CA Lyon, 6e ch., 22 janvier 2015, n° 13/04823
LYON
Ordonnance
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Club Méditerranée (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vieillard
Conseillers :
M. Goursaud, Mme Clerc
Avocats :
SELARL Laffly & Associes Lexavoue Lyon, Me Rigaud, Me Schweitzer
Exposé des faits
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 14 mai 2010 monsieur et madame D. ont acheté auprès de l'agence lyonnaise du
CLUB MED un séjour dans un village du CLUB MED sis à VILLARD SUR OLLON (SUISSE) pour la période du 7 août au 14 août 2010.
A l'issue du séjour le 14 août 2010 ils ont laissé leurs bagages dans le couloir devant leur chambre afin qu'ils soient acheminés au parking par le personnel.
Arrivés à leur domicile, les époux D. ont constaté qu'il leur manquait un sac à dos, et ont adressé un courriel à 23 heures 05 au village de vacances pour signaler la disparition de ce bagage.
Le 16 août 2010 ils recevaient un courriel de la réception du village de vacances les avisant que leur sac avait été retrouvé par un client qui l'avait rapporté.
Par courriel en réponse du même jour les époux D. après avoir demandé au préposé du village de vacances de vérifier le contenu du sac qui n'était pas muni d'un dispositif de sécurité (cadenas ) ont alors dénoncé la disparition de bijoux dont ils ont adressé la liste par courriel du même jour à 15 heures au village de vacances ;
Le 25 août 2010 ils ont déposé plainte contre X pour le vol de bijoux dont ils estimaient la valeur globale à 7315 € ;
Par courrier du 27 août 2010, comprenant en annexe leur dépôt de plainte, ils ont avisé la société CLUB MEDITERRANEE que le jour de leur départ du village de vacances ils leur avait été dérobé un sac à dos contenant des bijoux .
Par acte du 30 juillet 2012 les époux D. ont assigné la société CLUB MEDITERRANEE devant le tribunal d'instance de LYON à l'effet qu'elle soit condamnée, avec exécution provisoire , à leur rembourser la valeur de leurs bijoux, que le jugement à intervenir soit publié à ses frais dans le magazine UFC QUE CHOISIR , sans préjudice de frais irrépétibles et des dépens.
Par jugement contradictoire du 31mai 2013 ce tribunal a débouté les époux D. de leurs demandes et les a condamnés à payer à la société CLUB MEDITERRANEE la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, tout en jugeant n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de sa décision.
Le tribunal a retenu :
- que la preuve n'était pas rapportée que le sac à dos figurait au nombre des bagages pris en charge par le personnel devant leur porte de chambre et que par suite l'article 1952 du code civil n'avait pas lieu de s'appliquer
- que la responsabilité du CLUB MEDITERRANEE ne pouvait être retenue sur le fondement de l'article 1953 du code civil, les époux ne prouvant pas qu'ils ont déposé le sac entre les mains de l'hôtelier ou avoir averti celui-ci de la présence du sac dans un lieu précis destiné à l’accueillir, telle que leur chambre , ni davantage que ledit sac contenait des bijoux de valeur au moment où il a été laissé dans l'enceinte du village de vacances .
Par déclaration du < 13 juin 2013 enregistrée au greffe de la cour le 14 juin 2013, les époux D. ont relevé appel général de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions déposées électroniquement le 12 septembre 2013 les époux D. sollicitent au visa des articles 1134, 1952 et 1953 du code civil la réformation du jugement déféré, entendant voir la cour :
- juger que le dépôt des bagages devant leur chambre conformément aux instructions de l'hôtelier constitue un dépôt au sens de l'article 1953 du code civil
- juger que le vol est caractérisé, le sac à dos ayant été restitué vide de son contenu
- condamner la société CLUB MEDITERRANEE à leur payer la somme de 7 753 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du vol des bijoux, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation
- prononcer, à titre infiniment subsidiaire, un partage de responsabilité , le préjudice des époux D. devant être indemnisé à hauteur de 70%
- condamner la société CLUB MEDITERRANEE à leur payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec recouvrement par la SCP LAFFLY &ASSOCIES, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Les appelants font valoir :
- que l'hôtelier était dépositaire du sac et devait en assurer la sécurité dès lors qu'il avait donné pour instruction de laisser les bagages devant la porte des chambres pour qu'ils soient descendus au parking par les « GO »
- que la responsabilité de l'hôtelier est engagée, quelque soit la valeur des bagages, et qu'il importe peu que la présence des bijoux ne lui ait pas été signalée préalablement, cette omission n'étant pas constitutive d'une faute de leur part
- que la réalité du vol est attestée par leur dépôt de plainte.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 8 novembre 2013 la société CLUB MEDITERRANEE demande à la cour :
-à titre principal de déclarer l'appel des époux D. irrecevable
-à titre subsidiaire, de confirmer le jugement déféré
- en tout état de cause, y ajoutant , de condamner les époux D. à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec recouvrement par maître L., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'intimée fait valoir :
- que l'appel est irrecevable en ce que la déclaration d'appel est irrégulière en la forme, les mentions prescrites par l'article 901 du code de procédure civile n'étant pas respectées, ces omissions n'ayant pas été régularisées dans leurs conclusions
- que sa responsabilité ne peut être recherchée dès lors que les époux D. ne rapportent pas la preuve tant du dépôt que du vol de leur sac, et encore moins celle du contenu de celui ci
- que , même à considérer qu'ils rapportent cette preuve , les époux ont commis une faute d'imprudence ou de négligence qui l'exonère de sa responsabilité , en ne conservant pas avec eux leurs objets de valeur , en s'abstenant de remiser ceux-ci dans le coffre de l'hôtel et en laissant sans surveillance des effets de valeur dans un sac non fermé à clé.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé
exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 janvier 2014 et l'affaire plaidée le 25 novembre 2014, a été mise en délibéré à ce jour.
Motifs
MOTIFS
#1 Attendu que l'appel ayant été régularisé après le 1er janvier 2011 (date d'entrée en vigueur de l'article 954 du code de procédure civile modifié par l'article 11 du décret n 2009-1524 du 9 décembre 2009 lui-même complété par l'article14 du décret 2010-1647 du 28 décembre 2010) la cour ne doit statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des dernières conclusions des parties.
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu qu'il résulte notamment des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est seul compétent à compter de sa désignation et jusqu'à son dessaisissement pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; que les parties ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité après son dessaisissement à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.
Qu'en l'espèce la société CLUB MEDITERRANEE conclut à l'irrecevabilité de l'appel en excipant de l'irrégularité de la déclaration d'appel au regard des prescriptions de l'article 901 du code de procédure civile, soutenant l'absence dans celle-ci des mentions prescrites par l'article 58 dudit code, à savoir la profession, la nationalité , la date et le lieu de naissance de chacun des époux D. ;
#2 que la société CLUB MEDITERRANEE est donc irrecevable à soulever devant la cour l'irrecevabilité de l’appel, en ce qu'elle fonde cette fin de non-recevoir sur l'irrégularité de la déclaration d'appel, à savoir sur une cause survenue bien antérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état .
Sur le fond
#3 Attendu que selon l'article 1952 du code civil le dépôt de vêtements, bagages et objets divers apportés dans leur établissement par le voyageur qui loge chez eux, dont répondent les aubergistes ou hôteliers, doit être regardé comme un dépôt nécessaire , qui comme le prévoit l'article 1950 du même code, peut être prouvé par témoins.
#4 Attendu que dès lors qu'il y a contestation sur la réalité du dépôt, il appartient au client qui soutient avoir été victime du vol d'objets lors de son séjour à l'hôtel de justifier de la matérialité de ce dépôt, fût-ce par présomption .
Attendu qu'en l'espèce il est acquis par deux témoignages de clients ayant séjourné en août 2010 dans le même village de vacances que les époux D., que le jour du départ l'équipe du club avait donné pour consigne de laisser les bagages devant la porte des chambres pour qu'ils soient emmenés par les « GO » au parking ;
Que l'échange de mails et de courriers entre les parties permet également d'établir que des clients se sont manifestés auprès de la réception du village de vacance le 15 août 2010 pour signaler qu'ils avaient récupéré un sac qui ne leur appartenait pas et que le sac à dos litigieux des époux D. avait été ainsi restitué à la réception le 16 août 2010 .
Que pour autant, alors même que la preuve est libre, les époux D. ne démontrent pas , d'une part , que le sac à dos figurait effectivement au nombre des bagages laissés à la porte de leur
chambre le jour du départ et , de seconde part , que les bijoux litigieux se trouvaient bien dans le sac à dos le14 août 2010;
#5 que reste insuffisant à engager la responsabilité du CLUB MEDITERRANEE le seul fait que le dommage allégué soit justifié par la production de factures détaillant la consistance et la valeur des bijoux prétendument volés , dès lors que les époux D. ne prouvent pas avoir réellement déposé dans la chambre qui leur était affectée durant leur séjour lesdits bijoux et , par conséquent, encore moins que ces bijoux ont été laissés dans le couloir devant leur chambre dans le sac à dos le jour du départ ;
Qu’ainsi aucun élément de preuve ne vient établir que les époux D. avaient effectivement emmené les bijoux litigieux sur le lieu de leur séjour , ceux-ci ne communiquant pas notamment des témoignages rapportant les avoir vu arborer tout ou partie de ces bijoux , la présence de bijoux d'une valeur de plus de 7000 € ne pouvant pas d'emblée se présumer dans le cadre d'un séjour estival à la montagne ;
Que pas davantage la présence de ces bijoux n'a pu être attestée par le village de vacances, les époux D. n'alléguant pas avoir sollicité de les déposer en sécurité dans le coffre de l'établissement hôtelier .
Attendu que les époux D. s'abstiennent par ailleurs de justifier du lieu précis de la disparition du sac à dos indépendamment du fait qu'il ne peut être vérifié que ledit sac a bien été transporté jusqu'au parking par les préposés du CLUB MEDITERRANEE avec leurs autres bagages ;
Qu’ainsi il n'est pas justifié de ce que le sac à dos a été soustrait frauduleusement par un tiers précisément sur le parc de stationnement du CLUB MEDITERRANEE qui avait la jouissance privative de ce lieu réservé à la clientèle ;
Qu’en effet restent indéterminées les circonstances exactes dans lesquelles des clients ont été amenés à se retrouver en possession du sac à dos litigieux dont ils ont dès le 15 août 2010 signalé la présence, sans que cet état de fait permette de retenir une faute à l'encontre du CLUB MEDITERRANEE ;
Que faute de caractériser le lieu précis de la commission du vol allégué, la responsabilité du CLUB MEDITERRANEE ne peut être recherchée sur le fondement des articles 1952 et 1953 du code civil ;
#6 qu'enfin le dépôt de plainte des époux D. reste, à lui seul , insuffisant à faire la preuve du dépôt nécessaire des bijoux au sens de l'article 1952 du code civil et de la soustraction frauduleuse de leur sac à dos , les services de police n'ayant fait que retranscrire leurs doléances personnelles .
Attendu qu'en définitive les éléments de preuve soumis à la cour ne permettent pas d'établir la matérialité du dépôt des bijoux et la réalité de leur vol, de sorte que s'avère être sans emport la discussion instaurée par les parties sur la portée des clauses de non responsabilité figurant dans la brochure commerciale du CLUB MEDITERRANEE concernant les objets de valeur .
#7 Attendu qu'ensuite le partage de responsabilité sollicité à titre subsidiaire par les époux D. n'a pas lieu d'être accueilli, la responsabilité du CLUB MEDITERRANEE n'étant pas établie au regard des dispositions des articles 1952 et 1953 du code civil, en l'absence de preuve du dépôt des bijoux et de leur vol dans le village de vacance;
Qu’en tout état de cause , les époux D. en laissant ainsi qu'ils l'affirment , des bijoux de valeur dans un sac à dos à la porte de leur chambre , ont méconnu les règles élémentaires de prudence dès lors que ce sac à dos n'était pas sécurisé par un système de fermeture prohibant son ouverture par des tiers ;
Qu’en s'abstenant de conserver avec eux leurs objets de valeur , étant observé que les bijoux allégués volés étaient de faible encombrement , les époux D. ont participé à la réalisation de leur entier préjudice .
Attendu que le jugement querellé sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Attendu que l'application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée comme ne se justifiant pas en cause d'appel à l'égard de l'une ou l'autre des parties.
#8 Attendu que les époux D., qui succombent, doivent supporter les dépens de la procédure d'appel et que les mandataires de l'intimée, qui en ont fait la demande, pourront les recouvrer par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré,
Déclare la SA CLUB MEDITERRANEE irrecevable à dénoncer devant la cour le caractère irrégulier de l'appel des époux D.,
Confirme la décision déférée,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
Condamne monsieur et madame D. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.