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Décisions

CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 12 octobre 2022, n° 21/00533

BASTIA

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Giovellina (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gilland

Conseillers :

Mme Deltour, Mme Molies

Avocats :

Me Alessandri, Me Pellegri

JEX Bastia, du 8 juill. 2021, n° 19/0000…

8 juillet 2021

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Suivant acte d'huissier du 18 décembre 2018, M. [C] [P] a fait citer la S.A.R.L. Giovellina devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bastia aux fins de voir:

- déclarer la demande de M. [C] [P] recevable et bien fondée,

- constater que M. [C] [P] avait réglé la somme principale de 6 500 euros avant que la saisie-attribution délivrée par acte de la S.C.P. [Z], huissier de justice à [Localité 8], en date du 29/11/2018, la S.A.R.L. Giovanella entre les mains de la BNP Paribas à [Localité 8],

En conséquence,

- dire et juger que la saisie pratiquée le 29/11/2018 par la S.A.R.L. Giovanella entre les mains de la BNP Paribas de [Localité 8], fructueuse à hauteur de 4 706,91 euros, S.B.I. non déduit, sur les comptes [XXXXXXXXXX02] et [XXXXXXXXXX01], est sans cause, n'est pas valable, nulle et de nul effet,

- dire et juger que la S.A.R.L. Giovanella devra procéder à la mainlevée immédiate de cette saisie-attribution et ce, à ses frais exclusifs,

- dire et juger que l'injonction et commandement aux fins de saisie-vente délivrée le 18/10/2018 à 17h12 par la S.A.R.L. Giovanella est sans cause, n'est pas valable, nulle et de nul effet,

En tout état de cause,

- condamner la S.A.R.L. Giovanella à verser au requérant la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts en application de l'article L121-2 du code de procédure civile d'exécution,

- condamner la S.A.R.L. Giovanella à verser à M. [C] [P] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- entendre ordonner la notification, par les services du secrétariat-greffe, de la décision à intervenir, laquelle sera susceptible d'appel dans les quinze jours de cette notification,

- entendre ordonner l'exécution provisoire, au vu de la seule minute, du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours et sans caution, vu l'urgence,

- s'entendre enfin la partie défenderesse condamner en tous les dépens.

Par décision du 8 juillet 2021, le juge de l'exécution du tribunal de judiciaire de Bastia a :

- débouté M. [P] de sa demande de nullité du commandement aux fins de saisie vente délivré le 18 octobre 2018,

- annulé la saisie-attribution pratiquée par la S.A.R.L. Giovellina le 28 novembre 2018 et dénoncée le 3 décembre 2018 à M. [C] [P] pour absence de cause,

- jugé la saisie annulée abusive,

- constaté que la S.A.R.L. Giovellina a qualité et droit d'agir en liquidation d'astreinte contre M. [C] [P],

- jugé l'action en liquidation d'astreinte prescrite,

- jugé les demandes présentées à ce titre par la S.A.R.L. Giovellina irrecevables,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina à payer à M. [C] [P] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina aux dépens,

- rappelé que la présente décision est de droit assorti de l'exécution provisoire,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina à payer à M. [C] [P] une somme de 1 500 € en réparation du préjudice subi.

Suivant déclaration enregistrée le 13 juillet 2021, la S.A.R.L. Giovellina a interjeté appel de la décision susvisée en ce qu'elle a :

- annulé la saisie-attribution pratiquée par la S.A.R.L. Giovellina le 28 novembre 2018 et dénoncée le 3 décembre 2018 à M. [C] [P] pour absence de cause,

- jugé la saisie annulée abusive,

- jugé l'action en liquidation d'astreinte prescrite,

- jugé les demandes présentées à ce titre par la S.A.R.L. Giovellina irrecevables,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina à payer à M. [C] [P] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina aux dépens,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina à payer à M. [C] [P] une somme de 1 500 € en réparation du préjudice subi.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 22 septembre 2021, la S.A.R.L. Giovellina, régulièrement représentée, a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté M. [P] de sa demande de nullité du commandement aux fins de saisie vente délivrer le 18 octobre 2018,

- constaté que la S.A.R.L. Giovellina a qualité et droit d'agir en liquidation d'astreinte contre M. [C] [P],

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- annulé la saisie-attribution pratiquée par la S.A.R.L. Giovellina le 28 novembre 2018 et dénoncée le 3 décembre 2018 à M. [C] [P] pour absence de cause,

- jugé la saisie annulée abusive,

- jugé l'action en liquidation d'astreinte prescrite,

- jugé les demandes présentées à ce titre par la S.A.R.L. Giovellina irrecevables,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina à payer à M. [C] [P] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina aux dépens,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina à payer à M. [C] [P] une somme de 1 500 € en réparation du préjudice subi,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

- sur la saisie-attribution du 29 novembre 2018 :

- juger que la saisie-attribution du 29 novembre 2018 n'est pas abusive au sens de l'article L121-2 du code des procédures civiles d'exécution,

En conséquence,

- débouter M. [C] [P] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

- Sur l'action de la S.A.R.L. Giovellina en liquidation des astreintes,

A titre principal,

- juger que l'action en liquidation d'astreinte se prescrit par dix ans en application de l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution,

A titre subsidiaire,

- juger que l'action en liquidation d'astreinte se prescrit par cinq ans à compter du jour où la condamnation assortie de l'astreinte est devenue définitive en application de l'article 2224 du code civil,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que l'action en liquidation d'astreinte se prescrit, en application de l'article 2224 du code civil, par cinq ans à compter du jour où le créancier est en mesure de savoir que le débiteur refuse de mauvaise foi et sans raison d'exécuter l'obligation qui lui incombe,

En conséquence et en toute hypothèse,

- juger l'action en liquidation d'astreinte exercée par la S.A.R.L. Giovellina non prescrite,

- juger les demandes présentées à ce titre par la S.A.R.L. Giovellina recevables,

- condamner M. [C] [P] à payer à la S.A.R.L. Giovellina la somme de 490 950 € au titre de l'astreinte définitive assortissant l'obligation de démolition pour la période du 26 août 2011 au 22 septembre 2021,

- porter le montant de cette astreinte définitive à 200 € à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait exécution du jugement du 28 juin 2011,

- condamner M. [C] [P] à payer à la S.A.R.L. Giovellina la somme de 481 800 € au titre de l'astreinte définitive assortissant l'obligation d'édification pour la période du 26 octobre 2011 au 22 septembre 2021,

- porter le montant de cette astreinte à 200 € à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait exécution du jugement du 28 juin 2011,

- condamner M. [C] [P] à payer à la S.A.R.L. Giovellina la somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [C] [P] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 21 octobre 2021, M. [C] [P] a demandé à la juridiction d'appel de :

INFIRMER le jugement en date du 08/07/2021, RG n°19/00001, rendu par le Juge de l'exécution près du Tribunal judiciaire de BASTIA, en ce qu'il a :

AU FOND

AU PRINCIPAL

- débouté M. [P] de sa demande de nullité du commandement aux fins de saisie vente délivré le 18 octobre 2018,

CONFIRMER le jugement en date du 08/07/2021, RG n°19/00001, rendu par le Juge de l'exécution près du Tribunal judiciaire de BASTIA, en ce qu'il a :

IN LIMINE LITIS

- constaté que la S.A.R.L. Giovellina a qualité et droit d'agir en liquidation d'astreinte contre M. [C] [P],

- jugé l'action en liquidation d'astreinte prescrite,

- jugé les demandes présentées à ce titre par la S.A.R.L. Giovellina irrecevables,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina à payer à M. [C] [P] une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.R.L. Giovellina aux dépens,

- rappelé que la présente décision est de droit assorti de l'exécution provisoire,

CONFIRMER le jugement en date du 08/07/2021, RG n°19/00001, rendu par le Juge de l'exécution près du Tribunal judiciaire de BASTIA, en ce qu'il a :

AU FOND

AU PRINCIPAL

- annulé la saisie-attribution pratiquée par la S.A.R.L. Giovellina le 28 novembre 2018 et dénoncée le 3 décembre 2018 à M. [C] [P] pour absence de cause,

- jugé la saisie annulée abusive,

- Condamné la SARL GIOVELLINA à payer à Monsieur [P] en réparation du préjudice subi

Et,

STATUANT A NOUVEAU

- Déclarer la demande de Monsieur [C] [P] recevable et bien fondée ;

IN LIMINE LITIS

- Déclarer irrecevables toutes les conclusions déposées par la SARL GIOVELLINA antérieurement à la date du 07/09/2020, date à laquelle elle a acquis la qualité et le droit d'agir pour l'action en liquidation d'astreinte, aux termes de l'acte rectificatif dressé par Maître [N], pour défaut de qualité à agir et de droit d'agir ;

AU FOND

AU PRINCIPAL

Concernant l'injonction et le commandement aux fins de saisie-vente délivrée le 18/10/2018 à 17h12, par la SARL GIOVELLINA :

- Annuler l'injonction et le commandement aux fins de saisie-vente délivrée le 18/10/2018 à 17h12, par la SARL GIOVELLINA, comme étant sans cause, non valables, nuls et de nul effet ;

Concernant la saisie-attribution pratiquée le 29/11/2018 par la SARL GIOVELLINA entre les mains de la BNP PARIBAS de [Localité 8], fructueuse à hauteur de 4.706,91 €, SBI non déduit, sur les comptes [XXXXXXXXXX02] et [XXXXXXXXXX01] :

- Constater que Monsieur [C] [P] avait réglé la somme principale de 6.500,00 € avant la saisie-attribution délivré par acte de la SCP [O] ' [O], huissier de justice à [Localité 8], en date du 29/11/2018, la SARL GIOVELLINA entre les mains de la BNP PARIBAS à [Localité 8] ;

- Annuler la saisie-attribution pratiquée le 29/11/2018 par la SARL GIOVELLINA entre les mains de la BNP PARIBAS de [Localité 8], fructueuse à hauteur de 4.706,91 €, SBI non déduit, sur les comptes [XXXXXXXXXX02] et [XXXXXXXXXX01], comme étant sans cause, non valable, nulle et de nul effet ;

- Condamner la SARL GIOVELLINA à verser au requérant la somme de 4.000,00 € de dommages et intérêts en application de l'article L 121-2 du Code de procédure civile d'exécution, en réparation du préjudice subi, pour saisie abusive, injustifiée et irrecevable ;

AU FOND

AU PRINCIPAL

Si par extraordinaire,

La Cour ne retenait pas « in limine litis » la prescription de l'action en liquidation d'astreinte de la SARL GIOVELLINA pour quelque raison que ce soit :

Concernant la demande reconventionnelle en liquidation d'astreinte par la SARL GIOVELLINA

- Constater que les travaux de démolition de ce mur seraient titanesques ;

- Constater que les travaux de démolition de ce mur mettraient en péril le mur du lotissement voisin et déstabiliseraient la route d'accès à ce lotissement, qu'il faudrait entièrement refaire ;

- Constater que le Tribunal de grande instance, lui-même, a alerté sur les difficultés qu'occasionneraient les travaux de démolition de ce mur ;

Et en conséquence,

- Déclarer que Monsieur [P] est dans l'impossibilité d'exécuter la démolition d'un mur dont les voisins ne veulent pas la démolition et dont le propriétaire réel n'a pas été informé des conséquences catastrophiques de sa destruction par la SARL GIOVELLINA ;

- Déclarer que Monsieur [P] est dans l'impossibilité de procéder une démolition dont les difficultés sont tellement importantes qu'elles équivalent à une impossibilité d’exécution ;

- Déclarer que Monsieur [P] est dans l'impossibilité de procéder à la démolition d'un mur qui mettrait en péril le mur du lotissement voisin et déstabiliseraient la route d'accès à ce lotissement, qu'il faudrait entièrement refaire, ce qui équivaut à une impossibilité d'exécution ;

- Ordonner la suppression totale de l'astreinte ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

- Débouter la Société à responsabilité limitée GIOVELLINA de sa demande de liquidation d'astreinte et de voir « porter » l'astreinte à une somme supérieure jusqu'à parfaite exécution ;

- Débouter la Société à responsabilité limitée GIOVELLINA de sa demande de condamnation de Monsieur [P] à hauteur de 490.950,00 € au titre de la liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation de démolition pour la période du 26/08/2011 au 22/09/2021 ;

- Débouter la Société à responsabilité limitée GIOVELLINA de sa demande de voir

« Porter » cette astreinte définitive à 200 € à compter du 23/09/2021 jusqu'à parfaite exécution du jugement du 28/06/2011 ;

- Débouter la Société à responsabilité limitée GIOVELLINA de sa demande de condamnation de Monsieur [P] à hauteur de 480.800,00 € au titre de la liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation de d'édification pour la période du 26/10/2011 au 22/09/2021 ;

- Débouter la Société à responsabilité limitée GIOVELLINA de sa demande de voir « Porter » cette astreinte définitive à 200 € à compter du 23/09/2021 jusqu'à parfaite exécution du jugement du 28/06/2011 ;

- Condamner la SARL GIOVELLINA à verser à Monsieur [C] [P] la somme de 6.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant ordonnance du 30 mars 2022, le conseiller chargé de la mise en état a :

- débouté la S.A.R.L. Giovellina de sa demande en incident visant à voir déclarer irrecevable l'appel incident formé par M. [P],

- déclaré recevable l'appel incident, formé par M. [P], tendant à infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de nullité du commandement aux fins de saisie vente délivrer le 18 octobre 2018,

- renvoyé l'affaire à la conférence du 25 mai 2022 pour clôture,

- débouté M. [C] [P] de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 25 mai 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 16 juin 2022 à 8 heures 30.

Le 16 juin 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Sur la demande de nullité du commandement aux fins de saisie vente délivré le 18 octobre 2018 :

M. [P] explique avoir déjà versé la somme de 3 500 euros courant décembre 2013 et ignorer l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 juin 2018 lorsque le commandement aux fins de saisie-vente du 18 octobre 2018 a été délivré ; il conclut dès lors à la nullité dudit commandement.

Il souligne par ailleurs n'avoir reçu aucune demande amiable préalable à l'acte d'huissier.

La S.A.R.L. Giovellina ne répond pas sur ce point.

Au terme de l'article L221-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.

Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d'opposition.

Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d'habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l'exécution.

En l'espèce, ainsi que l'a relevé le premier juge, le commandement aux fins de saisie-vente a été signifié à M. [P] le 18 octobre 2018 à 17 heures 12, soit après la signification de l'arrêt rendu le 28 juin 2018 par la Cour de cassation, intervenue le 18 octobre 2018 à 17 heures 10.

La somme de 3 000 euros réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sur le fondement de l'arrêt visé du 28 juin 2018 était donc exigible et pouvait fonder un acte d'exécution, aucun délai n'étant imposé par la loi entre la signification du titre exécutoire et celle des actes d'exécution.

Or à la date du 18 octobre 2018, seule la somme de 3 500 euros avait été réglée suivant chèque émis le 28 novembre 2013 débiter le 6 décembre suivant, de sorte que la somme principale de 3 000 euros restait due.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a considéré que le commandement aux fins de saisie-vente du 18 octobre 2018 était causé et en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de nullité dudit commandement.

Sur la nullité de la saisie attribution du 28 novembre 2018

Au terme de l'article L111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

En premier lieu, il convient de relever que si la S.A.R.L. Giovellina sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé la saisie attribution pratiquée le 29 novembre 2018, elle ne développe aucun moyen au soutien de sa demande et ne sollicite pas le rejet de la demande de M. [P] tendant à la nullité de ladite saisie.

D'autre part, ainsi que l'a souligné le premier juge, l'ensemble du principal visé à hauteur de 6 500 sur l'acte de saisie avait été réglé au 28 novembre 2018 au moyen d'un premier chèque de 3 500 euros débité le 28 novembre 2013 et d'un second chèque débité le 8 novembre 2018.

La saisie-attribution ne pouvait dès lors être pratiquée, faute de créance liquide et exigible.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la voie d'exécution.

Sur l'abus de saisie

La société appelante soutient que la condamnation du créancier au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L121-2 du code des procédures civiles d'exécution est subordonne à la démonstration d'une faute du créancier caractérisant un abus de saisie ayant causé un préjudice au débiteur.

Elle ajoute qu'il ne serait démontré ni l'existence d'une faute constitutive d'un abus de saisie, ni celle d'un quelconque préjudice.

Elle précise à ce titre que la saisie attribution a été effectuée postérieurement au paiement des sommes dues par M. [P] en raison d'un concours de circonstances lié à un défaut de communication entre les différents intervenants, et explique que l'huissier de justice n'était pas informé du règlement intervenu courant novembre 2018 par l'intermédiaire des avocats, alors que M. [P] devait revenir vers l'huissier.

Elle souligne avoir pris en charge l'ensemble des frais afférents à la saisie, ce qui démontrerait sa bonne foi et l'absence de préjudice de M. [P].

En réponse, M. [P] observe que la saisie-attribution du 29 novembre 2018 a été pratiquée 20 jours après le paiement de l'intégralité des sommes dues, sans prendre en compte le paiement de la somme de 3 500 euros intervenu courant décembre 2013.

Il ajoute que la condamnation de la S.A.R.L. Giovellina à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts permettra de couvrir tous les frais et intérêts accessoires engendrés par la saisie injustifiée, tant au regard des paiements intervenus qu'au regard de l'absence de qualité et de droit d'agir de la société en l'état des ventes intervenues.

L'article L111-7 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

En application de cette disposition, la mise en œuvre d'une mesure d'exécution forcée ne dégénère en abus, sauf disposition particulière, que s'il est prouvé que le créancier a commis une faute.

En l'espèce, si la société appelante explique la saisie-attribution du 29 novembre 2018 par un concours de circonstances duquel il serait résulté sa connaissance tardive du paiement de la somme restant due de 3 000 euros, il sera observé que l'acte d'exécution forcée vise expressément un acompte de 3 000 euros dans l'encadré mentionnant les sommes dues.

La société appelante était donc parfaitement informée de ce paiement de 3 000 euros survenu le 8 novembre 2018.

En revanche, elle n'a pas tenu compte du paiement passé de la somme de 3 500 euros intervenu le 6 décembre 2013 alors qu'elle en avait également connaissance.

D'autre part, malgré l'assignation délivrée le 18 décembre 2018 et le courriel du 21 décembre 2018 versé au débat au terme duquel la S.A.R.L. Giovellina reconnaît avoir perçu les sommes de 3 500 euros en janvier 2014 et 3 000 euros en novembre 2018, la mainlevée de la saisie-attribution n'est intervenue que le 6 février 2019.

La faute du créancier est donc démontrée, l'abus de saisie est caractérisé.

M. [P] ne produit toutefois aucun élément pour établir la réalité et le quantum du préjudice allégué.

En l'état, le préjudice subi consiste en l'immobilisation des sommes saisies - soit la somme totale de 4 706,91 euros SBI non déduit- entre le 29 novembre 2018 et le 9 février 2018.

Dans ces conditions, le premier juge a fait une parfaite appréciation des faits de l'espèce en allouant à M. [P] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la liquidation de l'astreinte

Sur la demande tendant à déclarer irrecevables les conclusions déposées par la S.A.R.L. Giovellina avant le 7 septembre 2020 :

Il convient de relever que les débats devant le premier juge se sont tenus le 8 juillet 2021, de sorte que les conclusions déposées avant le 7 septembre 2020 concernent nécessairement la première instance.

Or M. [P] n'a présenté aucune demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions de la S.A.R.L. Giovellina devant le premier juge qui, seul, a le pouvoir d'écarter de telles écritures.

En l'absence de décision du premier juge à ce titre, la cour, qui n'est pas saisie de ces conclusions, ne peut les déclarer irrecevables.

M. [P] sera donc débouté de sa demande sur ce fondement.

Sur la prescription de la demande

La société appelante soutient en premier lieu que l'action en liquidation d'astreinte vise à obtenir l'exécution d'une décision de justice et est soumise, comme telle, à la prescription décennale de l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Elle fait valoir que le jugement du 28 juin 2011 a été signifié le 25 juillet 2011, de sorte que la prescription décennale aurait commencé à courir à compter du 26 juillet 2011 et que la demande en liquidation d'astreinte formulée au terme de conclusions notifiées le 7 mars 2019 n'était pas prescrite.

A titre subsidiaire, si la cour devait retenir une prescription quinquennale, la S.A.R.L. Giovellina affirme que le bénéficiaire d'une décision de justice qui prononce une condamnation assortie d'une astreinte n'est en mesure de connaître l'étendue exacte de ses droits au titre de l'astreinte ordonnée qu'après l'expiration de l'ensemble des voies de recours, sans que le caractère exécutoire des décisions n'ait d'incidence.

A titre infiniment subsidiaire, la société appelante rappelle que l'action en liquidation d'astreinte suppose l'inexécution de son obligation par le débiteur. Elle relève que l'exécution provisoire attachée au jugement du 28 juin 2011 a été suspendue au terme d'une ordonnance de référé du premier président du 28 février 2012, de sorte qu'elle ne pouvait alors savoir si M. [P] refusait d'exécuter de mauvaise foi la première décision ou si son inexécution était justifiée au regard de l'appel en cours. Elle estime que le refus de M. [P] d'exécuter la décision ne s'est clairement manifester qu'au terme de l'ordonnance de radiation rendue le 27 mars 2014 par le conseiller délégué du premier président de la cour de cassation.

En réponse, M. [P] indique que la parcelle litigieuse a été vendue à la S.C.I. Ragui au terme d'un acte reçu le 3 juillet 2007, précisant que l'acquéreur était subrogé dans tous les droits et actions du vendeur à l'égard de la procédure en cours.

Il en déduit que la S.A.R.L. Giovellina ne disposait plus de la qualité à agir et du droit d'agir à compter de cette date et jusqu'à l'acte rectificatif du 7 septembre 2020, de sorte que seules les conclusions notifiées le 17 septembre 2020 pourraient lui servir de base pour l'action en liquidation d'astreinte.

Il affirme par ailleurs qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l'action en liquidation d'une astreinte est soumise à la prescription quinquennale de droit commun ; il précise également que le point de départ du délai de prescription correspond au jour de l'expiration du délai imparti pour exécuter la mesure de démolition, soit le 26 octobre 2011 en l'espèce ou le 15 août 2018 si l'arrêt de la cour d'appel du 10 avril 2013 devait être retenu.

Il convient de rappeler que l'astreinte ne constitue pas une mesure d'exécution forcée, mais une mesure accessoire à une condamnation à l'exécution d'une obligation principale, prononcée par le juge, pour inciter le débiteur à s'exécuter.

En tant que telle, elle est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil prévue pour les actions personnelles et mobilières, et non au délai de prescription décennal applicable à l'exécution des titres exécutoires judiciaires prévu par l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, l'astreinte a été ordonnée au terme d'un jugement rendu le 28 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Bastia assorti de l'exécution provisoire en ces termes :

"Ordonne la démolition du mur construit par M. [C] [P] sur la propriété de la S.A.R.L. Giovellina sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement à venir,

Condamne M. [C] [P] à faire édifier à la place du mur détruit, en limite de sa propriété un mur de soutènement conforme aux règles de l'art dans le délai de trois mois à compter de la signification du jugement à venir, sous astreinte journalière de 150 euros par jour de retard."

L'arrêt de l'exécution provisoire a été prononcée suivant ordonnance du premier président de la cour d'appel de Bastia du 28 février 2012 et un arrêt confirmatif est intervenu le 10 avril 2013, signifié le 28 mai suivant.

Cette décision a été frappée d'un pourvoi qui a été rejeté le 28 juin 2018 par la Cour de cassation.

Il ressort des déclarations des parties que les travaux de démolition n'ont jamais été entrepris.

Eu égard à l'arrêt de l'exécution provisoire, à l'arrêt confirmatif intervenus et à l'absence d'effet suspensif du pourvoi en cassation, il convient de prendre en compte la date de signification de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bastia pour déterminer le point de départ du délai de prescription des deux astreintes prononcées.

L'arrêt ayant été signifié le 28 mai 2013, l'astreinte assortissant l'obligation de démolition a commencé à courir le mois suivant, soit le 28 juin 2013, tandis que l'astreinte assortissant l'obligation de reconstruction a commencé à courir dans le délai de trois mois suivant, soit le 28 août 2013.

Il appartenait à la S.A.R.L. Giovellina d'introduire sa demande en liquidation d'astreinte dans le délai de cinq années suivant ces dates ou, à tout le moins, de délivrer des actes interruptifs de prescription afin de préserver ses droits, et ce, en dépit de l'existence d'un pourvoi en cassation.

Or tel n'a pas été le cas puisque la société appelante se prévaut d'un premier acte interruptif d'instance le 7 mars 2019.

La demande en liquidation d'astreinte présentée au titre de la démolition est par conséquent prescrite depuis le 29 juin 2018, tandis que celle présentée au titre de la reconstruction est prescrite depuis le 29 août 2018.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a jugé prescrite l'action en liquidation d'astreinte.

Sur les autres demandes

La S.A.R.L. Giovellina, qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens.

Il n'est pas équitable de laisser à M. [P] les frais irrépétibles non compris dans les dépens; la S.A.R.L. Giovellina sera dès lors condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la S.A.R.L. Giovellina sera déboutée de sa demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Déboute M. [C] [P] de sa demande visant à voir déclarer irrecevables les conclusions déposées par la S.A.R.L. Giovellina antérieurement au 7 septembre 2020,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la S.A.R.L. Giovellina aux dépens de l'instance,

Condamne la S.A.R.L. Giovellina à payer à M. [C] [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.