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Décisions

Cass. com., 18 janvier 2023, n° 21-18.492

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocats :

SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SAS Hannotin Avocats

Cass. com. n° 21-18.492

18 janvier 2023

Faits et procédure
 
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2021), le 26 avril 2012, la Société hôtelière de l'anse heureuse (la société HAH), dont [P] [I] détenait 98 % du capital, a été mise en liquidation judiciaire, Mme [N] [B] étant désignée en qualité de liquidateur.
 
2. Par actes authentiques du 30 avril 2013, la société Axa banque (la banque) a consenti à [P] [I] quatre prêts, d'un montant global de 16 735 000 euros.
 
3. [P] [I] est décédé le [Date décès 1] 2016, en laissant pour lui succéder Mme [G] [B] et M. [W] [I], qui ont accepté la succession purement et simplement.
 
4. La banque a déclaré ses créances au notaire chargé de la succession et, les 8 et 11 septembre 2017, a signifié aux héritiers les titres exécutoires constatant les prêts.
 
5. Par un jugement du 12 avril 2018, la liquidation judiciaire de la société HAH a été clôturée pour extinction du passif et la société BCM désignée en qualité de mandataire ad hoc pour gérer le boni de liquidation qui devait lui être remis par le liquidateur.
 
6. Le 19 avril 2019, la banque a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la société BCM, en sa qualité de mandataire ad hoc désigné pour gérer le boni de liquidation. Cette saisie a été dénoncée à M. [W] [I] et à Mme [G] [B], les 25 et 26 avril 2019.
 
7. Le 17 mai 2019, la société BCM, ès qualités, a assigné la banque et les héritiers devant le juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la saisie-attribution. Par une ordonnance du 24 juin 2019, elle a été désignée en qualité de liquidateur amiable.
 
8. Un jugement du 25 juin 2019 a mis Mme [G] [B] et M. [W] [I] en redressement judiciaire et a désigné la société BCM en qualité d'administrateur judiciaire et la société MJA en qualité de mandataire judiciaire, lesquelles sont intervenues volontairement à la procédure pendante devant le juge de l'exécution.
 
9. Par un jugement du 8 octobre 2019, le juge de l'exécution, après avoir accueilli ces interventions, a ordonné la mainlevée de la saisie. La banque a formé appel de cette décision et a intimé les héritiers et les sociétés BCM et MJA, ès qualités.
 
Examen des moyens
 
Sur le moyen relevé d'office
 
10. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
 
Vu l'article L. 631-12 du code de commerce et les articles 122 et 127 du code de procédure civile :
 
11. La mission d'assistance confiée à l'administrateur judiciaire en application du premier de ces textes ne vient pas priver le débiteur en redressement judiciaire de la faculté de conclure seul pour défendre à une action patrimoniale dirigée contre lui, pourvu que cette action ait également été dirigée contre son administrateur. Il n'en résulte, en cette hypothèse, aucun défaut de qualité du débiteur susceptible de se traduire par l'irrecevabilité de telles conclusions, ni aucune nullité de fond de ces mêmes conclusions.
 
12. Pour déclarer nulles, en raison d'un défaut de capacité constitutif d'une irrégularité de fond énoncée à l'article 117 du code de procédure civile, les premières conclusions déposées le 27 janvier 2020 par Mme [B] et M. [I], seuls, et irrecevables les conclusions postérieures, l'arrêt retient que les débiteurs ont été mis en redressement judiciaire par deux jugements du 25 juin 2019.
 
13. En statuant ainsi, alors que les conclusions d'intimés déposées le 27 janvier 2020 par Mme [B] et M. [I] n'étaient entachées ni d'une irrégularité de fond ni d'un défaut de qualité des débiteurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
 
Et sur le troisième moyen, pris en sa sixième branche
 
Enoncé du moyen
 
14. La société BCM, ès qualités, la société MJA, ès qualités, et Mme [B] et M. [I] font grief à l'arrêt de valider la saisie-attribution du 19 avril 2019, alors « qu'aux termes de l'article L. 662-1 du code de commerce, aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations n'est recevable ; que cette disposition reste applicable, après la décision prononçant la clôture d'une procédure de liquidation judiciaire pour extinction du passif, aux fonds issus de cette liquidation déposés à la Caisse par un mandataire ad hoc désigné pour gérer ces fonds dès lors que la société ne survit que pour les besoins de la liquidation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 662-1 du code de commerce. »
 
Réponse de la Cour
 
Vu les articles 1844-7, 7° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, 1844-8 de ce code, L. 641-9, II et L. 662-1 du code de commerce :
 
15. Il résulte du premier de ces textes que la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant sa liquidation judiciaire ce qui, en application du deuxième, se traduit par sa dissolution sur laquelle le jugement de clôture pour extinction du passif est sans incidence, rendant ainsi nécessaire la désignation d'un liquidateur amiable pour en achever les opérations. En application du dernier de ces textes, aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit sur les sommes versées par un liquidateur à la Caisse des dépôts et consignations n'est recevable.
 
16. Pour valider la saisie-attribution, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 662-1 du code de commerce sont sans application dès lors que les opérations de liquidation amiable de la société HAH ne sont pas régies par les dispositions du code de commerce relatives aux procédures collectives.
 
17. En statuant ainsi, alors que la clôture de la procédure collective de la société HAH pour extinction du passif était restée sans incidence sur la nécessité impérative d'achever les opérations tendant à la dissolution de cette société provoquée par sa mise en liquidation judiciaire, justifiant ainsi la désignation par le jugement de clôture d'un mandataire ad hoc puis ensuite d'un liquidateur ayant notamment pour mission de répartir les fonds déposés par le liquidateur à la Caisse des dépôts et consignations où ils étaient insaisissables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
 
Portée et conséquences de la cassation
 
18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
 
19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
 
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
 
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
 
DIT n'y avoir lieu à renvoi.