Cass. crim., 15 octobre 2013, n° 12-86.588
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Fossier
Avocat général :
M. Mathon
Avocat :
Me Blondel
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 514-2, L. 514-7, L. 514-11, L. 514-14 du code de l'environnement, ensemble violation des articles L. 541-7, R. 541-8, L. 541-46 et L. 541-48 du code de l'environnement, violation des articles L. 541-30, R. 541-65, R. 541-69, R. 541-71, R. 541-73, R. 541-75 du code de l'environnement, ensemble violation de l'article 121-3 du code pénal, violation de l'article préliminaire et de l'article 593 du même code ; violation des droits de la défense et de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme :
"en ce que le prévenu a été retenu dans les liens de la prévention et a été condamné à une amende de 10 000 euros dont il sera sursis au paiement à hauteur d'une somme de 7 000 euros ;
"aux motifs que les faits peuvent être présentés de la manière suivante : M. X... est propriétaire de trois parcelles sur le territoire de la Commune de Saint-Martin d'Ecublei, n° 112, 125 et 126 ; que par arrêté préfectoral du 18 juillet 1988, il a reçu autorisation d'exploiter, sur les parcelles 112 et 126, une « installation de récupération de métaux et d'alliages, de résidus métalliques, d'objets en métal et carcasses de véhicules hors d'usage, activité classée sous la rubrique n° 286 de la nomenclature des installations classées » ; que par arrêté préfectoral du 8 janvier 2004, M. X... a été mis en demeure d'adresser, dans un délai de trois mois, au Sous-Préfet de Mortagne-au-Perche un dossier de demande d'autorisation d'exploiter, établi conformément aux dispositions des articles 2 et 3 du décret n°77.1133 du 21 septembre 1977, pour le stockage de carcasses de véhicules hors d'usage et autres objets métalliques hors d'usage, sur la parcelle n°125 ; que, par arrêté préfectoral en du 2 décembre 2004, intitulé « Arrêté de Suppression », le préfet de l'Orne, constatant qu'aucun dossier de demande d'autorisation d'exploitation n'avait été déposé, qu'un « inspecteur des installations classées (avait) constaté le 14 septembre 2004 que le stockage d'objets en métal et carcasses de véhicules hors d'usage constituée sur (...) la parcelle n° 125 n'avait toujours pas été évacué », a arrêté que M. X... était tenu, dans un délai de trois mois suivant la notification de cet arrêté, de procéder à la suppression de toute activité de stockage d'objets en métal et carcasses de véhicules hors d'usage sur cette parcelle et à la remise en état des terrains correspondants ; que le 4 juin 2008, le procès-verbal était établi, auquel étaient annexées de nombreuses photographies ; qu'aux termes de ce procès-verbal, il est constaté sur la parcelle 125, « le stockage d'objets en métal et carcasses de véhicules hors d'usage », ainsi que: le « stockage d'une centaine de mètres cubes de traverses de chemin de fer usagées » ; des « emplacements où, manifestement il a été réalisé du brûlage à l'air libre : de déchets divers non identifiables, la combustion ayant tout consumé et de véhicules entiers (semi-remorques, engins de chantier...), la combustion n'ayant pas réussi à les faire disparaître en totalité » ; « des traces d'hydrocarbure (...) visibles sur le sol, ce qui montre que les véhicules stockés ne sont pas dépollués au préalable » ; « des faisceaux électriques qui contiennent des métaux tels que du cuivre sont également éliminés par brûlage ainsi que les planchers des semi-remorques qui contiennent des produits de traitement du bois » ; étant observé que le constat indique que « M. X... ne possède pas l'agrément requis pour l'élimination des véhicules hors d'usage » ; le procès-verbal relève enfin, la présence d'un « stockage de déchets inertes d'un volume de 200 à 300 m3 » ; or M. X... ne possède pas l'autorisation requise pour l'exploitation d'un stockage de ce type de déchets ; qu'en conséquence de ces constatations, le procès-verbal relève les infractions pour lesquelles M. X... a été poursuivi ;
"aux motifs encore que, le 23 décembre 2009, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de Basse-Normandie répondait à la demande d'avis du ministère public, après audition de M. X... ; l'avis est que « les faits relatés dans le procès-verbal constituent bien les délits visés dans le procès-verbal ; que ce procès-verbal à la date des faits était donc bien motivé pour les délits qui y sont mentionnés » ;
"alors qu'il ne résulte d'aucun élément objectif du dossier que cet avis donné par la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de Basse-Normandie répondant à une demande en ce sens du ministère public ait été mis à la disposition du prévenu pour qu'il puisse s'expliquer sur son contenu qui, de plus, caractérisait un excès de pouvoir de l'Administration faisant état d'infractions commises et que sur l'incidence de cet avis sur la solution qu'il convenait d'apporter au litige , qu'ainsi l'arrêt tel qu'il est ne permet pas au Juge de cassation de vérifier qu'ont été respectées les exigences de la défense, ensemble celles d'un procès à armes égales ;
"aux motifs encore que lors de ses auditions par les militaires de la gendarmerie (notamment, le 25 novembre 2009), M. X... a contesté l'intégralité des faits reprochés ; qu'il a indiqué qu'il utilise la parcelle 125 à titre de « parking de transit pour (son) activité de démolition » et qu'il avait déclaré ce parking à la sous-préfecture qui lui avait répondu « en stipulant qu'ils n'étaient pas d'accord » ; qu'il n'a pas repris cette explication devant la cour (« la parcelle 125 a été déclarée zone de transit et que je pouvais y faire du véhicule accidenté » mais il a précisé que la clôture périphérique avait été faite « bien avant aujourd'hui, à l'aide de thuyas » ; qu'il affirmait que, sur cette parcelle, n'avaient été brûlés que des branchages provenant de la tonte des haies périphériques ; que, devant le tribunal, il a précisé qu'il n'avait « pas brûlé de camion entier » ; que les « déchets inertes » apparaissant sur la photo 2 étaient en réalité des bâches plastiques provenant des camions accidentés qu'il avait dépannés ; que s'agissant des traverses, il y en avait 17 et il ignorait qu'il s'agissait de matériaux dangereux ; que, d'ailleurs, il y en avait, a-t-il déclaré au tribunal « tout autour de chez (lui) » ; que les 17 traverses provenaient d'un véhicule sinistré qu'il avait dépanné, le prévenu affirmant qu'elles ont été, depuis le procès-verbal, « enlevées, mises dans des entreprises agréées » ;
"aux motifs aussi que M. X... a fourni des explications, tant devant les militaires de la gendarmerie que devant la cour, au sujet des photographies :
- les photographies 6, 7, 9, 11, 12, 14, 15 et 18 ne concernent pas la parcelle n°125 ;
- les photographies 1 à 5 concernent bien la parcelle 125 ; ces deux déclarations ont été faites pour la première fois devant la cour ;
- photo 1 : il s'agit d'un tracteur récupéré dans une ferme dans l'Eure après sinistre incendie ;
- photo 2 : « bâches plastiques » selon la déclaration devant les gendarmes ; elle ne « représente pas les gravats de la maison (provenant du démontage d'une maison, en attente de leur envoi vers une entreprise spécialisée dans la fabrication de béton) ; que cela représente plutôt une flaque d'eau » selon déclaration faire à la cour (il semble toutefois que M. X... ait confondu avec la photo 3, la cour doit le mentionner) ;
- photo 3 : il s'agit de camions accidentés préparés pour le départ dans des centres de destruction agréés ;
- photo 4 : environ 20 traverses de chemin de fer qui proviennent donc d'un camion accidenté ;
- photo 5 : moteur et boîte de vitesse préparés pour le départ vers d'autres centres de destruction ;
- photo 6 : c'est un pont de camion, les traces de feu en dessous proviennent d'un feu de branches ; devant la cour, M. X..., outre qu'il indique que cela ne se situe par sur la parcelle 125, dit qu'« il n'y a pas eu de feu » ;
- photo 7 : « c'est toujours le feu avec des rampes d'un camion dépanneuse » ;
- photo 8 : « c'est toujours le feu avec divers déchets posés à côté mais qui sont prêts à être expédiés » ;
- photo 9 : cela représentait environ un verre d'hydrocarbures ;
- photo 10 : matières en cours d'expédition ;
- photo 11, 13, 14, 16, 17 et 18 : camions en parking ;
- photo 12 : fûts vides d'huile moteur pour les camions de l'entreprise de transport de M. X..., en cours d'expédition ;
- photo 15 : pneus provenant de l'entreprise de transports (à noter que, devant la cour, M. X... dit que cette photographie ne concerne pas la parcelle 125) ;
que d'une manière générale, M. X... considère qu'il est « harcelé » par la municipalité, de manière constante : « il s'agit probablement d'un contentieux lié aux élections municipales. (Il avait) fait deux mandats en tant que conseiller municipal et (avait) eu des soucis avec l'opposition en place » ; qu'en premier lieu, il convient d'indiquer qu'aucun des arrêtés préfectoraux pris dans cette affaire n'a été déféré au tribunal administratif ; qu'en deuxième lieu, il convient de rappeler que les constatations personnelles des inspecteurs des installations classées ayant dressé le procès-verbal ne valent pas seulement à titre de renseignement mais jusqu'à preuve contraire ; qu'en troisième lieu, quoique M. X... ait prétendu, s'il est constant qu'il a souhaité pouvoir utiliser la parcelle 125 dans le cadre de l'activité de son entreprise, quand bien même il ne l'aurait fait que pour l'utiliser en tant que « parking de transit », il savait n'avoir jamais obtenu l'autorisation pour ce faire ; que bien plus, il avait reçu notification ; que cette autorisation lui était refusée ; que l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2004 est dénué d'ambiguïté ; cet arrêté vise, comme l'Avis le souligne, la « rubrique 286 » qui a trait, entre autres, au stockage d'objets métalliques (métaux et alliages) et carcasses de véhicules hors d'usage lorsque la surface utilisée est supérieure à 50 m2, ce qui est le cas en l'espèce ; que M. X... en a violé les dispositions en toute connaissance de cause, l'infraction d'exploitation d'une installation classée malgré une mesure de fermeture ou de suppression administrative est donc établie ;
"aux motifs qu'en quatrième lieu, d'une manière générale, M. X... n'apporte aucun élément autre que ses déclarations et des photographies aériennes pour apporter la preuve contraire des constatations dressées dans le procès-verbal ; or, ainsi qu'il a été précisé plus haut, c'est à lui qu'il appartient de faire cette preuve s'il entend contester les éléments matériels des infractions poursuivies ; qu'en cinquième lieu, certains éléments peuvent être déterminés avec certitude :
- M. X... a entreposé au moins 17 traverses (la cour note à cet égard que la photo 4, dont M. X... convient qu'elle concerne la parcelle 125, montre un nombre sensiblement plus important de traverses de chemin de fer) ; qu'il accepte que ces traverses puissent constituer des matériaux dangereux ; qu'il indique qu'il l'ignorait à l'époque ; la cour observe que M. X... ne produit même pas devant la cour la preuve qu'elles auraient été enlevées depuis le constat ; l'infraction poursuivie à cet égard est donc établie ;
"aux motifs que la photo 1 fait bien apparaître un tracteur calciné ; qu'aucun élément ne permet de dire si la calcination est intervenue avant ou après le transport de l'engin sur la parcelle 125, sinon que l'herbe est verte sous la carcasse ce qui tend à accréditer la version du prévenu ;
- que la photo 2 ne montre pas une flaque d'eau mais divers déchets, de différentes natures ; qu'au vu de cette photographie, la cour peut admettre qu'y figurent des bâches de camion ; mais, sur ce tas de déchets, sont également visibles, outre un grand fût bicolore, des pièces métalliques et des gravats ; que selon l'Avis, ces gravats constituent les déchets inertes visés au procès-verbal, l'infraction poursuivie qui est constituée ;
"aux motifs que la photo 5 montre effectivement des éléments de boîte de vitesse et de moteur ; que la cour note qu'ils sont entremêlés avec des branchages et autres mauvaises herbes hautes ;
- que la photo 6 fait que M. X... ne peut valablement soutenir qu'il n'y a pas eu de feu alors que la photographie montre toute une partie calcinée en avant de ce qui semble un train arrière de camion ; qu'il pourrait s'agir de ces planchers de camion que le prévenu reconnaît avoir détruit par le feu ; que le bois de ces planchers est en tout état de cause, le prévenu ne le conteste pas, traité ; que leur destruction par le feu constitue donc une élimination de déchets dangereux sans agrément préalable ;
"aux motifs que les photos 7 et 8 font les mêmes remarques (la photographie 7 montre ce qui peut être une rampe de dépanneuse, effectivement, entourée d'une zone calcinée, et la photographie 8 montre une petite zone calcinée, sous une tôle ou une paroi métallique) ; qu'en effet, il ne peut s'agir d'une calcination résultant de simples feux de branchages ; qu'outre le reste de la plate-forme de la dépanneuse a disparu, il est patent que des matériaux non calcinables à ces températures, notamment des éléments métalliques, figurent en grand nombre au sein des zones calcinées ; que la cour souligne, d'ailleurs que, sur la photo 8, on voit nettement le bras d'un inspecteur montrant un câble d'un métal s'apparentant à du cuivre ; que l'infraction d'élimination irrégulière de déchets est donc constituée ;
"aux motifs que, s'agissant de la photo 9, que des traces d'hydrocarbure sont nettement visibles dans des traces de pas dans de la terre humide ou mouillée ; que quand bien même la quantité paraît peu importante, ainsi que le fait valoir M. X..., elle confirme le risque potentiel que fait courir à l'environnement l'utilisation de la parcelle 125 à des fins non autorisées ; que pour mémoire, la cour mentionnera que la photo 15, ainsi que le fait valoir M. X..., qui montre un tas de déchets composés essentiellement de pneus, de bidons de couleur rouge et de palettes, à proximité immédiate de grands hangars, pourrait ne pas concerner la parcelle n° 125 ; que, compte tenu de tout ce qui précède, le prévenu sera déclaré coupable de l'ensemble des infractions poursuivies ;
"1°) alors que la cour fait état d'un risque potentiel que fait courir à l'environnement l'utilisation de la parcelle 125 à des fins non autorisées et fait état de la circonstance que la photo 15 montre un tas de déchets composés essentiellement de pneus, de bidons de couleur rouge, à proximité immédiate de grands hangars, ce qui pourrait ne pas concerner la parcelle n° 5 ; qu'en relevant immédiatement après ces deux constatations que le prévenu sera déclaré coupable de l'ensemble des infractions poursuivies, la cour méconnaît ce que postule une motivation pertinente et suffisante ;
"2°) alors que, par ailleurs, et en toute hypothèse, à aucun moment n'ont été relevés les éléments intentionnels des infractions poursuivies, la cour retenant par ailleurs une motivation si contrastée et si approximative que le Juge de cassation n'est pas à même de vérifier ce qu'il en est au regard des éléments constitutifs de chacune des infractions reprochées, tant par rapport à l'élément intentionnel que par rapport aux éléments matériels, d'où une violation des textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, et qui, en sa première branche, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, est nouveau et, comme tel, irrecevable, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.