demande d'admission », qui viennent corroborer les propos de l'appelante.
Il est à noter que le conseil pédagogique évoqué, composé de 5 personnes, comprend certes des membres de l'école (le directeur, un représentant élu des enseignants et un étudiants) mais également deux personnalités extérieures, à savoir un représentant des tuteurs de stage et un représentant de l'ARS, de sorte que le regard critique qu'a pu porter ce conseil sur l'enseignement de [5] ne peut être qualifié de partial et d'intéressé.
L'intimée est d'autant plus mal venue de critiquer l'argumentation soutenue par Mme [J], alors que cette dernière s'est justement vu imposer un redoublement de sa troisième année lors de son intégration au [4], pour ne pas avoir réalisé suffisamment d'heures de pratique de clinique interne pendant sa troisième année passée chez [5].
En outre, elle n'était pas la seule dans cette situation, car elle prouve qu'un autre étudiant quittant [5] pour rejoindre le [4] - [Y] [D] - au regard de certaines lacunes dans le suivi pédagogique et dans l'apprentissage clinique en 3ème et 4ème année non conformes, s'était vu refuser son admission en 5ème année, et contraint au redoublement.
Enfin, il ressort des pièces du dossier que les craintes de l'appelante étaient partagées par de nombreux étudiants.
La cour ne reprendra pas les attestations ou courriers émanant d'étudiants en procès avec [5], en ce sens qu'elles ont été réalisées dans des conditions peu propices à l'objectivité.
En revanche, elle se doit d'évoquer la "Lettre de doléances de la promotion Viola Frymann 2021" (promotion suivante celle de l'appelante qui était de la 2020) datée du 10 juillet 2019, émanant des étudiants entrés à l'école en 2016. Ces derniers évoquaient des points d'inquiétude et notamment l'organisation de la clinique interne en 3ème année puisqu'ils partaient du constat que "au 1er semestre, seulement 2 à 3 heures de clinique par semaine et par élève étaient programmées. Compte tenu de la programmation de ces heures jusqu'en décembre, nous avions tablé fin septembre sur le fait que les 210 h de clinique interne par élève ne seraient pas effectifs d'ici juillet".
Ce constat, vient corroborer la réalité du grief principal porté par l'appelante dans sa lettre de démission.
* * *
En conclusion, la cour constate que l'appelante démontre que ses craintes développées en 2018 étaient fondées en ce sens :
- que l'école n'avait pas mis en place un système permettant à tous ses étudiants de pouvoir réaliser tous les examens de clinique interne exigés par le programme du ministère, de sorte qu'elle a été dans l'obligation d'accroître ses capacités en ouvrant, mais seulement en 2020, une seconde clinique avec 6 box,
- qu'une organisation syndicale a saisi en 2018 le ministère pour que l'agrément soit retiré à [5],
- que les étudiants savaient cette difficulté majeure, puisqu'en 2019 une promotion écrivait à la direction notamment pour évoquer l'impossibilité pour certains d'atteindre le quota d'examens cliniques posé par les textes,
- que ces difficultés expliquent le départ de nombreux étudiants vers un établissement concurrent, qui lors de leurs admissions a constaté des lacunes dans leur formation,
- qu'en 2021, l'agrément a été retiré à [5] pour la deuxième fois.
Tous ces éléments étaient parfaitement connus de Mme [J] à la date à laquelle elle adressait sa lettre de démission, et apparaissent dans sa motivation écrite.
Il y a aussi lieu de tenir compte du fait qu'étant sensée entrer en 4ème année du cycle, elle devait poursuivre un travail important au niveau du clinicat interne, alors qu'elle savait que le nombre d'heures réalisés l'année précédente - répondant aux conditions légales, c'est-à dire sur des patients, et non sur des autres étudiants - avait été insuffisant.
L'appelante et de manière générale les étudiants pouvaient légitimement douter de la capacité de l'école de pouvoir assurer aux étudiants la possibilité de réaliser leurs heures de pratique, ce qui posait une première interrogation sur la validité de l'année effectuée au regard des exigences posée par le décret de 2014 et notamment des articles 12 à 14 (évoqués dans la décision ministérielle) qui portent sur les conditions de passage d'une année à l'autre, et une seconde plus générale - et plus angoissante - sur la reconnaissance même du diplôme devant être délivré à l'issue de la formation, avec le risque que l'école ne perde son agrément, ce qui fut le cas un temps en 2021.
La cour estime, à l'aune des pièces et explications produites par l'appelante, que cette dernière démontre que sa décision était bel et bien justifiée par un "motif légitime et impérieux".
La décision de première instance sera de ce fait infirmée, la demande de paiement des frais de scolarités des 4ème et 5ème année de Mme [J], devant être rejetée.
5) Sur la demande incidente.
L'appelante, à l'issue de ses trois premières années de formation suivie auprès de la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]), a rejoint à la rentrée 2018 le Collège d'Ostéopathie de [Localité 7] ([4]). Il ressort des précédents développements, qu'elle n'a pu intégrer la quatrième année, car l'enseignement dispensé en 3ème année chez [5] a été considéré comme insuffisant au niveau des heures de pratique clinique.
L'étudiante n'avait en effet suivi que 60 heures de pratique clinique, dont les modalités correspondaient aux critères posés par les programmes, sur les 210 heures prévues ; son redoublement est donc lié directement à la sous dimension des capacités d'accueil de la clinique et aux lacunes dans l'organisation de l'enseignement en ostéopathie proposées par [5].
La cour estime que Mme [J] est en droit de se voir indemniser à titre de dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 10 000 Euros, somme englobant les frais de scolarité engagés au titre de sa troisième année au [4] (6 350 euros) et au titre des dépenses courantes pour cette année.
L'appelant ne justifiant pas de sa situation administrative de l'époque (à savoir si elle était à la charge de ses parents, si elle exerçait une activité à temps partiel), n'ayant pas davantage transmis une copie de son bail, la cour ne saurait allouer une somme plus importante, ou encore l'indemniser d'une éventuelle perte de chance quant à une possible entrée sur le marché du travail une année plus tôt.
6) Sur les questions de frais annexes.
La SARL Campus Privé d'Alsace ([5]), partie succombant, sera condamnée aux dépens des procédures de première instance et d'appel et à verser à Mme [Z] [J], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 3000 €.
La demande formulée sur le fondement de ce même article par l'intimée sera écartée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :
INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 7 décembre 2020,
Y substituant
DECLARE les articles 2, alinéa 2, et 4 alinéa 3, des conditions générales du contrat d'enseignement passé entre La SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) et Mme [Z] [J] le 5 avril 2015 abusifs, réputés non écrits, et inopposables à Mme [Z] [J],
DEBOUTE la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) de sa demande de paiement de la somme de 23 400 euros formulée contre Mme [Z] [J],
CONDAMNE la SARL Campus Privé d'Alsace à payer à Mme [Z] [J] une somme de 10 000 euros (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNE la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) aux dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) à payer Mme [Z] [J] une somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE la demande formée par la SARL Campus Privé d'Alsace ([5]) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.