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Décisions

Cass. 2e civ., 17 mars 2005, n° 02-14.514

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dintilhac

Rapporteur :

M. Guerder

Avocat général :

M. Domingo

Avocats :

Me Hémery, SCP Choucroy-Gadiou-Chevallier

Paris, du 27 févr. 2002

27 février 2002

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2002), que par acte d'huissier de justice du 22 avril 1999, M. X..., qui avait été entendu par la cour d'assises de la Gironde en qualité de témoin, le 19 février 1998, dans le cadre du procès suivi contre M. Y..., du chef de complicité de crimes contre l'humanité, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Albin-Michel en indemnisation du préjudice causé par la déformation de son témoignage dans l'ouvrage édité par cette société sous le titre "Le Procès de Maurice Y..." ; que cette société a appelé en cause la société L'Ile des médias, qui avait réalisé la transcription de la sténotypie du procès ; qu'estimant devoir démontrer l'inexactitude de la transcription de son témoignage par la production d'une cassette d'enregistrement audiovisuel du procès, M. X... a présenté requête au président du tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 13 mars 2001, au visa de la loi du 11 juillet 1985 et du décret du 15 janvier 1986, a ordonné au ministère de la Culture, détenteur des cassettes d'enregistrement, de remettre la copie de la cassette correspondant au témoignage de M. X... afin de permettre d'en constater les termes ; que la société L'Ile des médias a assigné en référé M. X... et la société Albin Michel aux fins de voir prononcer la nullité de l'ordonnance sur requête, qui ne comportait pas la signature du greffier, et subsidiairement d'en obtenir la rétractation ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable :

Attendu que la société L'Ile des médias fait grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler l'ordonnance du 13 mars 2001, alors selon le moyen, que l'article 458 du nouveau Code de procédure civile s'applique aux ordonnances sur requête si bien qu'en jugeant valable l'ordonnance du 13 mai 2001 tout en constatant que cette décision de justice n'avait pas été signée par le greffier, la cour d'appel a violé l'article 456 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les ordonnances sur requête sont régies par les dispositions des articles 493 à 498 du nouveau Code de procédure civile ;

Et attendu que l'arrêt retient à bon droit que l'ordonnance sur requête n'a pas pour sa validité à être signée par le greffier eu égard aux circonstances dans lesquelles elle est rendue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la reproduction partielle de l'enregistrement des débats du procès Y..., alors, selon le moyen :

1 ) que l'autorisation de la reproduction de l'enregistrement audiovisuel de tout ou partie d'un procès pour crimes contre l'humanité n'est subordonnée qu'à la seule condition que la personne sollicitant une telle autorisation justifie d'un intérêt légitime, au regard, notamment, des droits des participants au procès ; qu'en subordonnant l'autorisation de la reproduction de l'enregistrement audiovisuel de tout ou partie d'un procès pour crimes contre l'humanité aux conditions que le demandeur à l'autorisation établisse qu'il agit dans un but historique ou scientifique et que sa démarche poursuive un but d'intérêt collectif pour la Nation et pour ses citoyens, la cour d'appel a ajouté aux dispositions de la loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 tendant à la constitution d'archives audiovisuelles de la justice, telle qu'elle a été modifiée par la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990, deux conditions qu'elles ne prévoient pas ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 8, alinéa 2, de la loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 modifiée ;

2 ) qu'à supposer même que l'autorisation de la reproduction de l'enregistrement audiovisuel de tout ou partie d'un procès pour crimes contre l'humanité soit subordonnée à la démonstration que la demande d'autorisation poursuit un but historique et scientifique d'intérêt collectif pour la Nation et pour ses citoyens, la demande d'autorisation formée par un témoin au procès pour crimes contre l'humanité, aux fins d'établir que les propos qui lui sont prêtés dans un ouvrage qui se présente comme la retranscription fidèle des débats du procès et qui, à l'heure actuelle, est l'unique source d'information de ce type librement accessible au public, ne correspondent pas à ceux qu'il a réellement tenus à l'audience et sont entachés de nombreuses et importantes erreurs, inexactitudes et omissions, présente un but historique et scientifique d'intérêt collectif pour la Nation et pour ses citoyens, dès lors qu'elles tendent à rétablir dans un but d'intérêt général la vérité historique, tant en ce qui a trait aux faits historiques évoqués dans la déposition de témoignage qu'en ce qui concerne les débats du procès pour crimes contre l'humanité eux-mêmes ; qu'en considérant le contraire et en rejetant, pour ce motif, la demande d'autorisation formée par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 8, alinéa 2, de la loi n° 85 - 699 du 11 juillet 1985 modifiée ;

3 ) qu'en rejetant, par motifs adoptés, la demande d'autorisation formée par M. X..., au motif que l'intérêt probatoire de la reproduction de l'enregistrement litigieux ne serait pas établi, quand la reproduction de l'enregistrement litigieux permettrait à l'évidence de déterminer si la retranscription dans l'ouvrage "Le Procès de Maurice Y..." des propos tenus par M. X..., lors de sa déposition, était ou non entachée d'inexactitudes et d'omissions, et présentait, dès lors, un intérêt probatoire, tant pour les parties que pour le tribunal de grande instance lui-même, et ce quelles que soient les modalités d'information de ce dernier sur sa teneur, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 8, alinéa 2, de la loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 modifiée ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 8 de la loi du 11 juillet 1985 tendant à la constitution d'archives audiovisuelles de la justice, modifiées par la loi du 13 juillet 1990 et reprises à l'article L. 222-1 du Code du patrimoine, dont l'objet est de réglementer l'accès des tiers à ces archives, ne concernent que la consultation non publique et la communication au public, par reproduction ou diffusion, des enregistrements audiovisuels des audiences d'un procès ; qu'elles ne s'imposent pas aux autorités judiciaires, spécialement au juge de la mise en état et au tribunal de grande instance, qui peuvent se faire communiquer ces documents pour l'administration judiciaire de la preuve, selon les modalités de l'article 138 du nouveau Code de procédure civile ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.