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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 17 janvier 2023, n° 21/02441

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Snepp (SARL)

Défendeur :

API Sécurité 34 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Blanc-Sylvestre

Avocats :

Me Subirats, Me Argellies, Me Dumonteil

T. com. Montpellier, du 17 mars 2021, n°…

17 mars 2021

FAITS, PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par contrat en date du 20 mars 2019, la SARL SNEPP, dont le gérant est Monsieur [O], a confié à la SARL API Sécurité 34, dont le gérant est M. [V] [N], l'exécution de travaux de sous-traitance portant sur des prestations de gardiennage.

Par courrier électronique du 4 juillet 2019, la société API Sécurité 34 a mis un terme au contrat l'unissant à la société SNEPP.

Des factures étant demeurées impayées, par acte d'huissier en date du 22 novembre 2019, la société API Sécurité 34 a fait assigner la société SNEPP devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement rendu le 17 mars 2021, a :

- débouté la SARL SNEPP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dit et jugé irrecevable les demandes de M. [O],

- condamné la SARL SNEPP à payer à la société API Sécurité 34 la somme de 9 696,22 euros TTC au titre des neuf factures impayées outre la somme de 51,13 euros au titre des frais bancaires ainsi que 40 euros au titre des frais de recouvrement,

- condamné la SARL SNEPP à payer à la société API Sécurité 34 la somme de 700 euros de dommages et intérêts,

- condamné la SARL SNEPP à payer à la société API Sécurité 34 la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par déclaration reçue le 15 avril 2021, la société SNEPP a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 9 septembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

Par arrêt du 30 novembre 2021, la cour, infirmant ladite ordonnance, a dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel de la SARL SNEPP en date du 15 avril 2021.

La société SNEPP demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 12 juillet 2021 via le RPVA et au visa des articles 1104 et 1217 du code civil, de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuer à nouveau sur les points suivants :

- recevoir l'ensemble de ses prétentions,

- condamner la société API Sécurité 34 à lui payer la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- constater que le montant des créances dues par la société SNEPP à la société API Sécurité 34 s'élève à 9 696,22 euros,

- ordonner la compensation entre les sommes dues par la société SNEPP et celles dues par la société API Sécurité 34,

- condamner la société API Sécurité 34 au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance comme d'appel.

Au soutien de son appel, elle fait valoir que :

- elle a séquestré les sommes dues dans l'attente d'un règlement amiable avec la société API Sécurité 34 sur la réparation des préjudices subis du fait des manquements contractuels de la société API Sécurité 34,

- la société API Sécurité 34 ne peut contester les actes de dénigrement dès lors que son gérant Monsieur [N] a reconnu avoir diffusé de fausses informations auprès des clients et des salariés de la société SNEPP,

- la société API Sécurité 34 a violé son obligation contractuelle de non-démarchage de la clientèle de la société SNEPP et a commis un acte de concurrence déloyale de dénigrement à son encontre afin de récupérer sa clientèle et d'exercer une activité similaire et concurrente,

- la société API Sécurité 34 a violé son obligation contractuelle de bonne foi et de loyauté en poursuivant son œuvre de dénigrement envers les salariés de son entreprise afin de les débaucher,

- ce débauchage est concomitant avec la résiliation unilatérale du contrat de sous-traitance avec la société API Sécurité 34 et son démarchage avec la société CDPO, un de ses clients les plus importants,

- la violation des obligations contractuelles et des agissements de concurrence déloyale par dénigrement lui a causé des préjudices directs et certains devant être réparés,

- la compensation entre les dettes réciproques des deux sociétés se justifie, à l'exception des frais bancaires et de recouvrement qui sont de la seule charge de la société API Sécurité 34.

La société API Sécurité 34 sollicite, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 25 octobre 2021, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, de :

- débouter la société SNEPP de l'ensemble de ses demandes ('),

- dire et juger l'appel dépourvu de bien-fondé,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner la société SNEPP à lui payer la somme de 9 696,22 euros TTC au titre des 9 factures impayées, outre la somme de 51,13 euros au titre des frais bancaires ainsi que 40 euros au titre des frais de recouvrement,

- la condamner au paiement de la somme de 700 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société SNEPP au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle expose en substance que :

- le principe et le bien-fondé de la créance sont expressément reconnus par la société SNEPP,

- la société SNEPP ne justifie pas de la consignation des sommes réclamées,

- la société SNEPP prétend n'avoir jamais eu de retard dans le règlement des sommes dues, alors qu'il est avéré que les paiements sont intervenus au-delà du délai contractuellement prévu et lui ont causé des difficultés de trésorerie,

- la société SNEPP ne démontre pas l'existence d'un quelconque dénigrement,

- les attestations produites ne démontrent pas l'existence d'une atteinte à son image et à sa réputation,

- il n'existe aucun débauchage de salariés au préjudice de la société SNEPP.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour constate tout d'abord que la société SNEPP ne conteste ni la réalité ni le montant des sommes réclamées par la société API Sécurité 34 ; en conséquence, la cour confirmera la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société SNEPP à payer la somme de 9696,22 euros TTC au titre des factures impayées outre la somme de 51,13 euros au titre des frais bancaires et celle de 40 euros au titre des frais de recouvrement.

La société SNEPP demande à la cour de condamner la société API Sécurité 34 à lui payer une somme de 28 000 euros à titre de dommages intérêts dont 13000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de la dégradation de l'état de santé de son dirigeant et des conséquences sur la gestion financière de l'entreprise.

La cour rappellera, que contrairement à ce qui est soutenu par la société SNEPP, il convient de bien distinguer le préjudice moral qui peut être revendiqué par la société, de celui qui peut l'être par les personnes physiques qui la composent, en premier lieu son dirigeant ; que si aucun obstacle juridique ne vient s'opposer à la réparation successive des préjudices subis par ces deux personnes, l'une physique, l'autre morale, il n'en demeure pas moins que selon le principe « nul ne plaide par procureur », il n'est pas possible à une personne morale de présenter une demande de réparation du préjudice purement personnel subi par son dirigeant.

La cour constate que la société SNEPP indique que Monsieur [O], son dirigeant, est atteint d'une maladie auto-immune dont les symptômes ont empiré à compter du mois de juillet 2019 et cela suite au conflit existant avec la société API Sécurité 34.

La cour constate qu'à ce jour et devant la cour, Monsieur [O] n'est pas partie à la procédure ; que le préjudice invoqué par la société SNEPP constitue un préjudice purement personnel dont il n'est pas démontré qu'il ait eu un retentissement sur sa capacité à diriger sa société alors même qu'il n'a bénéficié que d'un arrêt temporaire de travail entre le 30 octobre 2019 et le 17 novembre 2019, selon les seuls documents produits par la société en cause d'appel ; la société SNEPP sera donc déboutée de ce chef de demande.

La cour constate que la société SNEPP demande la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi au titre de l'image et de la perte de réputation ; elle indique que la société API Sécurité 34 a exercé un dénigrement à son encontre auprès des employés et de sa clientèle et qu'elle a aussi débauché certains de ses salariés.

La cour constate que la société SNEPP produit aux débats et au titre du dénigrement après de ses employés les attestations de Mrs [K] et [G].

La cour constate aussi que la société API Sécurité 34 fait soutenir l'irrecevabilité de ces deux attestations comme émanant de personnes ayant un lien de subordination avec la société SNEPP, s'agissant d'une part d'un stagiaire et d'autre part d'un salarié de l'entreprise. 

La cour rappellera que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile en la matière ne sont pas prescrites à peine de nullité ; que cependant s'agissant d'attestations émanant de personnes ayant un lien de subordination avec la personne en faveur de qui elle est établie, les faits rapportés devront être confirmés par d'autres éléments de preuve.

La cour constate au cas d'espèce que l'un et l'autre des témoins indiquent ne pas avoir de lien de subordination avec la société SNEPP, alors même que le texte de leur témoignage démontre le contraire ; la cour constate cependant que les deux témoins ne donnent aucun élément sur la teneur de la conversation que Monsieur [N] leur aurait fait écouter ; qu'il résulte de leur seule affirmation que Monsieur [N] avait l'intention de les faire partir de la société SNEPP.

En conséquence, la cour déboutera la société SNEPP de ce chef.

En ce qui concerne le dénigrement de la société SNEPP auprès de ses clients, la cour constate que la société parle d'une société CDPO qui aurait été contactée dès le 4 juillet, soit le lendemain de la rupture des relations commerciales entre la société SNEPP et la société API Sécurité 34.

La cour constate que la société SNEPP produit à cet effet un mail adressé par le dirigeant de la CDPO, le 6 juillet 2019 dans lequel il est écrit : « je vous remercie de me faire parvenir la preuve des paiements des factures de votre sous-traitant, qui m'indique que vous avez 6 mois de retard de paiement et que vous lui devez 30.000 € ».

La cour retiendra à ce propos que la société API Sécurité 34 produit aux débats un récapitulatif des retards de paiement de ses factures par la société SNEPP dont il résulte que certaines factures étaient payées avec un retard de plus de 100 jours et dans tous les cas avec un retard supérieur à 50 jours et cela entre le 1er novembre 2018 et le 31 juillet 2019 ; qu'il est donc établi que la SARL SNEPP payait de manière récurrente avec beaucoup de retard chacune de ses factures.

Il résulte de ce récapitulatif qu'à la date du 6 juillet 2019, la société SNEPP n'avait plus payé aucune facture depuis le 10 juin et devait en conséquence les factures en date des 30 avril, 1er mai, 31 mai (5 factures) et 30 juin (5 factures) ; que l'examen du grand livre de la société API Sécurité 34 portant mention de chacune de ces factures et de la date de leur paiement révèle que la somme de 30 000 euros n'est pas surfaite.

En conséquence, la cour dira que la société SNEPP ne démontre nullement que la société API Sécurité 34 a procédé à un dénigrement à son encontre en révélant des faits établis ; qu'elle ne démontre pas plus que la société API Sécurité 34 a ainsi porté atteinte à son image et sa réputation ; elle sera déboutée de ce chef de demande.

La société SNEPP soutient aussi que la société API Sécurité 34 aurait débauché des salariés dont Monsieur [C] ; la cour constate cependant que cette personne était salariée en CDI à temps partiel auprès de la société API Sécurité 34 depuis le mois de novembre 2018, soit avant même le début des relations entre les deux parties ; qu'il résulte des pièces produites en la procédure par la société API Sécurité 34 que la société SNEPP ne pouvait ignorer ce fait puisque dans un mail en date du 23 mars 2019, elle lui faisait part de missionner cette personne sur le site d'un client.

La cour constate, concernant l'autre personne mentionnée, Monsieur [I], que la société SNEPP ne fournit aucun élément aux débats ; la cour dira aussi que faute de démontrer les prétendus débauchages allégués, la société SNEPP ne démontre pas plus la désorganisation que cela aurait entrainé pour sa société.

La cour déboutera donc la société SNEPP également de ces chef de demande.

En conséquence, la société SNEPP sera déboutée en sa demande de dommages- intérêts et la décision incriminée sera confirmée aussi de ce chef.

La cour confirmera donc la décision en toutes ses dispositions.

En ce qui concerne la demande de la société API Sécurité 34 de condamner la société SNEPP à lui payer la somme de 700 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, la cour a constaté que la société SNEPP n'a jamais contesté ni la réalité ni le montant des sommes réclamées par la société API Sécurité 34 ; qu'elle a cependant arrêté tout paiement des factures depuis le 30 juin 2019 de manière unilatérale ; qu'il apparaît que certes elle aurait consigné la somme totale à la CARPA mais à une date inconnue et cela sans avoir sollicité auparavant l'autorisation en justice pour le faire.

La cour dira que cette attitude s'analyse en une résistance abusive que la cour sanctionnera par l'allocation de la somme de 700 euros à titre de dommages- intérêts ; la décision sera confirmée de ce chef.

La société SNEPP sera aussi condamnée à payer une somme de 2000 euros sur la base des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de toute la procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Reçoit la SARL SNEPP en son appel et le déclare régulier en la forme,

Au fond,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL SNEPP à payer une somme de 2000 euros sur la base des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la SARL API Sécurité 34 et aux entiers dépens de toute la procédure.