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Décisions

CA Agen, 1re ch. civ., 14 novembre 2018, n° 16/00741

AGEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

AXA France IARD (SA), Lourdes Invest Hotels (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaté

Conseillers :

Mme Benon, M. Segonnes

Avocats :

Me Vimont, Me Schnurr, Me Guilhot

TI de Marmande, du 19 nov. 2015, n° 11-1…

19 novembre 2015

Exposé des faits

 

Les époux H. et M.P. circulant à motocyclette depuis l'Allemagne jusqu'à l'Espagne sont descendus le soir du 8 juin 2014 à l'hôtel Campanile de Marmande Lot et Garonne et le carter du moteur de l'engin était fendu à l'entrée de l'établissement.

Par acte d'huissier en date du 05 février 2015 les époux P. ont assigné la société Lourdes Invest hôtel gérant l'établissement hôtelier Campanile de Marmande et son assureur Axa France Iard sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'article 1147 ancien du code civil, pour obtenir condamnation à leur payer au principal les montants de 2 188,20 euros de réparation de la motocyclette, 269,08 euros de la facture de l'expertise amiable de leur assureur D., 150 euros de frais d'immobilisation et 1 500 euros de préjudice d'agrément, soit la somme de 4 107,28 euros.

Suivant jugement du 19 novembre 2015, le tribunal d'instance de Marmande a débouté M. P. Helmar et Mme P. Monika de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Par déclaration au greffe du 03 juin 2016, les époux P. ont interjeté appel total du jugement précité.

Ils concluent le 2 septembre 2016 à son infirmation pour faire condamner solidairement la société Lourdes Invest Hôtel gérant le fonds de commerce et son assureur la société France Iard à leur payer les mêmes montants et les intérêts au taux légal à compter du 04 juillet 2014 date de la demande par lettre recommandée avec accusé de réception outre deux sommes de 2 500 euros d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils fondent leur action sur le fait que l'hôtelier n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat envers les voyageurs pénétrant dans son garage.

Lourdes Invest Hôtel et Axa France Iard concluent le 28 octobre 2016 :

- principalement au débouté sur le fondement de la faute contractuelle ;

Ils font valoir que :

- les appelants ne prouvent pas que la fissuration du carter est bien survenue à l'entrée du parking,

- à le supposer, il n'est pas prouvé que ce dommage résulte de l'état du ralentisseur et le choc sur le ralentisseur n'est que la conséquence de la vitesse excessive du pilote de la motocyclette à l'approche du ralentisseur,

- subsidiairement à la réduction des montants des dommages et intérêts et de l'indemnité équitable au motif que notamment le préjudice d'agrément n'est pas démontré et également qu'une franchise de 1 006,13 euros est opposable.

Pour plus ample exposé des faits de la procédure, la cour renvoie aux écritures des parties et au jugement de première instance.

La clôture de l'instruction de la procédure est intervenue à la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état le 18 juillet 2018.

Motifs

MOTIFS

Le tribunal a jugé que : « Il ressort des photographies produites par les demandeurs que les dégradations du revêtement du ralentisseur se trouvent au point bas de ce dernier ; si le bas du moteur a été endommagé au passage du ralentisseur, il n'est pas démontré que le dommage a pour cause l'effritement du revêtement. ».

1- Sur les responsabilités :

A) sur celle de l'hôtelier :

L'hôtelier n'est tenu sur le fondement des articles 1952 à 1954 du code civil d'une obligation de résultat de la sécurité des biens bagages, vêtements et objets divers, que sur le fondement du dépôt nécessaire et sur la qualité de dépositaire de l'hôtelier.

Tel n'est pas le cas de l'hôtelier dont le client n'a pas encore déposé son véhicule dans le garage privatif de l'hôtel et qui en exerce encore la garde.

#1 L'hôtelier est encore responsable sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil mais au titre d'une obligation de moyen de la sécurité de sa clientèle ; il appartient donc au client de prouver la faute de l'hôtelier et son lien de causalité avec son préjudice ; il appartient enfin à l'hôtelier de prouver la faute de la victime qui peut dégager sa responsabilité ou la partager.

Il ressort des pièces débattues, que les photographies montrent le début de la trace d'huile au droit du rail du portail roulant du parking de l'hôtel Campanile à Marmande et qu'il s'en déduit le lieu précis du fracas du carter.

L'hôtelier reconnaît dans ses conclusions de première instance « un léger effritement du bitume au niveau du ralentisseur sur la partie droite » et « qu'un léger désordre est dû à la poussée d'une racine d'un arbre proche » ; la signalisation à la peinture jaune n'est pas entretenue et il n'est pas signalé alors que le rail dépasse le niveau du ralentisseur.

Pour prouver la négligence grave et la faute de l'hôtelier, les demandeurs rapportent le fait analogue du < 16 avril précédent au cours duquel un internaute client de l'hôtel en cause a écrit en commentaire sur le réseau 'booking. com' que « la rampe devant la porte d'entrée était cassée et le boulon du réservoir d'huile de mes amis a été arraché avec la conséquence que l'huile a coulé et la réparation nous a coûté fort cher ».

#2 Il est ainsi démontré le lien causal entre le ralentisseur avec son rail et la casse du bloc moteur.

Le demandeur rapporte donc la preuve qui lui incombe que l'hôtelier n'a pas employé tous les moyens nécessaires à la sécurisation des biens dans son établissement et a manqué à son obligation contractuelle envers les époux P. ; en conséquence, le jugement sera infirmé.

B) sur la responsabilité des époux P. :

#3 Sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, la victime est également responsable de sa propre faute.

L'hôtelier invoque la vitesse excessive de l'engin à l'abord de l'entrée du parking et fournit le témoignage de sa préposée Sonia P. directrice adjointe de l'hôtel : «'le 8 juin 2014'nous avons accueilli plusieurs motards à l'hôtel. Ces derniers n'ont eu aucun problème à rentrer sur le

parking, l'arrivée de M et Mme P. nous a fait lever la tête dû au bruit de la moto (vitesse ' accélération ') ».

Cet élément est, à lui seul, insuffisant à rapporter la preuve qui lui incombe de la faute d'imprudence des époux P..

2- Sur la réparation :

Le préjudice matériel s'élève au remplacement du bloc moteur fissuré par le frottement du dessous de caisse de la moto au passage sur le ralentisseur d'un montant de 2 188,26 euros et au prix du rapport de l'expert de 269,08 euros soit la somme de 2 457,34 euros.

Cette évaluation est justifiée au vu du rapport d'expertise et des pièces communiquées par l'expert de l'assureur D..

Le préjudice de jouissance s'élève au montant de 150 euros justifié selon le rapport d'expertise par la privation de la motocyclette durant les 3 jours de sa réparation.

Le principe du préjudice d'agrément n'est pas contestable de par l'interruption du voyage des époux P. et le montant de l'indemnisation est justifié à l'aune de la première demande amiable du 4 juillet 2014 de 1 000 euros.

En conséquence, l'hôtelier et son assureur seront condamnés 'in solidum' à payer aux époux P. les sommes de :

- 2 457,34 euros de réparations et frais d'expertise,

- 150 euros de préjudice de jouissance,

- 1 000 euros de préjudice d'agrément,

Avec les intérêts légaux à compter de la réception de la mise en demeure le 7 juillet 2014 à la charge solidaire de l'hôtelier et l'assureur, sauf la franchise générale de 1 000 euros selon les conditions particulières de la police du 22 février 2013 opposables au tiers victime en application de l'article L. 112-6 du code des assurances.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal d'instance de Marmande en date du 19 novembre 2015 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la société Lourdes Invest Hotels a manqué à son obligation de sécurité de moyen envers les époux H. et M.P. le 8 juin 2014 à l'hôtel Campanile de Marmande,

Condamne la société Lourdes Invest Hôtels à payer à Helmar et Monika P. les sommes de :

- 2 457,34 euros de réparations et frais d'expertise,

- 150 euros de préjudice de jouissance,

- 1 000 euros de préjudice d'agrément,

Avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2014,

Condamne 'in solidum' la société Axa France Iard au paiement des mêmes sommes et des mêmes intérêts sous déduction de la franchise de 1 000 euros,

Condamne la société Lourdes Invest Hôtel à payer à Helmar et Monika P. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Lourdes Invest Hôtel aux entiers dépens de première instance et d'appel.