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Décisions

Cass. 1re civ., 13 novembre 2014, n° 13-22.401

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Girardet

Avocat général :

M. Cailliau

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 22 mai 2013

22 mai 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés TF1 et Alma productions, aux droits de laquelle vient la société TF1 productions, ont coproduit un feuilleton télévisé intitulé Zodiaque et confié la composition de la musique à M. X..., lequel a cédé ses droits d'auteur à la société Une Musique ; que la chanson Angel, écrite sur la musique de M. X..., par M. Y... dit « A... » et M. Z..., et interprétée par M. Y..., est devenue le générique du feuilleton diffusé sur la chaîne TF1 ; que M. Z... et M. Y..., soutenant ne pas avoir consenti à l'exploitation de la chanson et de son interprétation, ont assigné les sociétés TF1, Alma production, éditrice, et Ora, bénéficiaire d'une licence d'exploitation de la chanson, en réparation des atteintes portées à leurs droits d'auteur et d'artiste-interprète devant le tribunal de commerce, lequel, par jugement du 19 juin 2008, s'est déclaré incompétent au profit, d'une part, du tribunal de grande instance pour connaître des demandes formées à l'encontre de M. X..., assigné en intervention forcée, et, d'autre part, du conseil de prud'hommes pour statuer sur celles formées par M. X... et, selon le dispositif de cette décision, par M. Z... ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Z... et M. Y... font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes de dommages-intérêts formées contre M. X..., alors, selon le moyen :

1°/ que les auteurs et éditeurs qui ont adhéré à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et fait apport à cette société de leurs droits de propriété incorporelle restent titulaires de ces droits et ils ont qualité à agir en vue de leur protection, notamment à agir en contrefaçon ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de dommages-intérêts pour contrefaçon formées par M. Z... et M. Y..., la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 et L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'il appartient au défendeur qui invoque une fin de non-recevoir d'établir que le demandeur n'a pas qualité à agir ; qu'en faisant grief à M. Z... de ne pas justifier ne pas être adhérent de la Sacem pour déclarer irrecevables ses demandes de dommages-intérêts pour contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article 315 du code civil ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel, M. Z... faisait valoir qu'il figurait sur le site Internet de la Sacem en qualité d'auteur étranger, dont la Sacem était seulement chargée de percevoir les droits en vertu de contrats de présentation passés avec les sociétés d'auteurs étrangères, ce qui n'impliquait aucunement son adhésion à la Sacem ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs pertinents des conclusions d'appel de M. Z..., la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en application de l'article 1er des statuts de la Sacem, l'auteur ayant, par son adhésion, fait apport de l'exercice de ses droits patrimoniaux, est dès lors irrecevable, sauf carence de cette société, à agir personnellement en défense de ceux-ci ;

Que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples allégations dépourvues d'offres de preuve, après avoir constaté, par une appréciation souveraine des documents produits aux débats, que M. Z... avait adhéré à la Sacem, en a exactement déduit que celui-ci était, avec M. Y... dont l'adhésion à la Sacem n'était pas contestée, irrecevable à agir personnellement en contrefaçon de ses droits patrimoniaux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes fondées sur la qualité d'interprète de M. Y... et le contrat d'enregistrement, alors, selon le moyen, que par le dispositif du jugement daté du 19 juin 2008, qui a seul autorité de chose jugée, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Nanterre pour statuer sur la demande de M. X... et de M. Z... ; qu'en opposant l'autorité de chose jugée de ce jugement qui ne s'était pas prononcé sur les demandes formées par M. Y... en qualité d'interprète, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

Mais attendu que le jugement en date du 19 juin 2008 qui, dans ses motifs, retient l'incompétence du tribunal pour statuer sur la demande de M. Y... relative à ses droits voisins, au profit du conseil de prud'hommes de Nanterre, est affecté dans son dispositif d'une erreur matérielle qui peut être rectifiée, conformément aux dispositions de l'article 462 du code de procédure civile, par la juridiction qui l'a rendu ; que dès lors le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 131-2, L. 131-3 et L. 132-7 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour dire que M. Z... et M. Y... avaient donné leur accord à l'exploitation de la chanson Angel à la télévision et sous forme de phonogramme, l'arrêt retient qu'il résulte d'un entretien accordé au magazine Cinéfonia par M. Y... et M. X..., dont la teneur n'est contestée ni par l'un ni par l'autre, que la bande originale de la série Zodiaque a été composée par M. X... pour cette série en étroite collaboration avec le réalisateur, que la chanson Angel l'a été ensuite par M. Y... et M. Z... à titre de générique de fin de chaque épisode de la série, que le communiqué de presse de la société TF1 portait en titre : « Angel par A...- La chanson générique de la série de l'été de TF1 » sans que M. Y... ou M. Z... n'aient alors émis la moindre protestation, et que cette série a été diffusée par la société TF1 pendant l'été 2004 avec la chanson Angel comme générique de fin sans réaction de leur part ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les contrats de cession des droits d'édition et de cession des droits d'adaptation, établis et adressés aux auteurs par la société Une Musique n'avaient été ni signés ni retournés par eux, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des dispositions critiquées par le troisième moyen portant sur la condamnation de M. Z... et M. Y... à verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate l'existence d'un contrat de cession et d'édition ainsi que d'un contrat de cession des droits d'adaptation télévisuelle portant sur la chanson Angel conclu entre M. Y... et M. Z... en leur qualité d'auteur, d'une part, et la société Une Musique, d'autre part, et en ce qu'il condamne M. Y... et M. Z... à verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 22 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.