Cass. 1re civ., 14 février 1990, n° 88-14.562
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bernard
Rapporteur :
M. Savatier
Avocat général :
M. Charbonnier
Avocats :
SCP Tiffreau et Thouin-Palat, Me Consolo
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme X..., cliente de l'hôtel Hyatt Regency à Nice, a déposé plainte pour vol contre X après avoir constaté, le 11 juillet 1982, en ouvrant avec la clé qui lui avait été remise le compartiment mis à sa disposition dans la salle des coffres de l'établissement lors de son arrivée le 8 juillet 1982, que les bijoux qu'elle y avait déposés avaient disparu ; que ce vol a été déclaré par l'hôtelier à son assureur la New Hampshire insurance company le 16 juillet 1982 ; que le 19 avril 1983, la société Hyatt Regency a déposé une plainte contre X faisant état de nombreux vols commis dans son établissement dont celui commis au préjudice de Mme X... ; que cette dernière ayant assigné la société Hyatt international France, devenue Compagnie franco-américaine de gestion hôtelière, en paiement, in solidum avec son assureur, de la valeur des bijoux, le tribunal a, refusant de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de l'instance pénale en cours, déclaré la société hôtelière responsable du vol et l'a condamnée, in solidum avec son assureur, à réparer le préjudice subi ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 janvier 1988) a confirmé ce jugement ;.
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'hôtelier entièrement responsable du vol et de l'avoir condamné in solidum avec son assureur à payer à Mme X... la valeur des bijoux volés, alors, selon le moyen, d'une part, qu'elle s'est fondée sur des éléments de preuve établissant que la cliente était en possession de bijoux lors de son arrivée à l'hôtel mais ne prouvant pas que celle-ci les avait déposés dans le coffre ; et alors, d'autre part, que, en retenant des motifs qui n'établissaient pas la matérialité du dépôt des bijoux et de leur vol, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1952, 1953 et 1954 du Code civil ;
Mais attendu que selon l'article 1952 du Code civil, le dépôt des vêtements, bagages et objets divers apportés dans leur établissement par le voyageur qui loge chez eux, dont répondent les aubergistes ou hôteliers, doit être regardé comme un dépôt nécessaire qui comme le prévoit l'article 1950 du même Code, peut être prouvé par témoins ; qu'ayant analysé les éléments de preuve qui lui étaient soumis, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que Mme X... établissait la matérialité du dépôt des bijoux et la réalité de leur vol ; que le moyen en ses deux premières branches n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'hôtelier entièrement responsable du vol alors, selon le moyen, d'une part, que la responsabilité de celui-ci n'est illimitée que si les objets ont été " remis entre ses mains ", ce qui n'est pas le cas lorsqu'il n'est pas établi par le client que l'hôtelier a constaté l'existence physique et le dépôt effectif des objets dans le coffre, qu'en retenant cette responsabilité illimitée sans avoir énoncé les faits propres à établir cette constatation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1952, 1953 et 1954 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel par lesquelles l'assureur avait fait valoir que " les bijoux n'ont pas été déposés entre les mains de l'hôtel Hyatt qui a mis simplement à la disposition de Mme X... un coffre dont l'une des clés lui a été remise ; que Mme X... a utilisé ce coffre comme elle l'entendait, sans que l'hôtelier exerce le moindre contrôle sur le contenu ou l'absence de contenu de ce coffre ", la cour d'appel, privant de motifs son arrêt, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, répondant par là-même aux conclusions dont elle était saisie, a fait siens les motifs des juges du premier degré qui ont constaté que l'hôtelier a mis à la disposition de sa cliente à l'arrivée de celle-ci, un compartiment destiné à placer des objets de valeur dans la salle des coffres, à laquelle elle ne pouvait accéder qu'accompagnée d'un employé de l'établissement ; qu'elle a ainsi suffisamment caractérisé le dépôt entre les mains de l'hôtelier des bijoux placés dans ce coffre où ils ont été volés ; que, dès lors, elle a fait une exacte application de l'article 1953, alinéa 2, du Code civil en déclarant illimitée la responsabilité de l'hôtelier ; que le moyen, en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé ;
Sur la dernière branche du second moyen :
Attendu, enfin, qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi, alors qu'en écartant toute faute de la cliente bien qu'elle ait constaté que Mme X... n'avait pas déposé chez un commerçant spécialisé des bijoux présentés comme de très grande valeur et n'avait pas attiré l'attention de l'hôtelier sur celle-ci, la cour d'appel aurait violé l'article 1953 du Code civil ;
Mais attendu que les juges du fond ont pu retenir que le seul fait de n'avoir pas déclaré l'importance des bijoux déposés entre les mains de l'hôtelier ne constituait pas la faute du client dont l'hôtelier, pour être exonéré de sa responsabilité illimitée, doit rapporter la preuve ; qu'ils n'avaient pas à répondre au moyen inopérant de non-dépôt des bijoux chez un commerçant spécialisé, aucune disposition des articles 1952, 1953 et 1954 du Code civil n'imposant au client une telle démarche ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.