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Décisions

Cass. 1re civ., 30 juin 1992, n° 90-18.458

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Massip

Rapporteur :

M. Grégoire

Avocat général :

M. Gaunet

Avocat :

SCP Lemaitre et Monod

Aix-en-Provence, du 15 mai 1990

15 mai 1990

Sur le moyen unique pris en ses deux branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'invoquant une ordonnance de référé rendue le 18 février 1985 par le président du tribunal d'instance de Marseille et condamnant M. X..., agent des Postes, à lui payer une somme de 14 344,78 francs, Mme Y... a obtenu de ce magistrat, le 18 septembre 1987, une ordonnance sur requête enjoignant au directeur départemental des Postes de communiquer l'adresse de son agent aux huissiers chargés de recouvrer le montant de la condamnation ; que, par ordonnance du 10 novembre 1988, le juge des référés de Marseille a dit n'y avoir lieu à rétractation de cette décision, et a prononcé à l'encontre du directeur départemental des Postes une astreinte provisoire ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 mai 1990) a confirmé ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;

Attendu que le ministre chargé des Postes et Télécommunications fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que ni le premier juge, ni la cour d'appel n'ayant constaté ni vérifié dans quel but il était demandé de lui enjoindre la divulgation du domicile d'un de ses agents, non plus que la nécessité d'une telle divulgation, l'arrêt attaqué est privé de base légale au regard des articles 10 du Code civil et 138 à 141 du nouveau Code de procédure civile, lesquels ne donnent au juge le pouvoir d'ordonner à une personne privée ou publique de produire un acte, une pièce ou un renseignement sur un tiers que lorsque cette communication est nécessaire à la manifestation de la vérité ; et alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué, qui a ordonné la divulgation du domicile de l'agent, dans un but autre que la manifestation de la vérité, a violé l'article 10 du Code civil, ensemble les articles 138 à 141 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé qu'il était demandé au ministre chargé des Postes et Télécommunications de préciser l'adresse de son agent à une société d'huissiers, la cour d'appel a, par motifs adoptés, estimé que le souci de discrétion de cet agent ne pouvait répondre qu'à la préoccupation de se dérober à ses devoirs de justiciable, la requête initiale adressée au président du tribunal d'instance de Marseille mentionnant la condamnation prononcée contre M. X... ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a bien constaté dans quel but il était demandé au ministre de divulguer le domicile de son agent, et que la première branche manque en fait ;

Attendu, ensuite, que si toute personne est en droit, notamment pour échapper aux indiscrétions ou à la malveillance, de refuser de faire connaître le lieu de son domicile ou de sa résidence, de telle sorte qu'en principe sa volonté doit être sur ce point respectée par les tiers, il en va autrement lorsque cette dissimulation lui est dictée par le seul dessein illégitime de se dérober à l'exécution de ses obligations et de faire échec aux droits de ses créanciers ; qu'en mettant un terme à une telle manoeuvre frauduleuse, qui était manifeste, la cour d'appel, statuant en référé, a fait usage des pouvoirs qu'elle tenait de l'article 808 du nouveau Code de procédure civile, abstraction faite des textes visés au moyen, lesquels étaient sans application en l'espèce ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.