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Décisions

CA Aix-en-Provence, 15e ch. A, 2 juillet 2010, n° 09/00807

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Franco Cameroun (SARL)

Défendeur :

Compagnie Foncière Alpha (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jardel

Conseillers :

M. Couchet, M. Brue

Avoués :

SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Tollinchi Perret-Vigneron Baradat-Bujoli-Tollinchi

Avocats :

Me Balestra, Me Esquer, Me Thiodet

TGI Marseille, du 6 janv. 2009, n° 08/65…

6 janvier 2009

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Saisi par la société FRANCO CAMEROUN de demandes tendant à voir dire que le commandement de quitter les lieux délivré le 7 avril 2008 à la requête de la société Compagnie Foncière Alpha est nul à défaut d'intérêt et de qualité à agir, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille l'a, par jugement du 6 janvier 2009, déboutée de ses prétentions et condamnée au paiement d'une indemnité de 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et ce en relevant que ce commandement a été signifié au visa d'une ordonnance de référé du 13 avril 2007 signifiée le 23 mai 2007, qui a constaté la résiliation du bail commercial liant les parties, condamné la SARL FRANCO CAMEROUN au paiement de la somme de 3.678,18 € à titre provisionnel à valoir sur les loyers et charges dus à la date des débats, et suspendu cependant les effets de la clause résolutoire et octroyé à la SARL FRANCO CAMEROUN un délai de six mois à compter de la signification de la décision pour s'acquitter de sa dette en sus des futurs loyers, au moyen de six mensualités égales, à défaut de quoi le solde sera immédiatement exigible avec possibilité d'expulsion de ladite société et de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique.

Par déclaration du 15 janvier 2009 la SARL FRANCO CAMEROUN a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 15 mai 2009 elle soutient avoir scrupuleusement respecté l'ordonnance de référé par le paiement pour la période d'avril 2007 à novembre 2007 de l'arriéré des loyers s'élevant à 3.678,18 €, fait valoir que la société intimée a vendu les locaux litigieux à la société L'ENSEIGNE II le 28 septembre 2007 en sorte qu'elle n'avait plus ni qualité ni intérêt à agir lors de la signification du commandement litigieux du 7 avril 2008, procède à l'analyse critique du jugement entrepris retenant à tort l'existence de sommes dues et validant le commandement de quitter les lieux litigieux pourtant affecté de nullité, s'oppose à l'argumentation de la société Compagnie Foncière Alpha se prévalant d'un mandat conféré par son acquéreur avec mission de poursuivre la procédure, alors que ce mandat est postérieur au commandement délivré le 7 avril 2008, ajoute que le mandant, c'est-à-dire l'acquéreur, doit être subrogé dans les droits du vendeur, et conclut :

- au caractère recevable et bien-fondé de son appel,

- à la réformation du jugement entrepris et à ce qu'il soit dit et jugé que la société intimée n'a ni qualité ni intérêt à agir et pas davantage de mandat pour représenter la société L'ENSEIGNE II,

- à la nullité du commandement de quitter les lieux du 7 avril 2008, sauf à titre subsidiaire à dire qu'elle est à jour du paiement des sommes dues rendant non fondées les mesures entreprises,

- et à la condamnation de l'intimée au paiement d'une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en réponse signifiées le 10 août 2009 la société Compagnie Foncière Alpha indique avoir vendu à la société L'ENSEIGNE II, par acte du 26 septembre 2007, les locaux commerciaux, et avoir donné mandat à la société Compagnie Foncière Alpha d'exécuter l'ordonnance de référé du 13 avril 2007 comme restant bénéficiaire de la condamnation prononcée à l'encontre de la société appelante, précise en ce qui concerne le paiement des sommes dues que cette dernière n'a pas respecté la décision de justice lui accordant un délai de six mois pour se libérer en sus des loyers en cours, s'agissant de paiements insuffisants pour ce faire correspondant certes à l'intégralité de la condamnation mais seulement à deux mois de loyers en cours, et conclut à l'absence de respect de l'échéancier, à une dette de la société appelante s'élevant à 11.320,57 € au 10 juillet 2009, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante à lui payer les sommes de 11.320,57 € suivant compte arrêté au 31 juillet 2009 au titre des charges et loyers impayés, et de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de culture a été signée le 21 avril 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Agissant sur le fondement d'une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille du 13 avril 2007, signifiée par acte du 23 mai 2007 remis à la gérante de la SARL FRANCO CAMEROUN, qui a prononcé la résiliation du bail commercial souscrit par celle-ci et condamné cette société au paiement de la somme de 3.678,18 € à titre provisionnel à valoir sur les loyers et charges dus à la date des débats, les effets de la clause résolutoire étant suspendus par l'octroi à la SARL FRANCO CAMEROUN d'un délai de six mois à compter de la signification de la décision pour s'acquitter de sa dette en sus des futurs loyers, au moyen de six mensualités égales, à défaut de quoi le solde sera immédiatement exigible avec possibilité d'expulsion de ladite société et de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique, la SNC Compagnie Foncière Alpha lui a fait délivrer, par acte d'huissier de justice du 7 avril 2008, un commandement de quitter les lieux.

Par jugement dont appel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille, saisi par la société FRANCO CAMEROUN de demandes tendant à voir dire nul ce commandement à défaut d'intérêt et de qualité à agir de la SNC Compagnie Foncière Alpha, l'a déboutée de ses prétentions et condamnée au paiement d'une indemnité de 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en considérant que la société défenderesse, 'quand bien même elle n'est plus propriétaire des locaux loués en suite d'un acte de vente passé postérieurement au jugement, reste cependant bénéficiaire de cette condamnation, et qu'elle est donc en droit de l'exécuter', s'agissant non pas 'd'une question de capacité ou d'intérêts à agir en justice, mais d'une question de capacité à exécuter une décision précisément rendue entre la Compagnie Foncière Alpha qui peut s'en prévaloir pour l'exécution et la société FRANCO CAMEROUN.

En l'espèce il est établi que la société dénommée Compagnie Foncière Alpha a, par acte authentique passé le 28 septembre 2007 en l'étude de Maître CUCCIA notaire associé à Marseille, vendu à la société civile immobilière L'ENSEIGNE II l'immeuble sis [...] comprenant le local commercial pour lequel la résiliation du bail commercial consenti à la SARL FRANCO CAMEROUN a été décidée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille par l'ordonnance susmentionnée du 13 avril 2007.

En matière de procédures civiles d'exécution l'article 1er de la loi du 9 juillet 1991 permet à 'Tout créancier... dans les conditions prévues par la loi', de 'contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard', ce qui subordonne cette capacité de contrainte, et par conséquent le pouvoir de faire délivrer des actes d'exécution forcée, à la qualité l&galement exigée de 'créancier'.

Dans la mesure où, au 7 avril 2008 date du commandement de quitter les lieux susvisé, elle avait vendu la propriété de l'immeuble dans lequel était implanté le local commercial loué à la SARL FRANCO CAMEROUN, la société Compagnie Foncière Alpha n'avait donc plus la qualité de créancier pour faire signifier à celle-ci l'acte objet du présent litige, la vente ayant mis fin à ses droits sur l'immeuble, s'agissant de droits non pas personnels mais attachés au bien cédé, en sorte qu'elle n'avait plus qualité à agir à l'encontre de son ancien locataire y compris du chef de l'exécution la décision de référé prononçant la résiliation du bail commercial.

La société intimée ne saurait se prévaloir du mandat donné par la SCI L'ENSEIGNE II 'concernant la procédure en cours contre la société FRANCO CAMEROUN locataire à Marseille [...], qui avait donné lieu à la décision du 13/04/2007', le document du 10 novembre 2008 argué sur ce point n'étant pas susceptible d'avoir effet rétroactivement.

Le commandement de quitter les lieux sera dès lors déclaré nul et de nul effet, ce qui justifie d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Déclare nul et de nul effet le commandement de quitter les lieux délivrés à la requête de la société Compagnie Foncière Alpha par acte d'huissier de justice du 7 avril 2008,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Compagnie Foncière Alpha aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.