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Décisions

Cass. 1re civ., 26 janvier 1994, n° 92-11.691

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grégoire

Rapporteur :

M. Ancel

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Delaporte et Briard, SCP Matteï-Dawance, SCP Lemaitre et Monod

Paris, du 19 déc. 1991

19 décembre 1991

Attendu que, selon les juges du fond, trois contrats ont été conclus les 31 décembre 1979, 5 septembre 1980 et 10 septembre 1981 entre la société des Editions Glenat et M. X..., pour l'édition de cinq albums de bandes dessinées intitulés Les passagers du vent, dont M. X... est l'auteur ; que ces conventions stipulaient la rémunération de l'auteur sous la forme d'un pourcentage sur le prix de vente hors taxes, et la possibilité, pour l'éditeur, de réaliser, à la demande d'un distributeur, une " présentation spéciale de l'ouvrage ", " afin de répondre aux besoins d'une catégorie spéciale de lecteurs ", la redevance due à l'auteur étant dans ce cas calculée sur le prix de cession des volumes fixé dans le marché conclu avec le distributeur ; qu'ainsi les éditions Glenat ont conclu avec la société France-Loisirs un accord de distribution qui a porté sur 600 000 exemplaires, sur lesquels M. X... a perçu une redevance calculée sur le prix de cession fixé avec le distributeur ; que les 8 et 14 juin 1989, M. X..., faisant grief à son éditeur et à la société France-Loisirs d'avoir diffusé en grand nombre ses oeuvres sans son accord et en violation des conditions contractuelles, a fait assigner la société des Editions Glenat et la société France-Loisirs en résiliation des contrats d'édition, responsabilité contractuelle et contrefaçon ; qu'en cause d'appel, M. X... a demandé l'annulation de la clause des contrats relative à sa rémunération ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Editions Glenat : (sans intérêt) ;

Sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré fondée l'action en nullité de la clause stipulant la rémunération de M. X..., aux motifs que la participation de l'auteur aux recettes doit légalement s'entendre par référence au prix payé par le public et non en fonction du prix convenu avec le distributeur, alors que l'article 34 de la loi du 11 mars 1957 autoriserait une telle référence et ne serait pas sur ce point impératif mais seulement supplétif de la volonté des contractants, et alors que, la clause modifiant l'assiette légale de la rémunération proportionnelle de l'auteur est a fortiori valable dans les cas où la loi autorise une rémunération forfaitaire, tel le cas de l'espèce, prévu par l'article 36 de la loi précitée pour la première édition des éditions populaires à bon marché et les albums pour enfants ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions impératives de l'article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle, (article 35 de la loi du 11 mars 1957), que la participation de l'auteur aux recettes doit être calculée en fonction du prix de vente au public ; que dès lors c'est à bon droit que la cour d'appel a déclaré nulle la clause des contrats litigieux qui contrevenait à ces dispositions, sans que celles de l'article L. 132-6 du Code de la propriété intellectuelle (article 36 de la loi du 11 mars 1957) puissent trouver à s'appliquer en la cause, dès lors qu'elles exigent un accord formellement exprimé par l'auteur pour une rémunération forfaitaire, dans des cas particuliers qui, de plus, selon les constatations des juges du fond, ne concernent pas l'espèce ;

Que l'arrêt attaqué est donc légalement justifié et qu'aucun des griefs du pourvoi principal ne peut être accueilli ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X..., pris en sa première branche :

Vu l'article L. 131-3, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle (article 31, alinéa 3, de la loi du 11 mars 1957) ;

Attendu que la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que leur domaine d'exploitation soit délimité ;

Attendu que pour rejeter les demandes de M. X..., fondées sur la responsabilité contractuelle de la société Editions Glenat et la contrefaçon de la part de cet éditeur et de son cessionnaire la société France-Loisirs, la cour d'appel se fonde sur une correspondance échangée entre les parties pour en déduire que l'auteur avait, en connaissance de la forme d'exploitation pratiquée par l'éditeur en exécution de l'article 6, alinéa 2, du contrat, expressément et par écrit accepté le principe de la cession des albums à la société France-Loisirs moyennant un simple changement de logo, qui ne constituait qu'" une caricature de présentation spéciale " ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il ne résultait ni du contrat ni de la lettre de M. X... visée par la cour d'appel, que celui-ci ait donné son accord exprès à la cession de ses droits à la société France-Loisirs pour le type d'exploitation réalisé par cette société, avec une délimitation du domaine d'exploitation quant à son étendue et à sa destination, ainsi qu'à sa durée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en responsabilité contractuelle et en résiliation des contrats d'éditions, dirigées contre la société Editions Glenat, ainsi qu'en contrefaçon, dirigée contre cette dernière société et la société France-Loisirs, l'arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.