Décisions
Cass. com., 18 janvier 2023, n° 21-17.581
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Barbot
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Alain Bénabent
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 mars 2021), le 15 juin 2012, la Société anonyme d'HLM d'aménagement et de gestion immobilière (la Sagim), maître de l'ouvrage, a confié à la société Xavier Laine, entrepreneur principal, le lot relatif à l'isolation thermique d'un chantier de réhabilitation de logements HLM.
2. Par des contrats du 19 mars 2013, l'entrepreneur principal a sous-traité une partie de ce lot à la société Bâti GSB, le paiement du sous-traitant devant être réalisé directement par le maître de l'ouvrage.
3. Après la réalisation des travaux, la société Bâti GSB n'a pu obtenir du maître de l'ouvrage le paiement de ses factures.
4. La société Bâti GSB a assigné la Sagim en paiement de ses factures et en dommages et intérêts pour procédure abusive. Un jugement du 28 juin 2016 a rejeté ces demandes.
5. Mise en liquidation judiciaire le 6 juillet 2016, la société Bâti GSB a interjeté appel de ce jugement le 29 juillet 2016.
6. L'affaire a été renvoyée à la mise en état et l'ordonnance de clôture révoquée, en raison de la survenue de la liquidation judiciaire et, par une ordonnance du 24 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a constaté « l'interruption de l'instance » et enjoint aux parties de régulariser la procédure.
7. Le liquidateur de la société Bâti GSB est intervenu volontairement à l'instance.
8. Par une ordonnance du 16 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'incident et au fond signifiées par la Sagim.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. La Sagim fait grief à l'arrêt, après avoir tenu l'appel pour recevable, de déclarer recevable l'intervention volontaire du liquidateur de la société Bâti GSB, de la condamner à payer au liquidateur la somme de 120 709,57 euros et d'ordonner la capitalisation des intérêts, alors :
« 1°/ que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public ; qu'en s'abstenant de relever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée du dessaisissement du débiteur en liquidation et l'irrecevabilité de l'appel formé par le seul débiteur dessaisi, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l'article 125, alinéa 1, du code de procédure civile ;
2°/ qu'à supposer que l'intervention du liquidateur judiciaire puisse régulariser la procédure initiée par le seul débiteur dessaisi, c'est à la condition que cette intervention intervienne avant l'expiration du délai d'appel ; qu'en s'abstenant de constater que l'intervention du liquidateur était intervenue dans le délai d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-9 du code de commerce et 125, alinéa 1, et 126 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte des articles L. 641-9 du code de commerce et 125 du code de procédure civile que le débiteur mis en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d'un jugement concernant son patrimoine et que cette fin de non-recevoir, qui est d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge. Cependant, celle-ci peut être régularisée par l'intervention du liquidateur dans le délai d'appel, conformément aux dispositions de l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile.
11. Même lorsqu'il est d'ordre public, le moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation n'est recevable que s'il résulte d'un fait dont la cour d'appel a été mise à même d'avoir connaissance.
12. Selon les énonciations de l'arrêt, la société débitrice Bâti GSB, après sa mise en liquidation judiciaire, a relevé appel, seule, du jugement entrepris, puis son liquidateur est intervenu volontairement à l'instance d'appel.
13. En l'état des conclusions et pièces soumises à la cour d'appel par le seul liquidateur, eu égard à l'irrecevabilité des conclusions de la Sagim, entraînant l'irrecevabilité des pièces qu'elle a produites, dont il ne ressortait ni précision ni aucune justification sur la signification du jugement au liquidateur, la cour d'appel n'a pas été mise à même de constater que le délai d'appel avait couru à l'égard du liquidateur et avait expiré à la date de son intervention volontaire.
14. En conséquence, le moyen, pris en sa seconde branche, étant irrecevable, l'intervention du liquidateur à l'instance d'appel a régularisé la fin de non-recevoir affectant l'appel du débiteur.
15. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.