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Décisions

Cass. 2e civ., 21 octobre 2010, n° 09-12.378

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loriferne

Rapporteur :

M. Moussa

Avocats :

Me Blondel, SCP Ghestin

Aix-en-Provence, du 12 déc. 2008

12 décembre 2008

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2008) et les productions, que M. Gilbert X... ayant demandé à un tribunal paritaire des baux ruraux de prononcer la résiliation d'un bail rural consenti à M. Y..., l'affaire a été débattue à l'audience du 13 mars 2001 en présence des deux parties et mise en délibéré ; que le 18 mai 2001, MM. X... et Y... ont conclu, par acte sous seing privé, une transaction aux termes de laquelle M. Y... a consenti à la résiliation du bail et M. X... s'est engagé à lui payer une indemnité d'éviction de 400 000 francs (60 979,61 euros) ; que par jugement du 12 juin 2001, le tribunal a prononcé la résiliation du bail pour défaut d'exploitation des parcelles louées et condamné M. Y... aux dépens ; qu'aux termes d'un acte notarié des 9 et 20 février 2002, M. Y... et Mme Z..., épouse A..., agissant en qualité de seule héritière de Gilbert X..., décédé le 16 décembre 2001, ont déposé l'acte de transaction précité au rang des minutes du notaire ; qu'agissant ensuite sur le fondement de cet acte, M. Y... a fait pratiquer une saisie-attribution au préjudice de Mme A... pour recouvrer la somme de 60 979,61 euros ; que Mme A... a contesté cette saisie ;

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt de déclarer la saisie valable et de lui ordonner, par conséquent, de restituer les sommes régulièrement saisies, alors, selon le moyen :

1°/ qu'à peine de nullité, l'acte d' huissier de justice par lequel le créancier procède à la saisie-attribution doit comporter l'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ; qu'après avoir constaté que l'acte de saisie-attribution comportait la mention suivante : «copie exécutoire du protocole transactionnel passé devant Maître B...» cependant que la transaction en cause n'avait pas été passée devant ce notaire lequel avait seulement reçu le dépôt de cet acte sous seing privé, la cour d'appel devait en déduire que l'acte de saisie-attribution ne satisfaisait pas aux exigences légales ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 56 2° du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

2°/ qu'aux termes de l'article 1441-4 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance, saisi sur requête par une partie à une transaction, confère force exécutoire à l'acte qui lui est présenté ; que lorsque les parties mettent fin au litige par une transaction au cours d'une instance, la juridiction saisie est compétente pour en ordonner l'exécution ; que les dispositions légales organisant des procédures particulières pour conférer force exécutoire à une transaction, ne permettent pas au dépôt d'un tel acte sous seing privé au rang des minutes d'un notaire de lui donner force exécutoire ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles 2044 et suivants du code civil ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme A... s'était prévalue de la nullité de l'acte notarié de dépôt du protocole transactionnel, en l'état de l'erreur provoquée par la réticence dolosive de M. Y... ; que les conclusions avaient fait état de l'erreur et avaient reproché à ce dernier d'avoir omis de faire état, devant le notaire, du jugement passé en force de chose jugée ayant, à la demande de l'auteur de Mme A..., prononcé la résiliation du bail rural à son encontre ; que les conclusions avaient également soutenu que si elle avait connu ce jugement prononcé avant la naissance de ses droits, Mme A... n'aurait jamais accepté de signer un acte de dépôt d'un acte sous seing privé contraire audit jugement ; qu'avaient été offerts, en preuve, le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux, une pièce attestant de son caractère définitif, plus l'acte de dépôt qui avait fait état de l'action devant le tribunal paritaire des baux ruraux mais non pas de la décision devenue définitive ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions péremptoires dès lors que l'erreur provoquée par la réticence dolosive est toujours excusable, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que si elle peut être tacite, la renonciation suppose une manifestation sans équivoque de l'intention de renoncer ; qu'en considérant que les signatures apposées en cours d'instance, par MM. Y... et X... au pied de la transaction portant notamment sur le litige, signifiaint leur renonciation par anticipation aux effets du jugement à intervenir, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil ;

5°/ qu'en s'abstenant de rechercher si l'acte authentique en date des 9 et 20 février 2002, portant dépôt de la transaction du 18 mai 2001 au rang des minutes du notaire, comportait de façon expresse ou tacite une renonciation au jugement définitif du tribunal paritaire des baux ruraux en date du 12 juin 2001 devenu définitif par suite de l'absence de recours consécutif à sa notification, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1315 du code civil ;

6°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme A... s'était prévalue de la renonciation à l'exécution de la transaction prévoyant notamment la résiliation anticipée du bail rural contre une indemnité d'éviction, conclue au cours de l'instance en résiliation du bail, en l'absence de désistement d'instance et d'action, dès lors qu'aucune des deux parties n'avait demandé au juge de donner force exécutoire à la transaction intervenue et que les deux parties qui avaient reçu notification du jugement prononçant la résiliation du bail rural l'avaient accepté en s'abstenant d'en relever appel ; que ce moyen était péremptoire dès lors que la renonciation tacite à une transaction peut être établie par des indices manifestant l'accord des parties pour renoncer à son application ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 1441-4 du code de procédure civile ne font pas obstacle à ce qu'une transaction soit reçue par un notaire et que celui-ci lui confère force exécutoire ; qu'ayant relevé que Mme A... et M. Y... avaient déposé la transaction litigieuse au rang des minutes d'un notaire pour qu'elle acquière tous les effets d'un acte authentique et pour qu'il en soit délivré copie exécutoire et que ce dépôt avait été reçu en la forme authentique, la cour d'appel a retenu à bon droit que la copie exécutoire de la transaction pouvait servir de fondement à la saisie-attribution contestée ;

Et attendu qu'ayant relevé que la transaction mentionnait l'action en résiliation du bail, engagée par M. X... devant le tribunal des baux ruraux de Digne-les-Bains, faisant ainsi ressortir que Mme A..., qui avait déposé cet acte, ne pouvait ignorer que cette action devait se terminer par un jugement, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé que MM. Y... et X... avaient signé la transaction quelques jours avant le prononcé du jugement du 12 juin 2001, la cour d'appel, qui n'avait pas d'autres recherches à effectuer et qui a répondu aux conclusions contraires en les écartant, a souverainement retenu que MM. Y... et X... avaient entendu renoncer par anticipation aux effets du jugement précité ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.