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Décisions

Cass. com., 17 mars 2021, n° 19-11.691

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocats :

SCP Delvolvé et Trichet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Douai, du 11 oct. 2018

11 octobre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 octobre 2018), le 28 mars 2006, la Caisse de crédit municipal de Lille (la CCML), la société Dexia crédit local (la société Dexia) et la société Belfius banque (la société Belfius) ont cédé à la société Cofidis participations (la société Cofidis) les actions qu'elles détenaient, à hauteur de 75 % pour la première et de 12,5 % pour les deux autres, dans le capital de la société Créatis, spécialisée dans le domaine des prêts restructurés non hypothécaires aux particuliers.

2. L'acte de cession prévoyait notamment une garantie de passif spécifique au titre d'un partenariat noué par la société Créatis avec la société Panorimmo, ayant suscité le dépôt de nombreuses plaintes de la part de souscripteurs de crédits, lesquelles avaient motivé l'ouverture d'une information judiciaire dans le cadre de laquelle la société Créatis avait été mise en examen et soumise à l'obligation d'acquitter un cautionnement de trois millions d'euros.

3. En application de cette garantie de passif, la société Cofidis a assigné la CCML, la société Dexia et la société Belfius en paiement d'une somme comprenant notamment le montant du cautionnement pénal, les frais d'avocats et de conseils exposés dans le cadre de la procédure pénale ainsi que les frais d'avocats et les dommages-intérêts versés dans le cadre de procédures civiles.

4. En cours de procédure, la société Créatis a bénéficié d'un jugement de relaxe, devenu définitif, et s'est vue restituer le montant du cautionnement versé, augmenté d'intérêts.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La CCML, la société Dexia et la société Belfius font grief à l'arrêt de les condamner, à hauteur, respectivement, de 75 % pour la première et 12,5 % pour les deux autres, à payer à la société Cofidis la somme de 280 043,52 euros au titre des frais financiers restés à sa charge au titre du financement intra-groupe du paiement du cautionnement pénal, alors :

« 1°/ qu'aux termes des articles 8.6.2 et 8.6.3 de l'acte de cession du 28 mars 2006, le cessionnaire devait notifier aux cédants toute réclamation accompagnée d'une copie des justificatifs pertinents dans un délai de quarante cinq jours à compter de sa connaissance du fait ou du préjudice donnant lieu à réclamation, sous peine de déchéance de son droit à indemnisation (art. 8.5.3), dès lors que les cédants auraient subi un préjudice dû à ce retard ; que pour juger que la société Cofidis n'était pas déchue de son droit à indemnisation au titre des frais financiers afférents au cautionnement pénal, la cour d'appel, après avoir constaté que la société Cofidis n'avait fourni aucun justificatif dans sa lettre du 13 février 2013 mentionnant les frais financiers afférents au cautionnement pénal, a retenu que les cédantes ne démontraient pas avoir subi un préjudice dû à ce retard, la seule obligation de payer étant insuffisante à cet égard ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, cependant qu'elle y était invitée, si le préjudice subi par les cédantes ne résidait pas dans l'impossibilité dans laquelle elles s'étaient trouvées de faire valoir leurs intérêts en l'absence totale de communication par la société Cofidis des termes de la convention de financement intra-groupe sur la base de laquelle les frais financiers réclamés étaient pourtant calculés et lorsqu'elles avaient pourtant sollicité la transmission de pièces justificatives à la suite de la lettre de la société Cofidis du 13 février 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, la cour d'appel a retenu que le cautionnement pénal n'était pas couvert par la garantie car il constituait une réclamation de tiers, au sens de l'article 8.8.2 de l'acte de cession, ne résultant pas d'une décision exécutoire au sens de l'article 8.5.1 du même acte ; que dès lors que les frais financiers dont l'indemnisation était demandée trouvaient leur cause dans le cautionnement pénal dans la dépendance duquel ils s'inscrivaient et s'y rattachaient directement, ils ne pouvaient se voir appliquer un traitement distinct au regard de la garantie ; qu'en retenant au contraire, pour juger que la société Cofidis pouvait être indemnisée au titre des frais afférents au cautionnement pénal que ces frais étaient indemnisables sur le fondement de l'article 8.8.1 de l'acte de cession comme constituant une charge supportée en conséquence de la procédure pénale, la cour d'appel qui leur a appliqué un traitement distinct de celui qu'elle a appliqué au cautionnement pénal auquel ils étaient pourtant directement rattachés et dans la dépendance duquel ils s'inscrivaient, a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134, devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. D'une part, l'arrêt retient souverainement que, si la société Cofidis a formé sa réclamation sur les frais financiers supportés sur la somme de trois millions d'euros versée au titre du cautionnement pénal et qui restaient à sa charge après déduction des intérêts reversés par la Caisse des dépôts et consignation et de l'économie d'impôt forfaitairement évaluée après l'expiration du délai de quarante cinq jours qui lui était imparti par l'article 8.6.2 du contrat de cession et sans l'assortir d'aucun justificatif, cette société établit cependant la réalité du préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait de la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée d'emprunter cette somme pour permettre à la société Créatis de s'acquitter du cautionnement pénal lui incombant. C'est tout aussi souverainement que l'arrêt retient ensuite que, même en l'état d'une réclamation tardive et non appuyée de pièces justificatives de la part de la société Cofidis, les sociétés cédantes ne démontraient pas avoir subi un préjudice en raison de ce retard ou de cette carence. Ayant déduit de ces appréciations que les sociétés cédantes ne pouvaient se prévaloir de la déchéance de garantie stipulée à l'article 8.5.3 du contrat de cession, qui leur imposait d'établir le préjudice que ce retard leur avait causé, la seule obligation de payer étant insuffisante à cet égard, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

8. D'autre part, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la commune intention des parties et sans méconnaître la force obligatoire du contrat que la cour d'appel a considéré que le préjudice invoqué par la société Cofidis au titre de ces frais financiers était indemnisable sur le fondement de l'article 8.8.1 du contrat de cession comme constituant une charge supportée en conséquence de la procédure pénale ayant donné lieu au versement d'un cautionnement de trois millions d'euros, indépendamment du cautionnement lui-même, dont elle a estimé qu'il n'entrait pas dans le champ de la garantie comme procédant d'une décision conservatoire non revêtue de l'autorité de la chose jugée.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.